CHUV-CPM / octobre 2006 Page 2/3
Signalons aussi qu’aucun essai clinique n’étaie l’emploi de la prégabaline ou de la
gabapentine dans des douleurs neuropathiques non diabétiques ni post-zostériennes
(compression radiculaire, névrite post-chirurgicale, etc.).
Sécurité
Les principaux effets indésirables survenus sous prégabaline sont similaires à ceux
rapportés sous gabapentine : sensations vertigineuses (29.1%) et somnolence (22.6%).
Parmi les autres effets indésirables plus fréquemment rencontrés que sous placebo, on
note : fatigue (+2.1%), vision floue (+4.4%), troubles de l’attention (+ 4%), ataxie (+3.6%) et
incoordination motrice (+3.4%), euphorie (+3.4%), amnésie (+1.9%), confusion (+2.2%),
tremblements (+1.1%), diplopie (+1.6%). On relève également une prise de poids (+4.8%),
une augmentation de l’appétit (+1.6%), des oedèmes périphériques (+4.2%), une
sécheresse buccale (+5.7%), une constipation (+2.5%) et des flatulences (+1.1%).
Un rétrécissement du champ visuel, tel qu’observé avec les autres médicaments
gabaergiques, en particulier avec la vigabatrine lors de traitement à long terme, n’a encore
été que très rarement décrit avec la prégabaline (6 cas sur 3500 patients examinés). Mais le
recul est insuffisant pour l’évaluation correcte de ce risque. L’expérimentation animale a mis
en évidence des cas d’hémangiosarcome, possiblement lié à une activation plaquettaire.
Des effets sur la numération plaquettaire ont bien été observés chez l’homme mais aucun
cas d’hémangiosarcome n’a été décrit à ce jour dans les essais cliniques.
L’élimination urinaire inchangée de la prégabaline est un élément rassurant en terme de
potentiel d’interactions médicamenteuses, mais impose une adaptation posologique lors
d’altération de la fonction rénale.
Evaluation
La gabapentine et la prégabaline présentent une efficacité plus faible que les
antidépresseurs tricycliques dans le traitement des douleurs engendrées par des
neuropathies périphériques, mais sont généralement bien tolérés. Les opioïdes ont une
certaine efficacité dans cette indication, mais leur effet s’épuise à long terme alors que se
renforcent leurs inconvénients.
Les douleurs liées au zona ou au diabète sont difficiles à traiter, et de nombreux patients ne
sont soulagés correctement ni par l’amitriptyline, qui reste le traitement de premier choix, ni
par la gabapentine. Il est tentant dès lors de vouloir recourir à la prégabaline, incité à cela
par une publicité agressive du fabricant. Cependant aucune étude ne soutient l’emploi de la
prégabaline après échec des 2 traitements sus-mentionnés. De plus, l’absence de données
comparatives et l’analogie structurale entre gabapentine et prégabaline n’autorisent aucun
optimisme quant aux progrès apportés par ce nouveau médicament, dont l’intérêt est surtout
commercial, apportant au fabricant une parade à l’arrivée des génériques de la gabapentine.
Les effets indésirables et les doutes concernant les risques à long terme, notamment
d’atteinte visuelle et d’hémangiosarcome, devraient retenir le prescripteur non convaincu par
la pauvreté des arguments d’efficacité.
En plus de l’efficacité marginale et de la sécurité insuffisamment étudiée, l’élément
économique est à considérer : le prix du traitement journalier de prégabaline (3.33 CHF à
6.66 CHF par jour, prix public) peut sembler similaire, voire moindre, que celui de la
gabapentine (3.60 CHF à 12.87 CHF par jour). Mais la comparaison doit se faire avec les
génériques de la gabapentine et il s’agit surtout de ne pas oublier la tendance habituelle à
l’accroissement des doses dans le traitement de la douleur (cf. doses initialement proposées
pour la gabapentine !). En comparaison, un traitement de 50 mg d'amitriptyline revient à CHF
0.59 et un traitement de carbamazépine retard (400 mg 2x/j) à CHF 2.02 par jour.