II. Fonctionnement dans l’Illusion comique ! Structure apparente " Le premier acte appartient entièrement au 1er niveau, celui de la pièce-cadre. Il a la fonction simple de présenter au spectateur le procédé d’enchâssement. " La structure apparente est donc nette. Sous les yeux de Pridamant et d’Alcandre, à partir de l’Acte II, et dans un espace nettement délimité par un rideau, vont se dérouler des faits réels en incidence avec la pièce-cadre : puisque c’est le fils d’un des personnages, Clindor, dont on va voir les aventures – entrecoupées par les commentaires émus de son père. ! Des quiproquos multiples " Tout au long de la pièce, on peut parler d’une véritable « thématisation » de l’illusion théâtrale (elle devient un thème récurrent, omniprésent de l’œuvre). " Les personnages de la pièce enchâssée se livrent à l’espionnage amoureux. Ils deviennent en quelque sorte spectateurs d’une scène de galanterie, dont les amants, à leur insu, sont les acteurs : comme si le phénomène du spectacle se multipliait, s’auto-engendrait. ! Le trompe-l’œil final • Mais c’est dans le dernier acte que se révèle toute la complexité et l’originalité du procédé, qui, réapproprié par Corneille, s’achève par un jeu de dupes. • En apparence, la structure demeure inchangée : Pridamant regarde les aventures « réelles » qui arrivent à son fils Clindor, à l’insu de ce dernier. Mais la nature réelle des choses se révèle dans la toute dernière scène : en fait, Pridamant n’assistait pas à des événements authentiques. C’était bel et bien une « fiction » mettant en scène des personnages inventés, dont Pridamant était, à son propre insu, spectateur. • Qui dupe qui ? Clindor finit en quelque sorte par avoir sa revanche sur son père, puisqu’il l’abuse par son jeu d’acteur ; et le spectateur réel (ou le lecteur) de la pièce de Corneille n’est pas épargné : regardant le dernier acte avec, toujours, le regard de Pridamant, il est également victime de la supercherie. III. Effet et sens du procédé ! Un procédé typique du baroque " " " " Duplicité de lieux, de temps, d’action : le théâtre dans le théâtre est un procédé qui apparente immédiatement la pièce à la veine baroque, qui envahit le théâtre français dans le premier quart du 17e siècle avant le triomphe de la norme classique (entre 1630 et 1660). Le théâtre cornélien se situe au début de ce triomphe, à la charnière de deux époques : sa véritable insoumission aux règles classiques lui vaudra de nombreuses critiques, notamment pour la pièce du Cid (1637, cf. Mémopage Corneille) Dans l’Illusion comique, la sensibilité baroque se manifeste autant dans l’irrégularité formelle (baroque>barocco, italien : perle irrégulière) que dans une certaine vision du monde qui exhorte l’homme à une certaine humilité devant Dieu. Les artistes baroques mettent en lumière l’aspect changeant du monde, la nature trompeuse des apparences, la faiblesse constitutive de l’homme, être dupe et éphémère : Alcandre par ses deux discours, introductoires et conclusifs, s’en fait le relai explicite. ! Le topos du theatrum mundi " En brouillant les frontières entre le réel et la fiction, en les intervertissant constamment, L’Illusion comique relaie ainsi un topos (lieu commun) du Moyen-âge, également illustré par Calderon, en Espagne (La vie est un songe) : l’idée que le monde est un théâtre, et les hommes de simples acteurs abusés par leurs propres actions…le tout, créé et mis en scène par Dieu, créateur et spectateur. ! Un éloge du théâtre " Mais en plus de la ferme assise religieuse de ce propos, le procédé employé par Corneille exalte également le théâtre, et l’art de la feinte. " Presque égal à Dieu lui-même, l’acteur, à l’exemple de Clindor et sa troupe, est investi d’un pouvoir véritablement créateur, il produit l’illusion et peut abuser ses semblables. MemoPage.com SA © / 2009 / Joséphine Malara Elles peuvent être simplement juxtaposées, l’une suivant l’autre. Le jeu peut alterner plusieurs fois : passer de la pièce-cadre à la pièce enchâssée. On peut même voir la représentation enchâssée « parasitée », entrecoupée par des réflexions des spectateurs de la pièce-cadre. " La représentation spatiale de « l’autre scène » Tantôt, c’est un espace intérieur que rien ne matérialise : l’espace scénique secondaire est alors à imaginer par le spectateur. Tantôt, la représentation enchâssée vient envahir la totalité de la scène théâtrale, les deux espaces se superposent parfaitement. Enfin, dans une variante sophistiquée appelée « théâtre sur le théâtre », on érige un véritable espace théâtral, une scène matérielle, visible, sur la scène de la pièce-cadre. " Les liens entre les intrigues La pièce enchâssée peut être sans rapport avec la pièce-cadre. Parfois, elle reflète symboliquement l’intrigue de la pièce-cadre, où elle possède des interférences avec celle-ci : en ce cas, il arrive que la représentation enchâssée possède des répercussions, influe sur le cours de la pièce-principale, illustrant les pouvoirs de la fiction. ! Des formes très variées " La façon dont les deux pièces sont liées spectacle interne dans le spectacle : dès qu’un personnage de la pièce devient spectateur d’une autre représentation, dite « enchâssée », dans la pièce (qui devient alors la pièce-cadre, ou la pièce-matrice) " Le théâtre dans le théâtre peut donc être qualifié de « mise en abyme » du procédé théâtral (pour reprendre un terme de Gide et une notion développée par Lucien Dällenbach) ! Une définition simple " On considère qu’il y a « théâtre dans le théâtre » dès qu’il y a I. Qu’est-ce que le théâtre dans le théâtre ? L’Illusion comique : Le théâtre dans le théâtre, fonctionnement & sens (2)