3.5 Le prendre soin et l`accompagnement du patient en EVC

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L
E PRENDRE SOIN ET L
ACCOMPAGNEMENT
DU PATIENT EN ETAT VEGETATIF CHRONIQUE
INTERPELLENT
Les unités d’accueil de la Fondation Diaconesses de Reuilly ont partaleurs expériences à propos
des spécificités liées au prendre soin des patients en état végétatif chronique et en état pauci
relationnel. Les difficultés rencontrées dans la relation soignant-soigné conduisent plus largement à
une réflexion sur le sens du soin.
Les remarques des professionnels confrontés à ces situations soulignent l’implication, le
questionnement et la réflexion sur la pratique et l’exercice de chaque métier.
La présence auprès de l’autre est une relation de confiance plus indispensable que jamais car la
gravité de leur état sépare, isole et modifie voire compromet la vie relationnelle. Il y a fragilisation
des liens d’humanité et du rapport au monde. Pour les soignants, la prise en compte de la
fragilisation dissipe leurs certitudes et les expose au doute profond. Les professionnels sont ainsi
sollicités dans leur engagement au-delà des conventions habituelles.
C’est dans les suites de ces réflexions issues du quotidien des professionnels que le Comité
d’Ethique a été sollicité : « Qu’est-ce qu’un individu en état végétatif chronique ? « Que veut le
patient ? » - « Comment sait-on qu’il est « confortable » ? ». Sans prétendre vouloir répondre à ces
questions, La Fondation souhaite témoigner de son expérience du prendre soin des personnes en
état végétatif chronique pour contribuer au débat national.
PREAMBULE
La personne en état végétatif chronique ou en état pauci relationnel place professionnels,
accompagnants et proches dans une situation limite. Le regard posé sur la ficience massive
sollicite attention et responsabilité de la part d’une équipe pluridisciplinaire. Ce qui conduit chacun
des membres de l’équipe à reconnaitre ces personnes dans leur spécifici pour les soigner en
conséquence.
Les personnes en état végétatif vivent l’excès de leur vulnérabilité dans l’isolement et la
dépendance. Aux atteintes massives de la communication - incapacité de demander ou de répondre
aux soins qui leurs sont prodigués - il faut ajouter celle de leur impossibilité à vivre seules et sans
soins. Ces déficiences peuvent entrainer un risque d’épuisement pour les équipes et l’entourage.
L’incapacité du patient à valider les soins reçus peut être parfois source de frustration pour les
soignants. Pourtant, garder une posture ouverte reste nécessaire afin d’accueillir tout signe, même
irrationnel, qui pourrait être signe d’espoir.
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Je t’accueille : Qui es-tu ?
Comment accueillir, maintenir et promouvoir la dignité de la personne en état végétatif chronique ?
La spécificité qui semble la plus marquante est l’absence d’accès à la conscience : incapacité du
patient à communiquer et donc à exprimer son ressenti sur les soins reçus. L’intention du soignant
est-elle légitime pour pallier cette incapacité ?
Il restera toujours un espace inaccessible quant au vécu des personnes dans l’incapacité de
communiquer verbalement. Les interprétations des signes rassurent les professionnels car elles
donnent une réponse partielle aux différentes questions qu’ils se posent. Qu’elles soient justes ou
non, fondées ou pas, réelles ou imaginaires, elles existent et constituent une relation d’altérité même
hésitante. Sans nier l’importance de la nécessité de l’objectivation dans la relation soignante en
général, il s’agit dans cette situation particulière d’accueillir aussi la part de subjectivité humaine
que les professionnels expriment.
Comment faire pour « bien faire » ? La question éthique se pose aux soignants.
Il est cessaire de rassurer les soignants qui prennent le risque de se tromper dans leur
interprétation, quand ils s’appuient sur une dynamique de travail pluridisciplinaire, visant à la
pertinence de la prise en charge toujours en devenir.
Mais il est aussi nécessaire de travailler à accepter l’idée que, ce que le soignant pense être bon
puisse ne pas être vécu comme tel par le patient.
« Qui es-tu ? Tu es qui je regarde. »
Je doute et me questionne : Qu’attends-tu de moi ?
Le doute et le questionnement ponctuent les réflexions du soin au quotidien, et plus généralement
dans la société, dans la place qu’elle fait à des valeurs comme la dignité, le respect et la solidarité.
Dans le soin auprès des personnes en état végétatif chronique, il s’agit pour chaque professionnel de
se confronter à la solitude d’un geste impliquant plus qu’ailleurs sa responsabiliet en même
temps le doute, car la personne soignée ne peut pas répondre. On peut distinguer un double
questionnement qui alimente ce doute permanent : d’une part une interrogation relative à la quantité
de soins donnés à la personne « En fait-on assez ? N’en fait-on pas trop ? », D’autre part une
question quant à la qualité des soins prodigués « Est-ce que je fais bien ? Est-ce qu’il apprécie le
soin ? Est-ce un soin dont il a réellement envie ? Est-ce que ce soin lui fait du bien ? »
Toutefois la capacité de certains patients à pouvoir mettre en place une communication, aussi
infime soit-elle, modifie la posture soignante. Cela peut encourager l’équipe à adopter une attitude
positive constructive plutôt que de considérer le patient uniquement en termes de déficience.
La place prise ou non - par la famille et l’entourage peut aussi questionner. Si la famille est
présente elle est un acteur incontournable dans le prendre soin, mais doit-on pour autant lui
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reconnaitre un rôle de décideur ? Quelle est la place et le rôle du tuteur éventuel ?... De ce fait se
pose la question de la construction d’un projet personnalisé : est-ce réellement le projet que le
patient souhaite ? Ou est-ce celui que la famille désire ? Il ne faut pas sous estimer le risque
d’infantilisation.
Connaître l’histoire de la personne est important dès l’admission : Qui était le patient avant
l’accident ? Quels étaient ses goûts, sa personnalité, ses centres d’intérêts…
Connaître et comprendre ce que la personne a été peut aider à présupposer ce qu’elle peut vivre
aujourd’hui, dans sa situation : confrontée au regard des autres, en dépendance complète, son corps
livré aux professionnels, ses décisions prises par autrui ...
Les notions de temps et de temporalité prennent une dimension spécifique. Il s’agit d’investir un
projet de vie, qui peut s’étendre sur plusieurs années, en prenant en compte le fait que le temps s’est
arrêté le jour de l’évènement mais que la vie continue. On fait souvent vivre le patient dans un
espace la référence au passé est très présente (photos, souvenirs…) alors que peu d’éléments le
projettent dans l’avenir…
Le projet de soins renvoie à un projet de vie et à une histoire à construire dans la durée.
L’institution a pour mission de permettre ces débats en offrant aux professionnels un cadre, en
posant les limites et en validant les pratiques.
Je t’accompagne : Tu existes !
Le fait que l’état de la personne, son comportement, son inertie nous heurtent parfois jusqu’au
surinvestissement, ne pose-t-il pas la personne dans son altérité, comme un être vivant en relation ?
Cette interrogation peut sans cesse donner du sens à un prendre soin dans la durée, projet de vie
ouvert sur l’avenir de la personne, de sa famille…et peut être de notre société elle même ?
Document validé par le Conseil d’administration le 24 novembre 2014
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