Un autre grand objectif de la durabilité sociale est la création d’emplois. De nom-
breux auteurs soulignent la forte capacité actuelle des services à créer des emplois2.
Cette capacité a été expliquée dans un premier temps par la faiblesse des gains de
productivité dans les services (Baumol, 1966). Cette explication n’est pas suffisante.
D’une part, il semblerait que la mesure de la productivité dans les services ne reflète
pas le potentiel de performance de ces activités, car cette mesure ne correspondrait
pas à la nature des services (c’est ce que nous développerons dans la deuxième
partie) ; d’autre part, ce constat de la croissance des emplois dans les services est à
nuancer car toutes les catégories de service ne devraient pas continuer à obtenir une
telle croissance si un modèle de croissance durable est progressivement mis en
place (Gadrey, 2008). Selon cet auteur, les services les plus socialement durables
(les services qui répondent à des besoins sociaux et des besoins de proximité) de-
vraient continuer à créer des emplois. Il s’agit des services précédemment cités ré-
pondant à la durabilité sociale. En revanche, les services peu durables dans leur di-
mension écologique devraient voir leur nombre d’emplois diminuer. En effet, la
recherche d’une croissance moins consommatrice en ressources naturelles et éner-
gétiques, et moins « matérielle » créerait des emplois dans des secteurs actuelle-
ment peu créateurs d’emploi, comme l’agriculture (les produits verts étant plus exi-
geants en emploi) ; dans les métiers associés aux énergies renouvelables (comme le
bâtiment ou les services énergétiques, etc.) et dans les services précédemment cités
répondant à la durabilité sociale. Dans cet article de 2008, J. Gadrey propose une
typologie des services « perdants » et « gagnants » en emploi. Cette typologie fine3 ,
peut être considérée comme une autre typologie incluant les services durables.
Service et durabilité écologique
La question de la durabilité écologique est apparue suite à la prise de conscience
selon laquelle le rapport homme-nature s’est modifié. Avant, la nature donnait les
moyens de produire mais on ne se souciait pas ou peu des problèmes
d’irréversibilité. Aujourd’hui, les acteurs ont pris conscience des effets à long terme
de leurs prises de décisions actuelles ainsi que de l’impact à la fois local et global de
ces effets.
La réflexion sur la durabilité écologique a commencé par être appliquée à
l’agriculture et à l’industrie. L’économie écologique a d’ailleurs ignoré l’économie des
services (à l’exception des transports) (Gadrey, 2008). Le développement durable
conserve de ce fait une « connotation industrielle » (Djellal Gallouj, 2009). Les ser-
vices sont pourtant aussi porteurs d’externalités négatives.
Dans les services, l’apparition du développement durable a ainsi plutôt été un dé-
clencheur des actions en faveur de l’environnement. Par conséquent, ces actions
sont surtout curatives ou défensives. Cela se traduit dans les entreprises, par la mise
en place d’indicateurs de développement durable souvent déjà standardisés (ex :
consommation en CO2 du parc de véhicule de l’entreprise, réduction des ressources
2 En trente ans, les entreprises de services ont créé 3,5 millions d’emplois en France (solde net du
pays = 2,8 millions d’emplois) (Djellal, Gallouj, 2007)
3 Tableau non repris ici