débuté, ainsi qu’une réhydratation par sérum salé isotoni-
que. La patiente est ensuite transférée en réanimation pour
poursuite de la prise en charge. À l’admission en réanima-
tion la glycémie capillaire chute rapidement à 0,4 g/L
(2,22 mmol/L). La réalisation d’une bandelette urinaire
(première miction) révèle une cétonurie positive à ++++ et
des traces de glucose. Les résultats du bilan en réanima-
tion sont présentés dans le tableau 1.
L’insuline en continu est arrêtée du fait de l’hypoglycé-
mie, la réhydratation est poursuivie associée à un apport
de glucose et une vitaminothérapie B1, B6 et PP. L’évolu-
tion est rapidement favorable avec correction des troubles
hydroélectrolytiques. La patiente sort contre avis médical
à j3 de l’hospitalisation.
Le point de vue du clinicien
Il s’agit d’une acidose métabolique partiellement compen-
sée par l’hyperventilation. La valeur calculée de la pCO2
attendue (pCO
2
= (1,5 x bicarbonatémie + 8) soit 15,5
mmHg) est proche de la capnie observée (13 mmHg). Il
n’y a donc pas de composante respiratoire à cette acidose.
Le trou anionique (natrémie – [bicarbonatémie
+ chlorémie]) est augmenté à 28 mmol/L.
Les hypothèses diagnostiques à évoquer sont tout d’abord
une origine toxique mais l’interrogatoire et les dosages
plasmatiques (aspirine, méthanol, éthylène glycol) infir-
ment ce diagnostic. Il pourrait s’agir d’une acidose lacti-
que, mais la lactatémie ne peut à elle seule expliquer
l’augmentation du trou anionique calculé. Enfin, l’aug-
mentation importante de la cétonurie et de la cétonémie
font évoquer deux diagnostics : une acidocétose diabéti-
que ou bien alcoolique.
Dans le cas présent, l’anamnèse est typique d’une acido-
cétose alcoolique. L’éthylisme chronique avec augmenta-
tion récente de la consommation d’alcool favorise une
intolérance digestive (vomissements) qui elle-même
entraîne un arrêt de la consommation d’alcool et un jeûne.
La présentation clinique est elle aussi caractéristique :
vomissements (présents dans 80 % des cas), douleurs
abdominales (50 %) parfois pseudo-chirurgicales, poly-
pnée d’acidose, signes de déshydratation extracellulaire.
Les autres signes sont l’odeur cétonique de l’haleine,
l’hypothermie (rare) et les manifestations neurologiques
(coma, convulsions présentes dans 30 % des cas). En pra-
tique, ce type d’acidocétose se rencontre chez des patients
alcooliques chroniques, après une période de jeûne. Le
diagnostic doit être évoqué devant une acidocétose asso-
ciée à une glycémie peu élevée et une cétonurie sans gly-
cosurie. La prise en charge doit comporter, outre la
réhydratation et la correction des troubles hydroélec-
trolytiques, l’apport de glucose, une vitaminothérapie B1,
B6 et PP. La disparition de la symptomatologie clinique et
biologique sous ce traitement symptomatique est la
meilleure preuve du diagnostic. Enfin, la patiente a initia-
lement une insuffisance rénale fonctionnelle qui régresse
après réhydratation comme cela est souvent observé.
Ici, l’existence d’une glycémie relativement élevée à
l’admission aux urgences fait en premier lieu évoquer le
diagnostic d’acidocétose diabétique. Cependant, la chute
rapide sous traitement par insuline de la glycémie et la
négativité de la glycosurie font porter lors de l’admission
en réanimation le diagnostic d’acidocétose alcoolique. La
glycémie élevée initialement peut faire penser que la
patiente a un certain degré d’insulino-résistance qui n’a pu
être prouvé, même ultérieurement. Enfin, une hypophos-
phorémie est fréquente, mais pas observée dans le cas
présent.
Le point de vue du biologiste
Il s’agit d’une acidocétose typique avec à l’admission aug-
mentation du trou anionique, expliquée ni par l’augmenta-
tion du lactate seul, ni par la présence de toxiques. La
déshydratation extracellulaire est importante, plus visible
sur la valeur des protides totaux que sur la valeur de
l’hématocrite. Les corps cétoniques sont augmentés. Ici, il
s’agit uniquement du b-hydroxybutyrate, l’acétoacétate
présent n’étant pas dosé par le système Medisense Optium
(linéarité du système : 0-15 mmol/L ; récupération
Tableau 1. Bilans sanguins et urinaires du patient à l’admission
et en réanimation.
Admission (10 h 04) Réanimation (15 h 57)
Gaz du sang
pH 7,12 7,32
pCO
2
13 mmHg 22 mmHg
pO
2
128 mmHg 136 mmHg
Lactates 2,50 mmol/L 1,70 mmol/L
Sang
Sodium 136 mmol/L 135 mmol/L
Potassium 4,0 mmol/L 3,5 mmol/L
Chlorures 103 mmol/L 103 mmol/L
CO
2
total 5 mmol/L 9 mmol/L
Créatinine 111 µmol/L 86 µmol/L
Protéines totales 107 g/L 68 g/L
Glucose 17,8 mmol/ l 1,8 mmol/L
Hématocrite 42,2 % 32,2 %
Acétoacétate Non déterminé 1 110 µmol/L
-hydroxybutyrate Non déterminé 1 735 µmol/L
Alcoolémie Non déterminé Recherche négative
Aspirine Non déterminé Recherche négative
Urine
Glucose urinaire Non déterminé Recherche négative
pratique quotidienne
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 3, mai-juin 2005336
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