no 8 - Revue de presse sur le DSM 5

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Date de création : 14 septembre 2015
Créé par : Cégep-Granby-Haute-Yamaska
Hyperactivité : de belles, mais utopiques recommandations
Le Figaro - 12 février 2015................................................................................................................................... 3
L'autisme vu de l'intérieur
Le Monde - 25 juin 2014.......................................................................................................................................5
Et les troubles sexuels devinrent une maladie
Le Monde - 2 septembre 2015...............................................................................................................................7
La différence, c'est accepter sa normalité
l'Humanité - 12 décembre 2013.............................................................................................................................9
Maladies mentales : la classification DSM-5 en VF
Le Monde - 8 juillet 2015....................................................................................................................................10
« Il faut toujours remettre les diagnostics psychiatriques en question »
Le Temps - 23 novembre 2013............................................................................................................................12
" La détection des maladies mentales doit être précoce "
Le Monde - 11 juin 2014.....................................................................................................................................15
23 signes que vous êtes secrètement introverti
Le Huffington Post Québec (réf. site web) - Huffington Post Québec - 14 octobre 2014.................................. 17
Vraiment bipolaire?
Le Soleil - 2 novembre 2014............................................................................................................................... 18
L'anxiété et les gens très intelligents
Le Soleil - 7 septembre 2014...............................................................................................................................20
Santé - Les dysfonctions sexuelles féminines, fabrication ou réalité médicale?
Le Devoir - 8 septembre 2015............................................................................................................................. 22
1
Libre opinion - Le DSM-5, une maladie de société
Le Devoir - 26 juin 2014..................................................................................................................................... 23
Ceci n'est pas une bible !
Le Quotidien du Médecin - 18 juin 2015............................................................................................................ 25
Le malade virtuel
Le Monde diplomatique - 1 juin 2015.................................................................................................................27
FANTASMES DU CÔTÉ DE L'INTERDIT
Québec Science - 1 mars 2015............................................................................................................................ 30
Un outil en perpétuelle évolution
Le Quotidien du Médecin - 18 juin 2015............................................................................................................ 35
Vaincre le mal de vivre
L'Actualité - 15 novembre 2013..........................................................................................................................36
Plaidoyer pour un usage raisonné
Le Quotidien du Médecin - 19 décembre 2013................................................................................................... 44
Une mise à jour en évolution
Le Quotidien du Médecin - 5 décembre 2013..................................................................................................... 46
2
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Figaro, no. 21932
Le Figaro, jeudi 12 février 2015, p. 11
Sciences
Hyperactivité : de belles, mais utopiques recommandations
La Haute Autorité de Santé dévoile ses préconisations pour mieux dépister les enfants souffrant de
troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Roy, Soline; Soline Roy @so_sroy @so_sroy
PSYCHIATRIE
«
Nos
recommandations
sont
idéalistes.
Mais c'est un idéalisme assumé. » Le
Dr Jean Chambry, pédopsychiatre, a
coprésidé le groupe de travail ayant
rédigé les préconisations de la Haute
Autorité de Santé (HAS) pour la
détection et la prise en charge en
premier recours des troubles de déficit
de
l'attention
avec
ou
sans
hyperactivité (TDAH). Et il l'admet :
toutes ne pourront pas être respectées.
« L'objectif premier était d'affirmer
que le TDAH existe et n'est pas une
invention
des
laboratoires
pharmaceutiques.
Mais
aussi
sensibiliser les médecins généralistes
pour qu'ils prennent le temps
d'évaluer ces troubles. »
ceux qui ont la charge de l'enfant
agité.
« Le problème est qu'il y a de la
souffrance derrière ces difficultés,
chez les enfants comme chez les
parents.
Ces
recommandations
permettront aux médecins de dire aux
parents qu'ils ne sont pas de mauvais
parents, mais que les difficultés de
leur enfant sont réelles » , précise le
Dr Chambry. Il faudra, convient-il,
être très rigoureux : « Aux États-Unis
il y a beaucoup de surdiagnostic, car
on ne prend pas toujours le temps
d'évaluer
la
situation,
et
les
traitements
médicamenteux
sont
donnés en première intention. »
Difficile
de
savoir
exactement
combien d'enfants en France sont
touchés, mais on parle généralement
de 3 à 5 %. Et s'il existe des critères
diagnostics listés notamment par le «
DSM 5 » (manuel américain des
affections psychiatriques), ceux-ci
sont
contestés
par
certains
professionnels
(lire
ci-contre).
Plusieurs autres pathologies peuvent
ressembler au TDAH ; en outre, la
limite entre « enfant très farfelu » et «
hyperactif » peut être floue et dépend
beaucoup du seuil de tolérance de
Pas d'excès de prescriptions à
craindre donc, à en croire les
promoteurs de ces recommandations.
Le méthylphénidate, seule molécule
proposée à ce jour contre le TDAH
(commercialisée sous les noms de
Ritaline, Concerta et Quasym), est
mis à sa juste place : jamais en
première intention, toujours en
complément d'autres thérapies, et
uniquement si l'enfant et son
entourage ont besoin de cette aide
pour faire « taire » les symptômes le
temps que les troubles s'apaisent.
« Errance thérapeutique »
3
Le rôle du médecin généraliste sera
donc de repérer un éventuel trouble et
d'orienter la famille vers un service
spécialisé s'il suspecte un TDAH. Il
devra ensuite informer les familles,
leur délivrer aide et conseils en
attendant
la
confirmation
du
diagnostic. Une attente parfois bien
longue : les services spécialisés sont
tellement sollicités que « l'errance
thérapeutique peut durer jusqu'à deux
ans et demi » , regrette Christine
Getin, présidente de l'association
TDAH France. Une fois le diagnostic
posé, le médecin de famille devra
aider les parents à mettre en place les
diverses thérapies proposées, suivre
l'évolution de l'enfant et, dans le
monde idéal des bonnes pratiques,
coordonner le travail du médecin
spécialiste, des autres professionnels
de
santé
(psychomotriciens,
orthophonistes, ergothérapeutes...) et
de l'école.
Car ces recommandations s'adressent
aussi, en creux, aux enseignants. «
Lorsqu'ils sont de bonne volonté, on
peut mettre des choses en place qui
marchent plutôt bien, témoigne
Christine Getin. Mais cela devient
souvent plus compliqué au collège,
avec plusieurs enseignants. Il suffit
d'un ou deux réfractaires pour que
l'enfant soit déstabilisé et dévalorisé.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Et l'on est parfois à la limite de la
maltraitance ! »
Un document émanant des autorités
sanitaires devrait donc aider à « mieux
faire travailler tout le monde
ensemble et convaincre les réticents
que ce trouble entraîne de vraies
difficultés, précise Christine Getin.
Actuellement, il faut être un battant
pour y arriver. Si le médecin de
famille pouvait aider à comprendre,
prendre du recul, prioriser les prises
en charge, peut-être que tous les
enfants s'en sortiraient mieux. »
Note(s) :
[email protected]
Illustration(s) :
JAMES KING-HOLMES/SPL/COSMOS
Cette aire de jeu a été pensée pour diagnostiquer et étudier les troubles de l'attention, avec ou sans hyperactivité.
© 2015 Le Figaro. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc.
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Monde
Science & techno, mercredi 25 juin 2014, p. SCH6
Le Monde Science et médecineRendez-vous
Le livre
L'autisme vu de l'intérieur
L'universitaire Temple Grandin apporte un regard éclairé sur son « handicap »
Sandrine Cabut
A quoi ressemble le cerveau des
autistes,
et
surtout
comment
fonctionne-t-il ? De nombreux livres
écrits par des médecins et des
chercheurs s'attellent à ces questions.
Parallèlement, des autistes de haut
niveau comme Daniel Tammet, Josef
Schovanec ou encore Hugo Loriot
apportent aussi, par le récit de leur
vie, des pièces décisives à ce puzzle
de la science.
bon : l'emmener chez un neurologue,
qui a évoqué des. La petite Temple a
été
prise
en
charge
par
un
orthophoniste et une nounou qui ont
eu une approche. « J'ai de la chance
d'être née en 1947.Le diagnostic
d'autisme n'avait que quatre ans.
Presque personne ne savait ce que
c'était » , « lésions cérébrales » «
identique à celle des thérapeutes
comportementalistes actuels »
Dans son dernier ouvrage, qui vient
d'être traduit en français, Temple
Grandin livre une vision mixte, à la
fois très documentée sur le plan
scientifique et très personnelle.
Universitaire
spécialisée
en
zootechnie, diagnostiquée autiste à 4
ans, cette Américaine est devenue un
symbole en racontant son parcours
dans paru en 1994 (Odile Jacob).Ma
vie d'autiste,
Contre l'étiquetage
Son nouvel essai-témoignage est
d'autant plus passionnant qu'elle a
vécu
de
l'intérieur
tous
les
bouleversements dans le diagnostic et
la compréhension de sa maladie. (...)
écrit-elle en racontant que sa mère
avait alors fait ce qui lui semblait
Non sans humour, Temple Grandin
retrace les principales évolutions de la
conception de l'autisme à travers les
éditions successives du DSM, la très
critiquée classification américaine des
maladies mentales. Particulièrement
réservée sur la dernière en date, le
DSM-5,
qualifiée
de
l'auteure
s'insurge plus généralement contre
l'étiquetage des patients. « A peine dix
ans plus tard, un médecin serait
certainement parvenu à un diagnostic
totalement différent. Après m'avoir
examinée, il aurait dit à maman :
"C'est un problème psychologique,
tout est dans la tête." Et il m'aurait
envoyée dans une institution. » «
5
recueil
de
diagnostics
bureaucrates » ,
pour
Selon elle, c'est en fonction de
symptômes, et non d'un diagnostic,
qu'il faudrait les regrouper pour axer
les
recherches.préconise
Temple
Grandin. Elle s'étonne aussi du peu de
travaux
sur
l'hypersensibilité
sensorielle, pourtant omniprésente
dans l'autisme, et très handicapante. «
Les chercheurs devraient cesser de
mépriser
les
témoignages
et
commencer à les étudier très
attentivement » ,
Temple Grandin appelle enfin les
spécialistes, les parents et les
principaux intéressés, à ne pas voir
uniquement les difficultés, mais aussi
les atouts que peu conférer ce
fonctionnement singulier du cerveau.
Ce livre captivant le confirme, les
patients peuvent devenir de véritables
experts, et des partenaires précieux
pour les chercheurs.
Note(s) :
Dans le cerveau des autistes, de
Temple Grandin et Richard Panek
(Odile Jacob, 253 p., 23,90 euros).
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Date de création : 14 septembre 2015
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Monde
Science & techno, mercredi 2 septembre 2015, p. SCH4
Le Monde Science et médecine
Événement Cet obscur marché du désir féminin
Et les troubles sexuels devinrent une maladie
S. Ca
La fabrication d'une maladie par
l'industrie pharmaceutique n'est pas
un phénomène nouveau, mais celle
des dysfonctions sexuelles féminines
en est l'exemple le plus récent et le
plus évident », écrivait, dès 2003, le
journaliste australien Ray Moynihan
dans le British Medical Journal.
Quelques années plus tôt, en 1998, le
laboratoire Pfizer a commercialisé le
premier médicament destiné à traiter
l'impuissance masculine, le Viagra, et
c'est un succès mondial. « Pour bâtir
des marchés comparables pour les
femmes, les firmes ont d'abord besoin
d'un diagnostic médical bien défini,
avec des paramètres mesurables pour
faciliter
des
essais
cliniques
crédibles », décrypte Ray Moynihan.
Entre 1997 et 2003, huit colloques
médicaux
sont
consacrés
aux
dysfonctions sexuelles féminines,
surtout en Amérique du Nord. Ces
conférences, où les experts discutent
d'une classification internationale de
ces troubles et des moyens de les
explorer, sont largement sponsorisées
par des industriels. Dans une
deuxième
phase,
poursuit
le
journaliste,
des
données
épidémiologiques arrivent à point
nommé pour attester de la fréquence
de ces pathologies. En l'espèce, c'est
une étude publiée en 1999 dans le
prestigieux Journal of the American
Medical Association qui évalue à 43
%
la
proportion
de
femmes
américaines âgées de 18 à 59 ans avec
une dysfonction sexuelle (contre 31 %
chez les hommes). L'article sera
critiqué en raison de sa faiblesse
méthodologique et des liens d'intérêt
de deux des auteurs avec Pfizer. Mais
la machine est lancée, les troubles du
désir féminin sont devenus un
problème de santé publique.
Opération marketing musclée
Dans ce contexte, Pfizer va tester son
Viagra chez des femmes, sans succès.
De son côté, le laboratoire Procter &
Gamble, à l'origine d'un patch à la
testostérone, l'Intrinsa - destiné aux
dysfonctions sexuelles chez des
femmes ayant eu une ablation des
ovaires -, a mené une opération
marketing musclée et coûteuse avant
même de soumettre son produit à la
Food and Drug Administration en
2004, raconte Roy Moynihan dans un
autre article du BMJ, en 2005. Ce qui
n'empêchera pas son patch d'être
retoqué
par
les
autorités
américaines...
Les troubles de la sexualité féminine
se
sont
aussi
construits
progressivement dans le Manuel
diagnostique
et
statistique
des
troubles mentaux (DSM), constate
Steeves Demazeux, philosophe des
sciences et maître de conférences à
l'université
Bordeaux-Montaigne,
7
auteur de Qu'est-ce que le DSM?
(Ithaque, 2013). « Dans les deux
premières éditions, en 1952 et 1968,
les seules pathologies sexuelles
répertoriées étaient les perversions.
Les troubles de la sexualité font leur
apparition dans le DSM-III, en 1980,
ce qui correspond à l'émergence de
l'intérêt sociétal pour ces questions.
Les troubles sont alors classés en
trois catégories : inhibition du désir,
de l'excitation ou de l'orgasme, les
deux
premières
ne
distinguant
d'ailleurs pas l'homme et la femme. »
Dès lors, les diagnostics n'ont cessé
d'évoluer, sans forcément devenir plus
clairs. « Les discussions, au départ
centrées sur les problèmes d'orgasme,
portent de plus en plus sur les
troubles de l'excitation et du désir, et
la
biologie
prend
une
place
croissante,
poursuit
Steeves
Demazeux. Dans le DSM-IV (1994),
le terme d'"inhibition" est abandonné
au profit de l'hypoactivité, en
conservant les trois niveaux de
troubles - désir, excitation et
orgasme. Mais la notion même de
désir sexuel hypoactif est ambiguë :
par rapport à quelle norme un désir
est-il hypoactif? » Ce diagnostic a été
retiré dans le DSM-5 (2013), qui ne
recense plus que deux catégories de
dysfonctions sexuelles féminines : les
troubles de l'orgasme, et le « trouble
de l'intérêt pour l'activité sexuelle ou
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Date de création : 14 septembre 2015
de l'excitation
femme .
sexuelle
chez
la
Une formulation alambiquée et
fourre-tout qui reflète, selon Steeves
Demazeux, l'ambivalence des experts
du DSM vis-à-vis des troubles sexuels
féminins. Une ambivalence qui n'a en
tout cas pas dû desservir le fabricant
© 2015 SA Le Monde. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc.
news·20150902·LM·5540154 - Date d'émission : 2015-09-13
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8
de la flibansérine (Addyi) pour réussir
une prouesse : reconvertir son
antidépresseur en stimulant de la
libido.
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Date de création : 14 septembre 2015
l'Humanité
Tribune Idées, jeudi 12 décembre 2013
La différence, c'est accepter sa normalité
Sommes-nous tous des malades mentaux ? le normal et le pathologique,
Nicolas Mathey
Le psychiatre Allen Frances, artisan
du DSM-4, est l'auteur d'un
réquisitoire
contre
la
logique
pathologisante et commerciale du
nouveau catalogue des troubles
mentaux DSM-5.
d'Allen Frances.
Éditions Odile
24,90 euros.
Jacob,
432
pages,
Gourmand ? Vous souffrez d'«
hyperphagie boulimique ». Timide ?
Vous êtes sujet à la « phobie
sociale ». Quant à l'enfant turbulent,
victime
de
«
dérèglement
de
l'humeur », il est un « sujet à risque ».
Bref, selon la cinquième version du
fameux Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux
(abrégé en DSM-5), qui vient de
paraître aux États-Unis, tous nos
comportements seraient pathologiques
et plus aucun ne pourrait être dit
normal.
Publié par l'Association
psychiatrie, le DSM-5
principaux catalogues
mentaux utilisés par
américaine de
est l'un des
des troubles
les services
psychiatriques du monde entier pour
prescrire
des
traitements
pharmaceutiques. Mais cette nouvelle
édition est surtout riche de dangers,
souligne Allen Frances dans un
virulent ouvrage récemment traduit.
Ce psychiatre américain est d'autant
mieux placé pour dénoncer les dérives
de ce DSM-5 qu'il a lui-même été le
maître d'oeuvre de la version
précédente, le DSM-4, paru en 1994.
Le DSM-5 est marqué, selon Allen
Frances, par un dérapage diagnostique
lié à l'inflation des pathologies
mentales et addictions cataloguées.
Quant à la médecine préventive, « elle
est portée par une magnifique
ambition qui a mal tourné en prenant
des dimensions industrielles et en se
laissant piéger par la logique de la
rentabilité et de la publicité ».
L'auteur prend ainsi très clairement
position
contre
les
lobbies
pharmaceutiques, « qui voudraient
nous convaincre que nous sommes
tous malades » pour mieux vendre
leurs psychotropes, augmenter leurs
bénéfices et les dividendes de leurs
© 2013 l'Humanité. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc.
news·20131212·HU·248264 - Date d'émission : 2015-09-13
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9
actionnaires.
«
Transformer
la
différence en pathologie fait partie
des grands succès dont peut se
prévaloir le génie marketing de notre
époque », dénonce Allen Frances.
Ce pourquoi il faut à la fois « sauver
la normalité et sauver la psychiatrie ».
Si
toutes
les
conduites
sont
interprétées comme des pathologies
individuelles, il n'y a plus de
responsabilité individuelle et de vie
commune possible, souligne l'auteur.
Il est essentiel de tenir à la normalité
pour ne pas gommer les différences
humaines, quand bien même cette
normalité est indéfinissable, toujours
à redéfinir.
C'est même en cela que résiderait
toute
la
pertinence
de
la
psychanalyse, qui considère que « la
normalité est une chimère et qu'il
n'existe pas de seuil susceptible de
nous indiquer si un traitement est
nécessaire ni quand il convient d'y
mettre un terme ». À chacun de
trouver sa propre normalité. Et
d'éviter les camisoles chimiques.
npsychiatrie
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Monde
Science & techno, mercredi 8 juillet 2015, p. SCH3
Le Monde Science et médecine
Actualité
Maladies mentales : la classification DSM-5 en VF
Deux ans après la publication de sa cinquième édition, ce manuel controversé est traduit en français
Sandrine Cabut
Les anti-DSM auraient-ils rendu les
armes? Au printemps 2013, au
moment de la publication de la
cinquième
édition
du
Manuel
diagnostique
et
statistique
des
troubles mentaux (DSM), édité par
l'Association
américaine
de
psychiatrie, le monde de la psy était
en effervescence. Nombre de voix
discordantes s'étaient élevées - sous
forme de pétitions, appels au boycott,
livres grand public... - pour dénoncer
un ouvrage « dangereux » , qui
fabrique des maladies mentales et
incite à consommer des médicaments.
En France, le combat était porté en
particulier par Stop DSM, un collectif
de professionnels proches du milieu
psychanalytique s'insurgeant contre la
« pensée unique » du manuel.
Disponible depuis le 17 juin, la
traduction française (un pavé de 1 176
pages, vendu 139 euros par ElsevierMasson) n'a pas fait de vagues. Les
jeunes psychiatres ont « adopté »
cette nouvelle classification, selon Le
Quotidien du médecin. Dans un
communiqué, Stop DSM a réaffirmé
son « opposition radicale aux
fondements et à l'utilisation de ce
manuel », appelant à préférer les
classifications françaises. Le message
a été peu diffusé, mais le psychiatre et
psychanalyste
Patrick
Landman,
fondateur de ce mouvement, se dit
toujours mobilisé. « Nous allons
organiser des débats publics, et
bientôt publier un livre critique avec
Allen Frances [médecin américain
coordonnateur
du
DSM-IV
et
opposant au DSM-5] », promet-il.
Mais qu'est-ce au juste que ce manuel,
et quelles sont les particularités de
cette nouvelle édition, la cinquième
depuis 1952?
« Ce n'est pas une bible, mais une
aide à la conceptualisation, qui
permet aux professionnels de tous les
pays de parler un langage commun,
estime
Marc-Antoine
Crocq,
psychiatre à l'hôpital de Rouffach
(Haut-Rhin) et l'un des directeurs de
l'équipe de traduction du DSM-5.
C'est le meilleur outil de réflexion
clinique que l'on ait. Des centaines
d'experts y ont contribué, s'appuyant
sur une revue exhaustive de la
littérature. »
Des nouveautés
Cette
classification
est
utilisée
principalement par les professionnels
des maladies mentales dans la
pratique quotidienne, l'enseignement
et la recherche clinique.
Parmi les nouveautés de ce DSM
(paru près de vingt ans après le
précédent, édité en 1994 et révisé en
2000), un chapitre consacré aux
10
troubles neurodéveloppementaux auxquels appartiennent par exemple
les troubles du spectre autistique. « Le
jeu pathologique fait partie des
nouveaux diagnostics du DSM-5, c'est
l'une des rares addictions sans
substance, note le docteur Crocq. En
revanche, l'usage pathologique des
jeux sur Internet a été retenu pour des
études supplémentaires, mais pas
pour la classification. »
Le
psychiatre
souligne
aussi
l'apparition
d'échelles
dimensionnelles prenant en compte la
sévérité des troubles, dans la
schizophrénie par exemple. « Depuis
le DSM-III (1980), un effort constant
est fait pour déterminer des seuils de
significativité, et éviter ainsi des
diagnostics
excessifs.
En
effet,
beaucoup de symptômes, comme
l'anxiété, des déficits de l'attention,
peuvent ne pas être pathologiques »,
précise-t-il.
Les
marqueurs
génétiques
et
biologiques et l'imagerie médicale,
qui prennent une place croissante dans
la recherche sur les maladies
neuropsychiatriques, ont en revanche
une place encore limitée dans le
nouveau manuel, beaucoup plus
modeste que prévu. « Le DSM-5 reste
une classification essentiellement
clinique, car les causes ultimes des
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
maladies mentales sont encore mal
connues. Il est trop tôt pour faire
entrer des critères biologiques à
l'échelle de l'individu », dit MarcAntoine Crocq.
De leur côté, les Instituts nationaux
de la santé (NIH) américains, qui se
sont désolidarisés du DSM-5 en 2013,
le jugeant faible sur le plan
scientifique, financent une autre
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11
classification. Destiné surtout aux
chercheurs, ce projet, appelé Research
Domain Criteria (RDoC), intégrera
largement
les
données
des
neurosciences.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Temps
Sciences & Environnement, samedi 23 novembre 2013
« Il faut toujours remettre les diagnostics psychiatriques en question »
La nouvelle bible mondiale des troubles mentaux est sortie il y a six mois. Premier bilan avec Allen
Frances, grand pourfendeur du DSM-5
Lucia Sillig
Allen Frances est pris entre deux
feux:
celui
de
ses
confrères
psychiatres
et
celui
des
antipsychiatries.
Les
premiers
n'apprécient pas tous la charge que le
professeur émérite de l'Université de
Durham, en Caroline du Nord, mène
inlassablement contre la cinquième
révision du Manuel diagnostique et
statistique américain des troubles
mentaux (DSM-5), parue en mai
dernier (LT du 06.05.2013). Mais les
seconds sont les plus véhéments: ils
lui reprochent de continuer à soutenir
la psychiatrie malgré toutes les
dérives qu'il dénonce.
C'est qu'Allen Frances vient du coeur
du système. Il a participé aux DSM-3
et 3R, puis dirigé les travaux sur le
DSM-4. A posteriori, il estime qu'il
aurait mieux valu s'en tenir à la 3e
édition, remontant aux années 1980,
les suivantes ayant provoqué, par de
simples modifications des définitions,
des épidémies de troubles mentaux autisme
et
troubles
bipolaires,
notamment. Une tendance qui risque
d'être encore accrue par la 5e
révision, prévient-il. Son dernier
livre, Sommes-nous tous des malades
mentaux?*, qui vient d'être traduit en
français, est un appel à la prudence
dans le maniement du diagnostic
psychiatrique. De passage à Genève,
il tire un premier bilan, six mois après
la sortie du DSM-5.
Le Temps: Accusé de médicaliser les
soucis de la vie quotidienne, l'ouvrage
a été très critiqué bien avant d'être
publié. Cela a-t-il eu une influence
sur son contenu final?
Allen Frances: Un tiers des mauvaises
suggestions a été abandonné. C'est le
cas du syndrome de psychose
atténuée.
Il
devait
permettre
d'anticiper
le
développementde
troubles
psychotiques
chez
l'adolescent, mais englobait du même
coup une grande majorité de jeunes
qui aurait été traités sans en avoir
besoin. Le trouble mixte d'anxiétédépression, aux critères trop lâches, a
aussi été retiré. Tout comme
l'addiction au sexe et à Internet, ou
encore la classification du viol comme
un trouble mental. Mais les autres
suggestions problématiques - comme
celle qui labellise le fait de trop
manger sous le nom d'hyperphagie
boulimique, ou les colères infantiles
en tant que troubles de dérégulation
de l'humeur explosive - sont restées.
- Quelles sont, à votre avis, les
nouveautés qui posent le plus de
problèmes?
- Les deux qui ont provoqué le plus de
controverses dans le grand public sont
la transformationdu deuil d'une
personne proche en « épisode
dépressif majeur »,et de troubles
physiques en « trouble de symptôme
12
somatique » . Ce dernier entraînerait
un diagnostic psychiatrique pour un
quart des personnes souffrant de
douleurs chroniques, et un sixième de
celles qui ont un cancer. Il encourage
les docteurs à penser que le problème
des patients est dans leur tête. Pour
moi, l'introduction de la nouvelle
catégorie des troubles cognitifs
légers, censée permettre de détecter le
déclin cognitif des personnes âgées
lorsqu'il commence à empiéter sur
leur quotidien, est aussi une très
mauvaise idée. On va uniquement
susciter de l'angoisse chez ces gens
sans avoir de remède à leur proposer.
- Est-ce que le DSM-5 se vend bien
malgré les critiques?
- Il a atteint la 4e position des livres
qui se vendent le mieux sur le site
Amazon aux Etats-Unis. Chez nous,
beaucoup
d'institutions
des
compagnies
d'assurance,
le
département des anciens combattants,
les services légaux qui accordent les
prises en charge scolaires spécialisées
- requièrent l'utilisation du DSM. Le
manuel a pris trop d'importance dans
toutes
sortes
de
décisions
administratives et financières. Donc,
en dépit de la controverse, il a une
audience
captive.
L'Association
américaine de psychiatrie (APA), qui
édite le DSM, compte sur cet argent;
il est inscrit dans son budget. L'APA a
dépensé 25 millions de dollars pour
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
cette 5e révision et a besoin de
rentrées financières. C'est pourquoi
elle s'est dépêchée de mettre cette
version sous presse, même si celle-ci
n'était pas adaptée.
- Et comment l'ouvrage a-t-il été
accueilli par les spécialistes?
- C'est difficile à dire. Il a été très
critiqué en Angleterre, en Italie, en
Allemagne et en Suisse. Seul un
groupe aux Pays-Bas l'a soutenu. Il
s'agit de spécialistes qui se sont
beaucoup appuyés sur le DSM par le
passé. Le remettre en question
remettrait aussi en question leur
propre légitimité. Aux Etats-Unis,
l'ouvrage est soutenu par ceux qui ont
travaillé dessus. Sinon, je dirais que
les psychiatres sont plutôt critiques.
Mais le livre se vend quand même.
J'espère juste que les gens l'utilisent
avec prudence. Le danger de la
médicalisation des comportements
normaux est d'infliger à beaucoup de
gens et sans raison des traitements
lourds, ainsi que les stigmates et la
perte
d'estime
de
soi
qui
accompagnent
le
diagnostic
psychiatrique. Aux Etats-Unis, en
outre, un des problèmes majeurs est
que trop de moyens sont alloués pour
surtraiter des personnes qui n'en ont
pas besoin, et pas assez à ceux qui
sont
gravement
malades.
C'est
pourquoi nous avons un million de
patients psychiatriques en prison. Ils
sont arrêtés pour des problèmes de
nuisance publique, parce qu'ils ne
sont pas assez pris en charge.
- Peut-on déjà détecter les premiers
effets du DSM-5?
- C'est un peu tôt pour voir s'il crée
des épidémies de diagnostics, comme
la précédente version. Mais certains
signes sont déjà mesurables. Aux
Etats-Unis, 80% des psychotropes
sont prescrits par des médecins
généralistes.
Les
compagnies
pharmaceutiques conçoivent pour eux
des
check-lists
qui
donnent
l'impression
que
le
diagnostic
psychiatrique est quelque chose de
simple, que le problème provient
toujours d'un déséquilibre chimique et
qu'il peut donc être traité avec une
pilule. Depuis la sortie du DSM-5, le
deuil a déjà été inclu dans ces checklists. Par ailleurs, les actions de la
firme Shire ont grimpé lorsqu'il est
apparu qu'un de leurs stimulants,
utilisé contre les troubles de
l'attention,
aide
aussi
contre
l'hyperphagie boulimique. Tout le
monde sait que les stimulants coupent
l'appétit. Au cours des 50 dernières
années, on n'a toutefois jamais pu
démontrer qu'ils étaient efficaces à cet
effet sur le long terme. Mais le
DSM-5 donne à cette compagnie une
nouvelle légitimité et un nouvel outil
de marketing.
- En ce qui vous concerne, maintenant
que le DSM-5 est sorti, où en est
votre croisade?
- Je veux mettre les gens en garde.
C'est la raison pour laquelle j'ai écrit
deux livres ou que je réponds aux
interviews.
Le
diagnostic
psychiatrique
est
un
moment
déterminant dans la vie d'une
personne. Un peu comme le mariage
ou l'achat d'une maison. S'il est
approprié, cela peut mener à un
traitement efficace et une vie bien
meilleure. Mais si ce n'est pas le cas,
à cause des dérives du DSM-5 par
exemple,
il
peut
avoir
des
conséquences terribles. Les patients
ne devraient pas accepter un
diagnostic sans le remettre en
question, sans étudier le problème de
leur côté. J'aimerais rendre les gens
plus sceptiques vis-à-vis des dérives
13
de la psychiatrie. Mais aussi plus
enthousiastes lorsqu'elle est utilisée à
bon escient. Je ne voudrais pas que
ceux qui ont besoin de médicaments
arrêtent de les prendre et puis se
suicident.
- Au début des travaux sur le DSM-5,
une des ambitions était de mettre plus
l'accent sur les causes neurologiques,
génétiques ou physiologiques des
maladies que sur leurs symptômes.
Elle a été abandonnée, pourquoi?
- La cinquième révision visait deux «
changements de paradigme » . Le
premier était d'être plus préventif,
afin de pouvoir prendre les patients en
charge plus tôt. Le problème, c'est
qu'il faut des bases de prédiction
solides et des moyens efficaces pour
intervenir... En outre, la psychiatrie
prend ce virage au moment où le reste
de la médecine devient plus prudent
vis-à-vis du dépistage excessif. Avec,
notamment, l'exemple du cancer de la
prostate, où l'on se rend compte que
l'on fait subir plus longtemps des
traitements très lourds aux patients,
sans étendre leur durée de vie. Le
second changement de paradigme
souhaité était d'aller vers une
approche plus « biologique » . Mais
c'était prématuré. Le cerveau est la
chose la plus compliquée de l'Univers.
Il ne révèle pas ses secrets
rapidement, il faudra encore attendre
des décennies. Cela arrivera très
lentement, et pas parce que nous
avons décidé que c'était le moment.
* Sommes-nous tous des malades
mentaux?
Le
normal
et
le
pathologique, Allen Frances,Ed. Odile
Jacob, 430 p.
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14
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Monde
Science & techno, mercredi 11 juin 2014, p. SCH7
David Kupfer
" La détection des maladies mentales doit être précoce "
Le psychiatre américain, qui a dirigé l'élaboration du manuel diagnostique DSM-5, défend cet outil très
critiqué
Un an après la publication de la
cinquième édition du DSM-5 par
l'Association
américaine
de
psychiatrie, ce manuel, qui classe les
troubles mentaux, continue de susciter
des controverses. Aux Etats-Unis, les
instituts américains pour la santé
mentale (National Institute of Mental
Health) se sont ainsi désolidarisés du
DSM-5. Cet ouvrage a été publié pour
la première fois en 1952, avec une
liste de moins de cent pathologies.
Depuis 1980, il a évolué vers une
approche de plus en plus catégorielle
des maladies mentales, pour devenir
un outil incontournable dans le monde
de la santé mentale (" Science &
médecine " du 15 mai 2013). Cette
classification est utilisée pour les
recherches cliniques, les études
épidémiologiques ou l'évaluation des
molécules. David Kupfer, directeur du
comité d'élaboration du DSM-5,
professeur
de
psychiatrie
à
l'université de Pittsburgh, président
du conseil scientifique de la fondation
FondaMental, revient sur cet outil
diagnostique,
qui
sera
traduit
prochainement en français.
Le " DSM-5 " n'encourage-t-il pas
une inflation de pathologies?
D'abord, il n'y a pas 350 pathologies,
comme je l'ai souvent lu, mais 157,
contre 297 en 1994, classées par
grandes catégories. Qu'il s'agisse de
l'autisme, des troubles de l'attention,
de la dépression, de la schizophrénie
ou des troubles bipolaires, il est très
important de détecter les symptômes
de ces maladies le plus tôt possible.
Or, bien souvent, ce n'est pas le cas.
Par exemple, nous avons étudié un
grand nombre de personnes entre 15
et 25 ans présentant des troubles
bipolaires.
Nous
nous
sommes
aperçus que ces personnes attendaient
en moyenne sept à dix ans avant
d'avoir un bon diagnostic aux EtatsUnis, dix ans en France. C'est
beaucoup trop long, et cela engendre
des traitements inadaptés, voire pas
de traitement du tout.
Avec le DSM-5, nous mettons en
avant ce que nous pensons être les
signes
cliniques
des
troubles
bipolaires en se concentrant sur la
dépression et les accès maniaques.
Avant cela, nous cherchons à
identifier les premiers changements
d'humeur ou de niveau d'activité et
d'énergie, qui sont, selon le DSM-5,
les premiers signes de la maladie.
C'est essentiel de diagnostiquer tôt.
Car, comme pour toutes les maladies
chroniques, on a alors plus de chances
d'avoir un traitement adapté. Pour
soigner les maladies mentales, il faut
une prise en charge globale :
médicaments, psychothérapie, hygiène
de vie...
L'une des principales critiques
concernant le " DSM-5 " ciblait les
liens d'intérêt avec l'industrie
pharmaceutique, visant à orienter
15
les classifications de pathologies.
Que répondez-vous?
Chaque membre du conseil qui a
travaillé sur la rédaction des critères
diagnostiques du DSM-5 a accepté
d'abandonner toute relation avec
l'industrie pharmaceutique pendant les
sept ans de travaux de préparation. Il
y avait un seuil maximum de 7 500
euros
(l'équivalent
de
trois
conférences environ) de liens avec
l'industrie à ne pas dépasser.
Les Instituts américains de la santé
mentale (National Institute for
Mental Health, NIMH) se sont
désolidarisés du " DSM-5 ",
mentionnant sa faiblesse sur le plan
scientifique. Comment analysezvous cette critique?
Plusieurs personnes des NIMH ont
changé d'avis. Par ailleurs, une
douzaine de personnes travaillant
pour les NIMH étaient des membres
importants du DSM-5. En tout, il y
avait 160 groupes de travail, soit 400
conseillers, dont 20 % d'Européens.
Le professeur Allen Frances, qui a
supervisé le " DSM-IV ", s'élève
contre le risque de surdiagnostic.
En France, le combat est porté par
un collectif intitulé " Stop DSM ",
constitué de professionnels proches
du milieu psychanalytique. Qu'en
pensez-vous?
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Il y a des mouvements contre le
DSM-5 partout. Pourtant, c'est un
moyen pour les soignants de parler le
même langage, de disposer des mêmes
outils pour faire les diagnostics les
plus fins. Je désapprouve le terme de
" bible " : ce n'est pas une bible, c'est
un outil pour accompagner le
changement. Dans tous les cas, ce
n'est pas le mot de la fin. D'ailleurs,
le fait d'avoir changé " V " en " 5 "
n'est pas anodin. Si nous parlons de "
5.0 ", cela devient attractif pour la
jeune génération. Il y a eu vingt ans
entre le DSM-IV et celui-ci, je ne
veux pas attendre vingt ans avant le "
DSM-6 ". La version 5 est faite pour
évoluer
avec
les
découvertes
scientifiques et donner naissance aux
versions 5.1, 5.2, etc.
De
plus,
la
classification
internationale des maladies, sur
laquelle
travaille
l'Organisation
mondiale de la santé, qui devrait
sortir en 2016, converge fortement
avec le DSM-5. Ce n'est jamais arrivé
avant. Cela permettra de se mettre
d'accord sur des critères et de parler
un langage commun et international,
d'avoir une classification similaire.
Pour aider à la détection précoce de
ces troubles, il est indispensable, en
l'absence de marqueurs biologiques,
de disposer d'un outil clinique qui
aide à mieux définir les pathologies.
C'est l'objet du DSM-5.
Les NIMH préconisent de nouveaux
programmes de recherche afin de
découvrir les anomalies cérébrales
qui sous-tendent les
maladies
mentales. Est-ce selon vous à
privilégier?
Les
recherches
actuelles
en
psychiatrie ont pour but de chercher
des marqueurs objectifs des maladies
en mobilisant toutes les disciplines et
tous les outils à notre disposition, tels
que les tests cognitifs, l'imagerie
cérébrale, la biologie, la génétique,
qui
permettront
de
préciser
diagnostics et pronostics, de mieux
comprendre le mécanisme de ces
maladies et de découvrir de nouvelles
voies thérapeutiques.
Il y a eu de nombreux débats sur
certains sujets, comme l'addiction
aux jeux. Qu'en pensez-vous?
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16
L'addiction aux jeux sur Internet
figure parmi les sujets à suivre. Les
consultations pour ce type de troubles
se multiplient. Mais il n'existe pour
l'instant pas d'étude scientifique
montrant
qu'ils
devraient
être
considérés comme un désordre mental
au sens du DSM. Autre sujet, le
tableau atténué de schizophrénie.
L'idée est de repérer la phase
prodromique chez les jeunes adultes,
moment où la personne commence à
se désintéresser de ses activités
habituelles, à avoir des difficultés
relationnelles, à s'isoler. Le but est
d'identifier les jeunes adultes avant
que la schizophrénie ne survienne,
pour que des stratégies préventives
puissent être mises en place afin
d'éviter la première crise psychotique.
Mais nous devons encore préciser ces
critères, car les jeunes présentant ces
caractéristiques ne deviennent pas
tous schizophrènes.
Propos recueillis par Pascale Santi
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Date de création : 14 septembre 2015
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News, mardi 14 octobre 2014 - 12:55:48 -0400
23 signes que vous êtes secrètement introverti
Vous pensez pouvoir reconnaître un introverti dans une foule? Pensez-y à nouveau. Même si le cliché de l'introverti
voudrait qu'il soit celui qui, lors d'une fête, reste seul près du...
Voir l'article
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17
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Soleil
Actualités, dimanche 2 novembre 2014, p. 14
Chronique; Le coin du psy
Vraiment bipolaire?
Yves Dalpé
Avez-vous remarqué que beaucoup de
personnes se déclarent maintenant
«bipolaires»? Selon le président des
psychanalystes
anglais,
Darian
Leader, nous vivons maintenant à l'ère
bipolaire. C'est la nouvelle mode. Ce
diagnostic appliqué autrefois à moins
de 1 % de la population se
retrouverait maintenant supposément
à presque 25 % de la population
américaine. L'auteur de Bipolaire,
vraiment? ironise en affirmant que la
question n'est plus de savoir si l'on est
bipolaire, mais plutôt quelle sorte de
bipolaire on est.
Leader déplore d'ailleurs qu'on
conçoive ce trouble comme suivant
ses propres règles, formulées de
l'extérieur, et qu'on ait «renoncé à
l'effort de comprendre le monde du
maniaco-dépressif au profit d'une
approche visant à contrôler une
maladie apparemment biologique. Or,
on a pu montrer que les taux de
guérison étaient meilleurs à l'époque
prémédicamenteuse,
alors
qu'aujourd'hui un diagnostic de
maniaco-dépression conduit presque à
coup sûr à un régime de médicaments
et bien souvent, à un mauvais
pronostic.» (p. 172) Apparemment, la
bipolarité serait devenue la priorité
des
budgets
marketing
des
compagnies
pharmaceutiques
qui
imposent leur vision.
Au fait, on parle de bipolarité quand
une personne alterne entre des
épisodes de grandes excitations
(appelées épisodes maniaques) et des
périodes de dépression. Selon le
DSM-5, un épisode maniaque dure au
moins une semaine durant laquelle la
personne est dans une humeur
excessivement expansive, euphorique
ou irritable et devient très active et
énergique tout en démontrant des
symptômes comme une estime de soi
élevée de façon inusitée, des pensées
fébriles, de la distraction, peu besoin
de sommeil, un débit verbal accentué,
une augmentation accrue de projets et
de l'insouciance. Il y a maintenant
toutes sortes de nuances en termes de
diagnostics et on peut être un peu
bipolaire comme on peut l'être
beaucoup. Par exemple bipolaire 1 ou
2, etc. Certaines personnes vivent ce
cycle d'un grand haut et d'un grand
bas une seule fois dans leur vie tandis
que d'autres répètent ce cycle
régulièrement.
Les épisodes d'intense bonheur et de
fierté vécus par la personne en phase
maniaque apportent malheureusement
de graves conséquences. La trop
grande confiance en soi, le manque de
jugement et la fébrilité extrême
peuvent amener la personne à vivre
des idées de grandeur, à prendre des
risques,
à
être
imprudente
financièrement et à vivre de la
promiscuité sexuelle. Ceci peut
18
déboucher sur une faillite financière,
une perte d'emploi, la perte d'amitiés
ou un divorce.
Selon moi, même s'il semble y avoir
une vulnérabilité génétique à la
bipolarité, celle-ci ne se développe
pas sans raison en rapport avec le
vécu de la personne. On n'est pas
inexorablement «bipolaire» de par sa
génétique. Je remarque chez mes
clients bipolaires, même en dehors de
leurs périodes de manie, une
propension à ne pas tenir compte de
leurs limites et à rechercher les
sensations fortes que leur apportent
certaines activités qu'ils chérissent.
Comme l'excès les fait vibrer et les
amène à se sentir vivants, ils font
taire les messages de leur corps qui
voudraient les ralentir. C'est ainsi
qu'ils en viennent à ne plus ressentir
autant la faim et qu'ils écourtent
considérablement leurs nuits. Ces
clients se présentent en entrevue de
bonne humeur, exprimant comment ils
se sentent pleins d'énergie, comment
ils jouissent de la vie et comment les
journées passent trop vite. Et à quoi
ressemble la suite, pensez-vous?
Suivez le même régime et vous
arriverez au même résultat. Vous vous
épuiserez,
vous
deviendrez
insomniaque et vous tomberez «en
dépression». Un manque de discipline
est donc souvent sous-jacent à ce
style de vie. Une personne grisée par
un projet euphorisant doit renoncer à
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
sa folle envie d'y travailler la nuit
pour allonger la durée de sa passion,
car elle risque de défaire le cycle de
son sommeil, de sombrer dans
l'épuisement et de devenir inefficace.
J'explique ce processus à mes clients
«bipolaires» en les mettant en garde
contre leurs excès et ça leur apparaît
comme une révélation. Mais pour leur
permettre
d'éviter
vraiment
la
répétition de leurs cycles de hauts et
de bas, il faut surtout prendre le
temps d'explorer à fond leurs
motivations à se défoncer autant dans
la vie.
Saviez-vous
que
la
recherche
démontre
les
bienfaits
de
la
psychothérapie pour les bipolaires
même après que des antidépresseurs et
des stabilisateurs de l'humeur n'aient
pas été efficaces? Et qu'en dépit des
progrès
pharmaceutiques,
les
récurrences des épisodes troublées de
l'humeur des bipolaires apparaissent
la norme plutôt que l'exception? C'est
pour cela que les chercheurs
s'intéressent
maintenant
aux
traitements
psychologiques
à
administrer aux patients en plus des
stabilisateurs de l'humeur (Johnson et
al., 2013).
Note(s) :
Références
Leader, D. Bipolaire, vraiment?
(2014). Paris: Albin Michel.
Johnson,
S.L.
(2013).
Bipolar
Disorder. In Castonguay, L. &
Oltmanns, T. (Ed.), Psychopathology.
New York: Guilford.
Illustration(s) :
Photo Shutterstock, Ievgen Sosnytskyi
Darian Leader affirme qu'il a été démontré que les taux de guérison de la maniaco-dépression étaient meilleurs à
l'époque prémédicamenteuse, plutôt qu'aujourd'hui, où les diagnostics mènent à un régime de médicaments et, souvent, à
un mauvais pronostic.
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19
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Soleil
Actualités, dimanche 7 septembre 2014, p. 13
Chronique; Le coin du psy
L'anxiété et les gens très intelligents
Yves Dalpé
Saviez-vous que les divers troubles de
l'anxiété
sont
les
«maladies
psychiatriques» les plus communes,
affectant environ 14 % de la
population?
Si
vous
souffrez
d'anxiété, il y a fort à parier que vous
maudissez votre sort. Sachez toutefois
que même si elle est une émotion
négative, l'anxiété est nécessaire,
puisqu'elle favorise notre adaptation
et assure notre survie.
Et si vous êtes d'intelligence
supérieure, sachez que votre anxiété
peut vous rendre plus performant. Des
recherches en arrivent en effet à cette
conclusion. La combinaison d'une
anxiété élevée et d'une intelligence
faible
abaisse l'efficacité
d'une
personne. Mais si une personne très
anxieuse est d'intelligence supérieure,
elle aura quand même un rendement
acceptable ou même un rendement
supérieur à celui des gens de son
niveau intellectuel qui sont moins
anxieux.
Des exemples. Un chercheur a réalisé
en 1966 que les étudiants anxieux
avaient un résultat scolaire inférieur
aux autres étudiants, à moins d'avoir
un QI se situant dans les premiers 20
%. Mais les chercheurs ont réalisé que
chez les 5 % plus intelligents en
matière de quotient intellectuel,
c'étaient les anxieux qui avaient les
meilleurs résultats scolaires. En 2011,
une recherche a révélé que les
étudiantes ayant atteint le plus haut
niveau universitaire étaient plus
anxieuses que les autres. D'autres
recherches ont fait le même lien avec
des vendeurs de services financiers.
Les meilleurs vendeurs étaient les
plus
anxieux
s'ils
étaient
d'intelligence supérieure.
Ce genre de résultat ne s'applique
cependant pas à des emplois à haut
risque dans lesquels les gens doivent
prendre des décisions rapides, comme
chez les pilotes d'avion, les policiers,
les pompiers ou les ingénieurs
électriques. Les chercheurs pensent
que plus une situation est risquée,
plus l'anxiété diminue le rendement
du travailleur. Par contre, l'anxiété
accroît le rendement dans les emplois
exigeants sur le plan intellectuel, mais
seulement chez les gens plus
intelligents. L'explication est logique
et intéressante. C'est que le haut
niveau de rumination propre aux gens
anxieux accroît la qualité de leurs
décisions s'ils sont intelligents. De
plus, étant habitués d'anticiper le pire,
ils réagissent en conséquence. On
peut penser qu'ils réfléchissent plus
longuement à leurs tâches, qu'ils y
investissent plus de temps, qu'ils se
disciplinent en conséquence. Ce
dévouement à leurs préoccupations les
rend donc plus efficaces dans la
mesure
de
leurs
aptitudes
intellectuelles.
20
Cependant, il ne faut pas prendre à la
légère pour autant les malaises des
gens anxieux qui peuvent être
considérables. Et j'imagine que
l'efficacité professionnelle est réduite,
même pour les gens très intelligents si
le niveau d'anxiété atteint un seuil
trop élevé. Si on considère l'anxiété
généralisée par exemple, on voit à
quel point ce malaise psychologique
est troublant. Selon le DSM-5, cette
sorte d'anxiété est caractérisée par des
soucis incontrôlables, et généralement
associés à des symptômes physiques
tels que de l'agitation, de la fatigue,
des difficultés de concentration, de
l'irritabilité, de la tension musculaire
et des troubles du sommeil. On accole
ce diagnostic à une personne qui vit
ce genre de souci plus de jours que
l'inverse durant au moins six mois en
souffrant d'au moins trois des
symptômes physiques mentionnés.
Ce qu'on entend ici par souci, c'est un
enchaînement de pensées et d'images
qui sont négatives et relativement
incontrôlables. Bien que le souci soit
un phénomène cognitif commun, il
peut devenir persistant et quotidien et
se développer en un inconfort
émotionnel extrême. Les grands
anxieux scrutent continuellement leur
environnement pour y détecter des
dangers. Ils ont une perception
sélective de leur environnement en
faveur
des
indices
négatifs,
interprétant défavorablement tout
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
stimulus neutre ou ambigu. De même,
ils se rappellent davantage les
événements négatifs. Évidemment, on
trouve
beaucoup
de
relations
interpersonnelles
dysfonctionnelles
chez les anxieux généralisés, y
compris des problèmes conjugaux. Il
y
a
aussi
énormément
de
recoupements
avec
d'autres
problèmes, comme la dépression, les
troubles
de
personnalité,
la
consommation
de
drogues,
l'alcoolisme, etc.
L'anxiété généralisée peut être très
séreuse et il est très recommandé de
consulter, car il est peu probable
qu'elle se résorbe d'elle-même avec le
simple passage du temps. Mais même
en suivant une thérapie, quand
l'anxiété généralisée est intense, la
personne ne peut entretenir l'attente
irréaliste d'être guérie une fois pour
toutes. Dans ces cas-là, elle peut
apprendre à composer avec sa
tendance anxieuse, ce qui peut quand
même faire la différence. De plus,
étant donné la chronicité de l'anxiété
généralisée et de sa récurrence, il ne
faut pas s'étonner si une thérapie à
long terme est nécessaire, quelle que
soit l'approche utilisée (Newman et
autres, 2013).
N'est-ce pas une consolation de
penser que votre anxiété puisse vous
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21
être utile ainsi qu'à la société si elle
vous rend plus efficace?
Note(s) :
Références
M. NEWMAN et autres. «Generalized
Anxiety
Disorder»,
dans
L.
Castonguay et T. Oltmanns (Eds.),
Psychopathology,
New
York,
Guilford, 2013.
A. PERKINS et P. CORR. «Anxiety
as an Adaptative Emotion», dans W.
Gerrod Parrott, The Positive Side of
Negative Emotions, New York,
Guilford, 2014.
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Devoir
Société, mardi 8 septembre 2015, p. A7
Santé - Les dysfonctions sexuelles féminines, fabrication ou réalité médicale?
Le Monde
" La fabrication d'une maladie par
l'industrie pharmaceutique n'est pas
un phénomène nouveau, mais celle
des dysfonctions sexuelles féminines
en est l'exemple le plus récent et le
plus évident ", écrivait, dès 2003, le
journaliste australien Ray Moynihan
dans le British Medical Journal.
Quelques années plus tôt, en 1998, le
laboratoire Pfizer avait commercialisé
le premier médicament destiné à
traiter l'impuissance masculine, le
Viagra, un succès mondial. " Pour
bâtir des marchés comparables pour
les femmes, les firmes ont d'abord eu
besoin d'un diagnostic médical bien
défini ", explique Ray Moynihan.
Entre 1997 et 2003, huit colloques
médicaux, largement commandités par
des industriels, sont consacrés aux
dysfonctions sexuelles féminines. Une
première
étude
épidémiologique
publiée en 1999 dans le Journal of the
American Medical Association évalue
à 43 % la proportion de femmes
américaines âgées de 18 à 59 ans avec
une dysfonction sexuelle (contre 31 %
chez les hommes). Critiquée en raison
de sa faiblesse méthodologique et des
liens de deux des auteurs avec Pfizer,
l'étude n'en lance pas moins la
machine en faisant des troubles du
désir féminin un réel problème de
santé publique.
Les troubles de la sexualité féminine
se sont construits progressivement
dans le Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux
(DSM), constate Steeves Demazeux,
philosophe des sciences à l'Université
Bordeaux-Montaigne,
auteur
de
Qu'est-ce que le DSM ? (Ithaque,
2013). " Les troubles de la sexualité
font leur apparition dans le DSM-III,
en 1980, ce qui correspond à
l'émergence de l'intérêt sociétal pour
ces questions. [Ils] sont alors classés
en trois catégories : inhibition du
désir, de l'excitation ou de l'orgasme,
les deux premières ne distinguant
d'ailleurs pas l'homme et la femme. "
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22
Dès lors, les diagnostics n'ont cessé
d'évoluer, sans forcément devenir plus
clairs. " Dans le DSM-IV (1994), le
terme d'"inhibition" est abandonné au
profit de l'hypoactivité. Mais la
notion même de désir sexuel
hypoactif est ambiguë : par rapport à
quelle
norme
un
désir
est-il
hypoactif ? " Ce diagnostic est
d'ailleurs éliminé du DSM-5 (2013),
qui ne recense plus que deux
dysfonctions sexuelles féminines : les
troubles de l'orgasme, et le " trouble
de l'intérêt pour l'activité sexuelle ou
de l'excitation sexuelle chez la femme
".
Une formulation fourre-tout qui
reflète,
selon
M.
Demazeux,
l'ambivalence des experts du DSM à
l'égard des troubles sexuels féminins.
Une ambivalence qui n'a pas desservi
le fabricant de la flibansérine (Addyi)
pour réussir une prouesse : reconvertir
son antidépresseur en stimulant de la
libido.
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Date de création : 14 septembre 2015
Le Devoir
Éditorial, jeudi 26 juin 2014, p. A6
Opinion
Libre opinion - Le DSM-5, une maladie de société
Doris Provencher|David-Alexandre Grisé - Directrice générale de l'Association des groupes d'intervention en
défense des droits en santé mentale du Québec|Conseiller Collectif de défense des droits de la Montérégie
Le 22 mai dernier marquait le premier
anniversaire de la sortie de la 5e
édition du Diagnostical and Statistical
Manual, communément dénommé
DSM-5.
Le
dernier
joyau
de
l'American Psychiatric Association
nous a été proposé sur un fond de
controverse qui perdure à ce jour.
Le DSM permet de développer un
langage commun entre les divers
cliniciens voulant offrir de l'aide à
autant de personnes en souffrance.
Cependant, puisque la médecine
psychiatrique ne se fonde aucunement
sur des marqueurs biologiques, le
contenu de ce manuel n'est que pure
construction
consensuelle.
La
psychiatrie moderne trouve pourtant
ses lettres de noblesse à travers cet
outil fort prisé. Nous avons ainsi
assisté, d'édition en édition, à une
augmentation significative du nombre
de diagnostics (passant de 60 à près
de 350 à ce jour). Sous l'égide de la
prévention, de la sécurité, mais
surtout du contrôle social, cette
nouvelle hausse porte en elle des
risques de surdiagnostic et de
diagnostic erroné. Ces risques ne sont
pas sans conséquence. Ils peuvent
avoir des impacts directs sur la santé
physique
des
personnes,
toute
médication psychotrope ayant des
effets secondaires, parfois importants
et irréversibles. Il ne faut jamais sousestimer les difficultés de se défaire de
tels diagnostics, car ils vous marquent
bien souvent au fer rouge pour la vie.
De
nouveaux
enjeux
touchent
maintenant à la jeunesse qui se trouve
plus que jamais sous la loupe des
spécialistes.
Qui plus est, certains psychiatres et
psychologues critiquent cette édition
en évoquant le flou de certains
critères issus de cet ouvrage et les
qualifient de trop larges, ce qui
conduirait à une inflation de
diagnostics. Cette 5e édition se
distingue aussi par une nouvelle
approche dimensionnelle. Autrement
dit, elle suggère une évaluation de
l'intensité des symptômes présentés.
Les perspectives sont maintenant
décuplées ! Au final, c'est tout
l'univers
du
normal
et
du
pathologique qui vient de se dissoudre
à travers ce magma informe, au point
de se poser la question : qui peut être
normal ?
On reproche aussi au DSM-5 de
psychiatriser
des
réactions
psychologiques tout à fait normales
(par exemple, le deuil et la timidité).
Face à ces nouveaux diagnostics... de
nouveaux
traitements
!
Les
détracteurs du DSM ont depuis
longtemps démontré les liens entre les
sociétés pharmaceutiques et les
quelque 140 individus ayant participé
à l'élaboration de ce dernier manuel.
23
Le DSM, qui est le Graal de ces
entreprises, en profite largement et
son pouvoir est sans équivoque, car il
est l'outil de référence par excellence
non seulement des médecins, mais
aussi des assureurs, des écoles et des
autorités étatiques.
Ainsi, à l'instar de cet énorme pouvoir
référentiel, le DSM arrive à nous faire
prendre les moyens pour des fins et
vice-versa, à dégager de nouveaux
symptômes afin d'y accoler de
nouveaux diagnostics. Mais ne vous
méprenez
pas,
le
traitement
pharmacologique n'est jamais bien
loin ! À nouveau, on mélange tout et
on psychiatrise tout. Le plan d'affaires
est pourtant clair et net...
Il faut se poser des questions sur
l'apport d'un tel livre, puisqu'il nous
renvoie une image extrêmement
négative de l'humanité en y accolant
une image de cet " être humain moyen
", qu'on peut décrire comme sans vie,
sans culture et sans histoire. C'est
l'être humain de la statistique. Un être
imaginaire, un " cas de figure " qui
traduit
une
vision
normalisée,
aseptisée, sans emprise sur le réel. On
médicalise ainsi les problèmes de
notre société. De cette société, malade
de ses valeurs, imbibée des termes
psychologiques et elle-même de
moins en moins tolérante envers la
différence. La nouvelle norme est
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celle du " tout pathogène " qui évacue
les possibilités d'épanouissement. Le
Conseil médical du Canada et d'autres
ordres professionnels sont depuis en
plein travail afin de favoriser la
transition entre les versions 4 et 5 de
ce manuel. Dans ce nouveau monde
totalitaire, il n'est pas étrange de voir
autant s'arrimer des intérêts publics à
ceux
des
corporations
professionnelles et des entreprises
privées...
Pour l'avenir de notre société et celui
de notre mieux-être, nous aurons à
veiller aux effets possibles de la
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24
création de ces nouvelles catégories
ou diagnostics issus du DSM-5. Nous
aurons aussi à mettre en évidence
l'évolution sociale qui s'opère depuis
déjà quelques années en Occident et
la façon dont cet ouvrage influencera
notre perception de la santé mentale.
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Le Quotidien du Médecin
Décryptage, jeudi 18 juin 2015
Psychiatre
Le DSM vu par les jeunes psys
Ceci n'est pas une bible !
Psychiatrie
Finis (ou presque) les vieux , voici
venu le temps d'une pratique
apaisée. L'esprit ouvert et le regard
critique, les jeunes « psys » usent du
DSM avec lucidité.
« Outil », « langage commun », «
base de travail », la fonction attribuée
au DSM fait consensus auprès des
jeunes psychiatres. Le débat « pour ou
contre le DSM », s'il existe, est laissé
aux médias et aux grands pontes de la
spécialité.
« C'est toujours les mêmes qui se
bagarrent », observe le Dr Aurore
Guy-Rubin, chef de clinique à
l'hôpital Sainte-Anne à Paris. « Il y a
sans doute des enjeux politicoéconomiques, mais ces enjeux sont
absents de notre quotidien, lorsque
nous sommes au lit du malade »,
poursuit-il. Un constat partagé par
Benjamin Lavigne, rédacteur en chef
de la revue « Le Psy déchaîné » et
interne en dernier semestre à
Limoges : « Entre nous, le débat est
beaucoup moins enflammé que les
médias le laissent entendre. » Le
DSM « cristallise les fantasmes »,
souligne le Dr Michel Spodenkiewicz,
jeune pédopsychiatre, à la PitiéSalpêtrière, qui regrette que certains
opposants
en
méconnaissent
le
contenu.
La majorité des jeunes praticiens
estiment que le DSM propose un
cadre, utile pour les psychiatres
débutants. « Indispensable », même,
ajoute Benjamin Lavigne, pour « être
clair avec nous-mêmes et avec nos
patients ». « La vision du DSM est
simpliste, mais elle a eu moins le
mérite d'être organisée », ajoute-t-il.
Patrimoine historique
L'enseignement médical s'est enrichi
depuis peu d'un référentiel de
psychiatrie, uniformisé sur la base
du...DSM. Mais pas seulement,
souligne le Dr Pierre-Alexis Geoffroy,
psychiatre, président de l'AESP
(Association pour l'enseignement de
la sémiologie en psychiatrie), et
coordinateur
de
l'ouvrage
(cf.
encadré). Si les diagnostics sont «
DSM-like », ils sont largement
précisés, simplifiés et explicités. ils
sont mis en perspective avec les
dernières données neuroscientifiques,
mais aussi avec les observations
cliniques
des
psychiatres.
Cet
attachement au patrimoine historique
de la spécialité est largement partagé
par les jeunes psys. « En France, nous
avons une histoire sémiologique riche
de descriptions cliniques très fines,
rappelle le Dr Geoffroy. Cette culture
vient compléter le savoir minimum
contenu dans le DSM. » Il n'est pas
rare, ainsi, de retrouver dans la
bibliothèque d'un jeune psy, un traité
de Deniker, Henri Ey et/ou Kraepelin,
le DSM, ou encore le « Stahl »,
ouvrage
de
référence
de
25
psychopharmacologie. « C'est en
combinant ces différentes sources
qu'on enrichit notre pratique de la
psychiatrie », souligne le rédacteur en
chef du « Psy Déchaîné », journal de
l'AFFEP
(Association
Française
Fédérative
des
Étudiants
en
Psychiatrie).
Lecture critique
Ni un manuel de sémiologie, ni une «
bible » de la psychiatrie, le DSM est
ainsi vu pour ce qu'il est : pas plus,
pas
moins
qu'un
manuel
de
classification des maladies mentales.
Mais la génération Y des psychiatres
a conscience des conflits d'intérêts,
dont le DSM n'est probablement pas
exempt. « Il faut rester vigilant »,
assène
l'interne
de
psychiatrie
limougeaud. « Lire entre les lignes
des articles », ajoute-t-il, en
s'appuyant pour cela sur la tant
contestée
«
Lecture
critique
d'articles » imposée depuis 2009 à
l'examen national classant (ECN). Le
jeune psychiatre milite pour des
enseignements ouverts à l'économie
voire la politique, afin de «
comprendre les enjeux financiers et
sociétaux » des problématiques de la
santé. Voir au-delà de la classification
américaine, c'est aussi considérer la
pathologie mentale autrement qu'en
terme
épidémiologique
et
neurobiologique. L'envisager sous une
perspective plus globale et humaine.
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Date de création : 14 septembre 2015
Un enseignement plus systématisé en
sciences humaines répondrait-il à
cette volonté ? Oui, s'accordent les
psychiatres interviewés. « Il faut
croiser les disciplines, surtout la
psychiatrie, plaide pour sa part le Dr
Guy-Rubin. La médecine doit rester
une science, mais une science
humaine. »
Humanisme et neurosciences
Si le codage en psychiatrie, basé sur
les classifications - plus précisément
sur
la
CIM-10
(Classification
internationale des maladies) - fait
redouter une mécanisation de la
pratique clinique, la jeune psychiatre
va à l'encontre de cette idée : « Mettre
un code sur le compte-rendu d'un
patient ne m'empêche pas d'écrire un
historique plus élaboré. » En espérant
que son lecteur s'intéresse plus à
l'histoire de la maladie qu'au «
diagnostic » inscrit en haut du
courrier. Quoi de mieux qu'une fine
description clinique pour appréhender
la maladie d'un sujet ? Pour l'instant,
rien, avance le rédacteur du Psy
déchaîné. Qui, quoique satisfait des
avancées du manuel, regrette que la
5e version du DSM n'ait tenu ses
premières ambitions. À savoir :
muscler les catégories diagnostiques
des dernières données scientifiques.
L'AESP, présidée par le Dr PierreAlexis Geoffroy, entend corriger ce
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26
défaut. « Notre groupe de travail
planche
sur
la
caractérisation
d'entités cliniques plus valides que
celles du DSM-5, plus utiles en
pratique clinique et propices à une
médecine plus personnalisée ». Mettre
en lien la sémiologie et les données
scientifiques
fondamentales
accumulées, telle est leur ambition. «
Nous n'avons pas la prétention de
réussir là où le DSM a en partie
échoué, mais de mettre à profit les
nombreuses avancées scientifiques à
ce jour sous-utilisées », précise le
psychiatre. La relève des jeunes psys,
est en marche, plus dynamique que
jamais.
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Le Monde diplomatique
lundi 1 juin 2015, p. 28
Le malade virtuel
Virginie Bueno
« Passez-vous plus de temps sur
Internet que vous ne l'auriez pensé
initialement ? Y a-t-il des sites que
vous ne pouvez éviter ? Trouvez-vous
difficile d'être déconnecté durant
plusieurs jours ? » Ces questions
extraites du test d'Orman, relayé par
la presse magazine, permettraient de
diagnostiquer une dépendance à
Internet (1). En suivant ce type
d'évaluation, près de la moitié de la
population connectée serait atteinte.
Et la plus formidable pandémie de
l'histoire serait en train de se répandre
sur la planète. La Chine a déjà fait de
cette « pathologie » une priorité de
santé
publique.
Des
réseaux
internationaux travaillent d'arrachepied à élaborer des diagnostics
standardisés, des essais cliniques, des
protocoles de traitement et des
campagnes de prévention.
C'est un fait : un nombre croissant
d'internautes
peinent
à
se
déconnecter. Leur activité en ligne
déborde peu à peu sur les autres
secteurs de leur existence, au
détriment de leur sociabilité, de leur
travail, de leurs études. S'agit-il pour
autant d'une maladie ? Le caractère
pathologique du phénomène est loin
de faire consensus au sein de la
communauté scientifique. En 2008,
l'inclusion de la dépendance à Internet
dans la cinquième édition de son
répertoire des maladies mentales
(Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders ou DSM-5) (2) a été
rejetée faute d'éléments convaincants.
Mais le débat se poursuit, notamment
au sein de l'Organisation mondiale de
la santé (OMS), en vue de la
publication en 2017 du manuel de
classification
internationale
des
maladies.
L'histoire de la cyberdépendance
remonte aux années 1970 lorsque
Joseph Weizenbaum, ingénieur à
l'Institut
de
technologie
du
Massachusetts (MIT), constate chez
ses collègues un « acharnement à
programmer » caractérisé par un
temps de connexion élevé, une
hygiène de vie négligée ainsi qu'une
désocialisation (3) - tableau typique,
selon lui, d'un « trouble mental ».
Dans les années 1990, les craintes et
l'enthousiasme qui accompagnent le
développement d'Internet encouragent
les recherches sur l'expérience du
monde virtuel et sur ses propriétés
potentiellement
addictives
:
anonymat, évasion, accessibilité et
interactivité. La cyberdépendance se
décline alors selon trois sousdimensions : le jeu vidéo, le
cybersexe et la sociabilité. Mais,
avant d'être prise au sérieux, la
pathologie fut d'abord introduite
comme une farce. C'est pour critiquer
la
multiplication
des
troubles
répertoriés dans le DSM - de cent six
en 1952 à quatre cents en 1994 - que
le
psychiatre
new-yorkais
Ivan
Goldberg imagine en 1996 un
désordre qu'il désigne comme «
27
ridicule », celui de l'addiction à
Internet (4). Il poste sur un forum de
thérapeutes une parodie de diagnostic
clinique.
La même année, cette maladie entre
dans le lexique médical par une voie
plus orthodoxe : Kimberly S. Young,
psychologue à Pittsburgh, applique le
diagnostic
reconnu
du
«
jeu
pathologique » aux pratiques en ligne
et diffuse cette idée sur des forums de
discussion
de
personnes
autodiagnostiquées. La clinicienne
prolonge l'expérience : elle achète des
encarts publicitaires en ligne et
acquiert même le mot-clé « Internet
addiction » sur Yahoo (5). Les
répondants s'avèrent nombreux et les
demandes de consultation, bien
réelles. Dorénavant, le mécanisme
psychologique de l'« impulsion » caractérisé par le contrôle malaisé,
voire impossible, d'un comportement
pourtant identifié comme nocif - sera
identifié comme la cause des
problèmes psychologiques et sociaux
liés à l'utilisation d'Internet :
incapacité de résister au désir de
connexion et sensation de manque,
avec leurs conséquences sociales
négatives
(divorce,
difficultés
professionnelles,
scolaires
et
financières).
En 2013, les rédacteurs du DSM-5
suppriment le « jeu pathologique » de
la catégorie des « troubles du contrôle
de l'impulsion (6) ». Selon eux, la
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
disposition à ne pas décoller de son
écran pourrait se ranger dans une
nouvelle catégorie générique, celle
des « troubles liés à une substance et
addictifs (7) ». L'idée suscite aussitôt
la controverse : Allen Frances,
rédacteur de la précédente version du
DSM, et Stanton Peele, théoricien des
dépendances
comportementales,
dénoncent la biologisation du concept
d'addiction (8). En effet, remplacer le
profil de « dépendant » par celui d'«
addict » (léger, modéré ou sévère), et
ajouter au tableau le symptôme de «
désir
irrésistible
»,
implique
l'existence d'un risque biologique
commun à l'addiction à Internet, au
jeu et à la drogue. Le symptôme de «
désir », causé théoriquement par un
dérèglement dans la production de
dopamine, est diagnostiqué par une
simple question posée au patient : «
Avez-vous déjà eu tellement envie de
prendre de la drogue que vous ne
pouviez penser à rien d'autre (9) ? »
L'enjeu est crucial : selon cette
approche, les individus diagnostiqués
- à tort ou à raison - comme
cyberdépendants pourraient recevoir
un
traitement
pharmacologique
antidésir. Mais la difficulté à se
déconnecter durant une semaine estelle le symptôme d'un besoin
physiologique, ou celui d'une société
où les activités sociales, scolaires et
professionnelles passent toutes par
l'intermédiaire de la Toile ? Lieu de
l'excès, Internet peut tout aussi bien
contribuer à fournir le remède : il
offre un espace d'échange entre les
utilisateurs et les cliniciens à travers
les forums d'information, un outil de
traitement grâce aux consultations
psychologiques en ligne, et même des
applications permettant de limiter le
temps de connexion aux sites
chronophages - le repose-poignet
Pavlov Poke, par exemple, qui délivre
une petite décharge électrique en cas
de visite prolongée ou de connexion à
un site interdit.
Au-delà de la controverse médicale, la
caractérisation
de
l'addiction
à
Internet nourrit une critique plus
directement
politique.
Pour
les
recherches à venir, les rédacteurs du
DSM-5 ont retenu le diagnostic du
psychiatre chinois Tao Ran, lequel
repère l'addiction à partir de « six
heures de connexion quotidiennes
durant plus de trois mois, hors
activités
scolaires
et
professionnelles ». Mais au nom de
quelles normes et de quelles valeurs
élabore-t-on
un
diagnostic
scientifique qui hiérarchise des
pratiques sociales en fonction de leur
productivité économique ? Quand il
retranche de l'addiction à Internet le
temps de travail et d'apprentissage, le
Dr Tao souligne en creux l'impensé de
cette notion. Dans un univers marqué
par l'injonction professionnelle et
éducative à la connexion permanente,
une
frontière
morale
séparerait
pratiques
saines
et
pratiques
pathologiques en fonction d'un critère
implicite d'utilité économique. Il
serait normal de rester huit heures par
jour au bureau les yeux rivés sur un
tableur; mais six heures quotidiennes
devant un jeu vidéo appelleraient un
traitement médical. L'addiction à
Internet se présente dans le DSM-5
comme une maladie décontextualisée
des systèmes économiques et des
outils informatiques qui tirent profit
de la dépendance : industries du jeu
vidéo et des logiciels, réseaux
sociaux.
Le seul prisme neuroscientifique
réduit le champ de recherche et les
solutions possibles. A ce jour, la
gestion des usages excessifs d'Internet
28
demeure
sociale,
culturelle
et
politique. Elle ne fait l'objet d'aucun
consensus international. Si les EtatsUnis et la Chine adhèrent à
l'hypothèse
standardisée
d'une
maladie neurologique, ils diffèrent par
les modes de prise en charge. Les
premiers instaurent un système de
soins
concurrentiel
et
privatisé
déterminé par les assurances privées;
le second a créé des camps de
redressement sur le mode militaire,
qui impliquent un enfermement
hospitalier et la reconnaissance de la
maladie par le patient. La France et le
Québec privilégient une perspective
compréhensive et psychosociale au
cas par cas. Après la traduction du
questionnaire diagnostique de Young
en 2006, le Japon a découvert
l'ampleur de ce « problème social » et
finance des centres de traitement.
Note(s) :
(1) Marc Valleur et Dan Velea, « Les
addictions sans drogue(s) » (PDF),
Toxibase, no 6, Lyon, juin 2002.
(2) Lire Gérard Pommier, « La bible
américaine de la santé mentale », Le
Monde diplomatique, décembre 2011.
(3) Joseph Weizenbaum, Puissance de
l'ordinateur et raison de l'homme : du
jugement
au
calcul,
Editions
d'informatique, Boulogne-Billancourt,
1981.
(4) Cf. David Wallis, « Just click
no », The New Yorker, 13 janvier
1997.
(5) Kimberly S. Young, « Internet
addiction : The emergence of a new
clinical
disorder
»
(PDF),
CyberPsychology & Behavior,
vol. 1, no 3, New Rochelle (New
York), 1996.
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Date de création : 14 septembre 2015
(6) Ting-Kai Li, Charles P. O'Brien et
Nora Volkow, « What's in a word ?
Addiction versus dependence in
DSM-5 », American Journal of
Psychiatry, vol. 163, no 5, Arlington
(Virginie), 2006.
(7) Nancy M. Petry et Charles P.
O'Brien, « Internet gaming disorder
and the DSM-5 », Addiction, vol. 108,
no 7, Hoboken (New Jersey), 2013.
(8) Allen Frances, Saving Normal :
An Insider's Revolt Against Out-ofControl
Psychiatric
Diagnosis,
DSM-5, Big Pharma, and the
Medicalization of Ordinary Life,
HarperCollins, New York, 2013;
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29
Stanton Peele, « Politics in the
diagnosis of addiction », Huffington
Post, 15 mai 2012.
(9) Diagnostic and Statistical Manual
of Mental Disorders, 5th ed.,
Association
américaine
de
psychiatrie, Arlington, 2013.
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Date de création : 14 septembre 2015
Québec Science, no. Vol. 53 n° 6
dimanche 1 mars 2015, p. 20,21,22,23,24,25
ARRIÈRE-PENSÉES
FANTASMES DU CÔTÉ DE L'INTERDIT
Marine Corniou
Alambiqués, curieux, obsédants, fleur
bleue... Qu'importe leur nature, les
fantasmes sont toujours excitants et
pimentent la vie sexuelle. Mais quand
ils
flirtent
avec
l'interdit
ou
l'inavouable, certains d'entre eux
peuvent devenir pathologiques.
Les critiques sont unanimes: le roman
est mal écrit, les dialogues sont
navrants et l'histoire est banale.
Pourtant, jamais un livre ne s'est
vendu aussi vite ni aussi bien. Quatre
mois après sa sortie, en 2012, Fifty
Shades of Grey (Cinquante nuances
de Grey, en français) s'était déjà
écoulé à 25 millions d'exemplaires.
Aujourd'hui, plus de 100 millions de
copies de la trilogie d'Erika L. James
ont été vendues dans le monde,
traduites en 51 langues. Et le film
éponyme vient de sortir sur grand
écran, juste à temps pour la SaintValentin.
La recette de ce succès? Un effet
médiatique boule de neige, sans
doute, mais surtout un mélange bien
dosé de romance passionnée et de
scènes
érotiques,
voire
pornographiques. L'histoire fait la
part belle aux clichés, en dépeignant
les ébats d'une étudiante innocente et
d'un millionnaire viril, Christian
Grey, adepte du fouet et de la fessée.
En clair, le roman parle de sexe. Et il
parle aux femmes.
Et c'est là ce qui a fait couler tant
d'encre: l'ampleur du phénomène
Cinquante nuances de Grey en dit
long sur l'imaginaire fantasmatique de
la gent féminine, émoustillée par les
scènes de bondage, les jeux de
soumission
et
autres
activités
sadomasochistes.
Scandale?
Perversion? Ou simple reflet d'une
sexualité libérée?
«Bizarrement, peu d'études ont
investigué la nature des fantasmes
dans la population générale, indique
Christian
Joyal,
professeur
au
département
de
psychologie
de
l'Université du Québec à TroisRivières. Alors que les psychiatres
s'intéressent depuis longtemps aux
fantasmes des criminels, ceux de
Monsieur et Madame Tout-le-Monde
sont encore mal connus.»
Cette
méconnaissance
n'a
pas
empêché l'Association de psychiatrie
des États-Unis, dans sa dernière
version du Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux, le
DSM-5,
d'assigner
à
certains
fantasmes
et
intérêts
sexuels
l'étiquette «anormal». Par exemple?
Le voyeurisme, le fétichisme, mais
aussi le sadisme et le masochisme,
tous
considérés
comme
des
paraphilies (ce dernier terme remplace
«déviance», utilisé autrefois).
«Le mot "anormal" est fort, et dénote
un jugement. Comment savoir ce qui
30
est normal en matière de fantasmes?
Et ce qui ne l'est pas?» s'est demandé
Christian Joyal, qui est aussi
chercheur à l'Institut Philippe-Pinel et
spécialiste de la neuropsychologie des
agresseurs sexuels.
C'est pour y voir plus clair qu'il a
effectué une enquête par Internet
auprès de 1 517 Québécois (799
hommes et 718 femmes) âgés entre 18
et 75 ans, en grande majorité
hétérosexuels.
Tous
devaient
sélectionner leurs fantasmes à partir
d'une liste de 55 affirmations (dont
«J'ai déjà fantasmé de faire l'amour
avec deux femmes» ou «J'ai fantasmé
de faire l'amour dans un lieu public»),
en plus de décrire en détail leur
scénario sexuel favori.
Les résultats, publiés fin octobre dans
le Journal of Sexual Medicine, ont fait
grand bruit dans les médias du monde
entier. Parce qu'ils confirment que, en
matière de goûts sexuels, il n'y a
justement pas de norme. «D'autres
enquêtes avaient déjà suggéré cela
avant la nôtre, mais elles avaient
presque toutes été menées chez des
étudiants, a priori plutôt imaginatifs
parce qu'en pleine période de
développement
sexuel,
et
elles
n'incluaient
pas
d'analyses
statistiques. Ce qu'on a démontré,
c'est que très peu de fantasmes sont
rares ou inhabituels», précise le
chercheur.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Ainsi, sur les 55 fantasmes étudiés, 2
seulement étaient «rares» (rapportés
chez moins de 2,4 % des sondés, ils
étaient en lien avec la zoophilie et la
pédophilie); 9 étaient «inhabituels»
(moins de 16 %); 30 étaient
«communs»; et seulement 5 étaient
«typiques»
(faisant
partie
de
l'imaginaire de 84 % ou plus des
participants). Autre constat, 64 % des
femmes interrogées avaient des
fantasmes de soumission; 52 %
ressentaient du plaisir à s'imaginer
attachées; et 36 %, fessées ou
fouettées.
Ces résultats sont en phase avec ceux
des rares enquêtes menées sur la
question, notamment en France. En
2013, un sondage effectué par le
magazine Femme actuelle et l'Institut
français d'opinion publique (Ifop)
auprès de 1 000 femmes de plus de 18
ans révélait ainsi que près de 1 femme
sur 2 aimerait faire l'amour en étant
dominée ou en ayant les yeux bandés;
et plus de 1 sur 4 en étant fessée ou
ligotée.
«Ça explique le succès de Cinquante
nuances de Grey, s'amuse Christian
Joyal. Mais surtout, ça remet en
question le jugement de valeur porté
par le DSM-5.»
Si le DSM-5 reconnaît que fantasmer
sur les paraphilies (ou même les
pratiquer)
n'est
pas
forcément
pathologique,
les
qualifier
d'anormales n'en est pas moins
dangereux.
«L'évaluation
des
fantasmes fait partie du bilan
psychiatrique des criminels, en
particulier des criminels sexuels, et
on y accorde une grande importance,
précise
le
neuropsychologue.
Cependant, beaucoup d'agresseurs ont
les
mêmes
fantasmes
que
la
population générale, et inversement;
puis, les violeurs n'agissent pas tous
en réalisant leurs fantasmes. Où se
situe l'anormalité, alors?»
Qu'on se rassure donc, avoir des
fantasmes dits «pervers» ne fait pas
forcément de nous des êtres malsains!
En fait, dans bien des cas, ce serait
même l'inverse: plus une personne a
de fantasmes, et plus ils sont variés,
plus elle a tendance à être satisfaite
de sa vie sexuelle.
Car le fantasme, qu'il prenne la forme
d'un scénario complexe ou d'une
simple image mentale, est avant tout
une façon de pimenter les relations,
de maintenir le désir ou d'en
augmenter l'intensité. Il constituerait
davantage un moteur de la libido
qu'un
reflet
des
frustrations
inconscientes,
n'en
déplaise
à
Sigmund Freud, le premier à
s'intéresser en profondeur au sujet, il
y a plus de 100 ans.
«On n'en est pas encore à comprendre
ce qui se cache derrière les fantasmes,
en particulier ceux de soumission et
de domination, souligne toutefois
Christian Joyal. Même s'il existe de
nombreuses théories psychanalytiques
sur le sujet.»
Il faut reconnaître qu'il est difficile
d'expliquer pourquoi, par exemple, de
nombreux hommes hétérosexuels sont
attirés par le sexe anal ou par les
shemales, ces personnes transgenres
dotées à la fois d'une opulente
poitrine et d'un imposant pénis.
Quant aux femmes, plus de la moitié
ont
des
fantasmes
coercitifs,
impliquant
d'être
soumises,
sexuellement
contraintes,
voire
violées. «Entre 9 % et 17 % des
femmes ont comme fantasme favori et
le plus intense d'être forcées. Cela n'a
aucun sens. Pourquoi une femme
31
fantasmerait-elle sur un événement
aussi terrible?» se demandaient en
2008 Jenny Bivona et Joseph Critelli,
chercheurs
en
psychologie
à
l'université North Texas. Pour mieux
comprendre, ils ont interrogé 355
étudiantes sur leurs fantasmes et
sondé leur personnalité. La moitié
d'entre
elles
fantasmaient
effectivement sur le fait d'être
«sexuellement forcée par un homme»,
20 % y rêvant même au moins une
fois par semaine.
Les chercheurs ont évalué les trois
théories le plus souvent avancées pour
l'expliquer. Selon la première, le
fantasme de viol serait une manière
pour les femmes d'exprimer leurs
désirs
sexuels
sans
honte
ni
culpabilité sociale. La seconde est en
lien avec la «désirabilité»: les femmes
aimeraient s'imaginer si belles et si
attirantes qu'aucun homme ne pourrait
se retenir à leur vue. Dernière
hypothèse? Le fantasme de viol
traduirait une ouverture d'esprit, une
audace sexuelle, une absence de
tabou. Contre toute attente, l'étude a
démontré que cette dernière théorie
est celle qui se vérifie le mieux,
même si les chercheurs ont aussi
trouvé une corrélation entre l'estime
de soi (voire le narcissisme) et la
fréquence des fantasmes de viol. Rien
de forcément dramatique ni tordu,
donc, à fantasmer sur un rapport
violent.
Ce qui n'étonne pas Christian Joyal.
«Ce qu'on a découvert en analysant
nos résultats, c'est que la plupart des
hommes et des femmes qui rapportent
des fantasmes de soumission ont
aussi, parallèlement, des fantasmes de
domination. Les uns n'excluent pas les
autres, au contraire; cela semble en
effet associé à une vie sexuelle plus
libérée que la moyenne.» Mais
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
attention! Dans l'enquête québécoise,
la moitié des femmes fantasmant sur
la soumission ont pris la peine de
souligner qu'elles n'aimeraient pas
que leur fantasme se réalise. «Chez
les hommes, les fantasmes sont
synonymes de souhait. Mais chez les
femmes, un fantasme reste un
fantasme», précise le professeur.
D'ailleurs, un fantasme donné est
souvent plus compliqué à décrypter
qu'on pense. Il peut se prêter à
plusieurs niveaux de lecture, ou
cacher des significations radicalement
différentes, en fonction du vécu de la
personne. C'est ce qu'explique Joanne
Lépine, sexologue à Laval et
spécialiste en «sexoanalyse».
«Rêver de faire l'amour sur une plage,
par exemple, ne dit pas grand-chose
sur ce qui excite le rêveur ou la
rêveuse. Est-ce que la plage est
déserte? Est-ce qu'il y a un risque de
se faire surprendre? Avec qui la
personne est-elle? De la même façon,
des femmes qui lisent Cinquante
nuances de Grey peuvent se croire
attirées par le sadisme, alors que ce
qui les excite, c'est d'être follement
désirées, comme l'héroïne du roman»,
précise Mme Lépine. Quant au
fantasme de viol, il ressemble
rarement à un viol. La femme reste
maîtresse du scénario, c'est son
imagination qui est aux commandes.
Et la peur, la douleur ou l'horreur sont
rarement au premier plan.
Toutefois, si tel est le cas, cela
révèle-t-il un problème? Y a-t-il des
pensées intimes qu'on ne devrait pas
laisser s'installer? «Oui, il existe des
fantasmes sexuels pathologiques. Ce
sont ceux qui impliquent des pratiques
illégales, comme la pédophilie, la
zoophilie et des partenaires non
consentants; ceux qui induisent une
souffrance; ou qui sont indispensables
pour obtenir satisfaction», résume
Christian Joyal. Ainsi, un fétichiste
des souliers à talons aiguilles, qui ne
peut être excité sexuellement qu'en
présence de ces objets, se trouve
prisonnier de son fantasme et peut en
souffrir terriblement.
Joanne Lépine ajoute que l'aspect
pathologique d'un fantasme peut faire
référence aux valeurs sociales, à
l'éducation, à la crainte de ne pouvoir
s'empêcher de passer à l'acte. «De
plus, la notion de pathologie est aussi
en relation avec le degré d'hostilité.
S'il y a un réel plaisir à s'imaginer
anéantir l'autre, le blesser, c'est
problématique. La perversion sexuelle
est en fait l'équivalent d'une haine
érotisée», souligne-t-elle.
«Un intérêt paraphilique qui implique
de faire du mal aux autres ou à soimême pose problème, car la personne
fait face au défi de maîtriser ses
pulsions. On parle ici de fantasmes
intenses, et récurrents, tels "quand je
me masturbe en pensant que je viole
quelqu'un,
mon
orgasme
est
extrêmement
intense"»,
illustre
Gerard Schaefer, psychologue à
l'Institut de psychologie sexuelle à
Berlin. En 2011, son équipe a publié
une étude menée auprès de 367
hommes (âgés entre 40 et 79 ans) sur
diverses paraphilies - voyeurisme,
travestissement,
fétichisme,
masochisme,
sadisme,
exhibitionnisme,
frotteurisme
et
pédophilie. Au total, plus de 60 % des
participants ont rapporté être excités à
des degrés divers par au moins l'une
de ces paraphilies (en particulier par
le biais de leurs fantasmes).
Des fantasmes pédophiles étaient
rapportés par 1 homme sur 10, alors
qu'ils étaient 3,8 % à affirmer avoir
32
eu
des
comportements
pédophiles réels.
sexuels
«Nos résultats démontrent qu'une
grande proportion des individus qui
ont des fantasmes impliquant de se
faire mal ou de faire mal à quelqu'un
sont passés à l'acte. Mais ce qui est
encore plus inquiétant, c'est que de
nombreux hommes sont excités par
ces paraphilies, mais n'en ressentent
aucune gêne ni aucune inquiétude. Il y
a donc peu de chances qu'ils aillent
chercher de l'aide pour mieux
contrôler leurs pulsions», explique
Gerard Schaefer qui a mis sur pied un
programme appelé Don't offend,
lequel incite les hommes aux
penchants pédophiles à aller suivre
une thérapie à l'hôpital de la Charité
de Berlin avant qu'il soit trop tard.
À l'Institut Philippe-Pinel, où sont
internés de nombreux agresseurs
sexuels, Christian Joyal souhaite
comprendre ce qui fait qu'une
personne passe à l'acte. «Nous
possédons une vaste base de données
où sont consignés les récits des
fantasmes de nombreux criminels.
Nous allons les comparer avec ceux
de la population», explique-t-il.
En attendant, il souhaite mieux cerner
l'imaginaire érotique du commun des
mortels. Il a commandé une étude à
une firme de sondage pour connaître
les goûts et les pratiques de 1 000
personnes, un échantillon encore plus
représentatif
de
la
population
québécoise que son premier groupe.
Les résultats confirment qu'entre 25
% et 30 % des gens ont déjà pratiqué
le BDSM (bondage, domination,
sadisme, masochisme) et ce sont par
ailleurs ceux qui se disent le plus
satisfaits sexuellement, révèle-t-il.
«Ce que je souhaite, c'est qu'on cesse
de pathologiser d'emblée certains
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
fantasmes à cause de leur nature, ou
de les considérer comme critères
suffisants pour indiquer un trouble
mental, comme le fait le DSM-5.»
Autrement dit, c'est la détresse qu'il
faut prendre en compte. On peut
souffrir de fantasmer sur sa collègue
de travail et être parfaitement heureux
en imaginant chaque nuit fesser des
inconnus. À propos des Cinquante
nuances de Grey, pour le professeur et
son étudiante, rassurez-vous: tout est
bien qui finit bien. Comme dans un
conte de fées.
LES DESSOUS DE LA TOILE
On y navigue incognito. Internet
permet de laisser libre cours à son
imagination, à l'abri de tout jugement.
Mais, alors que les utilisateurs tapent
sans rougir des mots clés coquins
dans leur moteur de recherche, leurs
requêtes n'en sont pas moins
«publiques». Ce qui permet de faire
d'Internet «la plus vaste expérience au
monde sur le comportement humain»,
selon les neurobiologistes états-uniens
Sai
Gaddam
et
Ogi
Ogas.
Informaticiens chevronnés, ils ont
analysé, entre 2009 et 2010, environ 1
milliard de mots clés à connotation
sexuelle, 1 million de sites porno,
plus de 1 million de vidéos X, des
dizaines de milliers de romans
érotiques et 5 millions de petites
annonces pour découvrir les désirs
secrets de 100 millions d'internautes
provenant des États-Unis, mais aussi
du Canada, d'Inde, du Nigeria et du
Royaume-Uni. Le résultat, un livre de
400 pages, intitulé A Billion Wicked
Thoughts, dont les révélations sont
parfois... inattendues.
On y apprend, par exemple, que les
hommes hétérosexuels sont friands de
shemales, qu'ils sont fascinés par les
images de gros pénis et qu'ils
fantasment sur leurs femmes ayant
des rapports avec d'autres hommes.
Les femmes, elles, préfèrent les
histoires aux images (68 millions de
Nord-Américaines achètent chaque
année des romans érotiques en ligne)
et elles aiment les histoires d'amour
mettant deux hommes en scène,
comme Le secret de Brokeback
Mountain.
Sans surprise, l'immense majorité des
recherches sont faites par des hommes
et l'un des plus grands centres
d'intérêt est la domination associée à
la soumission. Le mot «jeunesse» est
le plus recherché par les hommes,
suivi par «gay», mais les femmes plus
âgées ne sont pas en reste. La porno
impliquant des femmes de 50 ou 60
ans et les mots clés «mom» ou
«granny porn» sont extrêmement
populaires. Au total, 35 intérêts
sexuels différents (dont: jeunes,
Noirs, sexe en groupe ou fellation)
constituent 90% de toutes les
recherches.
Dans leur ouvrage, les chercheurs
tentent d'expliquer ces préférences par
des théories évolutionnistes. Un
exemple? Les hommes aiment les
talons aiguilles, car ils donnent
l'illusion de petits pieds et de longues
jambes, de fesses plus rebondies,
autant de signes de féminité et de
fécondité! Quant à la fascination des
hommes pour les pénis et les
shemales, tout viendrait de la
«compétition
spermatique»,
bien
connue
des
biologistes
évolutionnistes,
qui
traduit
la
compétition entre les éjaculats de
différents mâles pour la fertilisation
des ovocytes. En voyant leurs femmes
se faire prendre par d'autres, ou
indirectement en visualisant d'autres
pénis, le désir des hommes serait
augmenté, car ils se sentiraient
33
menacés par le fait que d'autres
puissent féconder leur femme. Tout
s'explique!
Encadré(s) :
Sur quoi peut-on fantasmer?
Le monde des fantasmes n'a pas
vraiment de normes ni de limites. Et
l'objet du désir peut parfois être
inhabituel. Le sexologue Claude
Crépault, cofondateur du département
de sexologie de l'Université du
Québec à Montréal, relate dans son
livre Les fantasmes, l'érotisme et la
sexualité (Odile Jacob, 2007) le cas
d'un de ses patients incapable de jouir
autrement qu'en pensant au chiffre
sept. Une anecdote, certes, mais qui
illustre la complexité de la sexualité
humaine.
«Les
contenus
des
fantasmes peuvent être très variés,
confirme la sexologue Joanne Lépine.
Le fantasme est sexuel s'il provoque,
accompagne, suscite une excitation.
Toutefois, son contenu n'est pas
obligatoirement sexuel. Le contenu
fantasmatique n'est pas l'effet du
hasard: il s'inscrit quelque part dans
l'histoire personnelle de l'individu
concerné. Comme une semence qui
germe dans un terrain fertile... Cela
peut donc être tout, mais pas
n'importe quoi.»
Études de
extrêmes
Christian
Joyal:
les
° Fantasmes typiques
(plus de 84
interrogées)
%
des
personnes
Ressentir des émotions romantiques
pendant une relation sexuelle. Avoir
des relations dans un endroit
romantique (féminin et masculin).
Recevoir du sexe oral ou avoir une
relation
avec
deux
femmes
(masculin).
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
° Fantasmes inhabituels (moins de
15,9%)
(pour les femmes)
Uriner sur son partenaire ou se faire
uriner dessus; porter des vêtements du
sexe opposé; forcer quelqu'un à avoir
une relation sexuelle; avoir une
relation avec un(e) prostitué(e);
abuser d'une personne en état
d'ébriété
ou
inconsciente;
faire
l'amour avec une femme qui a de très
petits seins.
(pour les hommes)
Uriner sur son partenaire ou se faire
uriner dessus; faire l'amour avec deux
hommes ou plus.
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news·20150301·QSC·0012 - Date d'émission : 2015-09-13
Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire.
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34
° Fantasmes rares
(moins de 2,3
interrogées)
%
des
personnes
Avoir une relation sexuelle avec un
jeune enfant ou avec un animal.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Quotidien du Médecin
Décryptage, jeudi 18 juin 2015
Psychiatre
Un outil en perpétuelle évolution
Psychiatrie
« Ce n'est qu'une classification
clinique », annonce en préambule le
Dr Marc-Antoine Crocq, psychiatre en
Alsace et coordonnateur de la
traduction du DSM-5. Prenant le parti
de
désamorcer
les
éventuelles
critiques contre le manuel, il ajoute :
« Les affections classifiées dans cet
ouvrage sont des modèles plus que
des maladies réelles », ajoute le
coordonnateur de sa traduction.
Pour l'un des auteurs du DSM-5, le Pr
Marc Auriacombe, chercheur et
psychiatre à Bordeaux, le manuel
s'oriente désormais vers la «
prévention » et le « repérage
précoce » basés sur l'existence de
thérapeutiques validées. Ce que son
confrère, le Dr Claude Bursztejn,
pédopsychiatre et vice-président de
l'Association nationale des centres de
ressources autisme (ANCRA) critique
vivement. Prenant l'exemple des
troubles du spectre autistique (TSA),
ce dernier argumente : « Ce
diagnostic rassemble des situations
extrêmement hétérogènes. Je ne vois
pas comment l'on pourrait en tirer une
indication thérapeutique. » Pour le
spécialiste, l'élargissement de certains
critères et l'ajout de diagnostics, ne
suffisent pas à brasser la clinique
pédopsychiatrique : « Les spécificités
de
l'enfant
sont
gommées
et
considérées au travers du filtre des
pathologies chroniques. » Alors même
que, dit-il, les difficultés les plus
fréquentes - absentes du manuel motivent
la
majorité
des
consultations.
Plus pragmatique que théorique
Selon Marc-Antoine Crocq le DSM-5
reste le « gold standard » des
classifications parce que la plus
validée et la moins arbitraire,
élaborée par un large consortium
d'experts
et
validée
par
les
neurosciences. Du moins était-ce son
ambition car la recherche avançant à
pas de géants, le DSM-5 mériterait
déjà une révision... « Le DSM n'est
pas figé », reconnaît le Pr
Auriacombe. Encore moins son usage,
© 2015 Le Quotidien du Médecin. Tous droits réservés. ; CEDROM-SNi inc.
news·20150618·SQU·761356 - Date d'émission : 2015-09-13
Ce certificat est émis à Cégep-Granby-Haute-Yamaska à des fins de visualisation personnelle et temporaire.
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35
qui doit s'appuyer sur une mise à jour
perpétuelle
des
connaissances.
Imparfait par essence, car basé sur des
données encore lacunaires, le DSM-5
fournit néanmoins un « cadre ». Un
cadre qui permet de « se prémunir
contre les pratiques extrêmes »,
souligne le Pr Auriacombe. Plus
pragmatique que théorique, l'ouvrage
oeuvre depuis des décennies à
accorder les psychiatres sur un
langage commun. Sans l'ambition de
fournir un substrat théorique... si ce
n'est de faciliter le débat. Quant aux
conflits d'intérêts, les admettre n'est
pas être dupe. Pour Marc Auriacombe,
les
liens
avec
l'industrie
pharmaceutique sont inévitables, ces
derniers étant les plus grands
financeurs d'essais thérapeutiques. Et
le Dr Crocq d'y ajouter les conflits
d'intérêt politiques, économiques,
académiques (etc.), invitant les
psychiatres à se saisir du DSM-5,
l'esprit conscient, critique et ouvert
sur l'actualité scientifique.
Dr Ada Picard
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
L'Actualité, no. Vol: 38 No: 18
vendredi 15 novembre 2013, p. 52,53,54,55,56,58,60,61,62,63
En couverture
Vaincre le mal de vivre
Dominique Forget
Anxiété, dépression, vague à l'âme...
La détresse psychologique prend
des allures d'épidémie. Mais faut-il
pour autant la qualifier de maladie
mentale, comme le suggère le
nouveau Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux ?
Un «crisse de fou». C'est ainsi que
Serge Fiori se décrivait dans «L'exil».
Cette chanson, enregistrée en 1976
sur l'album mythique L'heptade, parle
d'un
marginal
que
le
monde
«enrage» : «J'vais juste être bien /
Quand j'vais me r'trouver tout nu / Au
creux d'mon lit, caché ben loin.»
Cachant sa blessure, il avance sur un
fil, tente de garder l'équilibre : «Me
reconnaissez-vous ? / C'est moi le
crisse de fou / Qui marche au-dessus
d'la ville.»
Dans ces paroles, les inconditionnels
du groupe Harmonium pouvaient
percevoir un iconoclaste qui refusait
de s'intégrer à une société trop rigide.
Ou peut-être un coeur sensible
écorché par des amours blessées.
Pour ceux qui redécouvrent Serge
Fiori dans sa biographie, S'enlever du
chemin, les paroles de «L'exil»
prennent une nouvelle dimension. Le
«crisse de fou», aujourd'hui âgé de 61
ans, y raconte la bataille qu'il a menée
contre la maladie mentale. Souffrant
de terribles crises d'anxiété, le
chanteur
avait
l'impression
de
descendre aux enfers chaque fois qu'il
montait sur scène. Porté aux nues par
ses admirateurs, mais craquant sous la
pression de la notoriété, il sentait les
espaces autour de lui se rétrécir, sa
vision se brouiller, les sons se
mélanger.
Après un spectacle à Bromont avec
Richard Séguin, en 1979, il a quitté la
scène et s'est promis qu'il n'y
remonterait jamais. Quelques années
plus tard, isolé dans un loft près de
l'Université McGill, il n'arrivera
presque plus à sortir de chez lui, osant
à peine faire quelques pas dehors.
Si Fiori a décidé de raconter son
histoire, c'est parce qu'il est «écoeuré
des rumeurs». «On pense que je suis
sur la dope ou que je suis une bibitte
extraterrestre», soupire-t-il, assis dans
une cuisine bleu ciel du PlateauMont-Royal, à l'étage d'un duplex où
il enregistre son premier album solo
depuis 1987.
Entre deux sushis, il passe la main
dans ses cheveux, allume une
cigarette. «Le monde n'a pas de pitié
pour les originaux, dit-il. Dans le
milieu artistique, tu peux avoir l'air
cool pendant un temps, mais dans le
vrai monde du travail, tu passes pour
un faible.»
Et pourtant, Fiori se débrouille plutôt
bien aujourd'hui. Son médecin a
trouvé en janvier le «petit fil détaché
dans
son
cerveau».
Avec
la
36
médication et une psychothérapie, il
arrive à gérer les crises d'anxiété, de
plus en plus rares. Il espère remonter
sur scène un jour. «Faudra voir.»
Mais il en aura mis du temps à se
faire soigner. Sa première crise, il l'a
vécue à l'adolescence - un bad trip
survenu après qu'il eut fumé un joint
teinté de LSD. L'anxiété et la
paranoïa l'ont assailli, pour ne plus le
lâcher. À l'époque, le cégépien
craignait de se rendre à l'hôpital. Il a
finalement consulté un psychologue.
Le verdict l'a frappé comme une
massue : psychose. «J'ai pris mes
jambes à mon cou, raconte Fiori. La
folie, c'était ma plus grande peur. On
aurait pu m'enfermer à Louis-H.», ditil en frissonnant.
«Louis-H.», c'est l'hôpital Louis-H.
Lafontaine. À l'époque où Serge Fiori
a fait son bad trip, à la fin des années
1960, il portait le nom d'hospice
Saint-Jean-de-Dieu. Le plus grand
hôpital psychiatrique du Québec,
fondé en 1873 par les Soeurs de la
Providence, a en effet changé de nom
en 1975 puis en 2013. On l'a alors
rebaptisé Institut universitaire en
santé mentale de Montréal (IUSMM).
Mais l'établissement n'a jamais réussi
à se départir de l'image d'un passé
marqué par les mauvais traitements,
où l'on enfermait sans discernement
les marginaux avec les mélancoliques,
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
les déments ou les idiots, selon les
termes employés alors.
«À la fin des années 1960, 6 000
patients vivaient ici», raconte Denise
Fortin, psychologue et directrice de
l'hôpital, dont le bureau est aménagé
là où se trouvait autrefois la salle de
bains d'un dortoir d'une quarantaine
de lits. L'hôpital avait alors le statut
de municipalité, avec son maire, ses
services de police et de loisirs ! «Ce
n'étaient pas les heures de gloire de la
psychiatrie, déplore la directrice. La
plupart des gens qui arrivaient ici ne
repartaient jamais.»
La découverte de médicaments plus
efficaces, la mise en place de
ressources d'hébergement dans la
collectivité et la reconnaissance des
droits des malades ont mené à la
fermeture progressive des lits à partir
des
années
1970.
Aujourd'hui,
l'IUSMM n'en compte plus que 350.
Et l'administration prévoit en fermer
d'autres, réservés aux soins de longue
durée.
Les hôpitaux psychiatriques ne sont
plus que l'ombre d'eux-mêmes, et
pourtant le monde n'a jamais semblé
aussi fou. «Il n'y a jamais eu autant de
détresse psychologique», corrige la
directrice de l'hôpital, qui préfère les
termes plus politiquement corrects.
«On peut presque parler d'une
épidémie.»
Selon un rapport publié par l'Institut
de la statistique du Québec en 2010
(basé sur des chiffres recueillis en
2002 par Statistique Canada), 23 %
des Québécois éprouveraient un
niveau de détresse psychologique
élevé, soit 27 % des femmes et 20 %
des hommes.
Il y aurait aujourd'hui plus de
Québécois incapables de travailler en
raison de problèmes de santé mentale
que pour toute autre raison. Selon le
Dr Martin Tremblay, psychiatre
depuis 1996 à l'hôpital Notre-Dame
(Centre hospitalier de l'Université de
Montréal) et dans une clinique privée
à Outremont, la prévalence des
troubles de santé mentale graves comme la schizophrénie ou la
bipolarité - n'a pas bougé depuis
l'époque où les Soeurs de la
Providence soignaient les aliénés à
Saint-Jean-de-Dieu.
Elle
serait
d'environ 1 % pour la schizophrénie,
d'environ 2 % pour la bipolarité. La
dépression et l'anxiété, en revanche,
se propagent comme un feu de paille.
«On dirait que chaque décennie le
niveau d'anxiété dans la société
augmente, constate le psychiatre. Tout
va plus vite, les gens ont moins de
repères, moins de périodes où ils
peuvent se reposer. Il faut toujours
être à fond la caisse.»
Mais à lui seul, le stress ne peut
expliquer l'épidémie de problèmes de
santé mentale qui ravage les sociétés
occidentales. Après tout, nos ancêtres
ont vécu la Grande Dépression et
deux guerres mondiales ! La vraie
raison se situerait ailleurs, selon le Dr
Tremblay. Nous serions devenus
collectivement allergiques au deuil, à
l'inquiétude, à l'exubérance, aux
colères
des
enfants,
aux
dépendances... «Notre société n'est
pas très tolérante à l'égard de ceux qui
sortent du cadre et qui ne sont pas
dans la performance, observe-t-il.
Même une personne en deuil qui
s'apitoie sur son sort un peu trop
longtemps est vite considérée comme
un malade à traiter.»
On n'enferme peut-être plus les
marginaux, mais on n'a jamais été
aussi prompt à leur coller un
diagnostic de maladie mentale.
37
Départager la souffrance «normale»,
inhérente à toute vie, de la souffrance
pathologique,
qui
nécessite
un
traitement, n'a jamais été simple. La
psychiatrie n'est pas comme les autres
disciplines de la médecine, où une
prise de sang ou une radiographie
permet de savoir d'où vient le mal. Le
cerveau est infiniment plus complexe
qu'un coeur. Il contient 100 milliards
de neurones, chacun connecté à 1 000
autres, pour un total de 100 000
milliards de connexions synaptiques.
Ni l'imagerie cérébrale ni la génétique
n'ont encore rendu possible la mise au
point d'un test qui permettrait de
dépister une dépression ou la
schizophrénie.
Les psychiatres se fient à leur
jugement clinique pour poser un
diagnostic, mais les frontières qui
séparent les troubles mentaux les uns
des autres sont rarement claires.
Surtout que les patients brouillent les
cartes en tentant de cacher leurs
symptômes... ou en les exagérant.
«À l'urgence, je vois régulièrement
des gens qui arrivent en ambulance»,
raconte le Dr Tremblay, qui a agi
jusqu'en 2012 à titre de président de
la Fondation des maladies mentales.
«Très souvent, ils ne veulent rien
savoir d'être hospitalisés. Ils nient
être suicidaires ou avoir des idées
délirantes et font tout pour qu'on les
laisse partir sans se faire coller un
diagnostic de maladie mentale.»
Dans
sa
clinique,
Expertise
Neurosciences,
spécialisée
en
expertise médicolégale, il se bute au
problème opposé. Il évalue des
patients que lui adressent des
compagnies
d'assurances
ou
la
Commission de la santé et de la
sécurité du travail. «Il peut s'agir d'un
travailleur en burnout qui raconte être
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
tombé malade à cause du harcèlement
psychologique de son patron, explique
le médecin. Il dit qu'il ne dort plus, a
des idées noires et est anxieux à l'idée
de retourner au travail. Dans son cas,
il y a des bénéfices liés à un
diagnostic. Il veut qu'on le déclare
malade. Ce n'est pas toujours facile
pour un psychiatre de trancher.»
Pourtant, il existe un outil censé
départager ceux qui sont sains d'esprit
de ceux qui sont malades. Le Manuel
diagnostique
et
statistique
des
troubles mentaux (ou DSM, pour
Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders) énumère, pour
chaque trouble de santé mentale
reconnu par l'Association américaine
de
psychiatrie,
une
liste
de
symptômes que doit manifester le
patient pendant une certaine durée. Il
est largement utilisé en Amérique du
Nord et étend son influence partout
dans le monde, faisant de l'ombre à la
Classification
internationale
des
maladies, publiée par l'Organisation
mondiale de la santé.
Pour qu'on diagnostique chez elle une
dépression majeure, selon le DSM,
une personne devrait présenter au
moins cinq des symptômes suivants
pendant au moins deux semaines :
humeur triste, perte d'intérêt pour
toute activité (y compris les plus
plaisantes), perte d'appétit, trouble du
sommeil, problèmes de concentration,
agitation, fatigue, sentiment de
culpabilité, idées noires.
Mais pourquoi cinq critères et pas six
ou sept ? Et pourquoi pas pendant
quatre semaines ? «C'est là tout le
problème
avec
la
psychiatrie»,
maugrée le Dr Allen Frances, qui a
supervisé le DSM-IV, paru en 1994.
Transfuge, ce psychiatre américain est
devenu l'un des critiques les plus
virulents
du
manuel,
dont
la
cinquième mouture, le DSM-5 (on a
laissé tomber la numérotation en
chiffres romains pour cette dernière
édition), a été publiée en mai dans un
tollé général. «Le processus qui
permet de dresser la liste des critères
diagnostiques
est
très
peu
scientifique, dénonce-t-il. Les bonzes
de la psychiatrie américaine se
réunissent, défendent leur position à
propos de ce qu'ils croient être les
meilleurs critères pour diagnostiquer
un trouble, se disputent, font des
compromis.» Selon lui, il existerait
moult raisons faisant qu'un trouble
précis se retrouve ou non dans le
DSM : un expert a plus d'influence
qu'un autre, on n'a pas trouvé mieux,
sans parler des raisons culturelles et
historiques.
La psychiatrie, après tout, a toujours
été influencée par les moeurs de son
époque. À l'époque où Saint-Jean-deDieu a ouvert ses portes, les femmes
qui rejetaient le rôle de nourricière
étaient souvent reconnues comme
hystériques. L'homosexualité a été
considérée comme une maladie
mentale jusqu'en 1987. Le comité du
DSM-5, lui, a inclus l'hyperphagie
(«la gourmandise d'autrefois», dit
Frances pour se moquer) et la perte de
mémoire associée à la vieillesse («j'en
suis certainement atteint...»).
«Les psychiatres ont besoin de
nommer le mal qui affecte un patient,
et c'est normal», déclare Allen
Frances, qui dénonce le DSM-5 dans
Saving Normal : An Insider's Revolt
Against Out-of-Control Psychiatric
Diagnosis, DSM-5, Big Pharma, and
the Medicalization of Ordinary Life.
«Mais l'Association américaine de
psychiatrie a dépassé les bornes. On
peut se demander si ce n'est pas la
profession qui est devenue folle.»
38
Le DSM, croit-il, est trop influent,
compte tenu de la faiblesse de ses
bases scientifiques. À partir des
critères listés, on peut déterminer non
seulement qui est sain et qui est
malade, mais aussi qui aura droit à
certains services de santé payés par
l'État, qui se verra refuser une
assurance invalidité - ou même si un
meurtrier doit être considéré comme
un criminel ou une personne à
soigner.
«À chaque version, on a élargi le
territoire de la pathologie, dit le Dr
Frances.
L'intention
n'était
pas
mauvaise, mais on se retrouve avec un
manuel à partir duquel à peu près
n'importe qui peut être reconnu
comme ayant un problème de santé
mentale.»
Les
sociétés
pharmaceutiques,
souligne-t-il, ont été les premières à
tirer profit de cette multiplication des
diagnostics. Les psychotropes (qui
agissent sur le système nerveux) sont
devenus des vaches à lait. Les ventes
d'antipsychotiques
(prescrits
à
l'origine
aux
schizophrènes
et
maintenant utilisés à d'autres fins,
dont la simple insomnie) ont atteint
18 milliards de dollars aux États-Unis
en 2011. Les antidépresseurs, eux, ont
généré 11 milliards de dollars.
«À peu près tout le monde connaîtra
dans sa vie un épisode où il dormira
mal, manquera d'appétit, aura du mal
à se concentrer», signale le Dr
Frances. Cela signifie-t-il qu'on est
malade, ou a-t-on besoin de souffler
un peu ? «C'est cette zone grise que
les sociétés pharmaceutiques ont
appris à exploiter, dénonce-t-il. Elles
affirment à la planète entière qu'il est
possible d'être parfaitement heureux
et performant tout le temps.»
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Date de création : 14 septembre 2015
Confortablement assis au fond de son
fauteuil, dans un bureau décoré de
souvenirs rapportés d'un voyage au
Japon, le Dr Joel Paris a le sourire
calme d'un thérapeute bienveillant. Il
y a 50 ans, il a quitté les États-Unis
pour étudier à l'Université McGill, et
il n'est plus reparti. Affilié à l'Hôpital
général juif et à l'hôpital Royal
Victoria (Centre universitaire de santé
McGill), il a vu défiler toutes les
versions du DSM et a assisté à la
hausse fulgurante de la consommation
de psychotropes.
Du haut de ses 72 ans, il ose dire tout
haut ce que les autres murmurent.
«Les patients exercent de la pression
sur les médecins pour obtenir des
antidépresseurs, déclare-t-il. Très peu
d'entre nous refusent d'en prescrire,
même lorsque nous jugeons que ce
n'est pas absolument nécessaire. Moimême, je ne veux pas fâcher mes
patients !»
Une étude publiée en 2011 par le
Conseil du médicament a révélé que,
parmi les 2,54 millions de Québécois
assurés
par
le
régime
public
d'assurance médicaments en 2009, un
sur sept prenait des antidépresseurs.
Toutes ces pilules ont sûrement des
effets bénéfiques, car selon l'Institut
de la statistique du Québec, le taux de
suicide en 2010 était à son plus bas
depuis 30 ans dans la province, soit
13,7 pour 100 000 habitants, contre
22,2 en 1999. Le Dr Paris estime
toutefois que sur les 14 millions
d'ordonnances délivrées en 2011,
seulement la minorité était destinée à
des personnes qui faisaient une
dépression majeure.
Une part du blâme pour la
surprescription
revient
aux
psychiatres, mais de l'avis du Dr
Paris, le problème se situe surtout au
niveau
des
omnipraticiens,
qui
peuvent prescrire des antidépresseurs
à l'issue d'une courte consultation.
«Nous,
les
psychiatres,
nous
retrouvons généralement à voir les cas
graves, où le besoin de prescrire est
plus évident, dit le Dr Paris. En
première ligne, les omnipraticiens
voient Monsieur et Madame Tout-lemonde en peine d'amour, en deuil ou
mis à pied.» Lorsqu'il s'agit d'une
consultation sans rendez-vous, ils ont
très peu de temps pour évaluer les
patients. Ils préfèrent ne pas courir le
risque de laisser un patient quitter
leur cabinet sans filet de sécurité.
Ces «faux» malades tirent-ils profit
des antidépresseurs ? Ou profitent-ils
d'un effet placebo ? «On ne le sait
pas, répond le Dr Tremblay. Pour des
raisons éthiques, il est impossible de
mener des études cliniques sur des
personnes "à moitié" déprimées. On
ne peut pas sciemment donner des
médicaments à des gens qui ne sont
pas malades.»
Serge Fiori a détesté son expérience
avec
les
antidépresseurs.
Son
médicament
actuel,
un
antipsychotique, lui convient mieux.
«Les
effets
secondaires
des
antidépresseurs sont terribles», peste
le musicien. Ils peuvent en effet
causer des troubles gastro-intestinaux,
des maux de tête, une diminution de
la libido ou un émoussement
émotionnel chez certains. Mais
d'autres
ne
sont
aucunement
indisposés. Mélanie, une gestionnaire
qui préfère ne pas divulguer son nom
de famille, ne se passerait plus de son
Celexa. Elle a commencé à en prendre
il y a plus de 10 ans, pour l'aider à
traverser une séparation difficile. «Ma
peine s'est envolée depuis belle
lurette, mais je n'ai jamais arrêté les
39
médicaments. Avant, j'avais un fond
anxieux. Maintenant, je dors bien ; je
me sens pratiquement invulnérable. Je
préfère ne pas prendre le risque de les
arrêter.»
Ce n'est pas prouvé, mais d'après
l'intuition de certains médecins, les
antidépresseurs aideraient à soulager
des «symptômes» qui ne sont pas
associés à une maladie. Ils pourraient
aider à calmer les soucis ou à réguler
le sommeil, même lorsque le système
biologique n'est pas atteint. C'est ce
qu'on appelle la pharmacologie
esthétique ou cosmétique.
Cette pratique, si elle s'avérait
efficace, serait-elle à proscrire ? On
prend bien un médicament antidouleur
quand on se fait arracher une dent.
Pourquoi ne prendrait-on pas un
antidépresseur pour soulager une
peine d'amour, si cela nous permet de
retrouver l'appétit ? «Faut-il vraiment
vivre pleinement la souffrance parce
que ça fait partie de la vie ?» se
questionne le Dr Tremblay.
Si l'industrie pharmaceutique fait un
pactole sur le dos des dépressifs, elle
s'enrichit davantage lorsqu'un patient
est bipolaire. Or, la ligne qui sépare
ces deux troubles n'est pas toujours
facile à tracer. Pour un bipolaire
«classique», le diagnostic est en
général assez aisé. L'humeur du
patient fluctue entre des périodes de
dépression et des épisodes d'euphorie
(ou «phases maniaques»). Il peut alors
dépenser sans compter, avoir des
idées de grandeur ou se sentir reposé
après quelques heures de sommeil.
Le diagnostic se corse lorsque les
phases maniaques manquent de
flamboyance : la personne se sent
créative, d'humeur légère, capable de
tout, mais pas d'une façon qui dépasse
outrageusement les bornes. Est-elle en
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Date de création : 14 septembre 2015
phase
maniaque
ou
va-t-elle
simplement «bien» ? L'Association
américaine de psychiatrie a appelé cet
état «hypomanie». Depuis la parution
du DSM-IV, les personnes qui
alternent entre des phases dépressives
et des phases hypomaniaques ont leur
propre diagnostic : bipolarité de type
2.
«Depuis cet ajout, il y a certainement
des dépressifs "purs" - dont les creux
de vague sont entrecoupés de périodes
où ils se sentent "bien" - qui reçoivent
à tort un diagnostic de bipolarité de
type 2», estime le Dr Frances.
Dans ce cas, il ne voit pas
nécessairement le surdiagnostic d'un
mauvais oeil. «Mieux vaut ratisser un
peu plus large et ne pas courir le
risque de prendre à tort un bipolaire
pour un dépressif», juge-t-il. Car
donner des antidépresseurs à une
personne bipolaire peut entraîner de
lourdes
conséquences.
Les
médicaments pourraient provoquer un
état maniaque ou une fluctuation
rapide entre les phases de dépression
et d'euphorie. Il faut donner aux
bipolaires, en plus d'un antidépresseur
(s'il est prescrit), un stabilisateur
d'humeur (comme le lithium ou
l'Epival) ou encore un antipsychotique
(comme le Zyprexa, le Risperdal ou le
Seroquel).
Certes, ces médicaments ont des
effets secondaires importants et
peuvent provoquer des gains de poids
et des problèmes de diabète. «Nous
avons malgré tout jugé qu'il était plus
sage de courir le risque de les
prescrire inutilement à des dépressifs
plutôt que de ne pas les donner à des
personnes qui seraient bipolaires de
type 2», dit le Dr Frances.
Sauf que le nombre de cas de
bipolaires de type 2 a dépassé ce
qu'avait
envisagé
le
psychiatre
lorsqu'il a donné son aval à cette
décision. Il montre du doigt l'industrie
pharmaceutique, qui a fait la
promotion du diagnostic auprès des
médecins. «Pour elle, ce marché de
bipolaires est une mine d'or»,
dénonce-t-il.
Le Dr Frances craint que l'épidémie
de diagnostics ne prenne encore plus
d'ampleur avec la mise en application
de la dernière version du DSM. Le
trouble de déficit de l'attention, par
exemple, pourrait devenir contagieux
chez les adultes. «Avec le DSM-5, on
a légèrement abaissé les critères
diagnostiques, explique-t-il. Ce sera
plus facile pour un adulte de dire à
son médecin qu'il a du mal à se
concentrer au boulot et d'obtenir des
médicaments comme le Ritalin.»
Le Dr Paris, pour sa part, voit ce
changement plutôt d'un bon oeil. «Les
nouveaux critères vont permettre à
des personnes qui nous échappaient
auparavant d'obtenir un diagnostic et
d'être rassurées, espère-t-il. Pour le
moment, de nombreux adultes se
considèrent comme idiots, alors qu'on
a les moyens de les aider.»
Parmi les autres troubles qui font leur
entrée dans le DSM-5, le «trouble
cognitif mineur» divise aussi les
psychiatres. Ce problème de santé
mentale pourra être diagnostiqué chez
une personne âgée qui oublie ses clés
ou le nom de ses petits-enfants, au
point que cela nuise à son
fonctionnement
dans
la
vie
quotidienne.
Les spécialistes responsables du
DSM-5 croient que les psychiatres
pourront ainsi détecter les personnes
qui présentent des signes précoces de
démence et leur proposer des
traitements
qui
sont
efficaces
40
seulement lorsque la maladie est prise
très en amont. Mais la question est de
savoir où tracer la ligne entre les
petits oublis qui surviennent chez
toute personne vieillissante et une
réelle pathologie. «Des septuagénaires
en bonne santé risquent de se faire
prescrire
des
médicaments
inutilement», tonne le Dr Frances.
«Il est temps de sonner l'alarme»,
juge Doris Provencher, directrice
générale de l'Association des groupes
d'intervention en défense des droits en
santé mentale du Québec (AGIDDSMQ). «On est en train de coller
toutes sortes d'étiquettes à des gens
qui n'en ont pas besoin et qui vont
traîner ça toute leur vie. Un
diagnostic de maladie mentale, c'est
un boulet chaque fois que tu veux
décrocher une job, obtenir la garde de
tes
enfants
ou
souscrire
des
assurances.»
Sauf exception, un juge n'a pas accès
au dossier médical d'un père qui
demande la garde de son enfant.
«Mais s'il a fait une dépression
majeure et que son ex sort cette
information
en
cour,
ça
peut
influencer le juge», croit Jean-Pierre
Ménard, avocat qui défend les
personnes atteintes de problèmes de
santé mentale depuis 33 ans. Idem
pour un employeur. «En principe, il
n'a pas accès au dossier médical de
ses employés, poursuit l'avocat. Mais
si l'information voulant que l'un d'eux
soit bipolaire circule, il risque de
regarder ailleurs quand viendra le
temps d'accorder une promotion.»
Pour ce qui est des assurances, la
réponse est claire. «Nous évaluons le
dossier médical avant d'accorder une
assurance invalidité ou vie», explique
Nathalie Tremblay, chef des produits
d'assurance santé chez Desjardins.
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Date de création : 14 septembre 2015
Une personne qui souffre d'un trouble
anxieux grave ne pourra pas obtenir
d'assurance invalidité, même si elle
est traitée à l'aide d'antidépresseurs.
Si le trouble anxieux est léger ou
modéré, elle pourra éventuellement
obtenir une assurance assortie d'une
clause précisant que si elle tombe
malade en raison d'un trouble
nerveux, elle ne sera pas couverte.
«Il ne faut pas rendre le DSM
responsable de la cupidité des
compagnies d'assurances, dit le Dr
Paris. Il n'est pas la cause de tous les
maux.»
Même s'ils admettent que le DSM
n'est pas parfait, tous les psychiatres
interrogés pour ce dossier, même
Allen Frances, défendent le principe
du manuel. «Il nous faut un tel
ouvrage en psychiatrie, explique la
Dre Patricia Garel, du CHU SainteJustine. Ça permet aux psychiatres
d'avoir un langage commun.» Et il
faut faire confiance au jugement
clinique des psychiatres, précise le Dr
Paris. «Le DSM, ce n'est pas la bible,
c'est un guide. Et un diagnostic bien
posé, ça peut sauver une vie.»
Le manuel, cependant, ne dit rien au
sujet des traitements. «Il n'y a presque
plus de psychiatres qui font de la
psychothérapie, même si on sait que,
dans bien des cas, celle-ci est aussi
efficace,
sinon
plus,
que
la
médication, s'inquiète le Dr Paris.
Moi, j'en fais encore, parce que je sais
que ça aide beaucoup mes patients
atteints d'un trouble de la personnalité
limite.»
Prescrire un médicament, souligne-til, est plus rapide et plus payant pour
un professionnel rémunéré à l'acte que
d'écouter un patient parler pendant
des heures pour remonter à la source
de son mal-être.
Les psychiatres ont laissé les services
de psychothérapie aux psychologues,
soit. Mais encore faudrait-il en
garantir l'accès aux Québécois qui
n'ont pas d'assurances privées et ne
peuvent pas payer 75 ou 150 dollars
l'heure, pour s'allonger sur le divan.
«C'est une des lacunes de notre
système de santé, estime Joel Paris.
En garantissant 20 heures par an de
psychothérapie gratuite à tous les
Québécois, l'État économiserait. Il y
aurait moins de visites chez le
médecin, moins de tests inutiles.» Et
moins d'urgences psychiatriques.
Bon an, mal an, les urgences
reçoivent 4 500 patients souffrant de
problèmes
de
santé
mentale.
«N'importe qui peut se retrouver ici,
déclare Michel Lahaie, chef du
programme
d'évaluation
et
d'interventions brèves de l'IUSMM
(l'ex-Louis-H. Lafontaine). Ne pensez
pas que vous êtes à l'abri.» Lui-même
a «craqué» lorsqu'il étudiait en soins
infirmiers tout en travaillant à temps
plein à l'hôpital. «Un mois avant mon
diplôme, je me suis mis à faire des
crises d'anxiété. Je ne dormais plus, je
ne mangeais plus.» Sa famille l'a
épaulé et il a repris peu à peu du poil
de la bête. «Si j'avais été isolé,
j'aurais pu me retrouver à l'urgence
d'un hôpital psychiatrique, en proie à
des idées noires», dit-il.
Mais la majorité des patients
hospitalisés à l'IUSMM sont des
schizophrènes. Dans leur cas, on est
loin de la zone grise qui départage la
«normalité» de la pathologie. Ils ont
les deux pieds dans la maladie.
Pourtant, quelque chose les unit aux
anxieux, aux timides, aux «trop
gourmands» : ils sortent du cadre.
Bernard Saulnier, 57 ans, le sait. Il a
commencé à entendre des voix qui le
41
dénigraient
à
sa
sortie
de
l'adolescence.
Ayant
reçu
un
diagnostic de schizophrénie, il vit
aujourd'hui dans un appartement
supervisé. «Le plus lourd à porter,
c'est le regard des autres sur ma
différence», dit-il.
Cheveux grisonnants, lunettes et tshirt noirs, il a l'air légèrement
intello. Il tient un blogue sur le site de
l'IUSMM grâce auquel il espère
déboulonner quelques mythes, dont
celui voulant que les schizophrènes
soient des fous dangereux. «C'est pour
ma personne que je suis un danger,
dit-il. Quand je souffre, j'ai envie de
mourir.»
Si une chose n'a guère changé depuis
le bad trip de Serge Fiori et l'époque
où il restait enfermé chez lui, ce sont
les préjugés à l'égard des personnes
souffrant de problèmes de santé
mentale. Des vedettes ont révélé
qu'elles étaient bipolaires. Mais
aucune personnalité publique n'a dit
qu'elle
ou
son
enfant
était
schizophrène. «C'est un cancer plus
lourd à porter», dit Michel Lahaie.
Même à l'intérieur du système de
santé, les préjugés ont la vie dure.
Certaines personnes qui travaillent à
l'IUSMM hésitent à faire part de leur
détresse
psychologique
à
leurs
collègues. «J'ai fait une dépression
récemment, raconte Lise Boies, qui
dirige une unité d'appartements
supervisés rattachés à l'Institut. J'ai
choisi d'en parler. Je dis que je prends
des médicaments, car si je ne le fais
pas, qui le fera ? Mais je suis
consciente que ça pourrait nuire à ma
carrière.»
Michel
Lahaie
estime
qu'un
schizophrène ne pourrait jamais être
embauché à l'IUSMM, même s'il était
bien supervisé. «On aménagerait sans
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Date de création : 14 septembre 2015
problème des rampes pour un employé
en fauteuil roulant, mais on ne
proposerait pas un horaire de travail
fractionné à quelqu'un qui ne peut se
concentrer
pendant
huit
heures
d'affilée,
dit-il.
Les
personnes
atteintes de problèmes de santé
mentale ont besoin de traitements.
Mais si on changeait le regard qu'on
pose sur elles, si on avait plus de
compassion, on ferait un bon bout de
chemin.»
Il évoque le souvenir d'un patient
schizophrène qui aimait se rendre au
centre-ville. «Il parlait à voix haute,
raconte-t-il. Régulièrement, les gens
se plaignaient et la police le
ramenait.» Jusqu'au jour où l'équipe a
eu l'idée de lui installer une oreillette
Bluetooth.
«Il
n'avait
pas
de
téléphone, mais les gens avaient
l'impression qu'il s'obstinait avec son
boss, rigole Michel Lahaie. Il n'est
plus revenu.»
Serge Fiori en a soupé du regard
intransigeant que la société porte sur
les plus fragiles. «Les plus fous ne
sont pas toujours ceux qu'on pense»,
dit-il. Entre le courtier à la Bourse qui
court après le temps et prend des
médicaments pour dormir, le bipolaire
en phase maniaque qui nolise un
avion pour Londres et le musicien
qu'il était, terrorisé par la scène, il ne
voit que la diversité au sein d'une
même espèce. «Au fond, on est tous
pas mal "fuckés", remarque-t-il. Y en
a juste certains qui arrivent mieux que
d'autres à le cacher.»
Encadré(s) :
Une vraie dépression survient quand
le corps et l'esprit ne parviennent plus
à rebondir. «Si le chum revient et que
tout rentre dans l'ordre, il n'y a pas de
mal sérieux sur le plan biologique»,
dit le Dr Paris.
Les sociétés pharmaceutiques ont été
les premières à tirer profit de la
multiplication des diagnostics dans le
DSM. Aux États-Unis, en 2011, les
ventes d'antidépresseurs ont généré 11
milliards de dollars.
En mai 2013, 129 809 Québécois
recevaient
des
prestations
du
Programme de solidarité sociale,
parce que leur état de santé les
empêchait d'occuper un emploi pour
une
durée
permanente
ou
indéterminée. Sur ce nombre, 42,5 %
avaient été déclarés inaptes pour des
raisons de santé mentale, contre
30,7 % en 1998. Et ce taux
augmenterait chaque année.
«Un diagnostic de maladie mentale,
c'est un boulet chaque fois que tu
veux décrocher une job, obtenir la
garde de tes enfants ou souscrire une
assurance.»
«Il n'y a presque plus de psychiatres
qui font de la psychothérapie, même
si l'on sait que, dans bien des cas, elle
est aussi efficace, sinon plus, que la
médication.»
À QUI S'ADRESSER
Que faire si un proche a besoin de
soins ?
Un Québécois qui traverse un passage
à vide peut s'adresser au guichet
d'accès en santé mentale d'un CSSS.
En principe, selon les normes du
ministère de la Santé, il devrait être
évalué dans les 7 jours, généralement
par un travailleur social ou une
infirmière. Et il devrait avoir accès
aux services appropriés en moins de
30 jours (en incluant les 7 jours
précédents). En réalité, les temps
d'attente sont beaucoup plus longs. Ils
varient d'un CSSS à l'autre en
fonction du type de service requis, de
42
la période de l'année et
disponibilité du personnel.
de
la
Les cas urgents sont pris en charge
rapidement. Et les patients vraiment à
risque, qui font une psychose par
exemple, sont dirigés vers le centre de
crise du CSSS (centredecrise.ca) ou
vers les urgences. On peut obtenir de
l'information au 811 ; et dans le cas
de sujets suicidaires, au 1 866
APPELLE (277-3553). Seuls les
malades en état de crise, en proie à
une psychose ou à des idées
suicidaires par exemple, sont gardés à
l'hôpital. Ils obtiennent leur congé
lorsqu'ils ont été stabilisés.
Affiliées à l'Institut universitaire en
santé
mentale
de
Montréal,
2 200 «ressources externes» - des
places dans des foyers de groupe ou
dans des appartements supervisés permettent aux utilisateurs de services
de vivre hors de l'hôpital, tout en
recevant un encadrement, des soins et
des services. Pour ceux qui ont leur
logement mais ont besoin de soutien,
une unité de suivi intensif assure la
distribution de leurs médicaments à
domicile et des visites pour les aider à
organiser leur vie quotidienne.
LE DSM EN 5 DATES
DSM-I 1952 130 pages 106 maladies
brièvement décrites
DSM-II 1968 134 pages 182 troubles
mentaux recensés
DSM-III
1980
494
265 diagnostics présentés
pages
DSM-IV 1994 886 pages 297 troubles
mentaux recensés
DSM-5 2013 947 pages 300 maladies
répertoriées
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Illustration(s) :
La version intégrale de ce reportage a été publiée en livre numérique (lactualite.com/boutique).
PHOTOS DE JEAN-FRANÇOIS LEMIRE
Serge Fiori, ex-chanteur du groupe Harmonium. De graves crises d'anxiété l'ont éloigné de la scène et tenu à l'écart de
la société pendant de longues années.
PHOTOS DE JEAN-FRANÇOIS LEMIRE
Le Dr Martin Tremblay, psychiatre à l'hôpital Notre-Dame, à Montréal. «Pourquoi ne prendrait-on pas un antidépresseur
pour soulager une peine d'amour, si cela nous permet de retrouver l'appétit et de mieux dormir ? Faut-il vraiment vivre
pleinement la souffrance parce que ça fait partie de la vie ?»
PETER ERIKSSON / ETSA IMAGES / CORBIS
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news·20131115·TU·0032 - Date d'émission : 2015-09-13
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43
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Quotidien du Médecin
Spécialités, jeudi 19 décembre 2013
Psychiatrie
Polémique autour du DSM-5
Plaidoyer pour un usage raisonné
Dr GÉRARD BOZET
Lancé en mai 2013, le DSM-5 ne
cesse de soulever des protestations
éthiques et conceptuelles issues de
tous bords, du champ de la
psychanalyse
à
celui
de
la
psychiatrie
biologique.
Une
classification de la folie qui se veut
objective peut-elle être fiable ? Le
Pr Bernard Granger* propose un
usage du DSM-5 pondéré, souple et
non exclusif.
ANNONCÉE LE 18 mai 2013,
l'édition de la cinquième édition du
Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux (DSM, pour «
Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders ») de l'Association
Américaine de Psychiatrie (APA), ou
DSM-5 est, comme le DSM-IV, une
évolution mineure du DSM-III, publié
en 1980 (1). Cette édition avait pour
mission d'homogénéiser les pratiques
diagnostiques et le vocabulaire utilisé
par les psychiatres. Le DSM est ainsi
destiné à faire office de check-list de
symptômes et aider à poser un
diagnostic
sur
des
critères
relativement objectifs et consensuels.
L'apparition
compulsive.
de
l'accumulation
Le DSM-5 compte un nombre limité
de changements. Il y a une certaine
prudence à inclure des nouvelles
catégories et non pas un laxisme,
comme voudraient le faire croire ses
détracteurs.
Parmi
elles
figure
l'accumulation compulsive (Hoarding
Disorder), trouble connu depuis
longtemps sous le nom de syndrome
de Diogène. Le DSM-5 n'a en l'espèce
rien inventé, mais l'apparition de ce
trouble au sein du manuel conduira
peut-être à un meilleur repérage.
Néanmoins, un mouvement tend à
étendre le champ de la pathologie
psychiatrique à des troubles proches
de la normalité. Le surdiagnostic en
est un risque. De plus, le DSM facilite
le recours au médicament car il est
fondé sur un modèle très médical
enchaînant symptômes, diagnostic et
traitement.
Les
AMM
des
médicaments sont le plus souvent
libellées selon les diagnostics DSM.
Le traitement médicamenteux est ainsi
souvent la solution de facilité, plus
aisée à mettre en oeuvre qu'une
psychothérapie.
Pour user au mieux du DSM-5, il ne
faut pas le suivre aveuglément ni le
considérer comme la pierre angulaire
de l'édifice psychiatrique (3, 4). Le
DSM est un instrument parmi d'autres,
44
qui
sert
utilement
de
cadre
diagnostique mais ne se suffit pas à
lui-même. Toutes les souffrances
psychiques ne rentrent pas dans des
cases ! Le simple fait que le DSM soit
soumis à des révisions périodiques
montre bien la relative souplesse avec
lequel il faut l'utiliser...
Note(s) :
*
Responsable
de
l'unité
de
psychiatrie de l'Hôpital Tarnier,
Paris(1)
American
Psychiatric
Association
:
Diagnostic
and
Statistical
Manual
of
Mental
Disorders, 5th edition. Arlington,
VA
:
American
Psychiatric
Association ; 2013.(2) Kupfer D. The
DSM-5 - an interview with David
Kupfer. BMC Medicine 2013 ; 11 :
203.(3) Nemeroff CB, Weinberger D,
Rutter M, MacMillan HL, Bryant RA,
Wessely S, et al. DSM-5 : a collection
of psychiatrist views on the changes,
controversies, and future directions.
BMC Medicine 2013 ; 11(1):1-1. (4)
Adam D. Mental health : On the
spectrum. Nature 2013 ; 496 (7446) :
416-8.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
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45
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le Quotidien du Médecin
Spécialités, jeudi 5 décembre 2013
Psychiatrie
Le DSM 5, avancées et limites
Une mise à jour en évolution
Pascale Solère
Comme son prédécesseur, le DSM 5
reste essentiellement fondé sur la
clinique.
Dans
cette
nouvelle
version, il n'y a plus de coupure
radicale entre l'enfant et l'adulte.
Entretien avec Marc Antoine Crocq
(1)
LE
MANUEL
diagnostique
et
statistique des troubles mentaux
(DSM) a été publié pour la première
fois en 1952. Mais les DSM I et II,
encore assez psychanalytiques, ne
décrivaient
pas
vraiment
les
pathologies. C'est le DSM III en 1980
qui a introduit une classification
basée sur des critères diagnostiques
cliniques
dans
une
approche
catégorielle des maladies mentales.
Depuis, le DSM est une référence. Il
permet de parler un même langage et
vient fiabiliser le diagnostic. C'est un
apport majeur. Or DSM III, DSM IV
et aujourd'hui DSM 5 sont tout à fait
dans la même lignée.
Initialement, les auteurs du DSM 5
pensaient que les avancées des
neurosciences (imagerie, génétique,
biologie,
pharmacologie)
permettraient
d'aller
vers
une
classification plus étiologique. Or,
sauf pour quelques maladies dont les
démences, la physiopathologie des
maladies
psychiatriques
reste
largement
méconnue
et
multifactorielle.
Cette
nouvelle
version voulait en outre intégrer une
approche dimensionnelle témoin d'un
continuum
du
normal
au
pathologique. Cette ambition a été
abandonnée après le vote négatif des
psychiatres américains. Le DSM 5,
même s'il rend compte des études
notamment
de
génétique
et
d'imagerie, reste donc essentiellement
fondé sur la clinique, dans une
approche catégorielle et pragmatique.
Résultat, il se trouve désormais sous
la critique à la fois de ceux opposés à
la nosologie en psychiatrie, mais aussi
sous celle des partisans d'une
classification
basée
sur
la
neurobiologie
(projet
Research
Domain Criteria : RDoC).
Pourtant, le DSM 5 reste à ce jour le
meilleur outil clinique disponible.
Difficile de faire mieux en termes de
classification. D'autant que ce n'est
pas une bible mais juste un consensus
témoignant de l'évolution de la
psychiatrie.
Par rapport au DSM IV, on note
plusieurs évolutions.
Il n'y a plus de coupure radicale dans
le DSM 5 entre enfant et adulte. Dans
l'idée d'un continuum, le chapitre «
troubles apparaissant dans l'enfance et
l'adolescence » a disparu et les
pathologies ont été dispatchées en
troubles
neurodéveloppementaux
46
(Autisme,
Asperger,
Déficit
de
l'attention hyperactivité [TDAH]) et
dans d'autres chapitres suivant leur
symptomatologie. Et les critères du
TDAH ont été modifiés pour être
utilisables
chez
l'adulte.
L'hyperactivité ne s'arrête en effet pas
nécessairement à 17 ans.
Autre nouveauté, pour tenir compte de
la diversité des étiologies, les troubles
anxieux ont été divisés en trois
chapitres : troubles anxieux ; TOC ; et
troubles anxieux liés à un traumatisme
ou à des facteurs de stress. Pour la
même raison, les troubles de l'humeur
sont désormais divisés en troubles
bipolaires et troubles dépressifs. Et le
deuil n'est plus un critère d'exclusion
pour un épisode dépressif majeur. Un
point vivement critiqué par Allen
Frances, auteur du DSM IV, qui s'est
insurgé contre une médicalisation du
deuil. Quand cet item ne signifie pas,
comme on a pu l'entendre, que tout
deuil
relève
d'un
traitement
antidépresseur, mais tout simplement
que le deuil n'exclut pas une
dépression majeure !
Enfin, le DSM 5 introduit quelques
nouveaux troubles. Mais la plupart
étaient déjà présents dans les annexes
du DSM IV, comme les dysphories
prémenstruelles incluses désormais
dans les troubles de l'humeur.
Nombre de document(s) : 19
Date de création : 14 septembre 2015
Le DSM 5, sans constituer une
révolution,
constitue
donc
une
avancée ou une mise à jour destinée
elle-même à évoluer dans des versions
DSM 5.1, DSM 5.2...
Note(s) :
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47
(1) Maison des Adolescents du HautRhin, Mulhouse
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