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Date de création : 14 septembre 2015
Le Figaro, no. 21932
Le Figaro, jeudi 12 février 2015, p. 11
Sciences
Hyperactivité : de belles, mais utopiques recommandations
La Haute Autorité de Santé dévoile ses préconisations pour mieux dépister les enfants souffrant de
troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Roy, Soline; Soline Roy @so_sroy @so_sroy
PSYCHIATRIE « Nos
recommandations sont idéalistes.
Mais c'est un idéalisme assumé. » Le
Dr Jean Chambry, pédopsychiatre, a
coprésidé le groupe de travail ayant
rédigé les préconisations de la Haute
Autorité de Santé (HAS) pour la
détection et la prise en charge en
premier recours des troubles de déficit
de l'attention avec ou sans
hyperactivité (TDAH). Et il l'admet :
toutes ne pourront pas être respectées.
« L'objectif premier était d'affirmer
que le TDAH existe et n'est pas une
invention des laboratoires
pharmaceutiques. Mais aussi
sensibiliser les médecins généralistes
pour qu'ils prennent le temps
d'évaluer ces troubles. »
Difficile de savoir exactement
combien d'enfants en France sont
touchés, mais on parle généralement
de 3 à 5 %. Et s'il existe des critères
diagnostics listés notamment par le «
DSM 5 » (manuel américain des
affections psychiatriques), ceux-ci
sont contestés par certains
professionnels (lire ci-contre).
Plusieurs autres pathologies peuvent
ressembler au TDAH ; en outre, la
limite entre « enfant très farfelu » et «
hyperactif » peut être floue et dépend
beaucoup du seuil de tolérance de
ceux qui ont la charge de l'enfant
agité.
« Errance thérapeutique »
« Le problème est qu'il y a de la
souffrance derrière ces difficultés,
chez les enfants comme chez les
parents. Ces recommandations
permettront aux médecins de dire aux
parents qu'ils ne sont pas de mauvais
parents, mais que les difficultés de
leur enfant sont réelles » , précise le
Dr Chambry. Il faudra, convient-il,
être très rigoureux : « Aux États-Unis
il y a beaucoup de surdiagnostic, car
on ne prend pas toujours le temps
d'évaluer la situation, et les
traitements médicamenteux sont
donnés en première intention. »
Pas d'excès de prescriptions à
craindre donc, à en croire les
promoteurs de ces recommandations.
Le méthylphénidate, seule molécule
proposée à ce jour contre le TDAH
(commercialisée sous les noms de
Ritaline, Concerta et Quasym), est
mis à sa juste place : jamais en
première intention, toujours en
complément d'autres thérapies, et
uniquement si l'enfant et son
entourage ont besoin de cette aide
pour faire « taire » les symptômes le
temps que les troubles s'apaisent.
Le rôle du médecin généraliste sera
donc de repérer un éventuel trouble et
d'orienter la famille vers un service
spécialisé s'il suspecte un TDAH. Il
devra ensuite informer les familles,
leur délivrer aide et conseils en
attendant la confirmation du
diagnostic. Une attente parfois bien
longue : les services spécialisés sont
tellement sollicités que « l'errance
thérapeutique peut durer jusqu'à deux
ans et demi » , regrette Christine
Getin, présidente de l'association
TDAH France. Une fois le diagnostic
posé, le médecin de famille devra
aider les parents à mettre en place les
diverses thérapies proposées, suivre
l'évolution de l'enfant et, dans le
monde idéal des bonnes pratiques,
coordonner le travail du médecin
spécialiste, des autres professionnels
de santé (psychomotriciens,
orthophonistes, ergothérapeutes...) et
de l'école.
Car ces recommandations s'adressent
aussi, en creux, aux enseignants. «
Lorsqu'ils sont de bonne volonté, on
peut mettre des choses en place qui
marchent plutôt bien, témoigne
Christine Getin. Mais cela devient
souvent plus compliqué au collège,
avec plusieurs enseignants. Il suffit
d'un ou deux réfractaires pour que
l'enfant soit déstabilisé et dévalorisé.
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