Revue Médicale Suisse
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survenant au plus tôt 48 heures après l’injection. L’inter-
prétation, consistant en la mesure du diamètre transverse
de l’induration (M 1 mm de hauteur), faite idéalement 72
heures (et jusqu’à sept jours) après l’inoculation, a long-
temps été définie en fonction du risque relatif d’infection
dans des groupes de population. Les nouvelles directives
internationales considèrent actuellement toute réaction
M 5 mm comme positi ves, indépendamment de l’âge et
du contexte clinique. Cette nouvelle interprétation tient
compte du fait que la pro portion de personnes vaccinées
contre le BCG est en cons tante diminution.3-5 Il est à signa-
ler qu’un délai trop court (l 8 semaines) entre la réalisa-
tion du test et l’exposition entraînera un test négatif.6,7 Les
autres causes de faux négatifs incluent les problèmes tech-
niques (stockage, injection de quantité trop faible de tu-
berculine, mauvaise interpréta tion du test) ou biologiques,
comprenant de manière non exhaustive plusieurs patholo-
gies dont la tuberculose active pulmonaire et notamment
la tuberculose miliaire, les états d’immunosuppression ac-
quise ou passagère dans le con texte de l’infection VIH, les
infections virales (rougeole, rubéole, varicelle), une vacci-
nation récente (ROR) et l’insuffisan ce rénale terminale. Si
la sensibilité du test est insuffisante, il en est de même
pour sa spécificité. En effet, le test tuber culinique est in-
fluencé par l’exposition antérieure au vaccin
M. bovis
BCG,
par la colonisation ou l’infection préalable aux mycobacté-
ries de l’environnement et par l’utilisation antérieure répé-
tée de la tuberculine.8,9
Interferon-Gamma Release Assays (IGRA)
Ces tests sont fondés sur la mesure in vitro de la libé-
ration d’interféron gamma (IFN-g) par des lymphocytes T
périphériques, stimulés par des antigènes spécifiques de
M. tuberculosis
correspondant aux peptides ESAT-6
(Early
Secreted Antigenic Target 6)
, TB7.7 et CFP-10
(Culture Filtrate
Protein 10)
. Les IGRA sont représentés par deux tests com-
merciaux, enregistrés par Swissmedic. Le test ELISA Quanti-
FERON-TB Gold In-Tube (QFT-GIT ; Cellestis Limited, Austra-
lia) et le test T-SPOT-TB (T-SPOT ; Oxford Immunotec ; Abing-
ton, UK). Le premier (QuantiFERON-TB) se pratique sur du
sang total et mesure par ELISA la concentration d’IFN-g se-
crétée par les lymphocytes T en réponse à la stimulation par
les peptides ESAT-6, CFP-10 et TB7.7. Le second (T-SPOT-TB)
quantifie par ELISPOT le nombre de lymphocytes produi-
sant de l’IFN-g après avoir été stimulés par les peptides
ESAT-6 et CFP-10. Il est important de souligner que malgré
leur fiabilité, ces tests impliquent plusieurs contraintes qui,
si elles ne sont pas respectées, invalident le test. Celles-ci
incluent le temps d’incubation prolongé (16-24 heures), le
transport et le conditionnement adéquat des tubes, la né-
cessité de contrôles positif et négatif pour chaque test, et un
personnel de laboratoire formé.
Les IGRA ont une spécificité supérieure au test tubercu-
linique de par le fait que les antigènes (ESAT-6, TB7.7 et
CFP-10) utilisés sont codés par des gènes absents de la
souche vaccinale
M. bovis
BCG et de la majorité des myco-
bactéries de l’environnement à l’exception de
M. kansasii,
M. marinum, M. szlugai et M. riyadhense
.10,11 En outre, en cas
de résultats douteux, ils ont l’avantage de pouvoir être ré-
pétés sans «effet booster». Il est par contre à mentionner
que l’injection au préalable de tuberculine majore la libéra-
tion d’IFN-g après un délai de sept jours. Il est donc recom-
mandé d’effectuer la validation d’un test tuberculinique
positif par un IGRA l 7 jours après l’administration de tu-
berculine.12 Les tests IGRA évalués dans le contexte d’in-
dividus présentant un risque d’infection tuberculeuse faible
(c’est-à-dire sans anamnèse d’exposition et vivant dans un
pays de faible incidence tuberculeuse) ont montré une ex-
cellente spécificité (L 95%) pour le diagnostic de tubercu-
lose.13
Utilisant la tuberculose active, prouvée par culture comme
marqueur de la tuberculose latente, le T-SPOT-TB semble
avoir une sensibilité meilleure que le QFT-GIT ou le TST
(approximativement 90, 80 et 80%, respectivement).13,14 En
raison de sa sensibilité augmentée, l’utilisation du T- SPOT-
TB est donc potentiellement mieux appropriée que celle
du QFT-GIT chez le patient immunosupprimé.
Si les IGRA sont validés pour diagnostiquer une tuber-
culose latente chez le patient immunocompétent,15 il a été
rapporté que chez le patient immunosupprimé à haut ris-
que d’infection, la présence d’un test positif serait un élé-
ment additionnel au diagnostic de tuberculose active. Par
ailleurs, un test positif effectué dans un spécimen prélevé
au site supposé de l’infection tuberculeuse et dont l’examen
direct est négatif (liquide bronchoalvéolaire, liquide cé-
phalorachidien) pourrait devenir un moyen diagnostique
d’une infection active, mais nécessite des évaluations ulté-
rieures.16
Chez l’enfant, le diagnostic d’infection tuberculeuse la-
tente repose sur l’anamnèse d’exposition, la positivité d’un
test tuberculinique et l’exclusion de signes ou symptômes
évocateurs d’une tuberculose active. Alors qu’en Suisse la
vaccination contre le BCG n’est plus recommandée pour les
enfants indigènes, il n’y a pas de consensus pour les pays
de l’Union européenne. On assiste donc à une grande hé-
térogénéité en termes de politique vaccinale par le BCG
dans les pays alentour. Alors que dans certaines contrées
on vaccine uniquement à la naissance, dans d’autres un ou
des rappels sont effectués plus tardivement durant l’enfan-
ce et jusqu’à l’adolescence. L’interprétation d’un TST positif
est ainsi rendue difficile par l’exposition antérieure à diffé-
rentes souches vaccinales, à la revaccination et à la répéti-
tion des TST.17 Au contraire, pour les groupes à haut risque,
comme les enfants immunosupprimés, le TST est la plupart
du temps négatif. Les données sur les performances des
tests IGRA chez le très jeune enfant et l’enfant immunosup-
primé sont rares. Si les guidelines anglaises et allemandes
préconisent les tests IGRA comme tests de confirmation
après un TST positif chez l’enfant comme chez l’adulte, les
recommandations françaises, canadiennes et suisses ne le
conseillent pas.
En bref, on admet que : 1) dans leur dessein actuel, les
tests IGRA ne permettent pas de distinguer une tubercu-
lose latente d’une tuberculose active ; 2) comme pour le
test tuberculinique, un test IGRA positif ne signifie pas une
tuberculose active et qu’un résultat négatif n’exclut pas une
infection active ; 3) la spécificité des tests IGRA est faible
pour les individus issus de contrées à haute endémicité chez
lesquels est suspectée une maladie active ; les tests IGRA
sont donc inutiles pour appuyer le diagnostic de tubercu-
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