Prégabaline (Lyrica ®) et douleurs neuropathiques : peu d

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CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE VAUDOIS
DIRECTION MEDICALE
Commission Permanente des Médicaments
Secrétariat BH 04
1011 Lausanne - CHUV
BULLETIN D'INFORMATION CPM N° 3 - 2006
Prégabaline (Lyrica®) et douleurs neuropathiques : peu d’évidences
La prégabaline est un analogue structurel de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA ;
neurotransmetteur inhibiteur) dont les indications reconnues sont1 :
Traitement adjuvant des crises d'épilepsie partielles comportant ou non une
généralisation secondaire chez des patients adultes qui répondent de façon
insuffisante à d'autres antiépileptiques.
Traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez l’adulte au cours d’une
polyneuropathie diabétique ou d’une névralgie postherpétique.
Rappelons que la gabapentine (Neurontin®) (cf. Bulletin d’information CPM N° 4 – 2005
(http://hcom.hospvd.ch:8003/intranet-docs/cpm/bulletin_info/cpm_bi_04-2005-cpm.pdf), est
un autre analogue structural du GABA, commercialisée par le même fabricant dans les
mêmes indications. La gabapentine vient de tomber dans le domaine public et des
génériques sont disponibles depuis peu.
Efficacité
L’efficacité de la prégabaline en monothérapie dans le traitement des douleurs
neuropathiques fait l’objet de 12 essais contre placebo (6 dans la neuropathie diabétique, 5
dans les douleurs post-zostériennes et 1 dans ces deux conditions associées)2. Trois essais
seulement sont publiés3,4,5 et aucun essai comparatif n’a été effectué avec la gabapentine
(un échec à ce dernier traitement étant un critère d’exclusion dans les 3 essais publiés !). Il
n’y a pas non plus d’essais comparatifs avec des anti-épileptiques plus anciens, également
efficaces dans cette indication (carbamazépine - Tégrétol®, clonazepam – Rivotril®).
Une efficacité versus placebo semble exister, dont la pertinence clinique demeure cependant
limitée (réduction de la douleur de 0.18 à 1.57 et 0.64 à 2.62 points sur une échelle de 10
pour les doses de 300 et 600 mg de prégabaline, respectivement). Une différence d’efficacité
entre les posologies de 300 et de 600 mg de prégabaline reste difficile à démontrer.
Dans le seul essai comparant la prégabaline à l’amitriptyline et au placebo, la prégabaline à
la dose maximale (600 mg/j) s’est montrée d’une efficacité comparable au placebo et
inférieure à l’amitriptyline.
1
Compendium Suisse des médicaments. Documed AG. 2006
EMEA- European Public Assessment Report – Lyrica – Scientific discussion. URL :
3
Sabatowski R et al. Pain 2004 ; 109 :26-35
4
Dwoekin RH et al. Neurology 2003; 60:1274-1283
5
Rosenstock J et al. Pain 2004 ; 110 :628-638
2
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Signalons aussi qu’aucun essai clinique n’étaie l’emploi de la prégabaline ou de la
gabapentine dans des douleurs neuropathiques non diabétiques ni post-zostériennes
(compression radiculaire, névrite post-chirurgicale, etc.).
Sécurité
Les principaux effets indésirables survenus sous prégabaline sont similaires à ceux
rapportés sous gabapentine : sensations vertigineuses (29.1%) et somnolence (22.6%).
Parmi les autres effets indésirables plus fréquemment rencontrés que sous placebo, on
note : fatigue (+2.1%), vision floue (+4.4%), troubles de l’attention (+ 4%), ataxie (+3.6%) et
incoordination motrice (+3.4%), euphorie (+3.4%), amnésie (+1.9%), confusion (+2.2%),
tremblements (+1.1%), diplopie (+1.6%). On relève également une prise de poids (+4.8%),
une augmentation de l’appétit (+1.6%), des oedèmes périphériques (+4.2%), une
sécheresse buccale (+5.7%), une constipation (+2.5%) et des flatulences (+1.1%).
Un rétrécissement du champ visuel, tel qu’observé avec les autres médicaments
gabaergiques, en particulier avec la vigabatrine lors de traitement à long terme, n’a encore
été que très rarement décrit avec la prégabaline (6 cas sur 3500 patients examinés). Mais le
recul est insuffisant pour l’évaluation correcte de ce risque. L’expérimentation animale a mis
en évidence des cas d’hémangiosarcome, possiblement lié à une activation plaquettaire.
Des effets sur la numération plaquettaire ont bien été observés chez l’homme mais aucun
cas d’hémangiosarcome n’a été décrit à ce jour dans les essais cliniques.
L’élimination urinaire inchangée de la prégabaline est un élément rassurant en terme de
potentiel d’interactions médicamenteuses, mais impose une adaptation posologique lors
d’altération de la fonction rénale.
Evaluation
La gabapentine et la prégabaline présentent une efficacité plus faible que les
antidépresseurs tricycliques dans le traitement des douleurs engendrées par des
neuropathies périphériques, mais sont généralement bien tolérés. Les opioïdes ont une
certaine efficacité dans cette indication, mais leur effet s’épuise à long terme alors que se
renforcent leurs inconvénients.
Les douleurs liées au zona ou au diabète sont difficiles à traiter, et de nombreux patients ne
sont soulagés correctement ni par l’amitriptyline, qui reste le traitement de premier choix, ni
par la gabapentine. Il est tentant dès lors de vouloir recourir à la prégabaline, incité à cela
par une publicité agressive du fabricant. Cependant aucune étude ne soutient l’emploi de la
prégabaline après échec des 2 traitements sus-mentionnés. De plus, l’absence de données
comparatives et l’analogie structurale entre gabapentine et prégabaline n’autorisent aucun
optimisme quant aux progrès apportés par ce nouveau médicament, dont l’intérêt est surtout
commercial, apportant au fabricant une parade à l’arrivée des génériques de la gabapentine.
Les effets indésirables et les doutes concernant les risques à long terme, notamment
d’atteinte visuelle et d’hémangiosarcome, devraient retenir le prescripteur non convaincu par
la pauvreté des arguments d’efficacité.
En plus de l’efficacité marginale et de la sécurité insuffisamment étudiée, l’élément
économique est à considérer : le prix du traitement journalier de prégabaline (3.33 CHF à
6.66 CHF par jour, prix public) peut sembler similaire, voire moindre, que celui de la
gabapentine (3.60 CHF à 12.87 CHF par jour). Mais la comparaison doit se faire avec les
génériques de la gabapentine et il s’agit surtout de ne pas oublier la tendance habituelle à
l’accroissement des doses dans le traitement de la douleur (cf. doses initialement proposées
pour la gabapentine !). En comparaison, un traitement de 50 mg d'
amitriptyline revient à CHF
0.59 et un traitement de carbamazépine retard (400 mg 2x/j) à CHF 2.02 par jour.
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En conclusion, pour le traitement des douleurs neuropathiques, le traitement de choix
demeure un imipraminique (amitryptiline). En cas d’inefficacité de ce traitement ou
d’intolérance, la gabapentine est une alternative, à côté de la carbamazépine ou du
clonazépam. La prégabaline pourrait constituer un recours de 3ème ligne, toutefois
sans évidence clinique qui soutienne cette utilisation à l’heure actuelle. Son prix est
relativement élevé, et les risques de son utilisation à long terme sont mal connus.
Le Bureau de la CPM
Va à: Corps médical du CHUV et ICS, ICUS et DSD du CHUV
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