Nouvelle Lettre 969 Du 6 Octobre 2008

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la nouvelle lettre
Directeur de la publication : J. GARELLO
Commission Paritaire : 0411G87909
ISSN : 1951-4727
N°969 du 6 Octobre 2008
Hebdomadaire 1 €
EDITORIAL
TURBULENCE FINANCIÈRE OU CRISE POLITIQUE ?
Le débat sur la situation financière mondiale et sur la façon de la gérer tourne autour de l’idée que
nous vivons actuellement la crise la plus profonde que les pays riches aient traversée depuis 1929.
Même quand ils se veulent rassurants, gouvernants et médias partent du postulat que si rien n’est fait,
on s’achemine vers l’apocalypse économique.
La réaction des Sénateurs Républicains à propos du plan PAULSON m’a pourtant conduit à une
autre lecture de l’actualité. En quelques heures les bourses mondiales ont réagi positivement.
Un conflit n’était-il pas en train d’exploser entre ceux qui ont peur de la faillite et ceux qui ont peur
des impôts, entre ceux qui appellent l’État et socialisent l’économie au prétexte de socialiser les
dettes et ceux qui remettent l’État à sa place et préfèrent la responsabilité à l’impunité ? Et si les
libres transactions sur le marché étaient finalement capables de digérer la « crise » ? Et si la crise
n’était en fait qu’une turbulence financière, sans trace durable sur l’économie mondiale ? Et si la
dramatisation ne devait rien au hasard, mais avait pour mobile la réhabilitation de l’État, du
dirigisme, de Roosevelt et de Keynes ?
Toutes ces questions m’ont troublé, et je prends aujourd’hui le risque d’affirmer que la crise n’est pas
une crise, ou n’est pas la crise que l’on croit. J’engage ma réputation dans ce diagnostic, mais j’ai de
bonnes raisons pour le faire, et de rassurer les peuples affolés par les discours alarmistes, les
épargnants, les contribuables, les travailleurs et les entrepreneurs.
La crise est-elle une crise ? Courons-nous le risque d’une récession mondiale, d’un chômage massif,
d’une réduction spectaculaire du commerce mondial, comme on l’a vu dans les années 1930 ? Je
remarque déjà qu’après la Grande Dépression l’économie américaine s’est finalement relevée, pour
devenir dix ans plus tard la plus grande puissance mondiale. Les prophètes de malheur en ont été
pour leurs frais : le capitalisme renaissait de ses cendres.
J’observe encore qu’aujourd’hui la production et les transactions internationales ne sont pas à l’arrêt.
Les contre-performances de l’économie française ne doivent rien à la « crise », puisqu’elles lui
étaient bien antérieures et qu’on en connaît les causes : délabrement des finances publiques, impôts et
charges sociales trop lourds, rigidité du marché du travail, réglementation paralysante, faillite du
système de formation et d’éducation. Mais la crise a bon dos, et il est facile pour les responsables de
l’échec français de passer leurs erreurs au débit des financiers américains, et de donner des leçons
d’éthique au reste du monde. Je ne vois pas non plus la raison pour laquelle la Chine et l’Inde
stopperaient brutalement leur expansion parce que Wall Street se porterait mal.
Je vois enfin que progressivement on en revient à des méthodes éprouvées par les financiers : les
actifs sont enfin passés au crible, les créances douteuses sont revendues à bas prix par des financiers
qui anticipent que le taux d’impayé va diminuer, une fois le gros du ménage effectué. Nul doute que
depuis plusieurs mois on purge, et chacun balayant devant sa porte la ville devient propre.
L’effet d’assainissement des crises a été observé et expliqué à plusieurs reprises. Hayek a attribué les
turbulences économiques au mal-investissement : trompés par les politiques monétaires et les faux
prix, les investisseurs ont pris des initiatives inconsidérées. Il faut ensuite procéder à une
réaffectation des investissements, mieux répartir les ressources rares.
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EDITORIAL
Ces moments de remise en ordre sont difficiles à passer, ils impliquent une grande capacité
d’adaptation et d’innovation. Les économies complexes et mondialisées du XXIème siècle sont plus
solides, parce que plus souples, avec des liens moins rigides entre elles. Au XIXème siècle une
mauvaise récolte se propageait à l’ensemble de l’économie. Aujourd’hui quand un secteur est en
panne, un autre prend le relais. Trop d’argent, trop de crédit pour l’immobilier ? On repartira sur
d’autres bases, plus proches de la vérité du marché, et on reviendra à un autre immobilier un jour ou
l’autre. Les grands discours sur les connexions de la finance internationale ne résistent pas à la
réalité : tous les jours de nouveaux produits et de nouvelles techniques apparaissent, de nouveaux
contrats sont signés : les hommes veulent progresser et améliorer leur sort. Le marché est
l’expression de la créativité de l’homme. Douter du marché c’est douter de l’homme.
J’en viens ainsi à la vraie nature de la vraie crise : elle est politique. Le doute profond s’est installé
dans l’esprit d’une élite éclairée, qui ne croit pas que de simples hommes et femmes puissent régler
leurs problèmes. Aux yeux de cette élite, la mondialisation et la finance sont des choses trop
complexes pour être laissées entre les mains de simples mortels. Ils veulent leur revanche sur cette
mondialisation qui les a descendus de leur piédestal, parce que dans un monde ouvert et
concurrentiel, il n’y a pas besoin de direction ni de régulation. Il n’est besoin que d’un état de droit,
du respect de la parole et de la responsabilité de ses choix. Les étatistes sont poussés par tous ceux
qui vivent de l’État, et veulent protéger leurs privilèges contre les menaces d’un marché mondial qui
exige la compétitivité et élimine le parasitisme.
Les sénateurs républicains ont eu raison de plaider contre l’élite, contre le dirigisme, contre son
cortège d’impôts, de privilèges et de réglementations. Ils ont souligné la nécessité de restaurer la
responsabilité. La liberté exige la responsabilité. Sans responsabilité il n’y a pas de liberté. Ces
sénateurs ont fait le choix de la liberté, rappelant que c’était une valeur fondatrice de la civilisation
américaine. Choisissons aussi la liberté, et misons sur la confiance.
Jacques Garello
Conjoncture
UN BUDGET DE VÉRITÉ
Le Conseil des ministres a adopté le 26 septembre le projet de loi de finances pour 2009, qui sera
voté par le parlement dans les semaines qui viennent. Le Président avait été très clair la veille :
« Quand on veut dire la vérité aux Français, il faut la leur dire jusqu’au bout et la vérité, c’est que
l’État ne peut indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par
l‘emprunt. Il faut bien un jour payer ses dettes ». La nuit ayant sans doute porté conseil, le
lendemain il faisait adopter un budget à l’opposé de cette belle déclaration, un budget en pleine
dérive, un budget de dépenses, de déficit et d’emprunts. Un budget qui va plomber un peu plus
l’économie française.
Un déficit croissant
Pour la première fois, le projet de loi met en œuvre la révision constitutionnelle de cet été, visant à
définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques ». A l’époque, nous l’avions montré,
cette disposition visait à assurer un équilibre des finances publiques, non sur une année (« la règle
d’or »), mais en moyenne période : un déficit l’année 1, un excédent l’année suivante, etc.,
l’ensemble étant équilibré en moyenne période. C’est moins bien que la règle d’or de l’équilibre
annuel, mais c’est mieux qu’un déficit en moyenne période.
Le résultat est consternant : cette fameuse programmation prévoit 2,7% du Pib comme déficit en
2009, puis 2,0% en 2010, 1,2% en 2011, 0,5% en 2012. Si règle il y a, elle est devenue celle du
déficit durable. Aucune perspective d’équilibre, ni par année, ni sur l’ensemble de la
programmation. Nos partenaires européens (dont la majorité est en équilibre ou excédent
budgétaire) nous avaient demandé le retour à l’équilibre pour 2009 ; nous avons quémandé un
délai jusqu’à 2011 ; voilà maintenant qu’au nom « de la crise », ce ne sera pas le cas pour 2012.
De plus, on sait ce que valent les promesses, puisque pour 2009, nous avions promis un moindre
déficit et que ces prévisions reposent sur des chiffres irréalistes (2,25% de croissance du Pib sur la
période).
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Conjoncture
Or le déficit est en réalité croissant : pour le seul budget de l’État, 36,2 milliards d’euros en 2006,
38,4 en 2007, 49,4 en 2008 (le gouvernement avait prévu 41,7 milliards, mais il y a eu dérapage),
52 en 2009 : on est en pleine dérive. Résultat, la dette publique, que l’on avait promis de réduire en
dessous des 60% du PIB, limite autorisée en Europe, explose à nouveau, passant de 63,9% en
2007 à 65,3% en 2008, pour arriver à 66% en 2009 : plus de 1200 milliards, soit plus de 20 000
euros par Français. En attendant de la rembourser, il faut payer les intérêts de ces emprunts : un
simple coup d’œil sur le budget montre que ceux-ci seront de 45,56 milliards en 2009, en hausse
de 6,3% (poste budgétaire qui augmente le plus vite), soit le second poste du budget après
l’éducation et loin devant la défense : ces intérêts à eux seuls absorberont tout l’impôt sur le
revenu. Contrairement au discours présidentiel, nous finançons donc à crédit nos dépenses
courantes et cela de plus en plus. Le déficit budgétaire représente désormais pratiquement 20%
des dépenses publiques : quand l’État a 80 euros de recettes, il en dépense 100! Étrange façon de
« dire la vérité aux Français ».
Les dépenses continuent à progresser
Il n’y a donc aucun doute du côté du déficit public : il n’est ni diminué, ni contenu ; il est en pleine
dérive. Au moins, à en croire les discours ministériels, cela est-il compensé par une grande rigueur
dans les dépenses. Regardons de plus près. La règle, c’est le « gel des dépenses en euros
constants ». Belle formule, qui signifie que les dépenses de l’État vont augmenter au même rythme
que l’inflation, soit 2% (taux prévu, avec beaucoup d’optimisme, pour l’an prochain). Comme si le
niveau actuel était « optimal », alors que nous avons la part de dépenses publiques (en comptant la
Sécu) la plus élevée d’Europe, dépassant même la Suède.
Garder un tel niveau de dépenses de l’État, c’est du laxisme pur et simple. Certes, le gouvernement
fait valoir qu’il ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux partant en retraite, soit 30 600 emplois
(en réalité, cela fait 44,5% seulement et non 50%). Pour 5 millions de personnes représentant les
trois fonctions publiques, cela ne fait guère plus de 0,5% : on est dans l’infinitésimal, alors qu’il
faudrait massivement réduire le nombre de fonctionnaires et pour cela accepter de privatiser de
nombreux services publics, comme tous nos voisins. A ce rythme là, il faudra plus d’un demi-siècle
pour les rejoindre.
Refus de baisser les impôts
Reste la question des impôts. Le gouvernement explique qu’il est impossible de les diminuer dans
la conjoncture actuelle. Il anticipe une croissance du Pib de l’ordre de 1% et en conclut que les
recettes fiscales seront très faibles, faute de matière imposable suffisante, et qu’il est donc urgent
de ne pas diminuer les impôts et même de les augmenter en en créant quelques-uns de nouveaux,
comme annoncé ces dernières semaines. Baisser les impôts dans les circonstances actuelles, pour
le gouvernement, ce serait réduire les recettes.
C’est toujours le même contre-sens. C’est parce que la conjoncture est mauvaise, proche de la
récession, qu’il est urgent de baisser les taux d’imposition. C’est la seule façon de faire repartir la
croissance, en jouant sur les comportements microéconomiques d’incitation à produire, travailler et
entreprendre. Mais c’est aussi, grâce à l’effet LAFFER, la seule méthode certaine pour accroître la
matière imposable et pour augmenter les recettes fiscales. Chacun paiera moins en pourcentage,
mais comme chacun gagnera plus, les recettes progresseront. En augmentant les impôts, comme
on le fait, on aura l’effet inverse et les recettes fiscales seront inférieures aux prévisions.
Pourquoi parlons-nous d’un budget en pleine dérive ? Parce qu’aucune des décisions essentielles
n’a été prise et qu’on ne fait que suivre la pente des années antérieures. Où est la rupture ? Plus
d’impôts et trop d’impôts, plus de dépenses et trop de dépenses, plus de déficits et trop de déficits :
un budget laxiste, sans aucune ligne claire sinon celle de la fuite en avant, voilà ce que nous
propose le gouvernement et que votera sans aucun doute le parlement. Résultat : les problèmes de
l’économie française s’aggraveront : moins de croissance, moins d’emplois, des déséquilibres
accrus et les solutions véritables renvoyées aux calendes grecques. Et on mettra tout cela sur le
compte de la crise financière : vérité, quand tu nous tiens…
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l'actualité qui nous fait réfléchir
UN DIMANCHE ÉLECTORAL SIGNIFICATIF
Le 28 septembre a été marqué par trois élections à l’étranger qui, à des titres divers, retiennent
l’attention.
Les élections générales en Autriche interviennent après plusieurs années de grande coalition entre la
gauche (sociaux-démocrates) et la droite (conservateurs). Comme toujours, ces grandes coalitions
sont ambiguës, car elles conduisent la droite à être moins libérale et à faire des concessions aux
socialistes, sans que cela ne suffise à contenter l’électorat de gauche, qui trouve au contraire qu’on
fait trop de concessions à la droite. Cela conduit à un immobilisme ; aucune décision majeure n’ayant
été prise, la coalition a éclaté après 18 mois de paralysie.
Il s’est donc produit en Autriche ce qui était prévisible, à savoir que le mécontentement ne pouvant
s’exprimer dans le cadre habituel d’une alternance entre droite et gauche modérées, il s’est reporté
sur les extrêmes, en l’occurrence ici sur l’extrême droite, bien que celle-ci soit éclatée en deux partis.
A eux deux, ils ont obtenus 30% des voix, soit plus encore que lors des précédents succès de
l’extrême-droite qui l’avait conduit, il y a près de dix ans, à participer au pouvoir. Les sociauxdémocrates n’auraient plus que 29% et le parti populaire 25%, les plus mauvais résultats depuis la
guerre.
La constitution d’un gouvernement sera difficile, toutes les combinaisons sont possibles, même le
retour à une grande coalition, qui serait très affaiblie. Mais les mêmes causes produisant les mêmes
effets, le mécontentement continuera à s’exprimer hors de la coalition au pouvoir. La progression des
deux partis extrémistes a été plus forte que prévue par les sondages et a d’autant plus étonné que pour
la première fois les jeunes de 16 à 18 ans pouvaient voter. Il faudra se demander pourquoi, eux aussi,
ont voté ainsi, comme le montrent tous les sondages.
En Allemagne, il ne s’agissait que d’élections régionales, dans l’important land de Bavière,
traditionnellement largement dominé par la droite, à savoir la CSU (chrétiens-démocrate), branche
bavaroise de la CDU de la chancelière MERKEL. Le point intéressant, c’est qu’à Berlin aussi une
grande coalition est au pouvoir entre les sociaux-démocrates du SPD et les chrétiens-démocrates
CDU-CSU. Nous avons dénoncé plusieurs fois son immobilisme, mais aussi le fait que les décisions
étant toujours des compromis, le libéralisme de la CDU passait à la trappe, pour être remplacé par
une vague politique de centre-gauche, sinon de gauche.
Là encore, les électeurs n’ont pas apprécié et ont désavoué la CSU, qui est passée de 60% des voix à
43%, un recul historique. Or l’intéressant, c’est que ce recul n’a pas profité au SPD social-démocrate,
qui se traine à 18% des voix. Les mécontents se sont retrouvés chez les verts avec 9% des voix (qui
en Allemagne sont plus rouges que verts) et sur des sans étiquette, fait rarissime en Allemagne, avec
10%. Les libéraux s’en sortent à peu près, sans triomphe, avec 7,5% des voix et, c’est le seul élément
positif, pourraient former une coalition avec la CSU, la poussant au moins localement à être plus
libérale. Par contre, à Berlin, le recul de la CSU pourrait coûter cher aux ministres CSU de la grande
coalition.
Le dernier cas, celui de la Biélorussie, est évidemment différent. Ce pays reste totalement dans
l’orbite de Moscou et son Président, LOUKACHENKO, a été à juste titre qualifié de « dernier
dictateur en Europe ». Pour redresser cette image désastreuse et mettre fin à son isolement, sous la
pression internationale, notamment de l’Union européenne, ces élections ont été organisées avec un
semblant de démocratie. Les opposants jusque là arrêtés ont été libérés, mais on a omis de leur rendre
leur éligibilité, ce qui a simplifié les élections !
Certains se sont réjouis, un peu vite, de voir que d’autres opposants aient pu participer à ces
élections. C’est exact, mais leur nombre a été limité en tout à 70 candidats pour 110 sièges, contre
près de 200 candidats du pouvoir, celui-ci faisant semblant d’organiser le choix en son propre sein.
Voilà un pluralisme bien contrôlé. Le résultat n’a ici guère d’importance et que l’opposition passe de
zéro sièges à quelques-uns ne changera pas le régime. L’opposition a d’ailleurs été évincée du
processus de comptage des voix. La Biélorussie espère de ce simulacre de démocratie une levée des
sanctions occidentales ; espérons que l’Occident ne tombera pas dans ce piège grossier.
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l'actualité qui nous fait réfléchir
LES MANUELS SCOLAIRES D’ÉCONOMIE ANTI-MARCHE
Il y a quelque trente ans, nous avions été parmi les premiers, notamment dans le cadre de l’ALEPS, à
dénoncer l’orientation idéologique des manuels scolaires français d’économie. De quoi fonder de
bons petits marxistes, dénonçant en chœur l’économie de marché. Beaucoup d’autres ont poursuivi et
actualisé notre analyse et nous nous en réjouissons. Le fait nouveau, c’est que la dénonciation ne
vient plus de think tanks ou d’organisations libérales, mais des groupes les plus officiels et
politiquement corrects. C’était le cas au printemps avec le rapport de la commission présidée par le
Professeur GUESNERIE, du collège de France, qui n’a rien d’un extrémiste et fait plutôt
habituellement dans le politiquement correct. Le rapport dénonçait les attaques systématiques contre
le marché. Commence maintenant à circuler aussi, notamment sur le Web, le rapport de l’Académie
des sciences morales et politiques sur l’enseignement de l’économie, plus critique encore que le
précédent.
Ces rapports ont en commun de relever qu’une part de la responsabilité vient certes de la rédaction
des manuels, mais que le biais initial se trouve dans la conception des programmes scolaires : les
manuels ne font que surfer sur une vague anti-marché. La responsabilité première est donc celle de
l’État, qui définit les programmes.
Les critiques les plus virulentes viennent des experts étrangers ayant participé au rapport de
l’Académie. Leur conclusion : « En l’état, le contenu des enseignements n’a qu’un rapport lointain
avec la science économique, telle qu’elle est pratiquée non seulement dans les universités et les
centres de recherche, mais aussi dans les organisations gouvernementales et internationales et (a
fortiori) dans les entreprises ». Les élèves sont incapables d’avoir recours aux concepts et aux
méthodes de base de l’analyse économique. La pluridisciplinarité est pratiquée sans que l’élève ne
maîtrise les présupposés de chaque discipline (comme la sociologie).
Cet enseignement est inadapté à la poursuite d’études universitaires, puisque les savoirs de base de la
science économique ne sont pas inculqués. « La liste des savoirs de base qui sont omis est longue, au
point qu’un économiste universitaire a parfois le sentiment, en lisant les programmes officiels, qu’ils
concernent une autre discipline que la sienne ». La microéconomie est largement négligée « au profit
d’une macroéconomie qui ne fait pas consensus ». On ne comprend pas comment les individus
décident et interagissent, « ni la logique de l’échange en tant que jeu à somme positive ». Bien
étendu, ils ignorent l’effet pervers d’un contrôle des prix.
Les questions centrales de la science économique sont ignorées dans les programmes, à commencer
par « le besoin de coordonner les choix entre les différents décideurs », ou la question des choix
« entre des utilisations concurrentes de ressources » : en clair, les apports de BECKER ou KIRZNER
sont ignorés. De plus, les chapitres consacrés à l’emploi, la production, la consommation ignorent le
mot « prix » ! On parle du chômage sans évoquer ni le salaire, ni les impôts, ni les charges sociales,
ni la réglementation du marché du travail, ni bien sur les entrepreneurs. Il s’agit de persuader l’élève
que « l’analyse économique se résume à la régurgitation de discours convenus » L’élève « acquiert
l’illusion de la connaissance, alors qu’il ne fait que répéter une sorte de catéchisme sorti tout droit du
magazine Alternatives économiques ».
Pour l’un des membres, « la vision qui est donnée de l’économie à travers les ouvrages est
caricaturale, pessimiste et anti-marché ». Même diagnostic dans le rapport GUESNERIE : « Quant à
la mondialisation, il s’agit là aussi de développer un regard critique autour d’auteurs proches
d’ATTAC sans vraiment savoir de quoi on parle ». Le Bordas apprend même « comment organiser le
mouvement antimondialisation » et le 11 septembre montre, bien sûr, comment la mondialisation
suscite la violence politique. Bref le choix des textes « paraît souvent relever de présupposés que l’on
a du mal à ne pas qualifier d’idéologiques » ! De quoi former de bons citoyens, qui voteront « bien ».
Un désastre à l’échelle d’une génération sacrifiée.
Pourvu que ces manuels ne tombent pas entre les mains de nos dirigeants !
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l'actualité qui nous fait réfléchir
ASSURANCE-MALADIE : L’ÉQUILIBRE EST POUR 2011
Les semaines précédentes, nous avons montré l’évolution étatique du secteur de la santé, à partir des
ARS (Agences Régionales de Santé), mais aussi du refus de la libre installation, de la liberté des
honoraires ou du libre choix de son assureur. Mais on doit voir plus loin : notre Président a pris en
mains le dossier de l’Assurance-Maladie. Il a clairement fixé le cap : retour à l’équilibre pour 2011.
D’ici là peu importent les milliards de déficit : éphémères ! En 2011, la Sécu sera sauvée, du moins
dans sa branche maladie, tout le reste sera oublié.
Pour tenir le cap présidentiel, il « faudra faire des économies tout en garantissant un système de santé
performant ». Cela passe bien évidemment par une maîtrise de la démographie médicale, politique
qui a eu le succès que l’on sait : on régule à l’entrée des étudiants en médecine et dix ans après,
lorsqu’ils sont opérationnels, on s’aperçoit qu’on a mal anticipé et qu’il y a trop -ou trop peu - de
médecins. Mais désormais, on saura répartir comme il faut les professionnels de santé sur le
territoire, y compris par la contrainte : comme on vient de le faire pour les infirmiers. La logique est
imparable : moins de professionnels, c’est moins de dépenses de santé. Sans aucun médecin, on ne
dépenserait même plus rien du tout.
Dans le même temps, d’une part on annonce des tarifs plus élevés, dans les régions sousmédicalisées, mais d’autre part on envisage de restreindre de plus en plus les honoraires libres et les
dépassements. Interprétation : on veut bien des prix plus élevés (ou plus faibles) quand c’est l’Etat
qui les fixe, mais quand c’est le professionnel ou le marché, cela devient une horreur. C’est bien
connu : seul l’Etat connaît le juste prix. Il faudra qu’on nous explique comment on peut réguler un
marché, y compris celui de la santé, sans liberté des prix, alors qu’il n’y a pas d’autre régulateur sur
le marché. Nouvelle idée présidentielle : « une régulation adaptée » du secteur 2 (c'est-à-dire le
contrôle des tarifs libres). La liberté surveillée : voilà qui va sauver la Sécu.
Bien sûr le paiement à l’acte sera peu à peu réduit au profit de forfaits pour certaines pathologies.
Faire payer à l’acte, c’est en effet vulgaire : la santé n’a pas de prix. Suggérons de faire encore un pas
dans cette direction : pourquoi pas verser au médecin un forfait pour l’ensemble des pathologies, que
l’on pourrait appeler salaire ! Salaire, c’est classe, c’est même lutte des classes. Honoraire c’est
déshonorant.
Mais quid des hôpitaux publics dont viennent les plus gros déficits? On va responsabiliser les
médecins des hôpitaux en passant des conventions entre l’Assurance-Maladie et les syndicats de
médecins hospitaliers. La responsabilité syndicale est en effet une recette éprouvée. On va aussi
renforcer le pouvoir des directeurs d’hôpitaux. Nous pensions naïvement que la responsabilisation
venait avec la privatisation et la concurrence. Mais là encore, ce serait trop vulgaire. C’est la maîtrise
médicalisée des dépenses qui paraît préférable ; Le Figaro la définit : « revalorisations contre
engagement de retenir le stylo sur les ordonnances ». Avec cela, il est sûr que l’on sera mieux
soigné : moins le médecin me soigne, mieux il sera payé !
Passons sur les ARS dont nous avons déjà parlé longuement, instruments d’étatisation de la
médecine libérale. Ajoutons plutôt que la gestion de l’Assurance-Maladie pourrait évoluer. Les
complémentaires pourront participer aux négociations (en clair on leur permettra de parler du
moment qu’elles paient davantage) et « l’assurance-maladie pourra proposer des référentiels de
bonne pratique dans les secteurs où elle constate de forts écarts de prescription ». Sans oublier la lutte
contre la fraude. Et naturellement quelques baisses de remboursements, notamment pour les patients
sans médecin traitant.
Nous sommes convaincus par la cohérence de ce plan : plus de contraintes, plus d’Etat, plus de
bureaucratie, plus de contrôles des prix, moins de liberté d’installation. Voilà enfin un plan ambitieux
qui va mettre fin à cet ultra-libéralisme de l’Assurance-Maladie qui provoque des déficits croissants.
C’est l’étatisation qui sauvera la Sécu.
Évidemment, vous n’êtes pas obligés de nous croire. Peut-être avez-vous même l’idée saugrenue que
c’est la privatisation et la concurrence qui sauverait l’Assurance-Maladie. Vous êtes alors atteints
d’ultralibéralisme. C’est une maladie incurable. Non remboursée par la Sécu.
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l'actualité qui nous fait réfléchir
LES PRODUITS AGRICOLES SERVENT À NOURRIR
Cette immense découverte, fruit d’une intelligence en éveil permanent, a été faite par notre Ministre
de l’Agriculture, Michel BARNIER, à l’issue de la réunion des ministres européens consacrée à la
réforme de la politique agricole commune (la PAC). Voyons les circonstances de cette formidable
révélation.
Officiellement, une nouvelle PAC existera en 2013, mais les ministres de l’agriculture des 27 se sont
déjà réunis pour discuter des réformes à introduire dans le système actuel, dont plus personne ne
semble vouloir. Tout d’abord, il est ruineux : 53,8 milliards versés aux paysans cette année, la PAC
représentant 40% du budget européens. Pourquoi ne pas rendre cet argent aux Européens au lieu de
les écraser d’impôts ? La PAC coûte à elle seule 100 euros par habitant, 400 donc pour une famille
avec deux enfants.
Ensuite, elle a tous les inconvénients des politiques dirigistes. Imposant de faux prix, elle engendre
de fausses décisions et provoque des déséquilibres de marchés ; elle repose sur des systèmes de
subvention ou de protection des producteurs européens, faussant la production et les échanges
européens et mondiaux, et infligeant une pénalité mortelle aux pays du tiers-monde. Sur ce dernier
point, c’est de l’égoïsme mal compris, car d’un côté les pays émergents sont privés de débouchés,
mais de l’autre nous nous privons de leurs produits qui seraient moins chers : tout le monde est
perdant.
Il est vrai que grâce à la PAC 80%, des exploitations françaises sont subventionnées et reçoivent en
moyenne 20 300 euros d’aide ; ce sont les agriculteurs français qui bénéficient le plus de ces
subventions mais ce sont eux les plus mécontents. Certains (1% d’entre eux) reçoivent jusqu’à plus
de 100 000 euros. 70% des revenus des agriculteurs français (et 15% de leur chiffre d’affaires) sont
réalisés grâce aux aides de la PAC. Bien entendu, les grands perdants sont les clients et les
contribuables, qui sont souvent les mêmes d’ailleurs. Le double but d’origine de la PAC est soit
totalement obsolète (assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe, ce qui ne signifie rien dans un
monde d’échanges réciproques), soit manqué (assurer un revenu minimum aux paysans qui les
maintienne sur leurs terres, car la paysannerie française a disparu et les campagnes se vident de ses
agriculteurs).
Ce système est condamné et la plupart de nos partenaires en ont conscience. Certains, comme les
Anglais, ont compris que seul le libre marché (et le libre échange) peut sauver l’agriculture, et ceux
qu’il faut encourager sont ceux qui s’adaptent au marché, non ceux qui sont condamnés par celui-ci,
c'est-à-dire par les clients. Mais les Français font de la résistance.
La position française est magnifiquement illustrée par notre ministre de l’agriculture, Michel
BARNIER, lors de la dernière réunion ministérielle. Il en a expliqué les raisons dans Le FigaroEconomie, qui titre « La France est décidée à défendre ses agriculteurs ».
Michel BARNIER a des arguments définitifs : « Les produits agricoles ne sont pas des biens comme
les autres, ils ont pour finalité de nourrir les hommes ». C’est ce qui justifie un traitement particulier,
hors marché. Faisons d’abord respectueusement remarquer que l’agriculture produit des biocarburants, fournit la parfumerie et l’industrie chimique, et qu’on ne mange pas les fleurs ni les
sapins de Noël. Disons ensuite que si l’on doit classer les produits alimentaires parmi les
consommations prioritaires, cela devrait précisément nous inciter à respecter scrupuleusement les lois
du marché, car le rationnement, les quotas et la planification ne débouchent que sur des pénuries, des
excédents. C’est bien la concurrence et le libre échange qui ont accru la productivité agricole en
stimulant l’innovation et en élargissant la taille du marché. Tout au contraire Michel BARNIER
plaide en faveur d’un « modèle alimentaire européen fondé sur la diversité ». C’est en effet bien
connu : l’Etat, c’est la diversité, le marché, c’est l’uniformité.
Enfin, et non le moindre, il faut se nourrir pour vivre, mais non pas vivre pour se nourrir. Les
hommes aspirent à d’autres consommations que le pain et le vin. Ils ont besoin de santé, de
vêtements, de maisons, de loisirs, et d’éducation. A quand leur nationalisation ? Les hommes ont
aussi besoin de connaissances : ce capital précieux qui évite de dire n’importe quoi.
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l'actualité qui nous fait réfléchir
LA CORRUPTION PROGRESSE EN FRANCE
Dans ces temps où l’on se réfère de plus en plus à l’éthique, et où on la respecte de moins en moins, le
rapport annuel de l’ONG « Transparence International France » mérite attention. Cet organisme vient de
mettre à jour et de publier son indice de la perception de la corruption (IPC). L’IPC évalue « la perception,
par les milieux d’affaires internationaux, du niveau de corruption affectant les administrations publiques et
la classe politique de 180 pays ». Bien entendu, on peut toujours discuter la méthode, qui repose sur de
nombreuses enquêtes, mais son degré de fiabilité est important, d’autant plus que cet organisme utilise la
même méthodologie chaque année et dans tous les pays : les comparaisons sont donc significatives.
L’IPC varie de 0 à 10 : plus la note est élevée, plus la corruption est faible. Les dix meilleurs élèves de la
classe sont le Danemark (9,3), la Suède (9,3), la Nouvelle-Zélande (9,3), Singapour (9,2), la Finlande
(9,0), la Suisse (9,0), l’Islande (8,9), les Pays-Bas (8,9), l’Australie (8,7), le Canada (8,7). On trouve
ensuite en bonne place le Luxembourg, l’Autriche, Hongkong, l’Allemagne, la Norvège, l’Irlande, le
Royaume-Uni ou les Etats-Unis.
Une carte qui accompagne ces indices montre que la corruption la plus faible se situe dans les pays
occidentaux, en Europe, Amérique du Nord, Océanie (en gros les membres de l’OCDE). A l’inverse, la
corruption est extrêmement élevée en Amérique latine, en Afrique et dans une partie de l’Asie. Les
derniers de la liste, les plus corrompus, ont entre 1 et 2 sur 10. On ne sera pas surpris d’y trouver le
Venezuela, le Zimbabwe, le Cambodge, la R.D. du Congo, Haïti, la Somalie, le Soudan, le Tchad, le
Kirghizstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, l’Angola, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie et quelques autres. La
Russie elle-même est 147ème sur 180.
On ne peut s’empêcher de rapprocher cette liste de celle des indices de liberté que nous commentons
régulièrement et qui donnent la mesure de la capacité de développement d’un pays. Les pays les plus
pauvres sont les moins libres et les plus corrompus. Transparency International met en évidence le lien
« entre pauvreté, faillite des institutions et corruption ». « Tout pouvoir corrompt » disait Lord Acton.
Et la France ? Bien entendu, elle se situe dans le groupe des pays occidentaux développés. Mais elle
n’occupe qu’une bien médiocre 23ème place avec une note de 6,9, contre une 19ème place en 2007 avec
une note de 7,3 ! La situation s’est dégradée, la baisse est « significative ». Plusieurs affaires touchant
« aux plus hautes sphères de l’État » ont terni l’image de la France : « De l’ancien Président de la
République visé par différentes enquêtes de corruption - mis en examen pour l’une d’entre elles - à la mise
en examen de l’ex-premier ministre dans le cadre de l’affaire Clearstream et au scandale impliquant la
principale fédération d’entreprises françaises (UIMM), nombreux sont les éléments qui ont pu contribuer à
dégrader la perception du niveau de corruption en France ». « Le non lieu prononcé dans l’affaire des
frégates de Taiwan, après que trois ministres de l’économie et des finances, de gauche comme de droite,
aient bloqué l’instruction par l’invocation du secret bancaire, a indiscutablement jeté le doute sur la
volonté de la classe politique française de faire toute la lumière dans cette affaire ».
Faut-il s’en étonner ? Le colbertisme amène non seulement inefficacité mais aussi corruption. Vouloir
instaurer un capitalisme éthique grâce à l’État est un non sens.
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AU SOMMAIRE DU N°969 :
EDITORIAL : Turbulence financière ou crise politique ? pp. 1-2
CONJONCTURE : Un budget de vérité pp. 2-3
ACTUALITÉ QUI NOUS FAIT RÉFLÉCHIR : Un dimanche électoral
significatif p. 4 - Les manuels
scolaires d’économie anti-marché p. 5 – Assurance-Maladie : l’équilibre est pour 2011 - p. 6 – Les
produits agricole servent à nourrir p. 7 – La corruption progresse en France p. 8.
ABONNEMENT DE 1 AN (40 Numéros) : € 40.00.
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