Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Créé par : Cégep-Granby-Haute-Yamaska Hyperactivité : de belles, mais utopiques recommandations Le Figaro - 12 février 2015................................................................................................................................... 3 L'autisme vu de l'intérieur Le Monde - 25 juin 2014.......................................................................................................................................5 Et les troubles sexuels devinrent une maladie Le Monde - 2 septembre 2015...............................................................................................................................7 La différence, c'est accepter sa normalité l'Humanité - 12 décembre 2013.............................................................................................................................9 Maladies mentales : la classification DSM-5 en VF Le Monde - 8 juillet 2015....................................................................................................................................10 « Il faut toujours remettre les diagnostics psychiatriques en question » Le Temps - 23 novembre 2013............................................................................................................................12 " La détection des maladies mentales doit être précoce " Le Monde - 11 juin 2014.....................................................................................................................................15 23 signes que vous êtes secrètement introverti Le Huffington Post Québec (réf. site web) - Huffington Post Québec - 14 octobre 2014.................................. 17 Vraiment bipolaire? Le Soleil - 2 novembre 2014............................................................................................................................... 18 L'anxiété et les gens très intelligents Le Soleil - 7 septembre 2014...............................................................................................................................20 Santé - Les dysfonctions sexuelles féminines, fabrication ou réalité médicale? Le Devoir - 8 septembre 2015............................................................................................................................. 22 1 Libre opinion - Le DSM-5, une maladie de société Le Devoir - 26 juin 2014..................................................................................................................................... 23 Ceci n'est pas une bible ! Le Quotidien du Médecin - 18 juin 2015............................................................................................................ 25 Le malade virtuel Le Monde diplomatique - 1 juin 2015.................................................................................................................27 FANTASMES DU CÔTÉ DE L'INTERDIT Québec Science - 1 mars 2015............................................................................................................................ 30 Un outil en perpétuelle évolution Le Quotidien du Médecin - 18 juin 2015............................................................................................................ 35 Vaincre le mal de vivre L'Actualité - 15 novembre 2013..........................................................................................................................36 Plaidoyer pour un usage raisonné Le Quotidien du Médecin - 19 décembre 2013................................................................................................... 44 Une mise à jour en évolution Le Quotidien du Médecin - 5 décembre 2013..................................................................................................... 46 2 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Figaro, no. 21932 Le Figaro, jeudi 12 février 2015, p. 11 Sciences Hyperactivité : de belles, mais utopiques recommandations La Haute Autorité de Santé dévoile ses préconisations pour mieux dépister les enfants souffrant de troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Roy, Soline; Soline Roy @so_sroy @so_sroy PSYCHIATRIE « Nos recommandations sont idéalistes. Mais c'est un idéalisme assumé. » Le Dr Jean Chambry, pédopsychiatre, a coprésidé le groupe de travail ayant rédigé les préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour la détection et la prise en charge en premier recours des troubles de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Et il l'admet : toutes ne pourront pas être respectées. « L'objectif premier était d'affirmer que le TDAH existe et n'est pas une invention des laboratoires pharmaceutiques. Mais aussi sensibiliser les médecins généralistes pour qu'ils prennent le temps d'évaluer ces troubles. » ceux qui ont la charge de l'enfant agité. « Le problème est qu'il y a de la souffrance derrière ces difficultés, chez les enfants comme chez les parents. Ces recommandations permettront aux médecins de dire aux parents qu'ils ne sont pas de mauvais parents, mais que les difficultés de leur enfant sont réelles » , précise le Dr Chambry. Il faudra, convient-il, être très rigoureux : « Aux États-Unis il y a beaucoup de surdiagnostic, car on ne prend pas toujours le temps d'évaluer la situation, et les traitements médicamenteux sont donnés en première intention. » Difficile de savoir exactement combien d'enfants en France sont touchés, mais on parle généralement de 3 à 5 %. Et s'il existe des critères diagnostics listés notamment par le « DSM 5 » (manuel américain des affections psychiatriques), ceux-ci sont contestés par certains professionnels (lire ci-contre). Plusieurs autres pathologies peuvent ressembler au TDAH ; en outre, la limite entre « enfant très farfelu » et « hyperactif » peut être floue et dépend beaucoup du seuil de tolérance de Pas d'excès de prescriptions à craindre donc, à en croire les promoteurs de ces recommandations. Le méthylphénidate, seule molécule proposée à ce jour contre le TDAH (commercialisée sous les noms de Ritaline, Concerta et Quasym), est mis à sa juste place : jamais en première intention, toujours en complément d'autres thérapies, et uniquement si l'enfant et son entourage ont besoin de cette aide pour faire « taire » les symptômes le temps que les troubles s'apaisent. « Errance thérapeutique » 3 Le rôle du médecin généraliste sera donc de repérer un éventuel trouble et d'orienter la famille vers un service spécialisé s'il suspecte un TDAH. Il devra ensuite informer les familles, leur délivrer aide et conseils en attendant la confirmation du diagnostic. Une attente parfois bien longue : les services spécialisés sont tellement sollicités que « l'errance thérapeutique peut durer jusqu'à deux ans et demi » , regrette Christine Getin, présidente de l'association TDAH France. Une fois le diagnostic posé, le médecin de famille devra aider les parents à mettre en place les diverses thérapies proposées, suivre l'évolution de l'enfant et, dans le monde idéal des bonnes pratiques, coordonner le travail du médecin spécialiste, des autres professionnels de santé (psychomotriciens, orthophonistes, ergothérapeutes...) et de l'école. Car ces recommandations s'adressent aussi, en creux, aux enseignants. « Lorsqu'ils sont de bonne volonté, on peut mettre des choses en place qui marchent plutôt bien, témoigne Christine Getin. Mais cela devient souvent plus compliqué au collège, avec plusieurs enseignants. Il suffit d'un ou deux réfractaires pour que l'enfant soit déstabilisé et dévalorisé. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Et l'on est parfois à la limite de la maltraitance ! » Un document émanant des autorités sanitaires devrait donc aider à « mieux faire travailler tout le monde ensemble et convaincre les réticents que ce trouble entraîne de vraies difficultés, précise Christine Getin. Actuellement, il faut être un battant pour y arriver. Si le médecin de famille pouvait aider à comprendre, prendre du recul, prioriser les prises en charge, peut-être que tous les enfants s'en sortiraient mieux. » Note(s) : [email protected] Illustration(s) : JAMES KING-HOLMES/SPL/COSMOS Cette aire de jeu a été pensée pour diagnostiquer et étudier les troubles de l'attention, avec ou sans hyperactivité. © 2015 Le Figaro. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150212·LF·422×20×264414648 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 4 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Monde Science & techno, mercredi 25 juin 2014, p. SCH6 Le Monde Science et médecineRendez-vous Le livre L'autisme vu de l'intérieur L'universitaire Temple Grandin apporte un regard éclairé sur son « handicap » Sandrine Cabut A quoi ressemble le cerveau des autistes, et surtout comment fonctionne-t-il ? De nombreux livres écrits par des médecins et des chercheurs s'attellent à ces questions. Parallèlement, des autistes de haut niveau comme Daniel Tammet, Josef Schovanec ou encore Hugo Loriot apportent aussi, par le récit de leur vie, des pièces décisives à ce puzzle de la science. bon : l'emmener chez un neurologue, qui a évoqué des. La petite Temple a été prise en charge par un orthophoniste et une nounou qui ont eu une approche. « J'ai de la chance d'être née en 1947.Le diagnostic d'autisme n'avait que quatre ans. Presque personne ne savait ce que c'était » , « lésions cérébrales » « identique à celle des thérapeutes comportementalistes actuels » Dans son dernier ouvrage, qui vient d'être traduit en français, Temple Grandin livre une vision mixte, à la fois très documentée sur le plan scientifique et très personnelle. Universitaire spécialisée en zootechnie, diagnostiquée autiste à 4 ans, cette Américaine est devenue un symbole en racontant son parcours dans paru en 1994 (Odile Jacob).Ma vie d'autiste, Contre l'étiquetage Son nouvel essai-témoignage est d'autant plus passionnant qu'elle a vécu de l'intérieur tous les bouleversements dans le diagnostic et la compréhension de sa maladie. (...) écrit-elle en racontant que sa mère avait alors fait ce qui lui semblait Non sans humour, Temple Grandin retrace les principales évolutions de la conception de l'autisme à travers les éditions successives du DSM, la très critiquée classification américaine des maladies mentales. Particulièrement réservée sur la dernière en date, le DSM-5, qualifiée de l'auteure s'insurge plus généralement contre l'étiquetage des patients. « A peine dix ans plus tard, un médecin serait certainement parvenu à un diagnostic totalement différent. Après m'avoir examinée, il aurait dit à maman : "C'est un problème psychologique, tout est dans la tête." Et il m'aurait envoyée dans une institution. » « 5 recueil de diagnostics bureaucrates » , pour Selon elle, c'est en fonction de symptômes, et non d'un diagnostic, qu'il faudrait les regrouper pour axer les recherches.préconise Temple Grandin. Elle s'étonne aussi du peu de travaux sur l'hypersensibilité sensorielle, pourtant omniprésente dans l'autisme, et très handicapante. « Les chercheurs devraient cesser de mépriser les témoignages et commencer à les étudier très attentivement » , Temple Grandin appelle enfin les spécialistes, les parents et les principaux intéressés, à ne pas voir uniquement les difficultés, mais aussi les atouts que peu conférer ce fonctionnement singulier du cerveau. Ce livre captivant le confirme, les patients peuvent devenir de véritables experts, et des partenaires précieux pour les chercheurs. Note(s) : Dans le cerveau des autistes, de Temple Grandin et Richard Panek (Odile Jacob, 253 p., 23,90 euros). Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 © 2014 SA Le Monde. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20140625·LM·0201406251×20×2100205163 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 6 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Monde Science & techno, mercredi 2 septembre 2015, p. SCH4 Le Monde Science et médecine Événement Cet obscur marché du désir féminin Et les troubles sexuels devinrent une maladie S. Ca La fabrication d'une maladie par l'industrie pharmaceutique n'est pas un phénomène nouveau, mais celle des dysfonctions sexuelles féminines en est l'exemple le plus récent et le plus évident », écrivait, dès 2003, le journaliste australien Ray Moynihan dans le British Medical Journal. Quelques années plus tôt, en 1998, le laboratoire Pfizer a commercialisé le premier médicament destiné à traiter l'impuissance masculine, le Viagra, et c'est un succès mondial. « Pour bâtir des marchés comparables pour les femmes, les firmes ont d'abord besoin d'un diagnostic médical bien défini, avec des paramètres mesurables pour faciliter des essais cliniques crédibles », décrypte Ray Moynihan. Entre 1997 et 2003, huit colloques médicaux sont consacrés aux dysfonctions sexuelles féminines, surtout en Amérique du Nord. Ces conférences, où les experts discutent d'une classification internationale de ces troubles et des moyens de les explorer, sont largement sponsorisées par des industriels. Dans une deuxième phase, poursuit le journaliste, des données épidémiologiques arrivent à point nommé pour attester de la fréquence de ces pathologies. En l'espèce, c'est une étude publiée en 1999 dans le prestigieux Journal of the American Medical Association qui évalue à 43 % la proportion de femmes américaines âgées de 18 à 59 ans avec une dysfonction sexuelle (contre 31 % chez les hommes). L'article sera critiqué en raison de sa faiblesse méthodologique et des liens d'intérêt de deux des auteurs avec Pfizer. Mais la machine est lancée, les troubles du désir féminin sont devenus un problème de santé publique. Opération marketing musclée Dans ce contexte, Pfizer va tester son Viagra chez des femmes, sans succès. De son côté, le laboratoire Procter & Gamble, à l'origine d'un patch à la testostérone, l'Intrinsa - destiné aux dysfonctions sexuelles chez des femmes ayant eu une ablation des ovaires -, a mené une opération marketing musclée et coûteuse avant même de soumettre son produit à la Food and Drug Administration en 2004, raconte Roy Moynihan dans un autre article du BMJ, en 2005. Ce qui n'empêchera pas son patch d'être retoqué par les autorités américaines... Les troubles de la sexualité féminine se sont aussi construits progressivement dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), constate Steeves Demazeux, philosophe des sciences et maître de conférences à l'université Bordeaux-Montaigne, 7 auteur de Qu'est-ce que le DSM? (Ithaque, 2013). « Dans les deux premières éditions, en 1952 et 1968, les seules pathologies sexuelles répertoriées étaient les perversions. Les troubles de la sexualité font leur apparition dans le DSM-III, en 1980, ce qui correspond à l'émergence de l'intérêt sociétal pour ces questions. Les troubles sont alors classés en trois catégories : inhibition du désir, de l'excitation ou de l'orgasme, les deux premières ne distinguant d'ailleurs pas l'homme et la femme. » Dès lors, les diagnostics n'ont cessé d'évoluer, sans forcément devenir plus clairs. « Les discussions, au départ centrées sur les problèmes d'orgasme, portent de plus en plus sur les troubles de l'excitation et du désir, et la biologie prend une place croissante, poursuit Steeves Demazeux. Dans le DSM-IV (1994), le terme d'"inhibition" est abandonné au profit de l'hypoactivité, en conservant les trois niveaux de troubles - désir, excitation et orgasme. Mais la notion même de désir sexuel hypoactif est ambiguë : par rapport à quelle norme un désir est-il hypoactif? » Ce diagnostic a été retiré dans le DSM-5 (2013), qui ne recense plus que deux catégories de dysfonctions sexuelles féminines : les troubles de l'orgasme, et le « trouble de l'intérêt pour l'activité sexuelle ou Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 de l'excitation femme . sexuelle chez la Une formulation alambiquée et fourre-tout qui reflète, selon Steeves Demazeux, l'ambivalence des experts du DSM vis-à-vis des troubles sexuels féminins. Une ambivalence qui n'a en tout cas pas dû desservir le fabricant © 2015 SA Le Monde. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150902·LM·5540154 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 8 de la flibansérine (Addyi) pour réussir une prouesse : reconvertir son antidépresseur en stimulant de la libido. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 l'Humanité Tribune Idées, jeudi 12 décembre 2013 La différence, c'est accepter sa normalité Sommes-nous tous des malades mentaux ? le normal et le pathologique, Nicolas Mathey Le psychiatre Allen Frances, artisan du DSM-4, est l'auteur d'un réquisitoire contre la logique pathologisante et commerciale du nouveau catalogue des troubles mentaux DSM-5. d'Allen Frances. Éditions Odile 24,90 euros. Jacob, 432 pages, Gourmand ? Vous souffrez d'« hyperphagie boulimique ». Timide ? Vous êtes sujet à la « phobie sociale ». Quant à l'enfant turbulent, victime de « dérèglement de l'humeur », il est un « sujet à risque ». Bref, selon la cinquième version du fameux Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (abrégé en DSM-5), qui vient de paraître aux États-Unis, tous nos comportements seraient pathologiques et plus aucun ne pourrait être dit normal. Publié par l'Association psychiatrie, le DSM-5 principaux catalogues mentaux utilisés par américaine de est l'un des des troubles les services psychiatriques du monde entier pour prescrire des traitements pharmaceutiques. Mais cette nouvelle édition est surtout riche de dangers, souligne Allen Frances dans un virulent ouvrage récemment traduit. Ce psychiatre américain est d'autant mieux placé pour dénoncer les dérives de ce DSM-5 qu'il a lui-même été le maître d'oeuvre de la version précédente, le DSM-4, paru en 1994. Le DSM-5 est marqué, selon Allen Frances, par un dérapage diagnostique lié à l'inflation des pathologies mentales et addictions cataloguées. Quant à la médecine préventive, « elle est portée par une magnifique ambition qui a mal tourné en prenant des dimensions industrielles et en se laissant piéger par la logique de la rentabilité et de la publicité ». L'auteur prend ainsi très clairement position contre les lobbies pharmaceutiques, « qui voudraient nous convaincre que nous sommes tous malades » pour mieux vendre leurs psychotropes, augmenter leurs bénéfices et les dividendes de leurs © 2013 l'Humanité. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20131212·HU·248264 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 9 actionnaires. « Transformer la différence en pathologie fait partie des grands succès dont peut se prévaloir le génie marketing de notre époque », dénonce Allen Frances. Ce pourquoi il faut à la fois « sauver la normalité et sauver la psychiatrie ». Si toutes les conduites sont interprétées comme des pathologies individuelles, il n'y a plus de responsabilité individuelle et de vie commune possible, souligne l'auteur. Il est essentiel de tenir à la normalité pour ne pas gommer les différences humaines, quand bien même cette normalité est indéfinissable, toujours à redéfinir. C'est même en cela que résiderait toute la pertinence de la psychanalyse, qui considère que « la normalité est une chimère et qu'il n'existe pas de seuil susceptible de nous indiquer si un traitement est nécessaire ni quand il convient d'y mettre un terme ». À chacun de trouver sa propre normalité. Et d'éviter les camisoles chimiques. npsychiatrie Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Monde Science & techno, mercredi 8 juillet 2015, p. SCH3 Le Monde Science et médecine Actualité Maladies mentales : la classification DSM-5 en VF Deux ans après la publication de sa cinquième édition, ce manuel controversé est traduit en français Sandrine Cabut Les anti-DSM auraient-ils rendu les armes? Au printemps 2013, au moment de la publication de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), édité par l'Association américaine de psychiatrie, le monde de la psy était en effervescence. Nombre de voix discordantes s'étaient élevées - sous forme de pétitions, appels au boycott, livres grand public... - pour dénoncer un ouvrage « dangereux » , qui fabrique des maladies mentales et incite à consommer des médicaments. En France, le combat était porté en particulier par Stop DSM, un collectif de professionnels proches du milieu psychanalytique s'insurgeant contre la « pensée unique » du manuel. Disponible depuis le 17 juin, la traduction française (un pavé de 1 176 pages, vendu 139 euros par ElsevierMasson) n'a pas fait de vagues. Les jeunes psychiatres ont « adopté » cette nouvelle classification, selon Le Quotidien du médecin. Dans un communiqué, Stop DSM a réaffirmé son « opposition radicale aux fondements et à l'utilisation de ce manuel », appelant à préférer les classifications françaises. Le message a été peu diffusé, mais le psychiatre et psychanalyste Patrick Landman, fondateur de ce mouvement, se dit toujours mobilisé. « Nous allons organiser des débats publics, et bientôt publier un livre critique avec Allen Frances [médecin américain coordonnateur du DSM-IV et opposant au DSM-5] », promet-il. Mais qu'est-ce au juste que ce manuel, et quelles sont les particularités de cette nouvelle édition, la cinquième depuis 1952? « Ce n'est pas une bible, mais une aide à la conceptualisation, qui permet aux professionnels de tous les pays de parler un langage commun, estime Marc-Antoine Crocq, psychiatre à l'hôpital de Rouffach (Haut-Rhin) et l'un des directeurs de l'équipe de traduction du DSM-5. C'est le meilleur outil de réflexion clinique que l'on ait. Des centaines d'experts y ont contribué, s'appuyant sur une revue exhaustive de la littérature. » Des nouveautés Cette classification est utilisée principalement par les professionnels des maladies mentales dans la pratique quotidienne, l'enseignement et la recherche clinique. Parmi les nouveautés de ce DSM (paru près de vingt ans après le précédent, édité en 1994 et révisé en 2000), un chapitre consacré aux 10 troubles neurodéveloppementaux auxquels appartiennent par exemple les troubles du spectre autistique. « Le jeu pathologique fait partie des nouveaux diagnostics du DSM-5, c'est l'une des rares addictions sans substance, note le docteur Crocq. En revanche, l'usage pathologique des jeux sur Internet a été retenu pour des études supplémentaires, mais pas pour la classification. » Le psychiatre souligne aussi l'apparition d'échelles dimensionnelles prenant en compte la sévérité des troubles, dans la schizophrénie par exemple. « Depuis le DSM-III (1980), un effort constant est fait pour déterminer des seuils de significativité, et éviter ainsi des diagnostics excessifs. En effet, beaucoup de symptômes, comme l'anxiété, des déficits de l'attention, peuvent ne pas être pathologiques », précise-t-il. Les marqueurs génétiques et biologiques et l'imagerie médicale, qui prennent une place croissante dans la recherche sur les maladies neuropsychiatriques, ont en revanche une place encore limitée dans le nouveau manuel, beaucoup plus modeste que prévu. « Le DSM-5 reste une classification essentiellement clinique, car les causes ultimes des Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 maladies mentales sont encore mal connues. Il est trop tôt pour faire entrer des critères biologiques à l'échelle de l'individu », dit MarcAntoine Crocq. De leur côté, les Instituts nationaux de la santé (NIH) américains, qui se sont désolidarisés du DSM-5 en 2013, le jugeant faible sur le plan scientifique, financent une autre © 2015 SA Le Monde. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150708·LM·425938 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 11 classification. Destiné surtout aux chercheurs, ce projet, appelé Research Domain Criteria (RDoC), intégrera largement les données des neurosciences. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Temps Sciences & Environnement, samedi 23 novembre 2013 « Il faut toujours remettre les diagnostics psychiatriques en question » La nouvelle bible mondiale des troubles mentaux est sortie il y a six mois. Premier bilan avec Allen Frances, grand pourfendeur du DSM-5 Lucia Sillig Allen Frances est pris entre deux feux: celui de ses confrères psychiatres et celui des antipsychiatries. Les premiers n'apprécient pas tous la charge que le professeur émérite de l'Université de Durham, en Caroline du Nord, mène inlassablement contre la cinquième révision du Manuel diagnostique et statistique américain des troubles mentaux (DSM-5), parue en mai dernier (LT du 06.05.2013). Mais les seconds sont les plus véhéments: ils lui reprochent de continuer à soutenir la psychiatrie malgré toutes les dérives qu'il dénonce. C'est qu'Allen Frances vient du coeur du système. Il a participé aux DSM-3 et 3R, puis dirigé les travaux sur le DSM-4. A posteriori, il estime qu'il aurait mieux valu s'en tenir à la 3e édition, remontant aux années 1980, les suivantes ayant provoqué, par de simples modifications des définitions, des épidémies de troubles mentaux autisme et troubles bipolaires, notamment. Une tendance qui risque d'être encore accrue par la 5e révision, prévient-il. Son dernier livre, Sommes-nous tous des malades mentaux?*, qui vient d'être traduit en français, est un appel à la prudence dans le maniement du diagnostic psychiatrique. De passage à Genève, il tire un premier bilan, six mois après la sortie du DSM-5. Le Temps: Accusé de médicaliser les soucis de la vie quotidienne, l'ouvrage a été très critiqué bien avant d'être publié. Cela a-t-il eu une influence sur son contenu final? Allen Frances: Un tiers des mauvaises suggestions a été abandonné. C'est le cas du syndrome de psychose atténuée. Il devait permettre d'anticiper le développementde troubles psychotiques chez l'adolescent, mais englobait du même coup une grande majorité de jeunes qui aurait été traités sans en avoir besoin. Le trouble mixte d'anxiétédépression, aux critères trop lâches, a aussi été retiré. Tout comme l'addiction au sexe et à Internet, ou encore la classification du viol comme un trouble mental. Mais les autres suggestions problématiques - comme celle qui labellise le fait de trop manger sous le nom d'hyperphagie boulimique, ou les colères infantiles en tant que troubles de dérégulation de l'humeur explosive - sont restées. - Quelles sont, à votre avis, les nouveautés qui posent le plus de problèmes? - Les deux qui ont provoqué le plus de controverses dans le grand public sont la transformationdu deuil d'une personne proche en « épisode dépressif majeur »,et de troubles physiques en « trouble de symptôme 12 somatique » . Ce dernier entraînerait un diagnostic psychiatrique pour un quart des personnes souffrant de douleurs chroniques, et un sixième de celles qui ont un cancer. Il encourage les docteurs à penser que le problème des patients est dans leur tête. Pour moi, l'introduction de la nouvelle catégorie des troubles cognitifs légers, censée permettre de détecter le déclin cognitif des personnes âgées lorsqu'il commence à empiéter sur leur quotidien, est aussi une très mauvaise idée. On va uniquement susciter de l'angoisse chez ces gens sans avoir de remède à leur proposer. - Est-ce que le DSM-5 se vend bien malgré les critiques? - Il a atteint la 4e position des livres qui se vendent le mieux sur le site Amazon aux Etats-Unis. Chez nous, beaucoup d'institutions des compagnies d'assurance, le département des anciens combattants, les services légaux qui accordent les prises en charge scolaires spécialisées - requièrent l'utilisation du DSM. Le manuel a pris trop d'importance dans toutes sortes de décisions administratives et financières. Donc, en dépit de la controverse, il a une audience captive. L'Association américaine de psychiatrie (APA), qui édite le DSM, compte sur cet argent; il est inscrit dans son budget. L'APA a dépensé 25 millions de dollars pour Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 cette 5e révision et a besoin de rentrées financières. C'est pourquoi elle s'est dépêchée de mettre cette version sous presse, même si celle-ci n'était pas adaptée. - Et comment l'ouvrage a-t-il été accueilli par les spécialistes? - C'est difficile à dire. Il a été très critiqué en Angleterre, en Italie, en Allemagne et en Suisse. Seul un groupe aux Pays-Bas l'a soutenu. Il s'agit de spécialistes qui se sont beaucoup appuyés sur le DSM par le passé. Le remettre en question remettrait aussi en question leur propre légitimité. Aux Etats-Unis, l'ouvrage est soutenu par ceux qui ont travaillé dessus. Sinon, je dirais que les psychiatres sont plutôt critiques. Mais le livre se vend quand même. J'espère juste que les gens l'utilisent avec prudence. Le danger de la médicalisation des comportements normaux est d'infliger à beaucoup de gens et sans raison des traitements lourds, ainsi que les stigmates et la perte d'estime de soi qui accompagnent le diagnostic psychiatrique. Aux Etats-Unis, en outre, un des problèmes majeurs est que trop de moyens sont alloués pour surtraiter des personnes qui n'en ont pas besoin, et pas assez à ceux qui sont gravement malades. C'est pourquoi nous avons un million de patients psychiatriques en prison. Ils sont arrêtés pour des problèmes de nuisance publique, parce qu'ils ne sont pas assez pris en charge. - Peut-on déjà détecter les premiers effets du DSM-5? - C'est un peu tôt pour voir s'il crée des épidémies de diagnostics, comme la précédente version. Mais certains signes sont déjà mesurables. Aux Etats-Unis, 80% des psychotropes sont prescrits par des médecins généralistes. Les compagnies pharmaceutiques conçoivent pour eux des check-lists qui donnent l'impression que le diagnostic psychiatrique est quelque chose de simple, que le problème provient toujours d'un déséquilibre chimique et qu'il peut donc être traité avec une pilule. Depuis la sortie du DSM-5, le deuil a déjà été inclu dans ces checklists. Par ailleurs, les actions de la firme Shire ont grimpé lorsqu'il est apparu qu'un de leurs stimulants, utilisé contre les troubles de l'attention, aide aussi contre l'hyperphagie boulimique. Tout le monde sait que les stimulants coupent l'appétit. Au cours des 50 dernières années, on n'a toutefois jamais pu démontrer qu'ils étaient efficaces à cet effet sur le long terme. Mais le DSM-5 donne à cette compagnie une nouvelle légitimité et un nouvel outil de marketing. - En ce qui vous concerne, maintenant que le DSM-5 est sorti, où en est votre croisade? - Je veux mettre les gens en garde. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit deux livres ou que je réponds aux interviews. Le diagnostic psychiatrique est un moment déterminant dans la vie d'une personne. Un peu comme le mariage ou l'achat d'une maison. S'il est approprié, cela peut mener à un traitement efficace et une vie bien meilleure. Mais si ce n'est pas le cas, à cause des dérives du DSM-5 par exemple, il peut avoir des conséquences terribles. Les patients ne devraient pas accepter un diagnostic sans le remettre en question, sans étudier le problème de leur côté. J'aimerais rendre les gens plus sceptiques vis-à-vis des dérives 13 de la psychiatrie. Mais aussi plus enthousiastes lorsqu'elle est utilisée à bon escient. Je ne voudrais pas que ceux qui ont besoin de médicaments arrêtent de les prendre et puis se suicident. - Au début des travaux sur le DSM-5, une des ambitions était de mettre plus l'accent sur les causes neurologiques, génétiques ou physiologiques des maladies que sur leurs symptômes. Elle a été abandonnée, pourquoi? - La cinquième révision visait deux « changements de paradigme » . Le premier était d'être plus préventif, afin de pouvoir prendre les patients en charge plus tôt. Le problème, c'est qu'il faut des bases de prédiction solides et des moyens efficaces pour intervenir... En outre, la psychiatrie prend ce virage au moment où le reste de la médecine devient plus prudent vis-à-vis du dépistage excessif. Avec, notamment, l'exemple du cancer de la prostate, où l'on se rend compte que l'on fait subir plus longtemps des traitements très lourds aux patients, sans étendre leur durée de vie. Le second changement de paradigme souhaité était d'aller vers une approche plus « biologique » . Mais c'était prématuré. Le cerveau est la chose la plus compliquée de l'Univers. Il ne révèle pas ses secrets rapidement, il faudra encore attendre des décennies. Cela arrivera très lentement, et pas parce que nous avons décidé que c'était le moment. * Sommes-nous tous des malades mentaux? Le normal et le pathologique, Allen Frances,Ed. Odile Jacob, 430 p. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 © 2013 Le Temps SA. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20131123·TE·cf2ee5a6-5356-11e3-bfb5-a9a58d7bfc20 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 14 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Monde Science & techno, mercredi 11 juin 2014, p. SCH7 David Kupfer " La détection des maladies mentales doit être précoce " Le psychiatre américain, qui a dirigé l'élaboration du manuel diagnostique DSM-5, défend cet outil très critiqué Un an après la publication de la cinquième édition du DSM-5 par l'Association américaine de psychiatrie, ce manuel, qui classe les troubles mentaux, continue de susciter des controverses. Aux Etats-Unis, les instituts américains pour la santé mentale (National Institute of Mental Health) se sont ainsi désolidarisés du DSM-5. Cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1952, avec une liste de moins de cent pathologies. Depuis 1980, il a évolué vers une approche de plus en plus catégorielle des maladies mentales, pour devenir un outil incontournable dans le monde de la santé mentale (" Science & médecine " du 15 mai 2013). Cette classification est utilisée pour les recherches cliniques, les études épidémiologiques ou l'évaluation des molécules. David Kupfer, directeur du comité d'élaboration du DSM-5, professeur de psychiatrie à l'université de Pittsburgh, président du conseil scientifique de la fondation FondaMental, revient sur cet outil diagnostique, qui sera traduit prochainement en français. Le " DSM-5 " n'encourage-t-il pas une inflation de pathologies? D'abord, il n'y a pas 350 pathologies, comme je l'ai souvent lu, mais 157, contre 297 en 1994, classées par grandes catégories. Qu'il s'agisse de l'autisme, des troubles de l'attention, de la dépression, de la schizophrénie ou des troubles bipolaires, il est très important de détecter les symptômes de ces maladies le plus tôt possible. Or, bien souvent, ce n'est pas le cas. Par exemple, nous avons étudié un grand nombre de personnes entre 15 et 25 ans présentant des troubles bipolaires. Nous nous sommes aperçus que ces personnes attendaient en moyenne sept à dix ans avant d'avoir un bon diagnostic aux EtatsUnis, dix ans en France. C'est beaucoup trop long, et cela engendre des traitements inadaptés, voire pas de traitement du tout. Avec le DSM-5, nous mettons en avant ce que nous pensons être les signes cliniques des troubles bipolaires en se concentrant sur la dépression et les accès maniaques. Avant cela, nous cherchons à identifier les premiers changements d'humeur ou de niveau d'activité et d'énergie, qui sont, selon le DSM-5, les premiers signes de la maladie. C'est essentiel de diagnostiquer tôt. Car, comme pour toutes les maladies chroniques, on a alors plus de chances d'avoir un traitement adapté. Pour soigner les maladies mentales, il faut une prise en charge globale : médicaments, psychothérapie, hygiène de vie... L'une des principales critiques concernant le " DSM-5 " ciblait les liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique, visant à orienter 15 les classifications de pathologies. Que répondez-vous? Chaque membre du conseil qui a travaillé sur la rédaction des critères diagnostiques du DSM-5 a accepté d'abandonner toute relation avec l'industrie pharmaceutique pendant les sept ans de travaux de préparation. Il y avait un seuil maximum de 7 500 euros (l'équivalent de trois conférences environ) de liens avec l'industrie à ne pas dépasser. Les Instituts américains de la santé mentale (National Institute for Mental Health, NIMH) se sont désolidarisés du " DSM-5 ", mentionnant sa faiblesse sur le plan scientifique. Comment analysezvous cette critique? Plusieurs personnes des NIMH ont changé d'avis. Par ailleurs, une douzaine de personnes travaillant pour les NIMH étaient des membres importants du DSM-5. En tout, il y avait 160 groupes de travail, soit 400 conseillers, dont 20 % d'Européens. Le professeur Allen Frances, qui a supervisé le " DSM-IV ", s'élève contre le risque de surdiagnostic. En France, le combat est porté par un collectif intitulé " Stop DSM ", constitué de professionnels proches du milieu psychanalytique. Qu'en pensez-vous? Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Il y a des mouvements contre le DSM-5 partout. Pourtant, c'est un moyen pour les soignants de parler le même langage, de disposer des mêmes outils pour faire les diagnostics les plus fins. Je désapprouve le terme de " bible " : ce n'est pas une bible, c'est un outil pour accompagner le changement. Dans tous les cas, ce n'est pas le mot de la fin. D'ailleurs, le fait d'avoir changé " V " en " 5 " n'est pas anodin. Si nous parlons de " 5.0 ", cela devient attractif pour la jeune génération. Il y a eu vingt ans entre le DSM-IV et celui-ci, je ne veux pas attendre vingt ans avant le " DSM-6 ". La version 5 est faite pour évoluer avec les découvertes scientifiques et donner naissance aux versions 5.1, 5.2, etc. De plus, la classification internationale des maladies, sur laquelle travaille l'Organisation mondiale de la santé, qui devrait sortir en 2016, converge fortement avec le DSM-5. Ce n'est jamais arrivé avant. Cela permettra de se mettre d'accord sur des critères et de parler un langage commun et international, d'avoir une classification similaire. Pour aider à la détection précoce de ces troubles, il est indispensable, en l'absence de marqueurs biologiques, de disposer d'un outil clinique qui aide à mieux définir les pathologies. C'est l'objet du DSM-5. Les NIMH préconisent de nouveaux programmes de recherche afin de découvrir les anomalies cérébrales qui sous-tendent les maladies mentales. Est-ce selon vous à privilégier? Les recherches actuelles en psychiatrie ont pour but de chercher des marqueurs objectifs des maladies en mobilisant toutes les disciplines et tous les outils à notre disposition, tels que les tests cognitifs, l'imagerie cérébrale, la biologie, la génétique, qui permettront de préciser diagnostics et pronostics, de mieux comprendre le mécanisme de ces maladies et de découvrir de nouvelles voies thérapeutiques. Il y a eu de nombreux débats sur certains sujets, comme l'addiction aux jeux. Qu'en pensez-vous? © 2014 SA Le Monde. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20140611·LM·0SCH2414_88527854 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 16 L'addiction aux jeux sur Internet figure parmi les sujets à suivre. Les consultations pour ce type de troubles se multiplient. Mais il n'existe pour l'instant pas d'étude scientifique montrant qu'ils devraient être considérés comme un désordre mental au sens du DSM. Autre sujet, le tableau atténué de schizophrénie. L'idée est de repérer la phase prodromique chez les jeunes adultes, moment où la personne commence à se désintéresser de ses activités habituelles, à avoir des difficultés relationnelles, à s'isoler. Le but est d'identifier les jeunes adultes avant que la schizophrénie ne survienne, pour que des stratégies préventives puissent être mises en place afin d'éviter la première crise psychotique. Mais nous devons encore préciser ces critères, car les jeunes présentant ces caractéristiques ne deviennent pas tous schizophrènes. Propos recueillis par Pascale Santi Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Huffington Post Québec - Huffington Post Québec News, mardi 14 octobre 2014 - 12:55:48 -0400 23 signes que vous êtes secrètement introverti Vous pensez pouvoir reconnaître un introverti dans une foule? Pensez-y à nouveau. Même si le cliché de l'introverti voudrait qu'il soit celui qui, lors d'une fête, reste seul près du... Voir l'article Ce document référence un lien URL de site non hébergé par CEDROM-SNi. © 2014 Le Huffington Post Québec. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. WEB·20141014·IHUF·482732413_19248113253 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 17 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Soleil Actualités, dimanche 2 novembre 2014, p. 14 Chronique; Le coin du psy Vraiment bipolaire? Yves Dalpé Avez-vous remarqué que beaucoup de personnes se déclarent maintenant «bipolaires»? Selon le président des psychanalystes anglais, Darian Leader, nous vivons maintenant à l'ère bipolaire. C'est la nouvelle mode. Ce diagnostic appliqué autrefois à moins de 1 % de la population se retrouverait maintenant supposément à presque 25 % de la population américaine. L'auteur de Bipolaire, vraiment? ironise en affirmant que la question n'est plus de savoir si l'on est bipolaire, mais plutôt quelle sorte de bipolaire on est. Leader déplore d'ailleurs qu'on conçoive ce trouble comme suivant ses propres règles, formulées de l'extérieur, et qu'on ait «renoncé à l'effort de comprendre le monde du maniaco-dépressif au profit d'une approche visant à contrôler une maladie apparemment biologique. Or, on a pu montrer que les taux de guérison étaient meilleurs à l'époque prémédicamenteuse, alors qu'aujourd'hui un diagnostic de maniaco-dépression conduit presque à coup sûr à un régime de médicaments et bien souvent, à un mauvais pronostic.» (p. 172) Apparemment, la bipolarité serait devenue la priorité des budgets marketing des compagnies pharmaceutiques qui imposent leur vision. Au fait, on parle de bipolarité quand une personne alterne entre des épisodes de grandes excitations (appelées épisodes maniaques) et des périodes de dépression. Selon le DSM-5, un épisode maniaque dure au moins une semaine durant laquelle la personne est dans une humeur excessivement expansive, euphorique ou irritable et devient très active et énergique tout en démontrant des symptômes comme une estime de soi élevée de façon inusitée, des pensées fébriles, de la distraction, peu besoin de sommeil, un débit verbal accentué, une augmentation accrue de projets et de l'insouciance. Il y a maintenant toutes sortes de nuances en termes de diagnostics et on peut être un peu bipolaire comme on peut l'être beaucoup. Par exemple bipolaire 1 ou 2, etc. Certaines personnes vivent ce cycle d'un grand haut et d'un grand bas une seule fois dans leur vie tandis que d'autres répètent ce cycle régulièrement. Les épisodes d'intense bonheur et de fierté vécus par la personne en phase maniaque apportent malheureusement de graves conséquences. La trop grande confiance en soi, le manque de jugement et la fébrilité extrême peuvent amener la personne à vivre des idées de grandeur, à prendre des risques, à être imprudente financièrement et à vivre de la promiscuité sexuelle. Ceci peut 18 déboucher sur une faillite financière, une perte d'emploi, la perte d'amitiés ou un divorce. Selon moi, même s'il semble y avoir une vulnérabilité génétique à la bipolarité, celle-ci ne se développe pas sans raison en rapport avec le vécu de la personne. On n'est pas inexorablement «bipolaire» de par sa génétique. Je remarque chez mes clients bipolaires, même en dehors de leurs périodes de manie, une propension à ne pas tenir compte de leurs limites et à rechercher les sensations fortes que leur apportent certaines activités qu'ils chérissent. Comme l'excès les fait vibrer et les amène à se sentir vivants, ils font taire les messages de leur corps qui voudraient les ralentir. C'est ainsi qu'ils en viennent à ne plus ressentir autant la faim et qu'ils écourtent considérablement leurs nuits. Ces clients se présentent en entrevue de bonne humeur, exprimant comment ils se sentent pleins d'énergie, comment ils jouissent de la vie et comment les journées passent trop vite. Et à quoi ressemble la suite, pensez-vous? Suivez le même régime et vous arriverez au même résultat. Vous vous épuiserez, vous deviendrez insomniaque et vous tomberez «en dépression». Un manque de discipline est donc souvent sous-jacent à ce style de vie. Une personne grisée par un projet euphorisant doit renoncer à Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 sa folle envie d'y travailler la nuit pour allonger la durée de sa passion, car elle risque de défaire le cycle de son sommeil, de sombrer dans l'épuisement et de devenir inefficace. J'explique ce processus à mes clients «bipolaires» en les mettant en garde contre leurs excès et ça leur apparaît comme une révélation. Mais pour leur permettre d'éviter vraiment la répétition de leurs cycles de hauts et de bas, il faut surtout prendre le temps d'explorer à fond leurs motivations à se défoncer autant dans la vie. Saviez-vous que la recherche démontre les bienfaits de la psychothérapie pour les bipolaires même après que des antidépresseurs et des stabilisateurs de l'humeur n'aient pas été efficaces? Et qu'en dépit des progrès pharmaceutiques, les récurrences des épisodes troublées de l'humeur des bipolaires apparaissent la norme plutôt que l'exception? C'est pour cela que les chercheurs s'intéressent maintenant aux traitements psychologiques à administrer aux patients en plus des stabilisateurs de l'humeur (Johnson et al., 2013). Note(s) : Références Leader, D. Bipolaire, vraiment? (2014). Paris: Albin Michel. Johnson, S.L. (2013). Bipolar Disorder. In Castonguay, L. & Oltmanns, T. (Ed.), Psychopathology. New York: Guilford. Illustration(s) : Photo Shutterstock, Ievgen Sosnytskyi Darian Leader affirme qu'il a été démontré que les taux de guérison de la maniaco-dépression étaient meilleurs à l'époque prémédicamenteuse, plutôt qu'aujourd'hui, où les diagnostics mènent à un régime de médicaments et, souvent, à un mauvais pronostic. © 2014 Le Soleil. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20141102·LS·0025 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 19 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Soleil Actualités, dimanche 7 septembre 2014, p. 13 Chronique; Le coin du psy L'anxiété et les gens très intelligents Yves Dalpé Saviez-vous que les divers troubles de l'anxiété sont les «maladies psychiatriques» les plus communes, affectant environ 14 % de la population? Si vous souffrez d'anxiété, il y a fort à parier que vous maudissez votre sort. Sachez toutefois que même si elle est une émotion négative, l'anxiété est nécessaire, puisqu'elle favorise notre adaptation et assure notre survie. Et si vous êtes d'intelligence supérieure, sachez que votre anxiété peut vous rendre plus performant. Des recherches en arrivent en effet à cette conclusion. La combinaison d'une anxiété élevée et d'une intelligence faible abaisse l'efficacité d'une personne. Mais si une personne très anxieuse est d'intelligence supérieure, elle aura quand même un rendement acceptable ou même un rendement supérieur à celui des gens de son niveau intellectuel qui sont moins anxieux. Des exemples. Un chercheur a réalisé en 1966 que les étudiants anxieux avaient un résultat scolaire inférieur aux autres étudiants, à moins d'avoir un QI se situant dans les premiers 20 %. Mais les chercheurs ont réalisé que chez les 5 % plus intelligents en matière de quotient intellectuel, c'étaient les anxieux qui avaient les meilleurs résultats scolaires. En 2011, une recherche a révélé que les étudiantes ayant atteint le plus haut niveau universitaire étaient plus anxieuses que les autres. D'autres recherches ont fait le même lien avec des vendeurs de services financiers. Les meilleurs vendeurs étaient les plus anxieux s'ils étaient d'intelligence supérieure. Ce genre de résultat ne s'applique cependant pas à des emplois à haut risque dans lesquels les gens doivent prendre des décisions rapides, comme chez les pilotes d'avion, les policiers, les pompiers ou les ingénieurs électriques. Les chercheurs pensent que plus une situation est risquée, plus l'anxiété diminue le rendement du travailleur. Par contre, l'anxiété accroît le rendement dans les emplois exigeants sur le plan intellectuel, mais seulement chez les gens plus intelligents. L'explication est logique et intéressante. C'est que le haut niveau de rumination propre aux gens anxieux accroît la qualité de leurs décisions s'ils sont intelligents. De plus, étant habitués d'anticiper le pire, ils réagissent en conséquence. On peut penser qu'ils réfléchissent plus longuement à leurs tâches, qu'ils y investissent plus de temps, qu'ils se disciplinent en conséquence. Ce dévouement à leurs préoccupations les rend donc plus efficaces dans la mesure de leurs aptitudes intellectuelles. 20 Cependant, il ne faut pas prendre à la légère pour autant les malaises des gens anxieux qui peuvent être considérables. Et j'imagine que l'efficacité professionnelle est réduite, même pour les gens très intelligents si le niveau d'anxiété atteint un seuil trop élevé. Si on considère l'anxiété généralisée par exemple, on voit à quel point ce malaise psychologique est troublant. Selon le DSM-5, cette sorte d'anxiété est caractérisée par des soucis incontrôlables, et généralement associés à des symptômes physiques tels que de l'agitation, de la fatigue, des difficultés de concentration, de l'irritabilité, de la tension musculaire et des troubles du sommeil. On accole ce diagnostic à une personne qui vit ce genre de souci plus de jours que l'inverse durant au moins six mois en souffrant d'au moins trois des symptômes physiques mentionnés. Ce qu'on entend ici par souci, c'est un enchaînement de pensées et d'images qui sont négatives et relativement incontrôlables. Bien que le souci soit un phénomène cognitif commun, il peut devenir persistant et quotidien et se développer en un inconfort émotionnel extrême. Les grands anxieux scrutent continuellement leur environnement pour y détecter des dangers. Ils ont une perception sélective de leur environnement en faveur des indices négatifs, interprétant défavorablement tout Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 stimulus neutre ou ambigu. De même, ils se rappellent davantage les événements négatifs. Évidemment, on trouve beaucoup de relations interpersonnelles dysfonctionnelles chez les anxieux généralisés, y compris des problèmes conjugaux. Il y a aussi énormément de recoupements avec d'autres problèmes, comme la dépression, les troubles de personnalité, la consommation de drogues, l'alcoolisme, etc. L'anxiété généralisée peut être très séreuse et il est très recommandé de consulter, car il est peu probable qu'elle se résorbe d'elle-même avec le simple passage du temps. Mais même en suivant une thérapie, quand l'anxiété généralisée est intense, la personne ne peut entretenir l'attente irréaliste d'être guérie une fois pour toutes. Dans ces cas-là, elle peut apprendre à composer avec sa tendance anxieuse, ce qui peut quand même faire la différence. De plus, étant donné la chronicité de l'anxiété généralisée et de sa récurrence, il ne faut pas s'étonner si une thérapie à long terme est nécessaire, quelle que soit l'approche utilisée (Newman et autres, 2013). N'est-ce pas une consolation de penser que votre anxiété puisse vous © 2014 Le Soleil. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20140907·LS·0013 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 21 être utile ainsi qu'à la société si elle vous rend plus efficace? Note(s) : Références M. NEWMAN et autres. «Generalized Anxiety Disorder», dans L. Castonguay et T. Oltmanns (Eds.), Psychopathology, New York, Guilford, 2013. A. PERKINS et P. CORR. «Anxiety as an Adaptative Emotion», dans W. Gerrod Parrott, The Positive Side of Negative Emotions, New York, Guilford, 2014. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Devoir Société, mardi 8 septembre 2015, p. A7 Santé - Les dysfonctions sexuelles féminines, fabrication ou réalité médicale? Le Monde " La fabrication d'une maladie par l'industrie pharmaceutique n'est pas un phénomène nouveau, mais celle des dysfonctions sexuelles féminines en est l'exemple le plus récent et le plus évident ", écrivait, dès 2003, le journaliste australien Ray Moynihan dans le British Medical Journal. Quelques années plus tôt, en 1998, le laboratoire Pfizer avait commercialisé le premier médicament destiné à traiter l'impuissance masculine, le Viagra, un succès mondial. " Pour bâtir des marchés comparables pour les femmes, les firmes ont d'abord eu besoin d'un diagnostic médical bien défini ", explique Ray Moynihan. Entre 1997 et 2003, huit colloques médicaux, largement commandités par des industriels, sont consacrés aux dysfonctions sexuelles féminines. Une première étude épidémiologique publiée en 1999 dans le Journal of the American Medical Association évalue à 43 % la proportion de femmes américaines âgées de 18 à 59 ans avec une dysfonction sexuelle (contre 31 % chez les hommes). Critiquée en raison de sa faiblesse méthodologique et des liens de deux des auteurs avec Pfizer, l'étude n'en lance pas moins la machine en faisant des troubles du désir féminin un réel problème de santé publique. Les troubles de la sexualité féminine se sont construits progressivement dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), constate Steeves Demazeux, philosophe des sciences à l'Université Bordeaux-Montaigne, auteur de Qu'est-ce que le DSM ? (Ithaque, 2013). " Les troubles de la sexualité font leur apparition dans le DSM-III, en 1980, ce qui correspond à l'émergence de l'intérêt sociétal pour ces questions. [Ils] sont alors classés en trois catégories : inhibition du désir, de l'excitation ou de l'orgasme, les deux premières ne distinguant d'ailleurs pas l'homme et la femme. " © 2015 Le Devoir. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150908·LE·2015-09-08_449488 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 22 Dès lors, les diagnostics n'ont cessé d'évoluer, sans forcément devenir plus clairs. " Dans le DSM-IV (1994), le terme d'"inhibition" est abandonné au profit de l'hypoactivité. Mais la notion même de désir sexuel hypoactif est ambiguë : par rapport à quelle norme un désir est-il hypoactif ? " Ce diagnostic est d'ailleurs éliminé du DSM-5 (2013), qui ne recense plus que deux dysfonctions sexuelles féminines : les troubles de l'orgasme, et le " trouble de l'intérêt pour l'activité sexuelle ou de l'excitation sexuelle chez la femme ". Une formulation fourre-tout qui reflète, selon M. Demazeux, l'ambivalence des experts du DSM à l'égard des troubles sexuels féminins. Une ambivalence qui n'a pas desservi le fabricant de la flibansérine (Addyi) pour réussir une prouesse : reconvertir son antidépresseur en stimulant de la libido. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Devoir Éditorial, jeudi 26 juin 2014, p. A6 Opinion Libre opinion - Le DSM-5, une maladie de société Doris Provencher|David-Alexandre Grisé - Directrice générale de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec|Conseiller Collectif de défense des droits de la Montérégie Le 22 mai dernier marquait le premier anniversaire de la sortie de la 5e édition du Diagnostical and Statistical Manual, communément dénommé DSM-5. Le dernier joyau de l'American Psychiatric Association nous a été proposé sur un fond de controverse qui perdure à ce jour. Le DSM permet de développer un langage commun entre les divers cliniciens voulant offrir de l'aide à autant de personnes en souffrance. Cependant, puisque la médecine psychiatrique ne se fonde aucunement sur des marqueurs biologiques, le contenu de ce manuel n'est que pure construction consensuelle. La psychiatrie moderne trouve pourtant ses lettres de noblesse à travers cet outil fort prisé. Nous avons ainsi assisté, d'édition en édition, à une augmentation significative du nombre de diagnostics (passant de 60 à près de 350 à ce jour). Sous l'égide de la prévention, de la sécurité, mais surtout du contrôle social, cette nouvelle hausse porte en elle des risques de surdiagnostic et de diagnostic erroné. Ces risques ne sont pas sans conséquence. Ils peuvent avoir des impacts directs sur la santé physique des personnes, toute médication psychotrope ayant des effets secondaires, parfois importants et irréversibles. Il ne faut jamais sousestimer les difficultés de se défaire de tels diagnostics, car ils vous marquent bien souvent au fer rouge pour la vie. De nouveaux enjeux touchent maintenant à la jeunesse qui se trouve plus que jamais sous la loupe des spécialistes. Qui plus est, certains psychiatres et psychologues critiquent cette édition en évoquant le flou de certains critères issus de cet ouvrage et les qualifient de trop larges, ce qui conduirait à une inflation de diagnostics. Cette 5e édition se distingue aussi par une nouvelle approche dimensionnelle. Autrement dit, elle suggère une évaluation de l'intensité des symptômes présentés. Les perspectives sont maintenant décuplées ! Au final, c'est tout l'univers du normal et du pathologique qui vient de se dissoudre à travers ce magma informe, au point de se poser la question : qui peut être normal ? On reproche aussi au DSM-5 de psychiatriser des réactions psychologiques tout à fait normales (par exemple, le deuil et la timidité). Face à ces nouveaux diagnostics... de nouveaux traitements ! Les détracteurs du DSM ont depuis longtemps démontré les liens entre les sociétés pharmaceutiques et les quelque 140 individus ayant participé à l'élaboration de ce dernier manuel. 23 Le DSM, qui est le Graal de ces entreprises, en profite largement et son pouvoir est sans équivoque, car il est l'outil de référence par excellence non seulement des médecins, mais aussi des assureurs, des écoles et des autorités étatiques. Ainsi, à l'instar de cet énorme pouvoir référentiel, le DSM arrive à nous faire prendre les moyens pour des fins et vice-versa, à dégager de nouveaux symptômes afin d'y accoler de nouveaux diagnostics. Mais ne vous méprenez pas, le traitement pharmacologique n'est jamais bien loin ! À nouveau, on mélange tout et on psychiatrise tout. Le plan d'affaires est pourtant clair et net... Il faut se poser des questions sur l'apport d'un tel livre, puisqu'il nous renvoie une image extrêmement négative de l'humanité en y accolant une image de cet " être humain moyen ", qu'on peut décrire comme sans vie, sans culture et sans histoire. C'est l'être humain de la statistique. Un être imaginaire, un " cas de figure " qui traduit une vision normalisée, aseptisée, sans emprise sur le réel. On médicalise ainsi les problèmes de notre société. De cette société, malade de ses valeurs, imbibée des termes psychologiques et elle-même de moins en moins tolérante envers la différence. La nouvelle norme est Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 celle du " tout pathogène " qui évacue les possibilités d'épanouissement. Le Conseil médical du Canada et d'autres ordres professionnels sont depuis en plein travail afin de favoriser la transition entre les versions 4 et 5 de ce manuel. Dans ce nouveau monde totalitaire, il n'est pas étrange de voir autant s'arrimer des intérêts publics à ceux des corporations professionnelles et des entreprises privées... Pour l'avenir de notre société et celui de notre mieux-être, nous aurons à veiller aux effets possibles de la © 2014 Le Devoir. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20140626·LE·2014-06-26_411878 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 24 création de ces nouvelles catégories ou diagnostics issus du DSM-5. Nous aurons aussi à mettre en évidence l'évolution sociale qui s'opère depuis déjà quelques années en Occident et la façon dont cet ouvrage influencera notre perception de la santé mentale. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Quotidien du Médecin Décryptage, jeudi 18 juin 2015 Psychiatre Le DSM vu par les jeunes psys Ceci n'est pas une bible ! Psychiatrie Finis (ou presque) les vieux , voici venu le temps d'une pratique apaisée. L'esprit ouvert et le regard critique, les jeunes « psys » usent du DSM avec lucidité. « Outil », « langage commun », « base de travail », la fonction attribuée au DSM fait consensus auprès des jeunes psychiatres. Le débat « pour ou contre le DSM », s'il existe, est laissé aux médias et aux grands pontes de la spécialité. « C'est toujours les mêmes qui se bagarrent », observe le Dr Aurore Guy-Rubin, chef de clinique à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. « Il y a sans doute des enjeux politicoéconomiques, mais ces enjeux sont absents de notre quotidien, lorsque nous sommes au lit du malade », poursuit-il. Un constat partagé par Benjamin Lavigne, rédacteur en chef de la revue « Le Psy déchaîné » et interne en dernier semestre à Limoges : « Entre nous, le débat est beaucoup moins enflammé que les médias le laissent entendre. » Le DSM « cristallise les fantasmes », souligne le Dr Michel Spodenkiewicz, jeune pédopsychiatre, à la PitiéSalpêtrière, qui regrette que certains opposants en méconnaissent le contenu. La majorité des jeunes praticiens estiment que le DSM propose un cadre, utile pour les psychiatres débutants. « Indispensable », même, ajoute Benjamin Lavigne, pour « être clair avec nous-mêmes et avec nos patients ». « La vision du DSM est simpliste, mais elle a eu moins le mérite d'être organisée », ajoute-t-il. Patrimoine historique L'enseignement médical s'est enrichi depuis peu d'un référentiel de psychiatrie, uniformisé sur la base du...DSM. Mais pas seulement, souligne le Dr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre, président de l'AESP (Association pour l'enseignement de la sémiologie en psychiatrie), et coordinateur de l'ouvrage (cf. encadré). Si les diagnostics sont « DSM-like », ils sont largement précisés, simplifiés et explicités. ils sont mis en perspective avec les dernières données neuroscientifiques, mais aussi avec les observations cliniques des psychiatres. Cet attachement au patrimoine historique de la spécialité est largement partagé par les jeunes psys. « En France, nous avons une histoire sémiologique riche de descriptions cliniques très fines, rappelle le Dr Geoffroy. Cette culture vient compléter le savoir minimum contenu dans le DSM. » Il n'est pas rare, ainsi, de retrouver dans la bibliothèque d'un jeune psy, un traité de Deniker, Henri Ey et/ou Kraepelin, le DSM, ou encore le « Stahl », ouvrage de référence de 25 psychopharmacologie. « C'est en combinant ces différentes sources qu'on enrichit notre pratique de la psychiatrie », souligne le rédacteur en chef du « Psy Déchaîné », journal de l'AFFEP (Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie). Lecture critique Ni un manuel de sémiologie, ni une « bible » de la psychiatrie, le DSM est ainsi vu pour ce qu'il est : pas plus, pas moins qu'un manuel de classification des maladies mentales. Mais la génération Y des psychiatres a conscience des conflits d'intérêts, dont le DSM n'est probablement pas exempt. « Il faut rester vigilant », assène l'interne de psychiatrie limougeaud. « Lire entre les lignes des articles », ajoute-t-il, en s'appuyant pour cela sur la tant contestée « Lecture critique d'articles » imposée depuis 2009 à l'examen national classant (ECN). Le jeune psychiatre milite pour des enseignements ouverts à l'économie voire la politique, afin de « comprendre les enjeux financiers et sociétaux » des problématiques de la santé. Voir au-delà de la classification américaine, c'est aussi considérer la pathologie mentale autrement qu'en terme épidémiologique et neurobiologique. L'envisager sous une perspective plus globale et humaine. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Un enseignement plus systématisé en sciences humaines répondrait-il à cette volonté ? Oui, s'accordent les psychiatres interviewés. « Il faut croiser les disciplines, surtout la psychiatrie, plaide pour sa part le Dr Guy-Rubin. La médecine doit rester une science, mais une science humaine. » Humanisme et neurosciences Si le codage en psychiatrie, basé sur les classifications - plus précisément sur la CIM-10 (Classification internationale des maladies) - fait redouter une mécanisation de la pratique clinique, la jeune psychiatre va à l'encontre de cette idée : « Mettre un code sur le compte-rendu d'un patient ne m'empêche pas d'écrire un historique plus élaboré. » En espérant que son lecteur s'intéresse plus à l'histoire de la maladie qu'au « diagnostic » inscrit en haut du courrier. Quoi de mieux qu'une fine description clinique pour appréhender la maladie d'un sujet ? Pour l'instant, rien, avance le rédacteur du Psy déchaîné. Qui, quoique satisfait des avancées du manuel, regrette que la 5e version du DSM n'ait tenu ses premières ambitions. À savoir : muscler les catégories diagnostiques des dernières données scientifiques. L'AESP, présidée par le Dr PierreAlexis Geoffroy, entend corriger ce © 2015 Le Quotidien du Médecin. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150618·SQU·761331 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 26 défaut. « Notre groupe de travail planche sur la caractérisation d'entités cliniques plus valides que celles du DSM-5, plus utiles en pratique clinique et propices à une médecine plus personnalisée ». Mettre en lien la sémiologie et les données scientifiques fondamentales accumulées, telle est leur ambition. « Nous n'avons pas la prétention de réussir là où le DSM a en partie échoué, mais de mettre à profit les nombreuses avancées scientifiques à ce jour sous-utilisées », précise le psychiatre. La relève des jeunes psys, est en marche, plus dynamique que jamais. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Monde diplomatique lundi 1 juin 2015, p. 28 Le malade virtuel Virginie Bueno « Passez-vous plus de temps sur Internet que vous ne l'auriez pensé initialement ? Y a-t-il des sites que vous ne pouvez éviter ? Trouvez-vous difficile d'être déconnecté durant plusieurs jours ? » Ces questions extraites du test d'Orman, relayé par la presse magazine, permettraient de diagnostiquer une dépendance à Internet (1). En suivant ce type d'évaluation, près de la moitié de la population connectée serait atteinte. Et la plus formidable pandémie de l'histoire serait en train de se répandre sur la planète. La Chine a déjà fait de cette « pathologie » une priorité de santé publique. Des réseaux internationaux travaillent d'arrachepied à élaborer des diagnostics standardisés, des essais cliniques, des protocoles de traitement et des campagnes de prévention. C'est un fait : un nombre croissant d'internautes peinent à se déconnecter. Leur activité en ligne déborde peu à peu sur les autres secteurs de leur existence, au détriment de leur sociabilité, de leur travail, de leurs études. S'agit-il pour autant d'une maladie ? Le caractère pathologique du phénomène est loin de faire consensus au sein de la communauté scientifique. En 2008, l'inclusion de la dépendance à Internet dans la cinquième édition de son répertoire des maladies mentales (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ou DSM-5) (2) a été rejetée faute d'éléments convaincants. Mais le débat se poursuit, notamment au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en vue de la publication en 2017 du manuel de classification internationale des maladies. L'histoire de la cyberdépendance remonte aux années 1970 lorsque Joseph Weizenbaum, ingénieur à l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT), constate chez ses collègues un « acharnement à programmer » caractérisé par un temps de connexion élevé, une hygiène de vie négligée ainsi qu'une désocialisation (3) - tableau typique, selon lui, d'un « trouble mental ». Dans les années 1990, les craintes et l'enthousiasme qui accompagnent le développement d'Internet encouragent les recherches sur l'expérience du monde virtuel et sur ses propriétés potentiellement addictives : anonymat, évasion, accessibilité et interactivité. La cyberdépendance se décline alors selon trois sousdimensions : le jeu vidéo, le cybersexe et la sociabilité. Mais, avant d'être prise au sérieux, la pathologie fut d'abord introduite comme une farce. C'est pour critiquer la multiplication des troubles répertoriés dans le DSM - de cent six en 1952 à quatre cents en 1994 - que le psychiatre new-yorkais Ivan Goldberg imagine en 1996 un désordre qu'il désigne comme « 27 ridicule », celui de l'addiction à Internet (4). Il poste sur un forum de thérapeutes une parodie de diagnostic clinique. La même année, cette maladie entre dans le lexique médical par une voie plus orthodoxe : Kimberly S. Young, psychologue à Pittsburgh, applique le diagnostic reconnu du « jeu pathologique » aux pratiques en ligne et diffuse cette idée sur des forums de discussion de personnes autodiagnostiquées. La clinicienne prolonge l'expérience : elle achète des encarts publicitaires en ligne et acquiert même le mot-clé « Internet addiction » sur Yahoo (5). Les répondants s'avèrent nombreux et les demandes de consultation, bien réelles. Dorénavant, le mécanisme psychologique de l'« impulsion » caractérisé par le contrôle malaisé, voire impossible, d'un comportement pourtant identifié comme nocif - sera identifié comme la cause des problèmes psychologiques et sociaux liés à l'utilisation d'Internet : incapacité de résister au désir de connexion et sensation de manque, avec leurs conséquences sociales négatives (divorce, difficultés professionnelles, scolaires et financières). En 2013, les rédacteurs du DSM-5 suppriment le « jeu pathologique » de la catégorie des « troubles du contrôle de l'impulsion (6) ». Selon eux, la Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 disposition à ne pas décoller de son écran pourrait se ranger dans une nouvelle catégorie générique, celle des « troubles liés à une substance et addictifs (7) ». L'idée suscite aussitôt la controverse : Allen Frances, rédacteur de la précédente version du DSM, et Stanton Peele, théoricien des dépendances comportementales, dénoncent la biologisation du concept d'addiction (8). En effet, remplacer le profil de « dépendant » par celui d'« addict » (léger, modéré ou sévère), et ajouter au tableau le symptôme de « désir irrésistible », implique l'existence d'un risque biologique commun à l'addiction à Internet, au jeu et à la drogue. Le symptôme de « désir », causé théoriquement par un dérèglement dans la production de dopamine, est diagnostiqué par une simple question posée au patient : « Avez-vous déjà eu tellement envie de prendre de la drogue que vous ne pouviez penser à rien d'autre (9) ? » L'enjeu est crucial : selon cette approche, les individus diagnostiqués - à tort ou à raison - comme cyberdépendants pourraient recevoir un traitement pharmacologique antidésir. Mais la difficulté à se déconnecter durant une semaine estelle le symptôme d'un besoin physiologique, ou celui d'une société où les activités sociales, scolaires et professionnelles passent toutes par l'intermédiaire de la Toile ? Lieu de l'excès, Internet peut tout aussi bien contribuer à fournir le remède : il offre un espace d'échange entre les utilisateurs et les cliniciens à travers les forums d'information, un outil de traitement grâce aux consultations psychologiques en ligne, et même des applications permettant de limiter le temps de connexion aux sites chronophages - le repose-poignet Pavlov Poke, par exemple, qui délivre une petite décharge électrique en cas de visite prolongée ou de connexion à un site interdit. Au-delà de la controverse médicale, la caractérisation de l'addiction à Internet nourrit une critique plus directement politique. Pour les recherches à venir, les rédacteurs du DSM-5 ont retenu le diagnostic du psychiatre chinois Tao Ran, lequel repère l'addiction à partir de « six heures de connexion quotidiennes durant plus de trois mois, hors activités scolaires et professionnelles ». Mais au nom de quelles normes et de quelles valeurs élabore-t-on un diagnostic scientifique qui hiérarchise des pratiques sociales en fonction de leur productivité économique ? Quand il retranche de l'addiction à Internet le temps de travail et d'apprentissage, le Dr Tao souligne en creux l'impensé de cette notion. Dans un univers marqué par l'injonction professionnelle et éducative à la connexion permanente, une frontière morale séparerait pratiques saines et pratiques pathologiques en fonction d'un critère implicite d'utilité économique. Il serait normal de rester huit heures par jour au bureau les yeux rivés sur un tableur; mais six heures quotidiennes devant un jeu vidéo appelleraient un traitement médical. L'addiction à Internet se présente dans le DSM-5 comme une maladie décontextualisée des systèmes économiques et des outils informatiques qui tirent profit de la dépendance : industries du jeu vidéo et des logiciels, réseaux sociaux. Le seul prisme neuroscientifique réduit le champ de recherche et les solutions possibles. A ce jour, la gestion des usages excessifs d'Internet 28 demeure sociale, culturelle et politique. Elle ne fait l'objet d'aucun consensus international. Si les EtatsUnis et la Chine adhèrent à l'hypothèse standardisée d'une maladie neurologique, ils diffèrent par les modes de prise en charge. Les premiers instaurent un système de soins concurrentiel et privatisé déterminé par les assurances privées; le second a créé des camps de redressement sur le mode militaire, qui impliquent un enfermement hospitalier et la reconnaissance de la maladie par le patient. La France et le Québec privilégient une perspective compréhensive et psychosociale au cas par cas. Après la traduction du questionnaire diagnostique de Young en 2006, le Japon a découvert l'ampleur de ce « problème social » et finance des centres de traitement. Note(s) : (1) Marc Valleur et Dan Velea, « Les addictions sans drogue(s) » (PDF), Toxibase, no 6, Lyon, juin 2002. (2) Lire Gérard Pommier, « La bible américaine de la santé mentale », Le Monde diplomatique, décembre 2011. (3) Joseph Weizenbaum, Puissance de l'ordinateur et raison de l'homme : du jugement au calcul, Editions d'informatique, Boulogne-Billancourt, 1981. (4) Cf. David Wallis, « Just click no », The New Yorker, 13 janvier 1997. (5) Kimberly S. Young, « Internet addiction : The emergence of a new clinical disorder » (PDF), CyberPsychology & Behavior, vol. 1, no 3, New Rochelle (New York), 1996. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 (6) Ting-Kai Li, Charles P. O'Brien et Nora Volkow, « What's in a word ? Addiction versus dependence in DSM-5 », American Journal of Psychiatry, vol. 163, no 5, Arlington (Virginie), 2006. (7) Nancy M. Petry et Charles P. O'Brien, « Internet gaming disorder and the DSM-5 », Addiction, vol. 108, no 7, Hoboken (New Jersey), 2013. (8) Allen Frances, Saving Normal : An Insider's Revolt Against Out-ofControl Psychiatric Diagnosis, DSM-5, Big Pharma, and the Medicalization of Ordinary Life, HarperCollins, New York, 2013; © 2015 SA Le Monde diplomatique. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150601·MD·53095 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 29 Stanton Peele, « Politics in the diagnosis of addiction », Huffington Post, 15 mai 2012. (9) Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th ed., Association américaine de psychiatrie, Arlington, 2013. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Québec Science, no. Vol. 53 n° 6 dimanche 1 mars 2015, p. 20,21,22,23,24,25 ARRIÈRE-PENSÉES FANTASMES DU CÔTÉ DE L'INTERDIT Marine Corniou Alambiqués, curieux, obsédants, fleur bleue... Qu'importe leur nature, les fantasmes sont toujours excitants et pimentent la vie sexuelle. Mais quand ils flirtent avec l'interdit ou l'inavouable, certains d'entre eux peuvent devenir pathologiques. Les critiques sont unanimes: le roman est mal écrit, les dialogues sont navrants et l'histoire est banale. Pourtant, jamais un livre ne s'est vendu aussi vite ni aussi bien. Quatre mois après sa sortie, en 2012, Fifty Shades of Grey (Cinquante nuances de Grey, en français) s'était déjà écoulé à 25 millions d'exemplaires. Aujourd'hui, plus de 100 millions de copies de la trilogie d'Erika L. James ont été vendues dans le monde, traduites en 51 langues. Et le film éponyme vient de sortir sur grand écran, juste à temps pour la SaintValentin. La recette de ce succès? Un effet médiatique boule de neige, sans doute, mais surtout un mélange bien dosé de romance passionnée et de scènes érotiques, voire pornographiques. L'histoire fait la part belle aux clichés, en dépeignant les ébats d'une étudiante innocente et d'un millionnaire viril, Christian Grey, adepte du fouet et de la fessée. En clair, le roman parle de sexe. Et il parle aux femmes. Et c'est là ce qui a fait couler tant d'encre: l'ampleur du phénomène Cinquante nuances de Grey en dit long sur l'imaginaire fantasmatique de la gent féminine, émoustillée par les scènes de bondage, les jeux de soumission et autres activités sadomasochistes. Scandale? Perversion? Ou simple reflet d'une sexualité libérée? «Bizarrement, peu d'études ont investigué la nature des fantasmes dans la population générale, indique Christian Joyal, professeur au département de psychologie de l'Université du Québec à TroisRivières. Alors que les psychiatres s'intéressent depuis longtemps aux fantasmes des criminels, ceux de Monsieur et Madame Tout-le-Monde sont encore mal connus.» Cette méconnaissance n'a pas empêché l'Association de psychiatrie des États-Unis, dans sa dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM-5, d'assigner à certains fantasmes et intérêts sexuels l'étiquette «anormal». Par exemple? Le voyeurisme, le fétichisme, mais aussi le sadisme et le masochisme, tous considérés comme des paraphilies (ce dernier terme remplace «déviance», utilisé autrefois). «Le mot "anormal" est fort, et dénote un jugement. Comment savoir ce qui 30 est normal en matière de fantasmes? Et ce qui ne l'est pas?» s'est demandé Christian Joyal, qui est aussi chercheur à l'Institut Philippe-Pinel et spécialiste de la neuropsychologie des agresseurs sexuels. C'est pour y voir plus clair qu'il a effectué une enquête par Internet auprès de 1 517 Québécois (799 hommes et 718 femmes) âgés entre 18 et 75 ans, en grande majorité hétérosexuels. Tous devaient sélectionner leurs fantasmes à partir d'une liste de 55 affirmations (dont «J'ai déjà fantasmé de faire l'amour avec deux femmes» ou «J'ai fantasmé de faire l'amour dans un lieu public»), en plus de décrire en détail leur scénario sexuel favori. Les résultats, publiés fin octobre dans le Journal of Sexual Medicine, ont fait grand bruit dans les médias du monde entier. Parce qu'ils confirment que, en matière de goûts sexuels, il n'y a justement pas de norme. «D'autres enquêtes avaient déjà suggéré cela avant la nôtre, mais elles avaient presque toutes été menées chez des étudiants, a priori plutôt imaginatifs parce qu'en pleine période de développement sexuel, et elles n'incluaient pas d'analyses statistiques. Ce qu'on a démontré, c'est que très peu de fantasmes sont rares ou inhabituels», précise le chercheur. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Ainsi, sur les 55 fantasmes étudiés, 2 seulement étaient «rares» (rapportés chez moins de 2,4 % des sondés, ils étaient en lien avec la zoophilie et la pédophilie); 9 étaient «inhabituels» (moins de 16 %); 30 étaient «communs»; et seulement 5 étaient «typiques» (faisant partie de l'imaginaire de 84 % ou plus des participants). Autre constat, 64 % des femmes interrogées avaient des fantasmes de soumission; 52 % ressentaient du plaisir à s'imaginer attachées; et 36 %, fessées ou fouettées. Ces résultats sont en phase avec ceux des rares enquêtes menées sur la question, notamment en France. En 2013, un sondage effectué par le magazine Femme actuelle et l'Institut français d'opinion publique (Ifop) auprès de 1 000 femmes de plus de 18 ans révélait ainsi que près de 1 femme sur 2 aimerait faire l'amour en étant dominée ou en ayant les yeux bandés; et plus de 1 sur 4 en étant fessée ou ligotée. «Ça explique le succès de Cinquante nuances de Grey, s'amuse Christian Joyal. Mais surtout, ça remet en question le jugement de valeur porté par le DSM-5.» Si le DSM-5 reconnaît que fantasmer sur les paraphilies (ou même les pratiquer) n'est pas forcément pathologique, les qualifier d'anormales n'en est pas moins dangereux. «L'évaluation des fantasmes fait partie du bilan psychiatrique des criminels, en particulier des criminels sexuels, et on y accorde une grande importance, précise le neuropsychologue. Cependant, beaucoup d'agresseurs ont les mêmes fantasmes que la population générale, et inversement; puis, les violeurs n'agissent pas tous en réalisant leurs fantasmes. Où se situe l'anormalité, alors?» Qu'on se rassure donc, avoir des fantasmes dits «pervers» ne fait pas forcément de nous des êtres malsains! En fait, dans bien des cas, ce serait même l'inverse: plus une personne a de fantasmes, et plus ils sont variés, plus elle a tendance à être satisfaite de sa vie sexuelle. Car le fantasme, qu'il prenne la forme d'un scénario complexe ou d'une simple image mentale, est avant tout une façon de pimenter les relations, de maintenir le désir ou d'en augmenter l'intensité. Il constituerait davantage un moteur de la libido qu'un reflet des frustrations inconscientes, n'en déplaise à Sigmund Freud, le premier à s'intéresser en profondeur au sujet, il y a plus de 100 ans. «On n'en est pas encore à comprendre ce qui se cache derrière les fantasmes, en particulier ceux de soumission et de domination, souligne toutefois Christian Joyal. Même s'il existe de nombreuses théories psychanalytiques sur le sujet.» Il faut reconnaître qu'il est difficile d'expliquer pourquoi, par exemple, de nombreux hommes hétérosexuels sont attirés par le sexe anal ou par les shemales, ces personnes transgenres dotées à la fois d'une opulente poitrine et d'un imposant pénis. Quant aux femmes, plus de la moitié ont des fantasmes coercitifs, impliquant d'être soumises, sexuellement contraintes, voire violées. «Entre 9 % et 17 % des femmes ont comme fantasme favori et le plus intense d'être forcées. Cela n'a aucun sens. Pourquoi une femme 31 fantasmerait-elle sur un événement aussi terrible?» se demandaient en 2008 Jenny Bivona et Joseph Critelli, chercheurs en psychologie à l'université North Texas. Pour mieux comprendre, ils ont interrogé 355 étudiantes sur leurs fantasmes et sondé leur personnalité. La moitié d'entre elles fantasmaient effectivement sur le fait d'être «sexuellement forcée par un homme», 20 % y rêvant même au moins une fois par semaine. Les chercheurs ont évalué les trois théories le plus souvent avancées pour l'expliquer. Selon la première, le fantasme de viol serait une manière pour les femmes d'exprimer leurs désirs sexuels sans honte ni culpabilité sociale. La seconde est en lien avec la «désirabilité»: les femmes aimeraient s'imaginer si belles et si attirantes qu'aucun homme ne pourrait se retenir à leur vue. Dernière hypothèse? Le fantasme de viol traduirait une ouverture d'esprit, une audace sexuelle, une absence de tabou. Contre toute attente, l'étude a démontré que cette dernière théorie est celle qui se vérifie le mieux, même si les chercheurs ont aussi trouvé une corrélation entre l'estime de soi (voire le narcissisme) et la fréquence des fantasmes de viol. Rien de forcément dramatique ni tordu, donc, à fantasmer sur un rapport violent. Ce qui n'étonne pas Christian Joyal. «Ce qu'on a découvert en analysant nos résultats, c'est que la plupart des hommes et des femmes qui rapportent des fantasmes de soumission ont aussi, parallèlement, des fantasmes de domination. Les uns n'excluent pas les autres, au contraire; cela semble en effet associé à une vie sexuelle plus libérée que la moyenne.» Mais Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 attention! Dans l'enquête québécoise, la moitié des femmes fantasmant sur la soumission ont pris la peine de souligner qu'elles n'aimeraient pas que leur fantasme se réalise. «Chez les hommes, les fantasmes sont synonymes de souhait. Mais chez les femmes, un fantasme reste un fantasme», précise le professeur. D'ailleurs, un fantasme donné est souvent plus compliqué à décrypter qu'on pense. Il peut se prêter à plusieurs niveaux de lecture, ou cacher des significations radicalement différentes, en fonction du vécu de la personne. C'est ce qu'explique Joanne Lépine, sexologue à Laval et spécialiste en «sexoanalyse». «Rêver de faire l'amour sur une plage, par exemple, ne dit pas grand-chose sur ce qui excite le rêveur ou la rêveuse. Est-ce que la plage est déserte? Est-ce qu'il y a un risque de se faire surprendre? Avec qui la personne est-elle? De la même façon, des femmes qui lisent Cinquante nuances de Grey peuvent se croire attirées par le sadisme, alors que ce qui les excite, c'est d'être follement désirées, comme l'héroïne du roman», précise Mme Lépine. Quant au fantasme de viol, il ressemble rarement à un viol. La femme reste maîtresse du scénario, c'est son imagination qui est aux commandes. Et la peur, la douleur ou l'horreur sont rarement au premier plan. Toutefois, si tel est le cas, cela révèle-t-il un problème? Y a-t-il des pensées intimes qu'on ne devrait pas laisser s'installer? «Oui, il existe des fantasmes sexuels pathologiques. Ce sont ceux qui impliquent des pratiques illégales, comme la pédophilie, la zoophilie et des partenaires non consentants; ceux qui induisent une souffrance; ou qui sont indispensables pour obtenir satisfaction», résume Christian Joyal. Ainsi, un fétichiste des souliers à talons aiguilles, qui ne peut être excité sexuellement qu'en présence de ces objets, se trouve prisonnier de son fantasme et peut en souffrir terriblement. Joanne Lépine ajoute que l'aspect pathologique d'un fantasme peut faire référence aux valeurs sociales, à l'éducation, à la crainte de ne pouvoir s'empêcher de passer à l'acte. «De plus, la notion de pathologie est aussi en relation avec le degré d'hostilité. S'il y a un réel plaisir à s'imaginer anéantir l'autre, le blesser, c'est problématique. La perversion sexuelle est en fait l'équivalent d'une haine érotisée», souligne-t-elle. «Un intérêt paraphilique qui implique de faire du mal aux autres ou à soimême pose problème, car la personne fait face au défi de maîtriser ses pulsions. On parle ici de fantasmes intenses, et récurrents, tels "quand je me masturbe en pensant que je viole quelqu'un, mon orgasme est extrêmement intense"», illustre Gerard Schaefer, psychologue à l'Institut de psychologie sexuelle à Berlin. En 2011, son équipe a publié une étude menée auprès de 367 hommes (âgés entre 40 et 79 ans) sur diverses paraphilies - voyeurisme, travestissement, fétichisme, masochisme, sadisme, exhibitionnisme, frotteurisme et pédophilie. Au total, plus de 60 % des participants ont rapporté être excités à des degrés divers par au moins l'une de ces paraphilies (en particulier par le biais de leurs fantasmes). Des fantasmes pédophiles étaient rapportés par 1 homme sur 10, alors qu'ils étaient 3,8 % à affirmer avoir 32 eu des comportements pédophiles réels. sexuels «Nos résultats démontrent qu'une grande proportion des individus qui ont des fantasmes impliquant de se faire mal ou de faire mal à quelqu'un sont passés à l'acte. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est que de nombreux hommes sont excités par ces paraphilies, mais n'en ressentent aucune gêne ni aucune inquiétude. Il y a donc peu de chances qu'ils aillent chercher de l'aide pour mieux contrôler leurs pulsions», explique Gerard Schaefer qui a mis sur pied un programme appelé Don't offend, lequel incite les hommes aux penchants pédophiles à aller suivre une thérapie à l'hôpital de la Charité de Berlin avant qu'il soit trop tard. À l'Institut Philippe-Pinel, où sont internés de nombreux agresseurs sexuels, Christian Joyal souhaite comprendre ce qui fait qu'une personne passe à l'acte. «Nous possédons une vaste base de données où sont consignés les récits des fantasmes de nombreux criminels. Nous allons les comparer avec ceux de la population», explique-t-il. En attendant, il souhaite mieux cerner l'imaginaire érotique du commun des mortels. Il a commandé une étude à une firme de sondage pour connaître les goûts et les pratiques de 1 000 personnes, un échantillon encore plus représentatif de la population québécoise que son premier groupe. Les résultats confirment qu'entre 25 % et 30 % des gens ont déjà pratiqué le BDSM (bondage, domination, sadisme, masochisme) et ce sont par ailleurs ceux qui se disent le plus satisfaits sexuellement, révèle-t-il. «Ce que je souhaite, c'est qu'on cesse de pathologiser d'emblée certains Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 fantasmes à cause de leur nature, ou de les considérer comme critères suffisants pour indiquer un trouble mental, comme le fait le DSM-5.» Autrement dit, c'est la détresse qu'il faut prendre en compte. On peut souffrir de fantasmer sur sa collègue de travail et être parfaitement heureux en imaginant chaque nuit fesser des inconnus. À propos des Cinquante nuances de Grey, pour le professeur et son étudiante, rassurez-vous: tout est bien qui finit bien. Comme dans un conte de fées. LES DESSOUS DE LA TOILE On y navigue incognito. Internet permet de laisser libre cours à son imagination, à l'abri de tout jugement. Mais, alors que les utilisateurs tapent sans rougir des mots clés coquins dans leur moteur de recherche, leurs requêtes n'en sont pas moins «publiques». Ce qui permet de faire d'Internet «la plus vaste expérience au monde sur le comportement humain», selon les neurobiologistes états-uniens Sai Gaddam et Ogi Ogas. Informaticiens chevronnés, ils ont analysé, entre 2009 et 2010, environ 1 milliard de mots clés à connotation sexuelle, 1 million de sites porno, plus de 1 million de vidéos X, des dizaines de milliers de romans érotiques et 5 millions de petites annonces pour découvrir les désirs secrets de 100 millions d'internautes provenant des États-Unis, mais aussi du Canada, d'Inde, du Nigeria et du Royaume-Uni. Le résultat, un livre de 400 pages, intitulé A Billion Wicked Thoughts, dont les révélations sont parfois... inattendues. On y apprend, par exemple, que les hommes hétérosexuels sont friands de shemales, qu'ils sont fascinés par les images de gros pénis et qu'ils fantasment sur leurs femmes ayant des rapports avec d'autres hommes. Les femmes, elles, préfèrent les histoires aux images (68 millions de Nord-Américaines achètent chaque année des romans érotiques en ligne) et elles aiment les histoires d'amour mettant deux hommes en scène, comme Le secret de Brokeback Mountain. Sans surprise, l'immense majorité des recherches sont faites par des hommes et l'un des plus grands centres d'intérêt est la domination associée à la soumission. Le mot «jeunesse» est le plus recherché par les hommes, suivi par «gay», mais les femmes plus âgées ne sont pas en reste. La porno impliquant des femmes de 50 ou 60 ans et les mots clés «mom» ou «granny porn» sont extrêmement populaires. Au total, 35 intérêts sexuels différents (dont: jeunes, Noirs, sexe en groupe ou fellation) constituent 90% de toutes les recherches. Dans leur ouvrage, les chercheurs tentent d'expliquer ces préférences par des théories évolutionnistes. Un exemple? Les hommes aiment les talons aiguilles, car ils donnent l'illusion de petits pieds et de longues jambes, de fesses plus rebondies, autant de signes de féminité et de fécondité! Quant à la fascination des hommes pour les pénis et les shemales, tout viendrait de la «compétition spermatique», bien connue des biologistes évolutionnistes, qui traduit la compétition entre les éjaculats de différents mâles pour la fertilisation des ovocytes. En voyant leurs femmes se faire prendre par d'autres, ou indirectement en visualisant d'autres pénis, le désir des hommes serait augmenté, car ils se sentiraient 33 menacés par le fait que d'autres puissent féconder leur femme. Tout s'explique! Encadré(s) : Sur quoi peut-on fantasmer? Le monde des fantasmes n'a pas vraiment de normes ni de limites. Et l'objet du désir peut parfois être inhabituel. Le sexologue Claude Crépault, cofondateur du département de sexologie de l'Université du Québec à Montréal, relate dans son livre Les fantasmes, l'érotisme et la sexualité (Odile Jacob, 2007) le cas d'un de ses patients incapable de jouir autrement qu'en pensant au chiffre sept. Une anecdote, certes, mais qui illustre la complexité de la sexualité humaine. «Les contenus des fantasmes peuvent être très variés, confirme la sexologue Joanne Lépine. Le fantasme est sexuel s'il provoque, accompagne, suscite une excitation. Toutefois, son contenu n'est pas obligatoirement sexuel. Le contenu fantasmatique n'est pas l'effet du hasard: il s'inscrit quelque part dans l'histoire personnelle de l'individu concerné. Comme une semence qui germe dans un terrain fertile... Cela peut donc être tout, mais pas n'importe quoi.» Études de extrêmes Christian Joyal: les ° Fantasmes typiques (plus de 84 interrogées) % des personnes Ressentir des émotions romantiques pendant une relation sexuelle. Avoir des relations dans un endroit romantique (féminin et masculin). Recevoir du sexe oral ou avoir une relation avec deux femmes (masculin). Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 ° Fantasmes inhabituels (moins de 15,9%) (pour les femmes) Uriner sur son partenaire ou se faire uriner dessus; porter des vêtements du sexe opposé; forcer quelqu'un à avoir une relation sexuelle; avoir une relation avec un(e) prostitué(e); abuser d'une personne en état d'ébriété ou inconsciente; faire l'amour avec une femme qui a de très petits seins. (pour les hommes) Uriner sur son partenaire ou se faire uriner dessus; faire l'amour avec deux hommes ou plus. © 2015 Québec Science. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150301·QSC·0012 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 34 ° Fantasmes rares (moins de 2,3 interrogées) % des personnes Avoir une relation sexuelle avec un jeune enfant ou avec un animal. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Quotidien du Médecin Décryptage, jeudi 18 juin 2015 Psychiatre Un outil en perpétuelle évolution Psychiatrie « Ce n'est qu'une classification clinique », annonce en préambule le Dr Marc-Antoine Crocq, psychiatre en Alsace et coordonnateur de la traduction du DSM-5. Prenant le parti de désamorcer les éventuelles critiques contre le manuel, il ajoute : « Les affections classifiées dans cet ouvrage sont des modèles plus que des maladies réelles », ajoute le coordonnateur de sa traduction. Pour l'un des auteurs du DSM-5, le Pr Marc Auriacombe, chercheur et psychiatre à Bordeaux, le manuel s'oriente désormais vers la « prévention » et le « repérage précoce » basés sur l'existence de thérapeutiques validées. Ce que son confrère, le Dr Claude Bursztejn, pédopsychiatre et vice-président de l'Association nationale des centres de ressources autisme (ANCRA) critique vivement. Prenant l'exemple des troubles du spectre autistique (TSA), ce dernier argumente : « Ce diagnostic rassemble des situations extrêmement hétérogènes. Je ne vois pas comment l'on pourrait en tirer une indication thérapeutique. » Pour le spécialiste, l'élargissement de certains critères et l'ajout de diagnostics, ne suffisent pas à brasser la clinique pédopsychiatrique : « Les spécificités de l'enfant sont gommées et considérées au travers du filtre des pathologies chroniques. » Alors même que, dit-il, les difficultés les plus fréquentes - absentes du manuel motivent la majorité des consultations. Plus pragmatique que théorique Selon Marc-Antoine Crocq le DSM-5 reste le « gold standard » des classifications parce que la plus validée et la moins arbitraire, élaborée par un large consortium d'experts et validée par les neurosciences. Du moins était-ce son ambition car la recherche avançant à pas de géants, le DSM-5 mériterait déjà une révision... « Le DSM n'est pas figé », reconnaît le Pr Auriacombe. Encore moins son usage, © 2015 Le Quotidien du Médecin. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20150618·SQU·761356 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 35 qui doit s'appuyer sur une mise à jour perpétuelle des connaissances. Imparfait par essence, car basé sur des données encore lacunaires, le DSM-5 fournit néanmoins un « cadre ». Un cadre qui permet de « se prémunir contre les pratiques extrêmes », souligne le Pr Auriacombe. Plus pragmatique que théorique, l'ouvrage oeuvre depuis des décennies à accorder les psychiatres sur un langage commun. Sans l'ambition de fournir un substrat théorique... si ce n'est de faciliter le débat. Quant aux conflits d'intérêts, les admettre n'est pas être dupe. Pour Marc Auriacombe, les liens avec l'industrie pharmaceutique sont inévitables, ces derniers étant les plus grands financeurs d'essais thérapeutiques. Et le Dr Crocq d'y ajouter les conflits d'intérêt politiques, économiques, académiques (etc.), invitant les psychiatres à se saisir du DSM-5, l'esprit conscient, critique et ouvert sur l'actualité scientifique. Dr Ada Picard Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 L'Actualité, no. Vol: 38 No: 18 vendredi 15 novembre 2013, p. 52,53,54,55,56,58,60,61,62,63 En couverture Vaincre le mal de vivre Dominique Forget Anxiété, dépression, vague à l'âme... La détresse psychologique prend des allures d'épidémie. Mais faut-il pour autant la qualifier de maladie mentale, comme le suggère le nouveau Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ? Un «crisse de fou». C'est ainsi que Serge Fiori se décrivait dans «L'exil». Cette chanson, enregistrée en 1976 sur l'album mythique L'heptade, parle d'un marginal que le monde «enrage» : «J'vais juste être bien / Quand j'vais me r'trouver tout nu / Au creux d'mon lit, caché ben loin.» Cachant sa blessure, il avance sur un fil, tente de garder l'équilibre : «Me reconnaissez-vous ? / C'est moi le crisse de fou / Qui marche au-dessus d'la ville.» Dans ces paroles, les inconditionnels du groupe Harmonium pouvaient percevoir un iconoclaste qui refusait de s'intégrer à une société trop rigide. Ou peut-être un coeur sensible écorché par des amours blessées. Pour ceux qui redécouvrent Serge Fiori dans sa biographie, S'enlever du chemin, les paroles de «L'exil» prennent une nouvelle dimension. Le «crisse de fou», aujourd'hui âgé de 61 ans, y raconte la bataille qu'il a menée contre la maladie mentale. Souffrant de terribles crises d'anxiété, le chanteur avait l'impression de descendre aux enfers chaque fois qu'il montait sur scène. Porté aux nues par ses admirateurs, mais craquant sous la pression de la notoriété, il sentait les espaces autour de lui se rétrécir, sa vision se brouiller, les sons se mélanger. Après un spectacle à Bromont avec Richard Séguin, en 1979, il a quitté la scène et s'est promis qu'il n'y remonterait jamais. Quelques années plus tard, isolé dans un loft près de l'Université McGill, il n'arrivera presque plus à sortir de chez lui, osant à peine faire quelques pas dehors. Si Fiori a décidé de raconter son histoire, c'est parce qu'il est «écoeuré des rumeurs». «On pense que je suis sur la dope ou que je suis une bibitte extraterrestre», soupire-t-il, assis dans une cuisine bleu ciel du PlateauMont-Royal, à l'étage d'un duplex où il enregistre son premier album solo depuis 1987. Entre deux sushis, il passe la main dans ses cheveux, allume une cigarette. «Le monde n'a pas de pitié pour les originaux, dit-il. Dans le milieu artistique, tu peux avoir l'air cool pendant un temps, mais dans le vrai monde du travail, tu passes pour un faible.» Et pourtant, Fiori se débrouille plutôt bien aujourd'hui. Son médecin a trouvé en janvier le «petit fil détaché dans son cerveau». Avec la 36 médication et une psychothérapie, il arrive à gérer les crises d'anxiété, de plus en plus rares. Il espère remonter sur scène un jour. «Faudra voir.» Mais il en aura mis du temps à se faire soigner. Sa première crise, il l'a vécue à l'adolescence - un bad trip survenu après qu'il eut fumé un joint teinté de LSD. L'anxiété et la paranoïa l'ont assailli, pour ne plus le lâcher. À l'époque, le cégépien craignait de se rendre à l'hôpital. Il a finalement consulté un psychologue. Le verdict l'a frappé comme une massue : psychose. «J'ai pris mes jambes à mon cou, raconte Fiori. La folie, c'était ma plus grande peur. On aurait pu m'enfermer à Louis-H.», ditil en frissonnant. «Louis-H.», c'est l'hôpital Louis-H. Lafontaine. À l'époque où Serge Fiori a fait son bad trip, à la fin des années 1960, il portait le nom d'hospice Saint-Jean-de-Dieu. Le plus grand hôpital psychiatrique du Québec, fondé en 1873 par les Soeurs de la Providence, a en effet changé de nom en 1975 puis en 2013. On l'a alors rebaptisé Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Mais l'établissement n'a jamais réussi à se départir de l'image d'un passé marqué par les mauvais traitements, où l'on enfermait sans discernement les marginaux avec les mélancoliques, Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 les déments ou les idiots, selon les termes employés alors. «À la fin des années 1960, 6 000 patients vivaient ici», raconte Denise Fortin, psychologue et directrice de l'hôpital, dont le bureau est aménagé là où se trouvait autrefois la salle de bains d'un dortoir d'une quarantaine de lits. L'hôpital avait alors le statut de municipalité, avec son maire, ses services de police et de loisirs ! «Ce n'étaient pas les heures de gloire de la psychiatrie, déplore la directrice. La plupart des gens qui arrivaient ici ne repartaient jamais.» La découverte de médicaments plus efficaces, la mise en place de ressources d'hébergement dans la collectivité et la reconnaissance des droits des malades ont mené à la fermeture progressive des lits à partir des années 1970. Aujourd'hui, l'IUSMM n'en compte plus que 350. Et l'administration prévoit en fermer d'autres, réservés aux soins de longue durée. Les hôpitaux psychiatriques ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, et pourtant le monde n'a jamais semblé aussi fou. «Il n'y a jamais eu autant de détresse psychologique», corrige la directrice de l'hôpital, qui préfère les termes plus politiquement corrects. «On peut presque parler d'une épidémie.» Selon un rapport publié par l'Institut de la statistique du Québec en 2010 (basé sur des chiffres recueillis en 2002 par Statistique Canada), 23 % des Québécois éprouveraient un niveau de détresse psychologique élevé, soit 27 % des femmes et 20 % des hommes. Il y aurait aujourd'hui plus de Québécois incapables de travailler en raison de problèmes de santé mentale que pour toute autre raison. Selon le Dr Martin Tremblay, psychiatre depuis 1996 à l'hôpital Notre-Dame (Centre hospitalier de l'Université de Montréal) et dans une clinique privée à Outremont, la prévalence des troubles de santé mentale graves comme la schizophrénie ou la bipolarité - n'a pas bougé depuis l'époque où les Soeurs de la Providence soignaient les aliénés à Saint-Jean-de-Dieu. Elle serait d'environ 1 % pour la schizophrénie, d'environ 2 % pour la bipolarité. La dépression et l'anxiété, en revanche, se propagent comme un feu de paille. «On dirait que chaque décennie le niveau d'anxiété dans la société augmente, constate le psychiatre. Tout va plus vite, les gens ont moins de repères, moins de périodes où ils peuvent se reposer. Il faut toujours être à fond la caisse.» Mais à lui seul, le stress ne peut expliquer l'épidémie de problèmes de santé mentale qui ravage les sociétés occidentales. Après tout, nos ancêtres ont vécu la Grande Dépression et deux guerres mondiales ! La vraie raison se situerait ailleurs, selon le Dr Tremblay. Nous serions devenus collectivement allergiques au deuil, à l'inquiétude, à l'exubérance, aux colères des enfants, aux dépendances... «Notre société n'est pas très tolérante à l'égard de ceux qui sortent du cadre et qui ne sont pas dans la performance, observe-t-il. Même une personne en deuil qui s'apitoie sur son sort un peu trop longtemps est vite considérée comme un malade à traiter.» On n'enferme peut-être plus les marginaux, mais on n'a jamais été aussi prompt à leur coller un diagnostic de maladie mentale. 37 Départager la souffrance «normale», inhérente à toute vie, de la souffrance pathologique, qui nécessite un traitement, n'a jamais été simple. La psychiatrie n'est pas comme les autres disciplines de la médecine, où une prise de sang ou une radiographie permet de savoir d'où vient le mal. Le cerveau est infiniment plus complexe qu'un coeur. Il contient 100 milliards de neurones, chacun connecté à 1 000 autres, pour un total de 100 000 milliards de connexions synaptiques. Ni l'imagerie cérébrale ni la génétique n'ont encore rendu possible la mise au point d'un test qui permettrait de dépister une dépression ou la schizophrénie. Les psychiatres se fient à leur jugement clinique pour poser un diagnostic, mais les frontières qui séparent les troubles mentaux les uns des autres sont rarement claires. Surtout que les patients brouillent les cartes en tentant de cacher leurs symptômes... ou en les exagérant. «À l'urgence, je vois régulièrement des gens qui arrivent en ambulance», raconte le Dr Tremblay, qui a agi jusqu'en 2012 à titre de président de la Fondation des maladies mentales. «Très souvent, ils ne veulent rien savoir d'être hospitalisés. Ils nient être suicidaires ou avoir des idées délirantes et font tout pour qu'on les laisse partir sans se faire coller un diagnostic de maladie mentale.» Dans sa clinique, Expertise Neurosciences, spécialisée en expertise médicolégale, il se bute au problème opposé. Il évalue des patients que lui adressent des compagnies d'assurances ou la Commission de la santé et de la sécurité du travail. «Il peut s'agir d'un travailleur en burnout qui raconte être Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 tombé malade à cause du harcèlement psychologique de son patron, explique le médecin. Il dit qu'il ne dort plus, a des idées noires et est anxieux à l'idée de retourner au travail. Dans son cas, il y a des bénéfices liés à un diagnostic. Il veut qu'on le déclare malade. Ce n'est pas toujours facile pour un psychiatre de trancher.» Pourtant, il existe un outil censé départager ceux qui sont sains d'esprit de ceux qui sont malades. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (ou DSM, pour Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) énumère, pour chaque trouble de santé mentale reconnu par l'Association américaine de psychiatrie, une liste de symptômes que doit manifester le patient pendant une certaine durée. Il est largement utilisé en Amérique du Nord et étend son influence partout dans le monde, faisant de l'ombre à la Classification internationale des maladies, publiée par l'Organisation mondiale de la santé. Pour qu'on diagnostique chez elle une dépression majeure, selon le DSM, une personne devrait présenter au moins cinq des symptômes suivants pendant au moins deux semaines : humeur triste, perte d'intérêt pour toute activité (y compris les plus plaisantes), perte d'appétit, trouble du sommeil, problèmes de concentration, agitation, fatigue, sentiment de culpabilité, idées noires. Mais pourquoi cinq critères et pas six ou sept ? Et pourquoi pas pendant quatre semaines ? «C'est là tout le problème avec la psychiatrie», maugrée le Dr Allen Frances, qui a supervisé le DSM-IV, paru en 1994. Transfuge, ce psychiatre américain est devenu l'un des critiques les plus virulents du manuel, dont la cinquième mouture, le DSM-5 (on a laissé tomber la numérotation en chiffres romains pour cette dernière édition), a été publiée en mai dans un tollé général. «Le processus qui permet de dresser la liste des critères diagnostiques est très peu scientifique, dénonce-t-il. Les bonzes de la psychiatrie américaine se réunissent, défendent leur position à propos de ce qu'ils croient être les meilleurs critères pour diagnostiquer un trouble, se disputent, font des compromis.» Selon lui, il existerait moult raisons faisant qu'un trouble précis se retrouve ou non dans le DSM : un expert a plus d'influence qu'un autre, on n'a pas trouvé mieux, sans parler des raisons culturelles et historiques. La psychiatrie, après tout, a toujours été influencée par les moeurs de son époque. À l'époque où Saint-Jean-deDieu a ouvert ses portes, les femmes qui rejetaient le rôle de nourricière étaient souvent reconnues comme hystériques. L'homosexualité a été considérée comme une maladie mentale jusqu'en 1987. Le comité du DSM-5, lui, a inclus l'hyperphagie («la gourmandise d'autrefois», dit Frances pour se moquer) et la perte de mémoire associée à la vieillesse («j'en suis certainement atteint...»). «Les psychiatres ont besoin de nommer le mal qui affecte un patient, et c'est normal», déclare Allen Frances, qui dénonce le DSM-5 dans Saving Normal : An Insider's Revolt Against Out-of-Control Psychiatric Diagnosis, DSM-5, Big Pharma, and the Medicalization of Ordinary Life. «Mais l'Association américaine de psychiatrie a dépassé les bornes. On peut se demander si ce n'est pas la profession qui est devenue folle.» 38 Le DSM, croit-il, est trop influent, compte tenu de la faiblesse de ses bases scientifiques. À partir des critères listés, on peut déterminer non seulement qui est sain et qui est malade, mais aussi qui aura droit à certains services de santé payés par l'État, qui se verra refuser une assurance invalidité - ou même si un meurtrier doit être considéré comme un criminel ou une personne à soigner. «À chaque version, on a élargi le territoire de la pathologie, dit le Dr Frances. L'intention n'était pas mauvaise, mais on se retrouve avec un manuel à partir duquel à peu près n'importe qui peut être reconnu comme ayant un problème de santé mentale.» Les sociétés pharmaceutiques, souligne-t-il, ont été les premières à tirer profit de cette multiplication des diagnostics. Les psychotropes (qui agissent sur le système nerveux) sont devenus des vaches à lait. Les ventes d'antipsychotiques (prescrits à l'origine aux schizophrènes et maintenant utilisés à d'autres fins, dont la simple insomnie) ont atteint 18 milliards de dollars aux États-Unis en 2011. Les antidépresseurs, eux, ont généré 11 milliards de dollars. «À peu près tout le monde connaîtra dans sa vie un épisode où il dormira mal, manquera d'appétit, aura du mal à se concentrer», signale le Dr Frances. Cela signifie-t-il qu'on est malade, ou a-t-on besoin de souffler un peu ? «C'est cette zone grise que les sociétés pharmaceutiques ont appris à exploiter, dénonce-t-il. Elles affirment à la planète entière qu'il est possible d'être parfaitement heureux et performant tout le temps.» Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Confortablement assis au fond de son fauteuil, dans un bureau décoré de souvenirs rapportés d'un voyage au Japon, le Dr Joel Paris a le sourire calme d'un thérapeute bienveillant. Il y a 50 ans, il a quitté les États-Unis pour étudier à l'Université McGill, et il n'est plus reparti. Affilié à l'Hôpital général juif et à l'hôpital Royal Victoria (Centre universitaire de santé McGill), il a vu défiler toutes les versions du DSM et a assisté à la hausse fulgurante de la consommation de psychotropes. Du haut de ses 72 ans, il ose dire tout haut ce que les autres murmurent. «Les patients exercent de la pression sur les médecins pour obtenir des antidépresseurs, déclare-t-il. Très peu d'entre nous refusent d'en prescrire, même lorsque nous jugeons que ce n'est pas absolument nécessaire. Moimême, je ne veux pas fâcher mes patients !» Une étude publiée en 2011 par le Conseil du médicament a révélé que, parmi les 2,54 millions de Québécois assurés par le régime public d'assurance médicaments en 2009, un sur sept prenait des antidépresseurs. Toutes ces pilules ont sûrement des effets bénéfiques, car selon l'Institut de la statistique du Québec, le taux de suicide en 2010 était à son plus bas depuis 30 ans dans la province, soit 13,7 pour 100 000 habitants, contre 22,2 en 1999. Le Dr Paris estime toutefois que sur les 14 millions d'ordonnances délivrées en 2011, seulement la minorité était destinée à des personnes qui faisaient une dépression majeure. Une part du blâme pour la surprescription revient aux psychiatres, mais de l'avis du Dr Paris, le problème se situe surtout au niveau des omnipraticiens, qui peuvent prescrire des antidépresseurs à l'issue d'une courte consultation. «Nous, les psychiatres, nous retrouvons généralement à voir les cas graves, où le besoin de prescrire est plus évident, dit le Dr Paris. En première ligne, les omnipraticiens voient Monsieur et Madame Tout-lemonde en peine d'amour, en deuil ou mis à pied.» Lorsqu'il s'agit d'une consultation sans rendez-vous, ils ont très peu de temps pour évaluer les patients. Ils préfèrent ne pas courir le risque de laisser un patient quitter leur cabinet sans filet de sécurité. Ces «faux» malades tirent-ils profit des antidépresseurs ? Ou profitent-ils d'un effet placebo ? «On ne le sait pas, répond le Dr Tremblay. Pour des raisons éthiques, il est impossible de mener des études cliniques sur des personnes "à moitié" déprimées. On ne peut pas sciemment donner des médicaments à des gens qui ne sont pas malades.» Serge Fiori a détesté son expérience avec les antidépresseurs. Son médicament actuel, un antipsychotique, lui convient mieux. «Les effets secondaires des antidépresseurs sont terribles», peste le musicien. Ils peuvent en effet causer des troubles gastro-intestinaux, des maux de tête, une diminution de la libido ou un émoussement émotionnel chez certains. Mais d'autres ne sont aucunement indisposés. Mélanie, une gestionnaire qui préfère ne pas divulguer son nom de famille, ne se passerait plus de son Celexa. Elle a commencé à en prendre il y a plus de 10 ans, pour l'aider à traverser une séparation difficile. «Ma peine s'est envolée depuis belle lurette, mais je n'ai jamais arrêté les 39 médicaments. Avant, j'avais un fond anxieux. Maintenant, je dors bien ; je me sens pratiquement invulnérable. Je préfère ne pas prendre le risque de les arrêter.» Ce n'est pas prouvé, mais d'après l'intuition de certains médecins, les antidépresseurs aideraient à soulager des «symptômes» qui ne sont pas associés à une maladie. Ils pourraient aider à calmer les soucis ou à réguler le sommeil, même lorsque le système biologique n'est pas atteint. C'est ce qu'on appelle la pharmacologie esthétique ou cosmétique. Cette pratique, si elle s'avérait efficace, serait-elle à proscrire ? On prend bien un médicament antidouleur quand on se fait arracher une dent. Pourquoi ne prendrait-on pas un antidépresseur pour soulager une peine d'amour, si cela nous permet de retrouver l'appétit ? «Faut-il vraiment vivre pleinement la souffrance parce que ça fait partie de la vie ?» se questionne le Dr Tremblay. Si l'industrie pharmaceutique fait un pactole sur le dos des dépressifs, elle s'enrichit davantage lorsqu'un patient est bipolaire. Or, la ligne qui sépare ces deux troubles n'est pas toujours facile à tracer. Pour un bipolaire «classique», le diagnostic est en général assez aisé. L'humeur du patient fluctue entre des périodes de dépression et des épisodes d'euphorie (ou «phases maniaques»). Il peut alors dépenser sans compter, avoir des idées de grandeur ou se sentir reposé après quelques heures de sommeil. Le diagnostic se corse lorsque les phases maniaques manquent de flamboyance : la personne se sent créative, d'humeur légère, capable de tout, mais pas d'une façon qui dépasse outrageusement les bornes. Est-elle en Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 phase maniaque ou va-t-elle simplement «bien» ? L'Association américaine de psychiatrie a appelé cet état «hypomanie». Depuis la parution du DSM-IV, les personnes qui alternent entre des phases dépressives et des phases hypomaniaques ont leur propre diagnostic : bipolarité de type 2. «Depuis cet ajout, il y a certainement des dépressifs "purs" - dont les creux de vague sont entrecoupés de périodes où ils se sentent "bien" - qui reçoivent à tort un diagnostic de bipolarité de type 2», estime le Dr Frances. Dans ce cas, il ne voit pas nécessairement le surdiagnostic d'un mauvais oeil. «Mieux vaut ratisser un peu plus large et ne pas courir le risque de prendre à tort un bipolaire pour un dépressif», juge-t-il. Car donner des antidépresseurs à une personne bipolaire peut entraîner de lourdes conséquences. Les médicaments pourraient provoquer un état maniaque ou une fluctuation rapide entre les phases de dépression et d'euphorie. Il faut donner aux bipolaires, en plus d'un antidépresseur (s'il est prescrit), un stabilisateur d'humeur (comme le lithium ou l'Epival) ou encore un antipsychotique (comme le Zyprexa, le Risperdal ou le Seroquel). Certes, ces médicaments ont des effets secondaires importants et peuvent provoquer des gains de poids et des problèmes de diabète. «Nous avons malgré tout jugé qu'il était plus sage de courir le risque de les prescrire inutilement à des dépressifs plutôt que de ne pas les donner à des personnes qui seraient bipolaires de type 2», dit le Dr Frances. Sauf que le nombre de cas de bipolaires de type 2 a dépassé ce qu'avait envisagé le psychiatre lorsqu'il a donné son aval à cette décision. Il montre du doigt l'industrie pharmaceutique, qui a fait la promotion du diagnostic auprès des médecins. «Pour elle, ce marché de bipolaires est une mine d'or», dénonce-t-il. Le Dr Frances craint que l'épidémie de diagnostics ne prenne encore plus d'ampleur avec la mise en application de la dernière version du DSM. Le trouble de déficit de l'attention, par exemple, pourrait devenir contagieux chez les adultes. «Avec le DSM-5, on a légèrement abaissé les critères diagnostiques, explique-t-il. Ce sera plus facile pour un adulte de dire à son médecin qu'il a du mal à se concentrer au boulot et d'obtenir des médicaments comme le Ritalin.» Le Dr Paris, pour sa part, voit ce changement plutôt d'un bon oeil. «Les nouveaux critères vont permettre à des personnes qui nous échappaient auparavant d'obtenir un diagnostic et d'être rassurées, espère-t-il. Pour le moment, de nombreux adultes se considèrent comme idiots, alors qu'on a les moyens de les aider.» Parmi les autres troubles qui font leur entrée dans le DSM-5, le «trouble cognitif mineur» divise aussi les psychiatres. Ce problème de santé mentale pourra être diagnostiqué chez une personne âgée qui oublie ses clés ou le nom de ses petits-enfants, au point que cela nuise à son fonctionnement dans la vie quotidienne. Les spécialistes responsables du DSM-5 croient que les psychiatres pourront ainsi détecter les personnes qui présentent des signes précoces de démence et leur proposer des traitements qui sont efficaces 40 seulement lorsque la maladie est prise très en amont. Mais la question est de savoir où tracer la ligne entre les petits oublis qui surviennent chez toute personne vieillissante et une réelle pathologie. «Des septuagénaires en bonne santé risquent de se faire prescrire des médicaments inutilement», tonne le Dr Frances. «Il est temps de sonner l'alarme», juge Doris Provencher, directrice générale de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDDSMQ). «On est en train de coller toutes sortes d'étiquettes à des gens qui n'en ont pas besoin et qui vont traîner ça toute leur vie. Un diagnostic de maladie mentale, c'est un boulet chaque fois que tu veux décrocher une job, obtenir la garde de tes enfants ou souscrire des assurances.» Sauf exception, un juge n'a pas accès au dossier médical d'un père qui demande la garde de son enfant. «Mais s'il a fait une dépression majeure et que son ex sort cette information en cour, ça peut influencer le juge», croit Jean-Pierre Ménard, avocat qui défend les personnes atteintes de problèmes de santé mentale depuis 33 ans. Idem pour un employeur. «En principe, il n'a pas accès au dossier médical de ses employés, poursuit l'avocat. Mais si l'information voulant que l'un d'eux soit bipolaire circule, il risque de regarder ailleurs quand viendra le temps d'accorder une promotion.» Pour ce qui est des assurances, la réponse est claire. «Nous évaluons le dossier médical avant d'accorder une assurance invalidité ou vie», explique Nathalie Tremblay, chef des produits d'assurance santé chez Desjardins. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Une personne qui souffre d'un trouble anxieux grave ne pourra pas obtenir d'assurance invalidité, même si elle est traitée à l'aide d'antidépresseurs. Si le trouble anxieux est léger ou modéré, elle pourra éventuellement obtenir une assurance assortie d'une clause précisant que si elle tombe malade en raison d'un trouble nerveux, elle ne sera pas couverte. «Il ne faut pas rendre le DSM responsable de la cupidité des compagnies d'assurances, dit le Dr Paris. Il n'est pas la cause de tous les maux.» Même s'ils admettent que le DSM n'est pas parfait, tous les psychiatres interrogés pour ce dossier, même Allen Frances, défendent le principe du manuel. «Il nous faut un tel ouvrage en psychiatrie, explique la Dre Patricia Garel, du CHU SainteJustine. Ça permet aux psychiatres d'avoir un langage commun.» Et il faut faire confiance au jugement clinique des psychiatres, précise le Dr Paris. «Le DSM, ce n'est pas la bible, c'est un guide. Et un diagnostic bien posé, ça peut sauver une vie.» Le manuel, cependant, ne dit rien au sujet des traitements. «Il n'y a presque plus de psychiatres qui font de la psychothérapie, même si on sait que, dans bien des cas, celle-ci est aussi efficace, sinon plus, que la médication, s'inquiète le Dr Paris. Moi, j'en fais encore, parce que je sais que ça aide beaucoup mes patients atteints d'un trouble de la personnalité limite.» Prescrire un médicament, souligne-til, est plus rapide et plus payant pour un professionnel rémunéré à l'acte que d'écouter un patient parler pendant des heures pour remonter à la source de son mal-être. Les psychiatres ont laissé les services de psychothérapie aux psychologues, soit. Mais encore faudrait-il en garantir l'accès aux Québécois qui n'ont pas d'assurances privées et ne peuvent pas payer 75 ou 150 dollars l'heure, pour s'allonger sur le divan. «C'est une des lacunes de notre système de santé, estime Joel Paris. En garantissant 20 heures par an de psychothérapie gratuite à tous les Québécois, l'État économiserait. Il y aurait moins de visites chez le médecin, moins de tests inutiles.» Et moins d'urgences psychiatriques. Bon an, mal an, les urgences reçoivent 4 500 patients souffrant de problèmes de santé mentale. «N'importe qui peut se retrouver ici, déclare Michel Lahaie, chef du programme d'évaluation et d'interventions brèves de l'IUSMM (l'ex-Louis-H. Lafontaine). Ne pensez pas que vous êtes à l'abri.» Lui-même a «craqué» lorsqu'il étudiait en soins infirmiers tout en travaillant à temps plein à l'hôpital. «Un mois avant mon diplôme, je me suis mis à faire des crises d'anxiété. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus.» Sa famille l'a épaulé et il a repris peu à peu du poil de la bête. «Si j'avais été isolé, j'aurais pu me retrouver à l'urgence d'un hôpital psychiatrique, en proie à des idées noires», dit-il. Mais la majorité des patients hospitalisés à l'IUSMM sont des schizophrènes. Dans leur cas, on est loin de la zone grise qui départage la «normalité» de la pathologie. Ils ont les deux pieds dans la maladie. Pourtant, quelque chose les unit aux anxieux, aux timides, aux «trop gourmands» : ils sortent du cadre. Bernard Saulnier, 57 ans, le sait. Il a commencé à entendre des voix qui le 41 dénigraient à sa sortie de l'adolescence. Ayant reçu un diagnostic de schizophrénie, il vit aujourd'hui dans un appartement supervisé. «Le plus lourd à porter, c'est le regard des autres sur ma différence», dit-il. Cheveux grisonnants, lunettes et tshirt noirs, il a l'air légèrement intello. Il tient un blogue sur le site de l'IUSMM grâce auquel il espère déboulonner quelques mythes, dont celui voulant que les schizophrènes soient des fous dangereux. «C'est pour ma personne que je suis un danger, dit-il. Quand je souffre, j'ai envie de mourir.» Si une chose n'a guère changé depuis le bad trip de Serge Fiori et l'époque où il restait enfermé chez lui, ce sont les préjugés à l'égard des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Des vedettes ont révélé qu'elles étaient bipolaires. Mais aucune personnalité publique n'a dit qu'elle ou son enfant était schizophrène. «C'est un cancer plus lourd à porter», dit Michel Lahaie. Même à l'intérieur du système de santé, les préjugés ont la vie dure. Certaines personnes qui travaillent à l'IUSMM hésitent à faire part de leur détresse psychologique à leurs collègues. «J'ai fait une dépression récemment, raconte Lise Boies, qui dirige une unité d'appartements supervisés rattachés à l'Institut. J'ai choisi d'en parler. Je dis que je prends des médicaments, car si je ne le fais pas, qui le fera ? Mais je suis consciente que ça pourrait nuire à ma carrière.» Michel Lahaie estime qu'un schizophrène ne pourrait jamais être embauché à l'IUSMM, même s'il était bien supervisé. «On aménagerait sans Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 problème des rampes pour un employé en fauteuil roulant, mais on ne proposerait pas un horaire de travail fractionné à quelqu'un qui ne peut se concentrer pendant huit heures d'affilée, dit-il. Les personnes atteintes de problèmes de santé mentale ont besoin de traitements. Mais si on changeait le regard qu'on pose sur elles, si on avait plus de compassion, on ferait un bon bout de chemin.» Il évoque le souvenir d'un patient schizophrène qui aimait se rendre au centre-ville. «Il parlait à voix haute, raconte-t-il. Régulièrement, les gens se plaignaient et la police le ramenait.» Jusqu'au jour où l'équipe a eu l'idée de lui installer une oreillette Bluetooth. «Il n'avait pas de téléphone, mais les gens avaient l'impression qu'il s'obstinait avec son boss, rigole Michel Lahaie. Il n'est plus revenu.» Serge Fiori en a soupé du regard intransigeant que la société porte sur les plus fragiles. «Les plus fous ne sont pas toujours ceux qu'on pense», dit-il. Entre le courtier à la Bourse qui court après le temps et prend des médicaments pour dormir, le bipolaire en phase maniaque qui nolise un avion pour Londres et le musicien qu'il était, terrorisé par la scène, il ne voit que la diversité au sein d'une même espèce. «Au fond, on est tous pas mal "fuckés", remarque-t-il. Y en a juste certains qui arrivent mieux que d'autres à le cacher.» Encadré(s) : Une vraie dépression survient quand le corps et l'esprit ne parviennent plus à rebondir. «Si le chum revient et que tout rentre dans l'ordre, il n'y a pas de mal sérieux sur le plan biologique», dit le Dr Paris. Les sociétés pharmaceutiques ont été les premières à tirer profit de la multiplication des diagnostics dans le DSM. Aux États-Unis, en 2011, les ventes d'antidépresseurs ont généré 11 milliards de dollars. En mai 2013, 129 809 Québécois recevaient des prestations du Programme de solidarité sociale, parce que leur état de santé les empêchait d'occuper un emploi pour une durée permanente ou indéterminée. Sur ce nombre, 42,5 % avaient été déclarés inaptes pour des raisons de santé mentale, contre 30,7 % en 1998. Et ce taux augmenterait chaque année. «Un diagnostic de maladie mentale, c'est un boulet chaque fois que tu veux décrocher une job, obtenir la garde de tes enfants ou souscrire une assurance.» «Il n'y a presque plus de psychiatres qui font de la psychothérapie, même si l'on sait que, dans bien des cas, elle est aussi efficace, sinon plus, que la médication.» À QUI S'ADRESSER Que faire si un proche a besoin de soins ? Un Québécois qui traverse un passage à vide peut s'adresser au guichet d'accès en santé mentale d'un CSSS. En principe, selon les normes du ministère de la Santé, il devrait être évalué dans les 7 jours, généralement par un travailleur social ou une infirmière. Et il devrait avoir accès aux services appropriés en moins de 30 jours (en incluant les 7 jours précédents). En réalité, les temps d'attente sont beaucoup plus longs. Ils varient d'un CSSS à l'autre en fonction du type de service requis, de 42 la période de l'année et disponibilité du personnel. de la Les cas urgents sont pris en charge rapidement. Et les patients vraiment à risque, qui font une psychose par exemple, sont dirigés vers le centre de crise du CSSS (centredecrise.ca) ou vers les urgences. On peut obtenir de l'information au 811 ; et dans le cas de sujets suicidaires, au 1 866 APPELLE (277-3553). Seuls les malades en état de crise, en proie à une psychose ou à des idées suicidaires par exemple, sont gardés à l'hôpital. Ils obtiennent leur congé lorsqu'ils ont été stabilisés. Affiliées à l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, 2 200 «ressources externes» - des places dans des foyers de groupe ou dans des appartements supervisés permettent aux utilisateurs de services de vivre hors de l'hôpital, tout en recevant un encadrement, des soins et des services. Pour ceux qui ont leur logement mais ont besoin de soutien, une unité de suivi intensif assure la distribution de leurs médicaments à domicile et des visites pour les aider à organiser leur vie quotidienne. LE DSM EN 5 DATES DSM-I 1952 130 pages 106 maladies brièvement décrites DSM-II 1968 134 pages 182 troubles mentaux recensés DSM-III 1980 494 265 diagnostics présentés pages DSM-IV 1994 886 pages 297 troubles mentaux recensés DSM-5 2013 947 pages 300 maladies répertoriées Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Illustration(s) : La version intégrale de ce reportage a été publiée en livre numérique (lactualite.com/boutique). PHOTOS DE JEAN-FRANÇOIS LEMIRE Serge Fiori, ex-chanteur du groupe Harmonium. De graves crises d'anxiété l'ont éloigné de la scène et tenu à l'écart de la société pendant de longues années. PHOTOS DE JEAN-FRANÇOIS LEMIRE Le Dr Martin Tremblay, psychiatre à l'hôpital Notre-Dame, à Montréal. «Pourquoi ne prendrait-on pas un antidépresseur pour soulager une peine d'amour, si cela nous permet de retrouver l'appétit et de mieux dormir ? Faut-il vraiment vivre pleinement la souffrance parce que ça fait partie de la vie ?» PETER ERIKSSON / ETSA IMAGES / CORBIS © 2013 L'Actualité. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20131115·TU·0032 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 43 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Quotidien du Médecin Spécialités, jeudi 19 décembre 2013 Psychiatrie Polémique autour du DSM-5 Plaidoyer pour un usage raisonné Dr GÉRARD BOZET Lancé en mai 2013, le DSM-5 ne cesse de soulever des protestations éthiques et conceptuelles issues de tous bords, du champ de la psychanalyse à celui de la psychiatrie biologique. Une classification de la folie qui se veut objective peut-elle être fiable ? Le Pr Bernard Granger* propose un usage du DSM-5 pondéré, souple et non exclusif. ANNONCÉE LE 18 mai 2013, l'édition de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM, pour « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ») de l'Association Américaine de Psychiatrie (APA), ou DSM-5 est, comme le DSM-IV, une évolution mineure du DSM-III, publié en 1980 (1). Cette édition avait pour mission d'homogénéiser les pratiques diagnostiques et le vocabulaire utilisé par les psychiatres. Le DSM est ainsi destiné à faire office de check-list de symptômes et aider à poser un diagnostic sur des critères relativement objectifs et consensuels. L'apparition compulsive. de l'accumulation Le DSM-5 compte un nombre limité de changements. Il y a une certaine prudence à inclure des nouvelles catégories et non pas un laxisme, comme voudraient le faire croire ses détracteurs. Parmi elles figure l'accumulation compulsive (Hoarding Disorder), trouble connu depuis longtemps sous le nom de syndrome de Diogène. Le DSM-5 n'a en l'espèce rien inventé, mais l'apparition de ce trouble au sein du manuel conduira peut-être à un meilleur repérage. Néanmoins, un mouvement tend à étendre le champ de la pathologie psychiatrique à des troubles proches de la normalité. Le surdiagnostic en est un risque. De plus, le DSM facilite le recours au médicament car il est fondé sur un modèle très médical enchaînant symptômes, diagnostic et traitement. Les AMM des médicaments sont le plus souvent libellées selon les diagnostics DSM. Le traitement médicamenteux est ainsi souvent la solution de facilité, plus aisée à mettre en oeuvre qu'une psychothérapie. Pour user au mieux du DSM-5, il ne faut pas le suivre aveuglément ni le considérer comme la pierre angulaire de l'édifice psychiatrique (3, 4). Le DSM est un instrument parmi d'autres, 44 qui sert utilement de cadre diagnostique mais ne se suffit pas à lui-même. Toutes les souffrances psychiques ne rentrent pas dans des cases ! Le simple fait que le DSM soit soumis à des révisions périodiques montre bien la relative souplesse avec lequel il faut l'utiliser... Note(s) : * Responsable de l'unité de psychiatrie de l'Hôpital Tarnier, Paris(1) American Psychiatric Association : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th edition. Arlington, VA : American Psychiatric Association ; 2013.(2) Kupfer D. The DSM-5 - an interview with David Kupfer. BMC Medicine 2013 ; 11 : 203.(3) Nemeroff CB, Weinberger D, Rutter M, MacMillan HL, Bryant RA, Wessely S, et al. DSM-5 : a collection of psychiatrist views on the changes, controversies, and future directions. BMC Medicine 2013 ; 11(1):1-1. (4) Adam D. Mental health : On the spectrum. Nature 2013 ; 496 (7446) : 416-8. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 © 2013 Le Quotidien du Médecin. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20131219·SQU·167902 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 45 Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le Quotidien du Médecin Spécialités, jeudi 5 décembre 2013 Psychiatrie Le DSM 5, avancées et limites Une mise à jour en évolution Pascale Solère Comme son prédécesseur, le DSM 5 reste essentiellement fondé sur la clinique. Dans cette nouvelle version, il n'y a plus de coupure radicale entre l'enfant et l'adulte. Entretien avec Marc Antoine Crocq (1) LE MANUEL diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) a été publié pour la première fois en 1952. Mais les DSM I et II, encore assez psychanalytiques, ne décrivaient pas vraiment les pathologies. C'est le DSM III en 1980 qui a introduit une classification basée sur des critères diagnostiques cliniques dans une approche catégorielle des maladies mentales. Depuis, le DSM est une référence. Il permet de parler un même langage et vient fiabiliser le diagnostic. C'est un apport majeur. Or DSM III, DSM IV et aujourd'hui DSM 5 sont tout à fait dans la même lignée. Initialement, les auteurs du DSM 5 pensaient que les avancées des neurosciences (imagerie, génétique, biologie, pharmacologie) permettraient d'aller vers une classification plus étiologique. Or, sauf pour quelques maladies dont les démences, la physiopathologie des maladies psychiatriques reste largement méconnue et multifactorielle. Cette nouvelle version voulait en outre intégrer une approche dimensionnelle témoin d'un continuum du normal au pathologique. Cette ambition a été abandonnée après le vote négatif des psychiatres américains. Le DSM 5, même s'il rend compte des études notamment de génétique et d'imagerie, reste donc essentiellement fondé sur la clinique, dans une approche catégorielle et pragmatique. Résultat, il se trouve désormais sous la critique à la fois de ceux opposés à la nosologie en psychiatrie, mais aussi sous celle des partisans d'une classification basée sur la neurobiologie (projet Research Domain Criteria : RDoC). Pourtant, le DSM 5 reste à ce jour le meilleur outil clinique disponible. Difficile de faire mieux en termes de classification. D'autant que ce n'est pas une bible mais juste un consensus témoignant de l'évolution de la psychiatrie. Par rapport au DSM IV, on note plusieurs évolutions. Il n'y a plus de coupure radicale dans le DSM 5 entre enfant et adulte. Dans l'idée d'un continuum, le chapitre « troubles apparaissant dans l'enfance et l'adolescence » a disparu et les pathologies ont été dispatchées en troubles neurodéveloppementaux 46 (Autisme, Asperger, Déficit de l'attention hyperactivité [TDAH]) et dans d'autres chapitres suivant leur symptomatologie. Et les critères du TDAH ont été modifiés pour être utilisables chez l'adulte. L'hyperactivité ne s'arrête en effet pas nécessairement à 17 ans. Autre nouveauté, pour tenir compte de la diversité des étiologies, les troubles anxieux ont été divisés en trois chapitres : troubles anxieux ; TOC ; et troubles anxieux liés à un traumatisme ou à des facteurs de stress. Pour la même raison, les troubles de l'humeur sont désormais divisés en troubles bipolaires et troubles dépressifs. Et le deuil n'est plus un critère d'exclusion pour un épisode dépressif majeur. Un point vivement critiqué par Allen Frances, auteur du DSM IV, qui s'est insurgé contre une médicalisation du deuil. Quand cet item ne signifie pas, comme on a pu l'entendre, que tout deuil relève d'un traitement antidépresseur, mais tout simplement que le deuil n'exclut pas une dépression majeure ! Enfin, le DSM 5 introduit quelques nouveaux troubles. Mais la plupart étaient déjà présents dans les annexes du DSM IV, comme les dysphories prémenstruelles incluses désormais dans les troubles de l'humeur. Nombre de document(s) : 19 Date de création : 14 septembre 2015 Le DSM 5, sans constituer une révolution, constitue donc une avancée ou une mise à jour destinée elle-même à évoluer dans des versions DSM 5.1, DSM 5.2... Note(s) : © 2013 Le Quotidien du Médecin. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc. news·20131205·SQU·166858 - Date d'émission : 2015-09-13 Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 47 (1) Maison des Adolescents du HautRhin, Mulhouse