à vos SOINS Texte rédigé par Hélène Lacasse, B. Pharm., Pharmacie Jean-François Guévin. Œdème périphérique secondaire à la prégabaline Présentation de cas Madame P.N., 75 ans, se présente à la pharmacie et vous mentionne que ses chevilles sont enflées depuis quelques semaines. Cela coïncide avec l'ajout de prégabaline à son profil pharmacologique pour le traitement de la douleur associée aux neuropathies diabétiques. Cet œdème l'incommode beaucoup lorsqu'elle marche et nuit à ses activités quotidiennes. Discussion La prégabaline, commercialisée au Canada sous le nom de LyricaMD depuis 2005, est indiquée pour le traitement de douleurs neuropathiques associées à la neuropathie diabétique périphérique ou à la névralgie postherpétique1,2. Son mécanisme d'action exact n'a pas encore été clairement élucidé, mais la prégabaline présente une action analgésique, anxiolytique et anticonvulsivante. La prégabaline se lierait à la sous-unité protéique alpha2-delta (2-) associée aux canaux calcium voltages-dépendants, ce qui permettrait de moduler la libération de certains neurotransmetteurs, tels le glutamate et la noradrénaline, ainsi que de la substance P. Cela serait à l'origine de ses propriétés analgésiques. Tout comme la gabapentine, sa structure ressemble au GABA, mais elle n'agit pas au niveau de sa neurotransmission. Par contre, la prégabaline aurait démontré une activité analgésique supérieure lors des études avec des modèles animaux de douleur neuropathique2,3. À ce jour, aucune étude comparative n'a été effectuée entre ces deux molécules. Ce médicament est généralement bien toléré. Les étourdissements, la somnolence, l'œdème périphérique, les céphalées, la vision brouillée et la constipation sont les effets indésirables les plus souvent associés à la prégabaline1-3. Il est intéressant de noter que l'incidence des étourdissements, de somnolence et de l'œdème périphérique est dépendante de la dose2. Le mécanisme par lequel la prégabaline entraînerait de l'œdème périphérique n'est pas encore élucidé. Presque entièrement excrétée par la voie rénale sous forme inchangée, la prégabaline présente peu de risques d'interactions médicamenteuses. Par contre, le risque d'œdème périphérique est augmenté lors de prise concomitante de rosiglitazone ou de pioglitazone et de prégabaline1. Lorsqu'un patient présente de l'œdème périphérique lié à la prégabaline, une option possible est de diminuer la dose quotidienne2. Par ailleurs, il est aussi envisageable de remplacer le traitement par d'autres options thérapeutiques. Parmi les médicaments utilisés en première ligne pour traiter la douleur neuropathique, on compte les antidépresseurs tricycliques, les analgésiques opioïdes (dont le tramadol) et la gabapentine. Tous ces médicaments doivent être utilisés avec précaution chez les sujets âgés étant donné le risque de confusion et de chute. La gabapentine est aussi associée à un Texte original soumis le 10 novembre 2006. Texte final remis le 21 novembre 2006. Révision : Sonia Lacasse, B. Pharm. S Madame P.N. présente un œdème périphérique à la suite de l'ajout de prégabaline à son profil pharmacologique il y a quelques semaines. O P.N. est une femme de 75 ans souffrant de diabète, d'hypertension et de douleur associée aux neuropathies diabétiques. Son diabète et son hypertension sont relativement bien maîtrisés par sa médication. Elle n'a pas d'autres antécédents physiques. Médications actives au dossier : - Hydrochlorothiazide 25 mg die am - Ramipril 5 mg die am - Atorvastatine 10 mg die hs - Asaphen 80 mg die am - Metformine 850 mg tid - Glyburide 5 mg bid - Rosiglitazone 8 mg die am - Prégabaline 75 mg bid (débutée à 50 mg bid pour 2 semaines) Médications antérieures au dossier : - Lorazépam 1 mg die hs prn A Il est probable que l'œdème périphérique de P.N. soit attribuable à la prégabaline. De plus, la prise concomitante de rosiglitazone ou de pioglitazone et de prégabaline augmenterait le risque de prise de poids ou d'œdème1. Il serait alors approprié de diminuer graduellement la prégabaline afin de minimiser le risque d'effets indésirables liés au sevrage et d'instaurer un autre traitement approprié pour la douleur neuropathique. Dans le cas de P.N., les analgésiques opioïdes sont à éviter étant donné que la douleur nécessitera probablement un traitement prolongé. Il en va de même pour la gabapentine, dont les propriétés pharmacologiques sont semblables à la prégabaline et qui, elle aussi, peut potentiellement entraîner de l'œdème périphérique. Un antidépresseur tricyclique, telle la nortriptyline, serait une bonne option thérapeutique dans le cas de P.N4. P 1. Communiquer avec le médecin traitant de P.N. pour lui faire part de la présence d'œdème périphérique potentiellement lié à la prégabaline. 2. Recommander de diminuer graduellement la prégabaline sur au moins une semaine : 50 mg bid x 3 jours, 25 mg bid x 3 jours, 25 mg die x 3 jours puis cesser. 3. Suggérer de débuter la nortriptyline à une dose quotidienne de 10 mg, qui pourra être augmentée de 10 mg aux 3 à 7 jours selon la tolérance jusqu'à un maximum de 75 mg4. 4. Effectuer un suivi de l'efficacité du traitement pour soulager la douleur liée à la neuropathie diabétique et des effets indésirables liés à la nortriptyline (confusion, somnolence, bouche sèche, constipation ou hypotension orthostatique)4. Québec Pharmacie vol. 54, n° 2, février 2007 7 à vos SOINS risque d'œdème périphérique. Parmi les antidépresseurs tricycliques, on devrait privilégier la nortriptyline et la désipramine, car ces deux molécules présentent un risque moindre d'effets indésirables. Les analgésiques opioïdes peuvent entraîner des problèmes de mobilité chez les personnes âgées, d'où l'augmentation du risque de fracture de la hanche4. ■ Acte pharmaceutique facturable Opinion pharmaceutique : Substituer un produit par un autre pour cause d'effet indésirable. (DIN : 00999598) Opinion pharmaceutique Docteur, Lors de la dernière visite de P.N. à la pharmacie, j'ai remarqué qu'elle présentait un effet indésirable lié à sa médication. En effet, P.N. souffre d'œdème périphérique, et ce, depuis qu'elle prend du Lyrica à une posologie de 75 mg bid prescrit pour le soulagement de douleurs liées à une neuropathie diabétique. Madame n'était pas soulagée à des doses de Lyrica de 50 mg bid. Tel que convenu lors de notre conversation téléphonique, le Lyrica sera cessé graduellement sur au moins une semaine : 50 mg bid x 3 jours, 25 mg bid x 3 jours, 25 mg die x 3 jours puis cessé. Un traitement de nortriptyline 10 mg die sera instauré. La dose quotidienne de cette médication pourra être augmentée de 10 mg aux 3 à 7 jours selon le soulagement et la tolérance jusqu'à un maximum de 75 mg. Cela pourra compléter le dossier de P.N. Je vous ferai part de tout autre problème lié à la pharmacothérapie de madame. En toute collaboration, Hélène Lacasse, pharmacienne. Références 1. Pfizer Canada inc. Monographie de la prégabaline (LyricaMD). Kirkland, Québec; juin 2005. 2. Frampton JE, Scott LJ. Pregabalin in the treatment of painful diabetic peripheral neuropathy. Drugs 2004; 64: 2813-2820. 3. Freynhagen R, Strojek K et coll. Efficacy of pregabalin in neuropathic pain evaluated in a 12 week, randomised, double-blind, multicentre, placebo-controlled trial of flexible- and fixed-dose regimens. Pain 2005; 115: 254-263. 4. Dowrkin RH, Backonja M et coll. Avances in neuropathic pain. Arch Neurol 2003; 60 : 1524-1534. Formation continue Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 78 1) A B C D E 8 Québec Pharmacie vol. 54, n° 2, février 2007 Lequel de ces énoncés est vrai : La prégabaline produit son action analgésique par une interaction avec les récepteurs GABA-A et GABA-B. Plusieurs études cliniques comparatives démontrent une activité analgésique supérieure de la prégabaline comparativement à la gabapentine. La gabapentine ne cause pas d'œdème périphérique. Le risque d'œdème avec la prégabaline pourrait être augmenté lors de la prise concomitante de rosiglitazone. Une diminution graduelle de la prégabaline n'est pas nécessaire étant donné les risques très faibles de symptômes de sevrage.