Dès son rapport d’évaluation en 2008, Jean Léonetti l’affirmait : il faut «rendre les directives
anticipées opposables au médecin». Créées par la loi de 2002, celles-ci n’ont en effet que la
force de « souhaits », dont les médecins doivent seulement tenir compte.
C’est une des raisons pour lesquelles elles sont peu rédigées par les patients : en 2009, seuls 2,5
% des personnes concernées, c’est-à-dire incapables de s’exprimer au moment de la décision,
avaient rédigé des directives, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined). «En
France, nous sommes dans une médecine du consentement et non de la volonté du patient, a
analysé François Goldwasser, chef du service de cancérologie de l’hôpital Cochin (Paris) devant
la mission parlementaire. Nous préconisons des traitements auquel il adhère, mais on ne sait pas
réellement ce qu’il veut. Or consentir n’est pas forcément vouloir.»
Un consensus se dégage donc, depuis plusieurs années, pour que les directives soient qualifiées
de «contraignantes» ou d’«opposables», bref, qu’elles s’imposent au médecin. Cela pose
néanmoins de nombreuses questions éthiques et pratiques.
La première : ce que l’on veut un jour est-il valable pour toujours ? «Nous avons deux libertés
fondamentales : celle de choisir et celle de changer d’avis», a fait valoir le professeur Axel Kahn
lors de son audition.
Faudrait-il que la directive soit plusieurs fois réitérée pour qu’elle soit contraignante ? Pourrait-on
imaginer que certaines directives soient opposables et pas d’autres ? C’est la piste privilégiée par
la mission. Bien que réunies en un seul document, il y aurait deux types de directives.
Les premières, d’ordre général, seraient rédigées par la personne en bonne santé pour le cas où
elle serait victime d’un accident la laissant inconsciente. Ces souhaits auraient une portée
indicative.
Les secondes, plus précises, pourraient avoir une portée contraignante. L’ensemble du
document, visé par un médecin, envisagerait ainsi plusieurs scénarios : la personne veut-elle être
placée sous respirateur ? Accepte-t-elle d’être alimentée et hydratée par sonde ou perfusion ?
Atteinte d’une maladie en phase avancée, veut-elle être transférée en réanimation si son état le
requiert ?
Une consultation spécifique consacrée aux directives pourrait même être proposée autour de
l’annonce d’un diagnostic grave. Cela permettrait d’évoquer avec le patient des questions
précises sur sa fin de vie, en même temps que des questions plus larges sur le parcours de
soins. Comme au Pays-Bas, ces directives pourraient être placées en première page du dossier
médical et être régulièrement rediscutées avec les personnels soignants. Quel que soit le
dispositif choisi, la mission prévoit néanmoins que le médecin puisse se «délivrer» de