Une expérience de diagnostic individuel et précoce du

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’hom-
me de plus de 50 ans [2]. Durant ces dix dernières années, l’appro-
che diagnostique et thérapeutique de ce cancer a été bouleversée par
les progrès des moyens de dépistage et de traitement et par la
meilleure connaissance de l’histoire naturelle de ce cancer
La Tunisie ne dispose d’aucune donnée épidémiologique concer-
nant le cancer de la prostate. De plus le diagnostic se fait souvent
trop tardivement. Les seuls chiffres disponibles dans notre pays
sont donnés par le Rapport sur le cancer de la prostate présenté au
3ème congrès national de la Société Tunisienne d’Urologie en
février 2001 : parmi les 434 patients ayant un cancer de la prosta-
te recensés dans la majorité des centres hospitalo-universitaires
d’urologie de Tunisie, 18 seulement avaient un cancer localisé à
la prostate [11].
En Tunisie, le diagnostic du cancer de la prostate se fait le plus fré-
quemment à un stade localement avancé ou métastatique. De plus,
le dosage du PSA n’est pas de pratique courante du fait du coût de
l’examen. En ce qui concerne l’échographie endo-rectale (EER) et
les biopsies prostatiques écho-guidées, c’est dans notre service d’u-
rologie que se sont faites les premières biopsies en Tunisie. Actuel-
lement les hôpitaux et les médecins qui font des biopsies prosta-
tiques sont peu nombreux. Pour tenter d’améliorer cette situation,
nous avons réalisé un programme de dépistage individualisé et pré-
coce chez les patients consultant pour un problème urologique dans
la population du centre tunisien. Ce programme reposait sur la pra-
tique de biopsies prostatiques en cas d’élévation du PSAt au dessus
de 4 ng/ml et/ou en cas d’anomalies du TR chez les patients âgés de
plus de cinquante ans et ayant une espérance de vie de plus de 10
ans.
C’est la première étude prospective de diagnostic individualisé et
précoce du cancer de la prostate en Tunisie.
ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2005), 15, 255-259
Une expérience de diagnostic individuel et précoce du cancer de la prostate
dans le centre de la Tunisie
Karim KHOUAJA (1),Nabil BEN SORBA(1),Ali BOUSLAMA (2),Anis YOUSSEF (1), Ali TAHER MOSBAH (1)
(1) Service de Chirurgie Urologique, (2),Service de Biochimie, Hôpital Sahloul, Sousse, Tunisie
RESUME
Introduction :L’introduction de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) ainsi que le progrès de l’échogra-
phie endorectale et des biopsies prostatiques échoguidées ont permis une avancée considérable dans le dia-
gnostic du cancer de la prostate mais en Tunisie le cancer prostatique reste diagnostiqué le plus souvent à un
stade évolué.
Méthodes :Evaluation prospective de l’incidence du cancer de la prostate de stade localisé dans une population
du centre tunisien au cours d’un programme de dépistage.
Evaluation de tous les hommes consultant pour un problème urologique de janvier 1998 à juin 2001, de 50 à 75
ans avec une espérance de vie estimée au moins à 10 ans.
Dépistage par toucher rectal (TR) et dosage du PSA total et libre. Biopsies transrectales échoguidées systémati-
sées (9 biopsies) en cas de TR suspect, de PSA total entre 4 et 20 ng/ml et rapport PSA libre/PSA total inférieur
à25%.
Résultats :642 patients ont été dépistés. 521 (81%) des patients avaient un PSA < 4 ng/ml. 23 patients avaient un
TR suspect et un PSA inférieur à 4 ng/ml. Aucun cancer n’a été détecté par biopsies prostatiques
92 patients (14%) avaient un PSA entre 4 et 20 ng/ml dont 44 avaient un rapport PSA libre/PSA total inférieur
à25%. 59 sur 92 patients avec PSA entre 4 et 20 ng/ml ont eu des biopsies prostatiques. 18 cancers ont été détec-
tés par biopsies : 3 de stade pN+, 15 de stade pN0 dont1 de stade pT3 et 14 de stade pT2 après prostatectomie
totale. 14 cancers sur 642 (2,2%) étaient donc de stade pT2. 29 patients (4,5%) avaient un PSA supérieur à 20
ng/ml. Tous ont eu une désobstruction chirurgicale prostatique montrant un adénocarcinome. Au total 47 can-
cers (7,3%) ont été détectés.
Conclusion :Un dépistage individualisé précoce en Tunisie est possible. Il permet la détection d’un cancer au
stade localisé pour 7,32% des patients avec un PSA inférieur à 20 ng/ml.
Un recours aux biopsies prostatiques en cas d’anomalie des tests de dépistage permet d’améliorer la prise en
charge du cancer prostatique en Tunisie.
Mots clés : Tumeur prostatique, dépistage, PSA, biopsie.
255
Manuscrit reçu : avril 2004, accepté : décembre 2004
Adresse pour correspondance : Dr. K. Khouadja, Service de Chirurgie Urologique, Hôpi-
tal Bichat, 46, rue Henri Huchard, 75018 Paris.
Ref : KHOUAJA K., BEN SORBA N., BOUSLAMA A., YOUSSEF A., MOSBAH A.T.
Prog. Urol., 2005, 15, 255-259
PATIENTS ET METHODES
Patients
L’étude prospective a été menée sur la population du centre Tuni-
sien consultant en Urologie au CHU Sahloul de Sousse.
Du mois de janvier 1998 au mois de juin 2001, 1863 patients âgés
de plus de 50 ans ont consulté pour un problème urologique et/ou
avaient un facteur prédisposant au cancer prostatique et/ou étaient
demandeurs du dépistage. Ont été exclus de cette étude les patients
de plus de 75 ans et/ou ayant une espérance de vie estimée à moins
de10 ans et/ou porteurs de tares sévères. La limite de 75 ans été
choisi en se basant sur celle proposée habituellement dans la litté-
rature internationale et surtout française.
Méthodes
642 patients répondant aux critères d’inclusion ont eu un TR, un
dosage du PSAt fait au laboratoire de biochimie au CHU Sahloul de
Sousse selon la technique MEIA (Dosage immuno-enzymologique
microparticulaire). Un dosage du PSA libre (PSAl) (technique
MEIA) a été fait chaque fois que le taux de PSAt était compris entre
4et 20 ng/ml.
Tous les patients ayant un TR suspect et/ou un PSAt compris entre
4ng/ml et 20 ng/ml avec un rapport PSA libre/PSA total (PSA l/t)
inférieur à 25% avaient une échographie endorectale et des biopsies
systématisées. Un examen cytobactériologique urinaire (ECBU)
négatif était un préalable aux biopsies.
Dans le cas où le rapport PSA l/t était supérieur à 25%, un deuxiè-
me dosage de PSAt était demandé après 3 mois. Si le taux de PSAt
restait supérieur à 4 ng/ml, alors des biopsies étaient pratiquées.
(Figure 1)
Le matériel utilisé pour les biopsies se composait d’une sonde écho-
graphique endorectale supportant un système de porte aiguille amovi-
ble. Un pistolet à déclenchement semi-automatique de type “Biopty
Gun” et des aiguilles à biopsies de 18 G ont été utilisées. Le repérage
échographique s’est fait dans un plan sagittal permettant de suivre le
trajet de l’aiguille. Tous les patients ont eu une série de 9 biopsies sys-
tématisées pratiquées après une antibioprophylaxie de 48 heures par
fluoroquinolones : 3 biopsies en zone périphérique droite, 3 biopsies
en zone périphérique gauche et 3 en zone paruréthrale (Figure 2).
Chez les patients ayant un nodule suspect au TR ou un foyer hypo-
échogène à l’EER, 2 à 3 biopsies supplémentaires dirigées sur le
foyer suspect étaient pratiquées.
La lecture anatomo-pathologique a été centralisée dans un labora-
toire privé. En cas de négativité des biopsies, un deuxième dosage
du PSAt ainsi qu’un dosage du PSAl étaient fait après 3 mois. Si le
taux de PSAt était stable ou augmentait et/ou le rapport PSAl/t res-
tait inférieur à 25%, une deuxième série de biopsies était pratiquée.
Si le taux de PSAt diminuait, le patient était suivi en consultation exter-
ne par des dosages réguliers du PSAt si aucune chirurgie de désobs-
truction n’était indiquée. En cas d’intervention pour adénome prosta-
tique, l’examen anatomo-pathologique de la pièce d’adénomectomie
ou des copeaux de résection confirmait ou infirmait le diagnostic.
En cas de positivité des biopsies avec un taux de PSAt compris
entre 10 et 20 ng/ml, un bilan d’extension comprenant une tomo-
densitométrie (TDM) pelvienne, une scintigraphie osseuse, une
radiographie de thorax et une échographie abdominale était deman-
dé. Si le bilan d’extension était négatif, le diagnostic de cancer pro-
statique localisé était retenu et une prostatectomie radicale était pro-
posée. De plus, pour ces patients, un curage ganglionnaire ilio-obtu-
rateur bilatéral systématique était pratiqué avant de procéder au
traitement radical.
Dans le cas où le taux de PSAt était inférieur à 10 ng/ml avec un
score de Gleason inférieur à 7, le bilan d’extension ainsi que le
curage ganglionnaire n’étaient pas fait.
Les patients ayant un taux de PSAt > 20 ng/ml étaient considérés
comme ayant un cancer prostatique localement avancé et n’ont pas
été biopsiés. Ils ont eu une résection endoscopique de prostate à
visée diagnostique et fonctionnelle. Cette attitude nous paraissait
justifiée vu le coût élevé du traitement médical et le degrés d’ob-
struction des patients.
RESULTATS
L’âge moyen des patients éligibles était de 63,77 ans (45-75 ans).
Parmi les 642 patients, 26 (0,04%) avaient des antécédents fami-
liaux de cancer prostatique et le tabagisme étaient retrouvé chez
82% des patients (de 20 à 80 paquets années).
Une dysurie avec une pollakiurie nocturne étaient les signes les plus
fréquents (95% des patients) motivant la consultation. 13% d’entre
eux ont consultés pour une rétention aiguë d’urine. L’hématurie
K. Khouaja et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 255-259
256
Figure 1. Arbre décisionnel en fonction du TR et du PSA.
Figure 2. Représentation schématique du protocole de biopsies pro-
statiques. P : Périphérique, PU : Para urétrale
était présente chez 18% de nos patients et était pour la majorité
d’entre eux une hématurie totale. Le toucher rectal était normal
chez 494 patients et suspect chez 148 patients (23,1%).
Sur le plan radiologique, 84 patients avaient des calculs vésicaux.
Le volume prostatique calculé par échographie sus-pubienne était
entre 30 et 60 cc chez 47% des patients.
Le dosage de PSAt était < 4 ng/ml chez 521 patients (81,15%),
compris entre 4 et 20 ng/ml chez 92 patients (14,35%) et > 20 ng/ml
chez 29 patients (4,5%) (Tableau I).
Parmi les 92 patients ayant un taux de PSAt compris entre 4 et 20
ng/ml, 44 patients (48 %) avaient un rapport PSA l/t < 25% et 48
patients (52 %) avaient un rapport PSA l/t > 25%. (Tableau II).
Sur les 642 patients, 85 (13,2%) patients avaient un TR suspect :
23/521 patients (4,5%) avec un PSA< 4 ng/ml, 36/92 patients
(39,1%) avec un PSA compris entre 4 et 20 ng/ml et 26/29 patients
(89%) avec un PSA > 20 ng/ml.
Les patients ayant un PSAt < 4 ng/ml qui avaient une symptomato-
logie obstructive gênante ont été traités chirurgicalement. Aucun
patient traité (résection endoscopique de la prostate ou adénomec-
tomie trans-vésicale) n’avait d’adénocarcinome prostatique. A noter
que 32% de ces patients ont été perdus de vue.
Au total 59 patients qui avaient un PSA compris entre 4 et 20 ng/ml
ont été biopsiés. 6 patients ont eu 2 séries de biopsies et 2 ont eu
plus de 3 séries en raison de biopsies négatives et de PSAt restait
élevé. Un patient a eu lors de sa troisième série un résultat positif.
Les 23 patients qui avaient un TR suspect et un PSA < 4 ng/ml
avaient des biopsies négatives
18 des 59 patients ont eu des biopsies positives (30,5%). Parmi
eux 7 avaient un TR normal. Le TR avait un valeur prédictive
positive (VPP) de 24.62%. Le Tableau III présente les résultats
des biopsies en fonction du TR et du PSAt. Le score de Gleason
était < 7 chez 13 patients. Parmi eux deux patients âgés de moins
de 50 ans avaient des antécédents familiaux de cancer prosta-
tique.
Avant prostatectomie radicale, 3 curages ganglionnaires ilio-obtu-
rateurs avec analyse extemporanée ont été positif menant à l’arrêt
de l’intervention et à une castration chirurgicale. Une prostatecto-
mie radicale a été faite chez 15 patients. La lecture anatomo-patho-
logique de la pièce opératoire n’a pas montré d’envahissement cap-
sulaire ni des vésicules séminales pour 14 malades.
Le recul moyen des patients était de 9 mois (5 mois - 2 ans). Ace
terme, un seul patient a récidivé précocement à un mois post opéra-
toire (PSA >0,5 ng/ml) sans qu’il y ait de signe de récidive clinique
ou radiologique associée.
Tous les patients (29 patients) ayant un PSAt > 20 ng/ml (PSA
moyen de 29,6 ngt/ml) et ayant eu une intervention chirurgicale
(résection endoscopique de la prostate ou adénomectomie trans-
vésicale) à visée diagnostique et fonctionnelle, avaient à l’anatomo-
pathologique un adénocarcinome prostatique.
L’incidence du cancer prostatique dans la population étudiée était
de 7,32% (47/642). Celle du cancer localisé était de 2,18%
(14/642).
DISCUSSION
Le cancer de la prostate est le plus fréquent des cancers de l'homme
après 50 ans et son incidence augmente avec l'âge. Il représente
après le cancer broncho-pulmonaire la deuxième cause de décès par
cancer chez l'homme dans les pays développés [2].
L'incidence du cancer de la prostate a augmenté régulièrement ces
dernières décennies. Cela est principalement dû à l'utilisation du
PSA et au diagnostic précoce [11].
La prévalence histologique du cancer de la prostate est de 12% dans
la tranche d’âge 40-49 ans pour atteindre 43% chez les patients de
plus de 80 ans [6].
L'âge représente le facteur de risque principal [7], même si l’étude
des antécédents familiaux montre qu’en cas de cancers prostatiques
dans une même fratrie, le risque relatif peut être multiplié par cinq
[9]. Le risque ethnique est également connu pour les noirs [13] mais
aucune donnée n’existe pour le Maghreb, terre de métissage.
En Tunisie l’incidence du cancer prostatique reste inconnue car il
n’existe à ce jour aucune étude épidémiologique faite dans ce sens.
Le diagnostic dans notre pays est fait le plus souvent a un stade
localement avancé ou métastatique. Une analyse rétrospective des
dossiers d’adénocarcinome de la prostate dans différents hôpitaux
de Tunisie entre 1994 et 1998, a montré que près d’un patient sur
deux était diagnostiqué à un stade métastatique. Lors de cette ana-
lyse et sur 434 patients diagnostiqués, 18 patients (40%) seulement
avaient une tumeur localisée permettant un traitement curateur au
moment du diagnostic [1].
Un diagnostic plus précoce paraît indispensable en Tunisie, au vue
de ces données. Le dépistage de masse, dont la population cible est
l’ensemble de la population est trop coûteux pour être entrepris
dans notre pays. Le dépistage ciblé dans les populations à risque
élevé est également difficile du fait des difficultés d’identification
de ces populations en Tunisie. Le dépistage opportuniste, au cas par
cas est donc le plus facile et le moins coûteux à entreprendre.
K. Khouaja et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 255-259
257
Tableau I. Nombre des patients par tranche d’âge en fonction de leur taux de PSA total.
50-55 ans 55-60 ans 60-65 ans 65-70 ans 70-75 ans Total
<4ng/ml (%) 74 (11%) 98 (15%) 112 (17%) 103 (16%) 134 (21%) 521 (81%)
4–10 ng/ml (%) 9 (1%) 11 (2%) 8 (1%) 9 (1%) 10 (2 %) 47 (7%)
10 – 20 ng/ml (%) 2 (0,3%) 7 (1%) 9 (1%) 12 (2%) 15 (2%) 45 (7%)
>20 ng/ml (%) 0 (0%) 2 (0,3%) 7 (1%) 9 (1%) 11(2%) 29 (4%)
Total (%) 85 (13%) 118 (18%) 136 (21%) 133 (21%) 170 (27%) 642
Tableau II. PSA L/T en fonction du TR chez les patients ayant un
PSA T entre 4 et 20 ng/ml.
TR Normal TR Anormal Total
PSA L/T<25% (%) 23 (25%) 21 (23%) 44 (48%)
PSA L/T>25% (%) 33 (36%) 15 (16%) 48 (52%)
Total (%) 56 (61%) 36 (39%) 92
Ainsi dans cette étude, c’est un dépistage individualisé qui a été
choisi en se basant sur la population du centre tunisien consultant
enurologie. D’après BROWN [3], il n’existe pas d’évidence d'un
risque plus important de cancer de la prostate chez les sujets symp-
tomatiques par rapport aux sujets asymptomatiques. Différents tests
de dépistage ont été étudiés dans la littérature [5 ], dont le plus cou-
ramment utilisé est TR. Il permet de détecter un cancer prostatique
dans 1,1 à 6,7% des cas. Sa VPP varie alors de 22 à 46%. Dans
notre étude, le TR a une VPP de 24,62%.
Le PSAt permet d’améliorer l’efficacité du TR. Dans le cadre d’un
dépistage, un PSA supérieur à la normalité du laboratoire permet la
détection d’un cancer prostatique dans 3,1 à 4,6% des cas [12].
Aucune valeur seuil du taux de PSA libre n’est à ce jour définie.
Pour obtenir une sensibilité de 90%, des valeurs comprises entre 14
et 25 % ont été proposées, avec une spécificité variable [8-15].
Dans le cadre du dépistage, une étude prospective a proposé un taux
de 25% comme permettant d’obtenir une sensibilité de 95% et une
spécificité de 20% [4-5]. Dans la présente étude, nous avons gardé
comme valeur seuil un rapport de PSAl < 25% pour indiquer les
biopsies.
Dans notre pays en effet, le problème de coût des biopsies et de l’é-
chographie est tel qu’il nous est apparu indispensable de réduire au
maximum le nombre de biopsies inutiles, au risque de méconnaître
quelques cancers, en utilisant le PSAl.
Cette étude montre l’intérêt du diagnostic précoce du cancer pro-
statique en Tunisie. Nous avons volontairement réduit la population
cible aux patients venant consulter pour des symptômes et limité les
biopsies aux patients ayant un PSAt compris entre 4 et 20 ng/ml et
un PSA l/t < 25%. Les patients ayant un PSA > 20 ng/ml ont été
considéré d’emblée comme ayant un risque élevé de cancer prosta-
tique et subi sans biopsies préalables, une résection trans-urétrale de
la prostate à visée diagnostique et fonctionnelle. Toutes ces limita-
tions imposées par les caractéristiques même de nôtre population,
font que cette étude est un reflet du diagnostic précoce du cancer de
la prostate dans une population très ciblée d’un pays émergent où il
faut adapter les données scientifiques aux possibilités pratiques et
économiques. En Tunisie, une bonne connaissance des données de
la littérature internationale et notamment des recommandations de
l’Association Française d’Urologie [14] concernant le dépistage du
cancer de la prostate et ses modalités à rendu ce programme possi-
ble en l’adaptant aux possibilités du pays, démontrant néanmoins
qu’il est possible de mieux faire et ouvrant ainsi la voie à une prise
en charge plus précoce de ce cancer dans les pays émergents.
CONCLUSION
Dans cette étude, nous avons pu diagnostiquer 47 cancers prosta-
tiques parmi les 642 patients inclus dans cette étude soit une inci-
dence de 7,32%. 14 patients avaient un cancer localisé justifiant
d’un traitement radical, soit 29,8% des cancers détectés. Ceci nous
amène à conclure qu’une utilisation plus fréquente du PSA et une
meilleure accessibilité à l’échographie et aux biopsies prostatiques
amènera dans notre pays à diagnostiquer le cancer prostatique à un
stade plus précoce.
Cette étude montre que le dépistage du cancer prostatique dans
notre pays est possible et qu’il est rentable puisqu’il a permis d’op-
timiser la sélection des cancers localisés. Elle a permis de plus d’ap-
porter les premières données épidémiologiques sur le cancer pro-
statique en Tunisie.
Une étude sur une population plus importante dans d’autres régions
de la Tunisie permettra de compléter ces des données épidémiolo-
giques pour les rendre plus représentatives du cancer prostatique en
Tunisie.
REMERCIEMENTS
Nous remercions le Professeur Vincent RAVERY pour sa lecture cri-
tique de l’article.
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258
Tableau III. Les résultats des biopsies en fonction du TR et du PSA.
TRNormal TR suspect
PSA L/T PSA L/T PSA L/T PSA L/T Total
>25% <25% >25% <25%
Biopsie Positive 0 7 (11,8%) 0 11 (18,6%) 18 (30,5%)
Biopsie Négative - 16 (27,2%) 15 (25,4%) 10 (17%) 41 (69,5%)
Total 23 (39%) 36 (61%) 59
10. MENEGOZ F., COLONNA M., EXBRAYAT C., MOUSSEAU M.,
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cal research studies for detection of prostate cancer. J. Urol., 1998 ; 159 :
5-12.
____________________
SUMMARY
An experience of individual and early diagnosis of prostate cancer
in a Tunisian centre.
Introduction:The introduction of prostate specific antigen (PSA) and
progress in transrectal ultrasound and ultrasound-guided prostatic
biopsies have allowed considerable progress in the diagnosis of pro-
state cancer.However, prostate cancer is still usually diagnosed at an
advanced stage in Tunisia.
Methods:We prospectively evaluated the prevalence of localized
prostate cancer in the population of a Tunisian centre during a scree-
ning programme. This study included all men consulting for a urolo-
gical problem between January 1998 and June 2001, between the
ages of 50 and 75 years with an estimated life expectancy of at least
10 years. Screening consisted of digital rectal examination (DRE)
and total and free PSA assay. Systematic ultrasound-guided prosta-
tic biopsies (9 biopsies) were performed in the case of a suspicious
DRE, total PSA between 4 and 20 ng/ml and a free PSA/total PSA
ratio less than 25%.
Results:642 patients were screened. 521 patients (81%) had a PSA less
than 4 ng/ml, 23 had a suspicious DRE and PSA less than 4 ng/ml. No
cancer was detected by prostatic biopsies. 92 patients (14%) had a PSA
between 4 and 20 ng/ml and 44 of them had a free PSA/total PSA ratio
less than 25%. Prostatic biopsies were performed in 59 of these 92
patients with PSA between 4 and 20 ng/ml and revealed 18 cancers: 3
stage pN+ and 15 stage pN0, including 1 stage pT3 and 14 stage pT2
after radical prostatectomy. 14 cancers detected in a population of 642
men (2.2%) were therefore stage pT2. 29 patients (4.5%) had a PSA
higher than 20 ng/ml. All underwent surgical prostatic disobstruction
demonstrating adenocarcinoma. A total of 47 cancers (7.3%) were the-
refore detected.
Conclusion:Early individualized screening is possible in Tunisia and
allows the detection of localized prostate cancer in 77% of patients
with PSA less than 20 ng/ml. The use of prostatic biopsies in the case
of abnormal screening tests improves the management of prostate can-
cer in Tunisia.
Key-Words:Prostate tumour, screening, Prostate Specific Antigen,
biopsy.
K. Khouaja et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 255-259
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