Diabète de type 2 : l’approche pharmacologique Les statines Les statines agissent sur le foie en forçant celui-ci à extraire le mauvais cholestérol (LDL) du sang pour former des substances utiles au niveau du fonctionnement corporel. Cette action résulte en une diminution moyenne du cholestérol LDL de 40 %. Il existe plusieurs statines prescrites en clinique (voir tableau). Toutes les statines ont maintenant des formes génériques (copies) beaucoup moins chères que les médicaments d’origine. Toutes les statines citées dans le tableau plus bas sont efficaces pour diminuer le LDL, mais certaines statines sont plus puissantes que d’autres (rosuvastatine > atorvastatine > simvastatine > lovastatine > pravastatine > fluvastatine). L’efficacité des statines pour diminuer le risque cardiovasculaire a été prouvée dans de nombreuses études cliniques. Chaque diminution du taux de cholestérol LDL de 10% par la prise d’une statine diminue le risque de mortalité cardiovasculaire de 13%. TABLEAU DES STATINES Classe Nom générique Nom commercial Statines (inhibiteurs de l’HMGCoA réductase) Atorvastatine Fluvastatine Lovastatine Pravastatine Rosuvastatine Simvastatine Lipitormd Lescolmd Mevacormd Pravacholmd Crestormd Zocormd Effets secondaires des statines Les principaux effets secondaires des statines sont les douleurs musculaires et l’inflammation au niveau du foie. Environ 9 % des patients qui prennent des statines éprouvent des douleurs musculaires. Ces douleurs se retrouvent au niveau des cuisses, des bras et du dos. D’autres patients évoquent de la faiblesse musculaire. Ces douleurs musculaires peuvent s’accompagner de la libération dans le sang d’enzymes musculaires appelées CK. La rhabdomyolyse De très rares cas d’atteintes musculaires sévères ont été rapportés avec l’utilisation des statines. Dans la rhabdomyolyse, l’atteinte musculaire est telle que les muscles libèrent beaucoup de CK (taux sanguins entre 10 000 et 100 000 U/L) ce qui peut résulter en de l’insuffisance rénale aigüe. Heureusement cette complication est excessivement rare et survient le plus souvent en raison d’interactions entre la statine et un autre médicament qui n’aurait pas dû être prescrit en même temps. Heureusement ces interactions sont dépistées par le pharmacien. Les douleurs musculaires Les douleurs musculaires sont fréquentes avec l’utilisation des statines. Plus de 9% des patients qui prennent une statine rapportent des douleurs, des crampes ou parfois de la faiblesse. Les douleurs touchent surtout les cuisses mais aussi les muscles du dos et parfois ceux des épaules. Les patients Les douleurs musculaires sont l’effet secondaire le plus fréquent des statines qui éprouvent des douleurs musculaires avec les statines ont le plus souvent des taux de CK dans le sang normaux ou tout au plus modestement élevés (< 5-10 fois la normale). Les douleurs musculaires surviennent le plus souvent en début de traitement avec une statine (moins d’un mois ou 2 de prise) mais peuvent également survenir après de longues périodes sans problèmes de prise. Que faire si vous présentez des douleurs musculaires et que vous prenez des statines ? 1) Se rappeler que la raison initiale de la prise de la statine est de diminuer le risque cardiovasculaire relié au diabète. Dans bien des cas, les douleurs musculaires sont tolérables et ne nécessitent pas l’arrêt de la statine. 2) Savoir que des causes autres que la prise de statine peuvent provoquer des douleurs musculaires, parmi lesquelles les plus fréquentes sont : a) l’hypothyroïdie (un manque d’hormone thyroïdienne : le test sanguin appelé TSH permet de dépister cette condition) b) la prise exagérée d’alcool c) des désordres du taux de calcium et de magnésium d) des périodes d’exercice intense e) des désordres musculaires d’origine héréditaire (environ 1% de la population présente des anomalies héréditaires qui conduisent à des douleurs musculaires intermittentes (souvent à l’exercice), et dans lesquelles conditions héréditaires les enzymes CK sont anormales avant le début de la prise de la statine . 3) En présence de douleurs musculaires inexpliquées avec une statine, votre médecin devrait mesurer dans votre sang le taux de CK puis cesser ou réduire la dose de la statine pendant plusieurs semaines. Cette stratégie fonctionne souvent. Votre médecin devrait également s’assurer qu’il n’y ait pas d’interactions néfastes entre votre statine et vos autres médicaments, incluant ceux d’origine naturelle. Substances qui interagissent avec la statine pour causer des douleurs musculaires Jus de pamplemousse Clarithromycine Biaxin® Nom des statines qui sont affectées par cette substance (antibiotique respiratoire pour le traitement des bronchites Simvastatine ( Zocor®) Atorvastatine ( Lipitor®) et pneumonies) Gemfibrozil (Lopid®) : médicament qui abaisse les triglycérides. Iatrocanazole (Sporanox®) contre les infections à (médicament Rosuvastatine ( Crestor®) champignons des ongles) Cyclosporine (médicament contre le rejet de gresse gre gre greffe) Patients plus à risque de douleurs musculaires avec une statine Âge > 80 ans Faible masse musculaire (patient frêle) Femme>homme Origine asiatique Hypothyroïdie non traitée Insuffisance rénale ou hépatique Patients avec transplantation d’organes solides Porteur du virus H1V Antécédent de douleurs musculaires avec la prise d’une statine Présence de maladie musculaire (CK dans le sang ) Activité musculaire importante (sport ou travail) En l’absence de toute autre cause de douleurs musculaires que la statine, voici des options possibles : a) Arrêter la statine pendant quelques semaines et voir si les douleurs musculaires disparaissent. Dans la plupart des cas, les douleurs musculaires disparaissent en moins de quatre semaines après l’arrêt de la statine. La persistance de douleurs musculaires après quatre semaines d’arrêt de la statine (surtout si les CK dans le sang demeurent élevées) devrait pousser votre médecin à rechercher d’autres causes plus rares d’atteinte musculaire avant de proposer la reprise de la statine. b) Si les douleurs disparaissent, reprendre la même statine à une dose plus faible ou changer de statine. Dans 70% des cas, cette stratégie permet d’être à nouveau traité avec une statine sans souffrir d’effets secondaires excessifs. c) Prendre la statine un jour sur 2, cette stratégie résultant souvent en une baisse importante du cholestérol tout en diminuant les douleurs musculaires. d) Utiliser d’autres médicaments qui peuvent remplacer la statine ou être combinés avec elle pour augmenter son action sur le taux de cholestérol tout en réduisant les douleurs musculaires. Les deux médicaments qui peuvent bien se combiner ou remplacer la statine sont l’ézétrol (Ézétimibe®) (voir plus loin dans ce chapitre, il s’agit d’un médicament qui empêche l’absorption du cholestérol d’origine alimentaire au niveau de l’intestin) ou le Lodalis® qui fait excréter les sels biliaires du foie vers l’intestin. Ces médicaments abaissent modérément le cholestérol mais ne sont pas cependant associés à des douleurs musculaires. e) Certaines théories semblent incriminer la déplétion dans les muscles d’une substance qui s’appelle le coenzyme Q10. Certains fabricants de produits naturels ont sauté sur l’occasion pour proposer des suppléments en coenzyme Q10. Certaines publications semblaient démontrer une diminution des douleurs musculaires dues aux statines avec la prise de coenzyme Q10, toutefois un consensus plus récent sur le sujet semble démontrer le peu d’efficacité des coenzymes Q10 dans la prévention ou le traitement des douleurs musculaires reliées aux statines. f) Stopper la statine une semaine avant une période d’exercice musculaire intense ( marathon , défi sportif, etc.) . Questions qui reviennent fréquemment au sujet des statines Vous me prescrivez une statine, mais j’ai lu sur internet que la prise d’une statine pouvait provoquer l’apparition du diabète ? Je ne sais plus quoi penser! Il est vrai que chez patients non diabétiques, la prise d’une statine a été associée à un risque très léger de provoquer l’apparition du diabète (apparition de moins de 1 nouveau cas de diabète pour 100 personnes traitées). On retrouve cet effet avec la prescription de toutes les statines (« effet de classe ») mais surtout avec les hautes doses (40 ou 80 mg) des statines les plus puissantes, en l’occurrence la rosuvastatine et l’atorvastatine. Dans la majorité des cas, ces personnes étaient prédiabétiques et la prise de la statine n’avait d’autre effet que d’accélérer de quelques mois l’apparition du diabète qui serait de toute facon apparu à court terme. Chez un diabétique déjà avéré, la prise d’une statine ne détériore pas le contrôle des glycémies. De fait, chez plus de 91 000 participants non diabétiques participant à des études cliniques, la prise d’une statine pendant 4 ans a résulté en l’apparition d’un seul cas de diabète nouveau mais prévenait 5.4 autres cas de complications cardiovasculaires (infarctus, mort cardiovasculaire, pontage ou revascularisation coronarienne). * La prise de la statine diminue même considérablement le risque cardiovasculaire et ce bénéfice dépasse largement le léger inconvénient provoqué par l’apparition de rares cas de nouveaux diagnostics de diabète. *Standards of Medical Care In Diabetes 2015. 8 Cardiovascular Disease and Risk Management. Diabetes Care 2015 ; 38 (Supp. 1) 549-557 . Certains médecins disent sur internet que les statines ne sont pas efficaces pour prévenir les complications cardiaques et que c’est une invention des compagnies pharmaceutiques pour nous obliger à prendre des pilules inutiles plutôt que de faire de l’exercice ou modifier notre diète. Vous en pensez quoi vous Docteur ? La plupart des gens n’aiment pas prendre des pilules et il est normal de craindre les effets secondaires des médicaments. Aucune pilule ne peut remplacer complètement une saine alimentation ou l’exercice. Mais le risque cardiovasculaire chez la plupart des diabétiques demeure élevé malgré l’exercice et les bons choix diététiques. Toutes les études cliniques qui ont inclus des diabétiques de type 2 ont démontré que la prise d’une statine diminuait le risque cardiovasculaire de 25 à 50 %. Il est vrai cependant que la statine n’est pas nécessairement obligatoire chez les jeunes diabétiques de moins de 40 ans, ou chez un patient avec un diagnostic récent de diabète, qui ne fume pas, n’est pas hypertendu et n’a pas encore de complications reliées au diabète. Mais en fait plus de 90% des patients atteints de diabète de type 2 devraient recevoir une statine. Alors d’où vient la controverse ? Cette controverse ne vient pas du monde du diabète. Elle origine des nouvelles recommandations de l’Association Américaine de Cardiologie (2014) qui suggère la prise de statine chez des patients sans atteinte cardiaque, non diabétiques, mais qui ont d’autres facteurs de risque. Lorsque le risque cardiovasculaire calculé semble supérieur à 7.5 % sur 5 ans, cette association recommande de prendre une statine. Aux États-Unis, cette nouvelle recommandation suggère aux médecins de prescrire à des dizaines de millions d’Américains un traitement médicamenteux préventif. Pour bien des patients, pour certains politiciens et même des médecins, l’idée que des millions d’Américains de plus auraient besoin d’une pilule pour prévenir les complications cardiaques est insoutenable. Pourtant dans ce pays comme dans le nôtre les faits parlent : l’obésité gagne du terrain, il y a moins de fumeurs mais les gens sont plus sédentaires. Pas surprenant donc que des millions de personnes de plus qu’il y a 10 ans soient à risque. Une proportion importante de la population est contre l’idée de prendre des pilules pour prévenir des maladies quoiqu’on en dise, et certains médecins à la recherche d’attention médiatique n’hésitent pas à dire des demi-vérités pour s’attirer l’écoute de cette tranche de la population. La prise d’une statine est souvent nécessaire chez le diabétique mais ne remplace pas l’exercice et la diète ! Vous me prescrivez un médicament et pourtant mon médecin pas plus tard que l’an dernier m’a dit que mon taux de cholestérol était normal ! Qui a raison vous ou lui ? Je répondrais à cette question par une autre question. À quelle vitesse devrait rouler une voiture sur nos routes pour diminuer le plus possible le risque d’accident ? La seule réponse acceptable est probablement la plus basse vitesse possible. Il en est de même pour la valeur visée de cholestérol chez un diabétique. Votre médecin et vous devriez viser la plus basse valeur possible de cholestérol en utilisant la plus haute dose tolérable de statine et ce dès le départ. La preuve a été faite que de diminuer le taux du cholestérol LDL jusqu'à un taux plancher de 1,4 mmol/l était efficace pour réduire les complications cardiovasculaires du diabète. Il est impossible, même avec une diète très bien suivie, d’obtenir des valeurs aussi basses de LDL. Chez le diabétique, on ne traite pas une valeur de cholestérol, on ne traite pas un chiffre, on traite un risque cardiovasculaire. Pouvez-vous me donner des exemples d’une dose élevée ou moyenne d’une statine ? Nom générique Atorvastatine Pravastatine Rosuvastatine Simvastatine Dose moyenne (mg) Dose élevée (mg) 10, 20, 40 10, 20 5,10, 20 10, 20, 40 80 40 40 80 TABLEAU DES STATINES Classe Nom générique Nom commercial Statines (inhibiteurs de l’HMGCoA réductase) Atorvastatine Fluvastatine Lovastatine Pravastatine Rosuvastatine Simvastatine Lipitormd Lescolmd Mevacormd Pravacholmd Crestormd Zocormd