Urgence en diabète : le coma hyperosmolaire et l`acidocétose

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Urgence en diabète : le coma
­hyperosmolaire et l’acidocétose diabétique
Claude Garceau, M.D., FRCP
I
l existe deux complications dangereuses du diabète de type 2 : le coma
hyperosmolaire et l’acidocétose diabétique. Ces deux complications
sont tout de même rares, mais vous devriez les connaître, car la plupart
du temps, il est possible de les prévenir.
Le coma hyperosmolaire
Le cas de Jean
Jean est diabétique et prend des hypoglycémiants
oraux : glyburide (Diabeta MD) 10 mg BID et de la
metformine (GlucophageMD) trois fois par jour. Depuis
quelques jours, Jean est malade (une gastroentérite…).
Il ne boit pas beaucoup et ne mange pas. Comme il ne
s’alimente pas, il ne veut pas prendre son DiabétaMD.
Aujourd’hui, sa femme a appelé son médecin pour qu’il
vienne le voir à la maison. Elle le trouve ralenti, confus,
très léthargique. Pourtant il ne fait pas de fièvre. Le
médecin mesure sa glycémie et recommande un
transfert rapide vers l’urgence. Que s’est-il passé ?
Point pratique
Vos glycémies sont supérieures à 30 mmol/l ? Buvez de l’eau, prenez votre insuline
ou vos hypoglycémiants oraux si vous en êtes capables et contactez votre médecin.
Vous êtes incapables de le joindre ? Rendez-vous immédiatement à l’urgence.
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Jean souffre probablement de ce que les médecins nomment un
syndrome hyperosmolaire qui, lorsqu’il n’est pas traité adéquatement, peut
conduire à un coma ! C’est pourtant une des complications du diabète qui
peut parfaitement être évitée.
Lorsque la glycémie atteint des valeurs extrêmes, on peut assister à de
curieux phénomènes. Le sang devient plus « épais ». Il se produit un ralentissement de la circulation globale. Sur le plan intellectuel, le patient devient
ralenti. Les glycémies peuvent facilement dépasser facilement les 40 mmol/l
ou plus.
Les glycémies élevées du syndrome hyperosmolaire ne sont possibles
que s’il y a à la fois un manque relatif en insuline (ou une résistance inhabituelle à son action) et une mauvaise hydratation.
Les circonstances fréquentes dans lesquelles peuvent survenir le
syndrome hyperosmolaire sont une infection, une erreur ou un arrêt de la
prise de l’insuline ou de la médication orale et une hospitalisation pour une
cause urgente. La prise de cortisone pour traiter d’autres conditions
prédispose aussi à ce problème. Les patients atteints de maladie mentale et
prenant des antipsychotiques sont aussi à risque. Le patient hospitalisé pour
d’autres conditions comme une pancréatite, un infarctus, un accident vasculaire ou une chirurgie orthopédique (fracture) est souvent dépendant de
l’équipe médicale pour le suivi des glycémies et pour assurer un état d’hydratation adéquat. Le syndrome hyperosmolaire peut donc survenir même à
l’hôpital !
Les symptômes de l’état hyperosmolaire sont le ralentissement psychomoteur, la déshydratation (la soif), la confusion…
Comment prévenir le coma hyperosmolaire ? Dans les cas de maladie
aiguë (par exemple la gastroentérite), il faut mesurer vos taux de sucre à
l’aide de votre réflectomètre. Si vos glycémies sont constamment au-dessus
de 30 mmol/l à votre glucomètre et que vous êtes incapables de boire de
l’eau, vous devez vous rendre à l’urgence pour avoir des solutés par les veines
et de l’insuline. Il faut se souvenir que le fait d’être incapable de s’alimenter
ne veut pas dire que vos glycémies resteront normales ou basses, au contraire
elles peuvent s’élever et le fait d’être incapable de boire suffisamment d’eau
va aggraver le problème.
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Dans une telle situation, il ne faut donc pas hésiter à contacter votre
médecin ou votre infirmière en diabète ou bien vous rendre à l’urgence si
vous ne pouvez pas les joindre. En plus de corriger votre déficit en liquide
et en insuline, votre médecin recherchera la cause qui a débalancé votre
diabète et y remédiera.
L’acidocétose diabétique
Le cas de Jeanne
Jeanne est diabétique de type 2 et prend de
l’insuline à longue action LantusMD en doses de 20 unités
par jour et de l’insuline rapide au moment des repas.
Son médecin lui a prescrit un antibiotique pour une
infection urinaire il y a 24 heures. Jeanne ne se sent pas
mieux. Elle a des nausées, elle a vomi à plusieurs
reprises aujourd’hui et a de nouvelles douleurs à
l’estomac. Elle n’a pas pris son insuline ce matin et elle
se sent de plus en plus essoufflée. Sa glycémie est à
42 mmol/l au réflectomètre. Elle s’est rendue à l’urgence
et presque immédiatement après une analyse sanguine,
l’urgentologue lui a dit qu’elle souffrait en plus de
l’infection urinaire d’une complication de son diabète
appelée acidocétose diabétique. Il l’a aussi avisée qu’il
devait immédiatement lui administrer de l’insuline par les veines et que
son état prendrait environ une douzaine d’heures avant de se normaliser.
Elle sera étroitement suivie. À chaque heure, on procédera à des analyses
sanguines.
L’acidocétose diabétique s’observe beaucoup plus fréquemment chez
les patients atteints de diabète de type 1, mais elle peut aussi survenir chez
les patients atteints du type 2.
Les diabétiques de type 1 sont différents de ceux du type 2. Ils ne
produisent pas d’insuline, leur pancréas a été détruit par l’inflammation.
Dans le type 2, le pancréas n’est pas détruit, il continue à sécréter de l’insuline.
Toutefois, dans certaines circonstances, il faudrait qu’il en secrète beaucoup
plus et il n’en est pas capable. Dans ces circonstances spéciales, le manque
relatif en insuline fait monter les glycémies et peut également produire un
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sang plus acide. C’est ce que l’on appelle l’acidocétose diabétique. L’acidocétose diabétique est une urgence absolue. Les symptômes que le patient
peut ressentir sont :
1) Nausées, vomissements
2) Douleurs abdominales
3) Respiration rapide
4) Soif intense
5) Ralentissement psychomoteur, agitation, état de choc, coma
Situations dans lesquelles l’acidocétose peut survenir
1) Une infection (pneumonie, cellulite, infection urinaire, gastroentérite)
2) Un drame abdominal aigu (pancréatite, colite, gastroentérite, diverticulite)
3) Lors de la prise de certains médicaments (antipsychotiques)
4) Infarctus du myocarde
5) Arrêt de l’insuline ou erreur dans la dose
Utilité des bandelettes d’urines pour le diagnostic de l’acidocétose
Sur les bandelettes d’urines il existe un petit carré correspondant à la présence
dans l’urine de « corps cétoniques ». Il n’est pas normal de trouver des corps
cétoniques dans l’urine. Plus le carré devient foncé, plus il y a présence de corps
cétoniques et plus il y a acidocétose et donc un manque sévère d’insuline.
Votre réflectomètre usuel ne mesure pas le taux d’acidité dans le sang.
En présence de glycémies très élevées, il peut être utile de tester les urines
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avec une bandelette. Les bandelettes (test d’urine) ont une zone qui devient
foncée en présence de corps cétoniques.
Il existe aussi des réflectomètres qui peuvent mesurer directement, en
quelques minutes, le taux d’acidité du sang à l’aide d’une goutte de sang. La
quantité de certaines substances produites par votre organisme (corps
cétoniques et B-hydrox butyrates) est mesurée par cet appareil. Un de ces
réflectomètres avec bandelettes spéciales est le Précision Xtra (AbbotMD). La
mesure des corps cétoniques est plus précise avec le réflectomètre qu’avec
le test d’urine. On trouve de tels appareils dans les cliniques de diabète, de
votre groupe de médecine familiale (GMF) et aux urgences des hôpitaux.
Votre réflectomètre régulier ne mesure pas le degré d’acidité de votre sang
en cas d’urgence diabétique.
Mesure des B-hydrox butyrates avec le réflectomètre BD XTRA
ß-Hydrox ­butyrate
Mesure
Interprétation
De 1,6 à 3 mmol/l
Une mesure supérieure à 1,5 mmol/l est
anormale. Il y a présence d’acidocétose
diabétique. Contactez immédiatement votre médecin ou rendez-vous à
l’urgence.
De 0,6 à
1,5 mmol/l
Plus petite que
0,6 mmol/l
Une mesure entre 0,6 et 1,5 peut être
anormale. Contactez votre médecin ou
votre infirmière en diabète
Une mesure plus petite que 0,6 mmo/l
est normale.
En cas de maladie aiguë, il faut mesurer vos glycémies et si elles sont
très élevées votre médecin vous dirigera probablement vers l’urgence pour
des examens supplémentaires.
Si le taux d’acidité du sang est anormal en présence de glycémies élevées,
votre médecin vous administrera de l’insuline, des solutés et du potassium
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par les veines. En même temps, il tentera de chercher la cause de ce débalancement. L’acidocétose diabétique est une urgence absolue et peut conduire
rapidement à un état de choc.
Si un patient avec un diabète de type 2 présente un épisode d’acidocétose, le médecin traitant sera amené à se poser des questions sur le type
de diabète en présence. En effet, le manque absolu ou relatif en insuline est
la condition nécessaire à l’apparition d’une acidocétose diabétique.
Certains patients que l’on croyait de type 2 sont en fait de type 1. Dans
les débuts du diabète de type 1 (destruction du pancréas par des anticorps),
certains patients conservent une certaine sécrétion d’insuline. Si modeste
soit-elle cette faible sécrétion d’insuline résiduelle empêche généralement
l’apparition d’acidocétose. Toutefois, ces patients en phase appelée « lune
de miel » ne sont pas capables d’augmenter la sécrétion d’insuline en cas
d’infection et peuvent présenter de l’acidocétose.Le diagnostic d’un diabète
de type 1 par l’acidocétose justifie le recours permanent à l’insuline.
D’autres patients avec destruction partielle du pancréas (ex :pancréatite
chronique, fibrose kystique) sont à risque dans les mêmes circonstances.
Avec l’âge, certains patients avec un diabète de type 2 perdent graduellement leur capacité à sécréter de l’insuline et sont eux aussi à risque
d’acidocétose. En résumé, un épisode d’acidocétose, même corrigé, doit
conduire à réévaluer le type de diabète.
Un test permet de mesurer la capacité de votre corps à pouvoir sécréter
de l’insuline. Ce test est appelé le dosage des c-peptides. Si votre taux de
c-peptides est bas, cela signifie en pratique que votre pancréas ne peut plus
produire lui-même de l’insuline. Dans cette situation, votre médecin vous
prescrira pour de bon de l’insuline.
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