Discussion
La prégabaline, commercialisée au Canada sous le nom
de LyricaMD depuis 2005, est indiquée pour le traite-
ment de douleurs neuropathiques associées à la neuro-
pathie diabétique périphérique ou à la névralgie post-
herpétique1,2. Son mécanisme d'action exact n'a pas
encore été clairement élucidé, mais la prégabaline pré-
sente une action analgésique, anxiolytique et anti-
convulsivante. La prégabaline se lierait à la sous-unité
protéique alpha2-delta (2-) associée aux canaux cal-
cium voltages-dépendants, ce qui permettrait de modu-
ler la libération de certains neurotransmetteurs, tels le
glutamate et la noradrénaline, ainsi que de la substance
P. Cela serait à l'origine de ses propriétés analgésiques.
Tout comme la gabapentine, sa structure ressemble au
GABA, mais elle n'agit pas au niveau de sa neurotrans-
mission. Par contre, la prégabaline aurait démontré une
activité analgésique supérieure lors des études avec des
modèles animaux de douleur neuropathique2,3. À ce
jour, aucune étude comparative n'a été effectuée entre
ces deux molécules.
Ce médicament est généralement bien toléré. Les
étourdissements, la somnolence, l'œdème périphérique,
les céphalées, la vision brouillée et la constipation sont
les effets indésirables les plus souvent associés à la pré-
gabaline1-3. Il est intéressant de noter que l'incidence des
étourdissements, de somnolence et de l'œdème péri-
phérique est dépendante de la dose2. Le mécanisme par
lequel la prégabaline entraînerait de l'œdème périphé-
rique n'est pas encore élucidé. Presque entièrement
excrétée par la voie rénale sous forme inchangée, la pré-
gabaline présente peu de risques d'interactions médica-
menteuses. Par contre, le risque d'œdème périphérique
est augmenté lors de prise concomitante de rosiglitazone
ou de pioglitazone et de prégabaline1.
Lorsqu'un patient présente de l'œdème périphé-
rique lié à la prégabaline, une option possible est de
diminuer la dose quotidienne2. Par ailleurs, il est aussi
envisageable de remplacer le traitement par d'autres
options thérapeutiques. Parmi les médicaments utilisés
en première ligne pour traiter la douleur neuropathique,
on compte les antidépresseurs tricycliques, les analgé-
siques opioïdes (dont le tramadol) et la gabapentine.
Tous ces médicaments doivent être utilisés avec précau-
tion chez les sujets âgés étant donné le risque de confu-
sion et de chute. La gabapentine est aussi associée à un
Œdème périphérique secondaire
à la prégabaline
Présentation de cas
Madame P.N., 75 ans, se présente à la pharmacie et vous mentionne que ses chevilles sont
enflées depuis quelques semaines. Cela coïncide avec l'ajout de prégabaline à son profil pharmaco-
logique pour le traitement de la douleur associée aux neuropathies diabétiques. Cet œdème
l'incommode beaucoup lorsqu'elle marche et nuit à ses activités quotidiennes.
Québec Pharmacie vol. 54, n° 2, février 2007 7
à vos SOINS
Madame P.N. présente un œdème périphérique à la suite de l'ajout
de prégabaline à son profil pharmacologique il y a quelques semaines.
P.N. est une femme de 75 ans souffrant de diabète, d'hypertension
et de douleur associée aux neuropathies diabétiques. Son diabète
et son hypertension sont relativement bien maîtrisés par sa médication.
Elle n'a pas d'autres antécédents physiques.
Médications actives au dossier :
- Hydrochlorothiazide 25 mg die am
- Ramipril 5 mg die am
- Atorvastatine 10 mg die hs
- Asaphen 80 mg die am
- Metformine 850 mg tid
- Glyburide 5 mg bid
- Rosiglitazone 8 mg die am
- Prégabaline 75 mg bid (débutée à 50 mg bid pour 2 semaines)
Médications antérieures au dossier :
- Lorazépam 1 mg die hs prn
Il est probable que l'œdème périphérique de P.N. soit attribuable à la
prégabaline. De plus, la prise concomitante de rosiglitazone ou de
pioglitazone et de prégabaline augmenterait le risque de prise de poids
ou d'œdème1. Il serait alors approprié de diminuer graduellement la
prégabaline afin de minimiser le risque d'effets indésirables liés au
sevrage et d'instaurer un autre traitement approprié pour la douleur
neuropathique. Dans le cas de P.N., les analgésiques opioïdes sont à
éviter étant donné que la douleur nécessitera probablement un
traitement prolongé. Il en va de même pour la gabapentine, dont les
propriétés pharmacologiques sont semblables à la prégabaline et qui,
elle aussi, peut potentiellement entraîner de l'œdème périphérique.
Un antidépresseur tricyclique, telle la nortriptyline, serait une bonne
option thérapeutique dans le cas de P.N4.
1. Communiquer avec le médecin traitant de P.N. pour lui faire part de
la présence d'œdème périphérique potentiellement lié à la prégabaline.
2. Recommander de diminuer graduellement la prégabaline sur au moins
une semaine : 50 mg bid x 3 jours, 25 mg bid x 3 jours, 25 mg die x
3 jours puis cesser.
3. Suggérer de débuter la nortriptyline à une dose quotidienne de 10 mg,
qui pourra être augmentée de 10 mg aux 3 à 7 jours selon la tolérance
jusqu'à un maximum de 75 mg4.
4. Effectuer un suivi de l'efficacité du traitement pour soulager la douleur
liée à la neuropathie diabétique et des effets indésirables liés à la
nortriptyline (confusion, somnolence, bouche sèche, constipation
ou hypotension orthostatique)4.
S
O
A
P
Texte rédigé par
Hélène Lacasse,
B. Pharm., Pharmacie
Jean-François Guévin.
Texte original soumis
le 10 novembre 2006.
Texte final remis
le 21 novembre 2006.
Révision : Sonia
Lacasse, B. Pharm.
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