Quebec_Pharmacie_02-2007

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à vos SOINS
Texte rédigé par
Hélène Lacasse,
B. Pharm., Pharmacie
Jean-François Guévin.
Œdème périphérique secondaire
à la prégabaline
Présentation de cas
Madame P.N., 75 ans, se présente à la pharmacie et vous mentionne que ses chevilles sont
enflées depuis quelques semaines. Cela coïncide avec l'ajout de prégabaline à son profil pharmacologique pour le traitement de la douleur associée aux neuropathies diabétiques. Cet œdème
l'incommode beaucoup lorsqu'elle marche et nuit à ses activités quotidiennes.
Discussion
La prégabaline, commercialisée au Canada sous le nom
de LyricaMD depuis 2005, est indiquée pour le traitement de douleurs neuropathiques associées à la neuropathie diabétique périphérique ou à la névralgie postherpétique1,2. Son mécanisme d'action exact n'a pas
encore été clairement élucidé, mais la prégabaline présente une action analgésique, anxiolytique et anticonvulsivante. La prégabaline se lierait à la sous-unité
protéique alpha2-delta (2-) associée aux canaux calcium voltages-dépendants, ce qui permettrait de moduler la libération de certains neurotransmetteurs, tels le
glutamate et la noradrénaline, ainsi que de la substance
P. Cela serait à l'origine de ses propriétés analgésiques.
Tout comme la gabapentine, sa structure ressemble au
GABA, mais elle n'agit pas au niveau de sa neurotransmission. Par contre, la prégabaline aurait démontré une
activité analgésique supérieure lors des études avec des
modèles animaux de douleur neuropathique2,3. À ce
jour, aucune étude comparative n'a été effectuée entre
ces deux molécules.
Ce médicament est généralement bien toléré. Les
étourdissements, la somnolence, l'œdème périphérique,
les céphalées, la vision brouillée et la constipation sont
les effets indésirables les plus souvent associés à la prégabaline1-3. Il est intéressant de noter que l'incidence des
étourdissements, de somnolence et de l'œdème périphérique est dépendante de la dose2. Le mécanisme par
lequel la prégabaline entraînerait de l'œdème périphérique n'est pas encore élucidé. Presque entièrement
excrétée par la voie rénale sous forme inchangée, la prégabaline présente peu de risques d'interactions médicamenteuses. Par contre, le risque d'œdème périphérique
est augmenté lors de prise concomitante de rosiglitazone
ou de pioglitazone et de prégabaline1.
Lorsqu'un patient présente de l'œdème périphérique lié à la prégabaline, une option possible est de
diminuer la dose quotidienne2. Par ailleurs, il est aussi
envisageable de remplacer le traitement par d'autres
options thérapeutiques. Parmi les médicaments utilisés
en première ligne pour traiter la douleur neuropathique,
on compte les antidépresseurs tricycliques, les analgésiques opioïdes (dont le tramadol) et la gabapentine.
Tous ces médicaments doivent être utilisés avec précaution chez les sujets âgés étant donné le risque de confusion et de chute. La gabapentine est aussi associée à un
Texte original soumis
le 10 novembre 2006.
Texte final remis
le 21 novembre 2006.
Révision : Sonia
Lacasse, B. Pharm.
S
Madame P.N. présente un œdème périphérique à la suite de l'ajout
de prégabaline à son profil pharmacologique il y a quelques semaines.
O
P.N. est une femme de 75 ans souffrant de diabète, d'hypertension
et de douleur associée aux neuropathies diabétiques. Son diabète
et son hypertension sont relativement bien maîtrisés par sa médication.
Elle n'a pas d'autres antécédents physiques.
Médications actives au dossier :
- Hydrochlorothiazide 25 mg die am
- Ramipril 5 mg die am
- Atorvastatine 10 mg die hs
- Asaphen 80 mg die am
- Metformine 850 mg tid
- Glyburide 5 mg bid
- Rosiglitazone 8 mg die am
- Prégabaline 75 mg bid (débutée à 50 mg bid pour 2 semaines)
Médications antérieures au dossier :
- Lorazépam 1 mg die hs prn
A
Il est probable que l'œdème périphérique de P.N. soit attribuable à la
prégabaline. De plus, la prise concomitante de rosiglitazone ou de
pioglitazone et de prégabaline augmenterait le risque de prise de poids
ou d'œdème1. Il serait alors approprié de diminuer graduellement la
prégabaline afin de minimiser le risque d'effets indésirables liés au
sevrage et d'instaurer un autre traitement approprié pour la douleur
neuropathique. Dans le cas de P.N., les analgésiques opioïdes sont à
éviter étant donné que la douleur nécessitera probablement un
traitement prolongé. Il en va de même pour la gabapentine, dont les
propriétés pharmacologiques sont semblables à la prégabaline et qui,
elle aussi, peut potentiellement entraîner de l'œdème périphérique.
Un antidépresseur tricyclique, telle la nortriptyline, serait une bonne
option thérapeutique dans le cas de P.N4.
P
1. Communiquer avec le médecin traitant de P.N. pour lui faire part de
la présence d'œdème périphérique potentiellement lié à la prégabaline.
2. Recommander de diminuer graduellement la prégabaline sur au moins
une semaine : 50 mg bid x 3 jours, 25 mg bid x 3 jours, 25 mg die x
3 jours puis cesser.
3. Suggérer de débuter la nortriptyline à une dose quotidienne de 10 mg,
qui pourra être augmentée de 10 mg aux 3 à 7 jours selon la tolérance
jusqu'à un maximum de 75 mg4.
4. Effectuer un suivi de l'efficacité du traitement pour soulager la douleur
liée à la neuropathie diabétique et des effets indésirables liés à la
nortriptyline (confusion, somnolence, bouche sèche, constipation
ou hypotension orthostatique)4.
Québec Pharmacie vol. 54, n° 2, février 2007
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risque d'œdème périphérique. Parmi les antidépresseurs
tricycliques, on devrait privilégier la nortriptyline et la
désipramine, car ces deux molécules présentent un
risque moindre d'effets indésirables. Les analgésiques
opioïdes peuvent entraîner des problèmes de mobilité
chez les personnes âgées, d'où l'augmentation du risque
de fracture de la hanche4. ■
Acte pharmaceutique facturable
Opinion pharmaceutique : Substituer un produit
par un autre pour cause d'effet indésirable. (DIN :
00999598)
Opinion pharmaceutique
Docteur,
Lors de la dernière visite de P.N. à la pharmacie,
j'ai remarqué qu'elle présentait un effet indésirable lié à
sa médication. En effet, P.N. souffre d'œdème périphérique, et ce, depuis qu'elle prend du Lyrica à une posologie de 75 mg bid prescrit pour le soulagement de douleurs
liées à une neuropathie diabétique. Madame n'était pas
soulagée à des doses de Lyrica de 50 mg bid. Tel que
convenu lors de notre conversation téléphonique, le Lyrica
sera cessé graduellement sur au moins une semaine : 50 mg
bid x 3 jours, 25 mg bid x 3 jours, 25 mg die x 3 jours puis
cessé. Un traitement de nortriptyline 10 mg die sera
instauré. La dose quotidienne de cette médication pourra
être augmentée de 10 mg aux 3 à 7 jours selon le soulagement et la tolérance jusqu'à un maximum de 75 mg.
Cela pourra compléter le dossier de P.N. Je vous ferai part
de tout autre problème lié à la pharmacothérapie de
madame.
En toute collaboration,
Hélène Lacasse, pharmacienne.
Références
1. Pfizer Canada inc. Monographie de la prégabaline (LyricaMD). Kirkland, Québec; juin 2005.
2. Frampton JE, Scott LJ. Pregabalin in the treatment of painful diabetic peripheral neuropathy. Drugs 2004; 64: 2813-2820.
3. Freynhagen R, Strojek K et coll. Efficacy of pregabalin in neuropathic pain evaluated in a 12 week, randomised, double-blind,
multicentre, placebo-controlled trial of flexible- and fixed-dose regimens. Pain 2005; 115: 254-263.
4. Dowrkin RH, Backonja M et coll. Avances in neuropathic pain. Arch Neurol 2003; 60 : 1524-1534.
Formation
continue
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Lequel de ces énoncés est vrai :
La prégabaline produit son action analgésique par une
interaction avec les récepteurs GABA-A et GABA-B.
Plusieurs études cliniques comparatives démontrent
une activité analgésique supérieure de la prégabaline
comparativement à la gabapentine.
La gabapentine ne cause pas d'œdème périphérique.
Le risque d'œdème avec la prégabaline pourrait être augmenté
lors de la prise concomitante de rosiglitazone.
Une diminution graduelle de la prégabaline n'est pas nécessaire
étant donné les risques très faibles de symptômes de sevrage.
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