DROIT
BULLETIN D’INFORMATION JURIDIQUE POUR LES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS
Vol. 14, no1, juillet 2005
Sécurité des patients
Qu’entend-on par « sécurité des patients »?
La « sécurité des patients » désigne la réduction et l’atténuation des actes dangereux au sein du système de soins de santé et
l’emploi des meilleures pratiques considérées comme optimisant les résultats pour les patients1. De nombreux pays, dont le
Canada2, sont en train de prendre des mesures pour recenser les façons dont la gestion des soins de santé peut nuire de façon
involontaire aux patients. Réaliser l’objectif de la sécurité des patients exige la divulgation des incidents critiques3, l’analyse des
conditions à leur origine et la mise en oeuvre des améliorations nécessaires. En leur qualité de fournisseurs de soins de santé de
première ligne et de défenseurs des droits des patients, les infirmières jouent un rôle important dans la réalisation de ce but.
De quelle façon les initiatives en matière de sécurité des patients
pourraient-elles influer sur les soins infirmiers que je prodigue?
Divulgation à l’employeur
Les établissements de santé ont la responsabilité de maintenir des systèmes sécuritaires à l’intention des patients. À cette fin,
l’administration doit être informée le plus tôt possible de tout incident critique. Même si la personne autorisée à prendre des
décisions et des mesures peut être le gestionnaire de risques, le responsable de l’assurance de la qualité ou l’administrateur de
l’établissement, les infirmières ont le devoir de signaler les incidents critiques.
Les infirmières doivent aussi respecter les procédures internes formelles applicables à la communication des incidents
(normalement un rapport d’incident écrit). L’étape suivante comprend une enquête ou un suivi internes, compte tenu de la
nature et de la gravité de l’incident. En effet, une organisation peut vouloir se renseigner sur les éléments ou composantes de
ses processus qui ont donné de bons résultats durant l’incident, de même que sur ceux qui ont donné de mauvais résultats.
L’enquête réalisée peut donner lieu à des recommandations en vue de l’amélioration des processus visés. La profession
infirmière n’évoluera et ne s’améliorera que si le personnel infirmier est informé des recommandations présentées. Étant
donné que les mesures adoptées visent le mieux-être des patients, les recommandations, à l’instar du rapport initial
d’incident critique, doivent être diffusées et mises en oeuvre en temps utile.
Les établissements peuvent aussi exiger la communication des quasi-incidents, c’est-à-dire les cas où des patients n’ont subi aucun
préjudice, mais auraient pu en subir n’eut été la détermination en temps opportun du risque et des interventions nécessaires.
Le personnel, notamment le personnel infirmier, peut ne pas divulguer les incidents critiques par crainte de conséquences
personnelles si l’enquête menée a un caractère punitif. Les établissements devraient axer leurs enquêtes sur la chaîne des
événements à l’origine de l’incident ou sur le système au sein duquel l’incident est survenu. Un éventail de processus
juridiques permet de tenir l’infirmière responsable de ses actions si les circonstances le justifient. Les initiatives en matière de
sécurité des patients ne visent pas à faire double emploi avec ces processus.
Divulgation aux patients
Responsabilité
Les tribunaux ont statué que les infirmières ont l’obligation juridique de se conformer aux politiques de l’hôpital applicables
à la communication d’incidents. Quant à eux, les médecins en cause dans un incident ont l’obligation juridique d’informer
leurs patients de ce qui est arrivé4. Les infirmières employées ne devraient pas prendre sur elles de divulguer des
renseignements sur un incident critique à un patient à moins d’avoir été expressément chargées de le faire. La divulgation de
ces renseignements pourrait être utilisée à titre de preuve dans une instance judiciaire. En conséquence, il est recommandé
de respecter toute politique judicieuse en matière de divulgation.
Les infirmières en pratique privée doivent concevoir leurs propres politiques raisonnables en matière de protection de la
sécurité des patients et de divulgation de renseignements5.
MD
Protection
responsabilité
professionnelle
pour les
infirmières et
infirmiers
Société de
protection des
infirmières et
infirmiers du
Canada
info
www.spiic.ca
Société de
protection des
infirmières et
infirmiers du
Canada
Protection
responsabilité
professionnelle
pour les
infirmières et
infirmiers
N.B. : Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
CE BULLETIN SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS LA PRÉSENTE PUBLICATION NE PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ
COMME L’AVIS JURIDIQUE DE QUELQUE PERSONNE QUE CE SOIT AYANT PARTICIPÉ À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU
DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES AVIS SPÉCIFIQUES.
La divulgation aux patients de renseignements sur un incident est appropriée en raison du droit des patients d’avoir accès
aux renseignements en matière de santé qui les concernent. De plus, l’expérience révèle que la divulgation de ces
renseignements en temps utile et de manière adaptée, de même que l’adoption de mesures véritables pour corriger une
situation, décroît les risques de litige6.
Mode de divulgation
La divulgation aux patients de renseignements sur un incident est une opération délicate. Il faut tenir compte de l’état de
santé du patient, du contexte et du moment. Si le patient a subi un préjudice à la suite d’une erreur, il doit en être informé.
Si le patient victime d’une erreur n’a pas encore subi de préjudice mais qu’il existe toujours un risque de préjudice, il faudrait
l’en informer. Les recherches ont démontré que la plupart des patients veulent savoir si une erreur a eu lieu même s’ils n’ont
subi aucun préjudice et qu’ils ne risquent pas d’en subir7.
Est-ce que les renseignements que je divulgue dans le cadre d’une
enquête interne peuvent être utilisés ultérieurement dans une
poursuite civile?
La plupart des provinces et des territoires ont adopté une loi sur la preuve qui assure un caractère privilégié aux
renseignements divulgués au comité d’assurance de la qualité d’un hôpital. En conséquence, ces renseignements ne peuvent
être communiqués au tribunal8. Sont aussi jugées privilégiées les conclusions du comité de même que les recommandations
qui résultent de son enquête. Les faits relatifs à un incident comme, par exemple, une copie du dossier du patient, ne sont
pas privilégiés et peuvent être divulgués. La loi vise à faciliter la mise en place d’un processus d’assurance de la qualité
transparent en vue, d’une part, de l’amélioration continue des soins dispensés aux patients pour le bien de la collectivité et,
d’autre part, de la réduction des risques de préjudice aux patients à l’avenir.
Il importe de signaler que le caractère privilégié des renseignements ne peut être invoqué qu’à l’égard des renseignements
expressément visés dans la loi. Dans le cadre d’une poursuite civile, tous les autres éléments d’information et documents qui
se rattachent à la poursuite peuvent être utilisés comme preuves.
1. Adapté de Canadian Patient Safety Dictionary, octobre 2003, p. 12, http://rcpsc.medical.org/publications/PatientSafetyDictionary_e.pdf.
2. G. Ross Baker et autres, « The Canadian Adverse Events Study: the incidence of adverse events among hospital patients in Canada, »
dans Journal de l’Association médicale canadienne 170, 11 (25 mai 2004) : 1678-86.
3. Glossaire canadien sur la prestation sécuritaire des soins et services au patient, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2004, p. 67,
http://www.chumontreal.qc.ca/pdf/glossaire_final%204.pdf (adapté de Canadian Patient Safety Dictionary, octobre 2003). Incident
critique : « un incident dans la prestation des soins et des services qui comporte un risque élevé de mortalité, de perte de membre ou
d’incapacité fonctionnelle. Ce type d’incident est considéré comme étant « critique » car il soulève la nécessité d’un examen et d’une
réponse immédiats, non seulement en raison de l’état réel du patient ou du risque qu’il a couru, mais également parce qu’il s’agit de la
manifestation de problèmes sur les plans des processus et de l’organisation des soins. »
4. Shobridge c. Thomas (1999), 47 C.C.L.T. (2d) 73 (B.C.S.C.); Gerula c. Flores (1995), 126 D.L.R. (4th) 506 (Ont. C.A.).
5. Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, « Divulguer les erreurs médicales : la pratique à adopter, » Des soins de qualité 2, 3
(été 2003). La Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada peut aussi fournir une aide.
6. Philip C. Hébert et autres, « Bioethics for clinicians: 23. Disclosure of medical error, » dans Journal de l’Association médicale canadienne
164, 4 (20 février 2001) : 509-13.
7. Ibid.
8. La divulgation de renseignements de nature délicate par une infirmière dans le cadre d’une enquête sur l’assurance de la qualité peut avoir
un caractère privilégié même en l’absence de dispositions législatives à cet effet. Si une partie veut avoir accès à ces renseignements, il faut
prouver l’existence des quatre facteurs suivants :
1. les renseignements ont été communiqués en toute confidence et il était entendu qu’ils ne seraient pas divulgués;
2. la confidentialité est essentielle au maintien intégral et satisfaisant des rapports entre les parties;
3. ces rapports doivent être favorisés de façon diligente;
4. le préjudice que la divulgation des renseignements cause aux rapports est plus grand que l’avantage découlant du règlement
approprié du litige. [trad. libre] Steep (Litigation Guardian) c. Scott (2002), 62 O.R. (3d) 173 (S.C.J.).
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