N°391 – AVRIL 2016
La première description d’une valve aortique bicuspide pourrait être celle
qui apparaît vers 1500 dans les cahiers de Léonard de Vinci comme une
variante de l’orice aortique normalement tricuspide. Le Maître avait ima-
giné que si le créateur avait conçu –ou la nature sélectionné– un orice
aortique tricommissural, c’était en raison de la résistance à la pression
diastolique des 3 angles intersigmoïdien obtus créés par l’apposition de
3 sigmoïdes, résistance supérieure à celle générée par les 4 angles droits
d’une valve quadricuspide ou les 2 angles plats d’une valve bicuspide. La
bicuspidie fut longtemps considérée comme une curiosité exposant à un
risque accru de dégénérescence fuyante ou sténosante. En 1928, était rap-
portée la première association entre bicuspidie, coarctation et dissection
aortique, faisant naître le concept de valvulo-aortopathie. En l’absence de
grande série, la bicuspidie acquit la réputation de dégénérescence val-
vulaire obligatoire et précoce, associée à une fragilité pariétale aortique
exposant à un risque de dissection similaire à celui du Marfan. «Toute valve
aortique bicuspide sera opérée avant l’âge de 60 ans» fut l’aphorisme longtemps diffusé, occultant l’ex-
traordinaire hétérogénéité de la maladie valvulaire et artérielle.
La bicuspidie aortique désigne l’ensemble des malformations congénitales de la valve aortique caracté-
risée par la présence de 2 sigmoïdes fonctionnelles au lieu de 3, résultant de la fusion embryologique
de deux coussins endocardiques, ou peut-être de l’absence de l’un d’entre eux. Les différents phéno-
types de bicuspidie pourraient résulter de fusions opérées à des stades différents du développement
embryonnaire, soit à un stade précoce au moment de la transformation épithélio-mésenchymateuse,
générant plutôt les fusions entre sigmoïdes non coronaire et coronaire droite, soit à un stade plus tardif
au moment de la septation du truncus, générant la classique fusion entre les deux sigmoïdes coronaires.
Ce schéma, peut-être un peu simpliste, est contesté par certains auteurs et des formes tardives de fusion
des sigmoïdes non coronaire et coronaire droite ont été décrites.
Entre accident non transmissible du développement et déterminisme génétique, l’origine de la bicuspi-
die est vraisemblablement multifactorielle. Le déterminisme génétique est actuellement admis devant
la participation de la bicuspidie au tableau clinique de syndromes manifestement génétiquement déter-
minés tel le syndrome de Turner, devant l’observation fréquente de cas familliaux justiant le dépistage
chez les apparentés, ainsi qu’à partir de modèles animaux génétiquement modiés.
Néanmoins, les voies génétiques en cause sont indiscutablement multiples et la génétique n’explique
pas tout. Les observations de jumeaux monozygotes dont un seul des deux jumeaux est atteint de bicus-
pidie est fréquente, la haute prévalence de la bicuspidie dans la population contraste avec le faible de
taux de transmission ne dépassant pas 10%, le phénotype de la bicuspidie des enfants est souvent
BICUSPIDIE AORTIQUE
APRÈS 4 SIÈCLES DE SOMMEIL, UNE RENAISSANCE
J.-F. Aviérinos (Marseille)