Patients et biobanques au cœur de la recherche médicale

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9/7/2015
Patients et biobanques au cœur de la recherche médicale
Patients et biobanques au cœur de la
recherche médicale
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 06.07.2015 à 18h42 • Mis à jour le 07.07.2015 à 12h09
Les pathologies à dimension mondiale ont nettement augmenté au cours des dernières
décennies. Cela est illustré par le sida, le SRAS, Ebola ou encore la résurgence récente
d’infections telles que la dengue, la fièvre jaune, le chikungunya. Par ailleurs, en 2020, le
nombre de décès dus aux maladies chroniques (cancer, maladies cardio­vasculaires et
métaboliques…) avoisinera 75 % du nombre total des décès au niveau mondial.
Biobanques.eu/fr
Pour répondre à ces enjeux, la recherche biomédicale déploie de nouvelles technologies
fondées sur l’analyse des micro­organismes ou des éléments du corps humain tels que
l’ADN, l’ARN, les tumeurs ou encore le plasma. En utilisant ces ressources biologiques, la
génomique (analyse du génome), la protéomique (analyse des protéines), associées aux
techniques de l’imagerie, ont abouti à des progrès remarquables au cours des dernières
décennies.
Ainsi, une meilleure compréhension de la pathogénie et de l’épidémiologie d’agents
microbiens a été possible pour de nombreuses maladies permettant de préciser la variation
génétique des agents pathogènes et de révolutionner ainsi le développement de vaccins. En
outre, ces nouvelles techniques associées à la bio­informatique ont permis un
développement notable de biomarqueurs génétiques de maladies chroniques, telles que le
diabète, différents types de cancer, les maladies neurodégénératives.
La réalisation de ces études a nécessité le recrutement d’un grand nombre de patients et la
collecte d’échantillons biologiques (sang, tumeurs…), l’extraction d’ADN et leur conservation
dans des conditions contrôlées. Pour ce faire, ces études se sont appuyées sur des centres
de ressources biologiques ou des biobanques, unités fonctionnelles disséminées dans les
hôpitaux et les instituts de recherche médicale, ayant la mission de collecter, transformer,
analyser, stocker et distribuer lesdites ressources. Ces différentes opérations sont réalisées
dans le respect des droits fondamentaux des personnes sources. Les biobanques, outils de
la recherche biomédicale contemporaine, ouvrent la voie à ce que serait la médecine de
précision adossée à des thérapies ciblées.
Malgré ces avancées majeures dans la
compréhension des pathologies, plusieurs facteurs
« LA
ont limité le transfert de la recherche fondamentale
GÉNOMIQUE, LA
vers des applications cliniques au bénéfice du patient.
PROTÉOMIQUE,
Parmi ceux­ci, la nécessité de garantir la qualité des
ASSOCIÉES AUX
échantillons, d’harmoniser les procédures de collecte
TECHNIQUES DE
et de conservation ; d’augmenter les capacités à
L’IMAGERIE, ONT
recruter des patients ; de mettre en œuvre
ABOUTI À DES
l’interopérabilité des bases de données cliniques et
PROGRÈS
analytiques permettant la constitution d’entrepôts de
REMARQUABLES
données et, surtout, de maintenir la confiance du
AU COURS DES
public dans ces activités.
DERNIÈRES
Pour répondre à ces enjeux, le programme « DÉCENNIES »
Investissements d’avenir » de l’Agence nationale pour
la recherche a retenu le projet Biobanques et a
financé la construction d’une infrastructure nationale,
regroupant aujourd’hui 84 centres en France. Cette infrastructure est le nœud français de
deux infrastructures paneuropéennes, l’une pour les biobanques de ressources biologiques
issues de l’humain (BBMRI­ERIC) qui regroupe plus de 300 centres ; l’autre pour les
biobanques de micro­organismes, Microbial Resource Research Infrastructure (Mirri), qui
regroupe 40 centres européens.
A l’instar de la France, plusieurs pays de l’Union européenne financent le développement
d’infrastructures nationales pour les biobanques, rattachées aux infrastructures
européennes (Le Monde du 16 juin 2014).
Ces infrastructures reflètent et accompagnent un changement d’échelle de la recherche
biomédicale du XXIe siècle, qui passe d’un niveau local à une dimension globale avec la
constitution de consortia de recherche internationaux nécessaire pour démêler la complexité
des maladies courantes et pour détecter les variants génétiques d’effet modeste. Cela
implique des échanges internationaux, dans un ​
cadre bien défini, d’échantillons biologiques
et de données anonymisées, produites par un réseau dynamique d’équipes
multidisciplinaires de différents pays. Le rôle des infrastructures dans ces réseaux est de
mutualiser les moyens et expertises afin de répondre aux attentes des acteurs de la
recherche en facilitant le flux d’informations entre les chercheurs et les institutions, en
favorisant l’organisation et le développement de bases ou d’entrepôts agrégeant un grand
volume de données (big data). C’est l’analyse statistique de ces données dans leur
ensemble qui engendre une meilleure compréhension des mécanismes pathologiques.
Le rôle du patient dans ces ensembles est incontournable, et ses droits à consentir
librement et à être informé doivent être respectés. Cependant, il est temps de repenser le
rôle des personnes­sources plus largement en termes de participation et de contribution à la
recherche. Le patient doit dès lors être actif, informé, associé en amont dans la définition du
projet et impliqué dans le suivi de son déroulement. Le nouveau paradigme développé par
l’utilisation des collections biologiques et visant à créer une ressource pour la recherche
http://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2015/07/06/patients-et-biobanques-au-c-ur-de-la-recherche-medicale_4672908_1650684.html
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invite ainsi à une évolution du cadre réglementaire et éthique qui régit la question de la
participation du patient aux projets de recherche et l’utilisation des données génomiques.
Cela dans l’optique de garantir une utilisation optimale de ces données en recherche tout en
préservant l’autonomie des patients.
Une table ronde « Recherche et consentements »,organisée le 19 mai par l’infrastructure
Biobanques, a exploré les possibilités d’une extension de la portée du consentement du
patient permettant l’exploration des échantillons biologiques et des données associées pour
une pluralité de finalités scientifiques qui n’étaient pas prévisibles lors du consentement
initial de la personne, mais qui ont émergé de la dynamique cognitive du processus de
recherche.
Cette évolution de la réglementation, largement approuvée par les participants à la table
ronde, doit nécessairement concilier, d’une part, les principes qui fondent cette participation
– à savoir la liberté de choix de l’individu, le respect de son autonomie ainsi que la protection
de sa vie privée et de ses données personnelles – avec, d’autre part, les nouvelles
modalités de la recherche biomédicale permettant une avancée des connaissances au
bénéfice de la santé et de l’intérêt général.
De nouveaux modèles de consentement sont à explorer, tels que le consentement optionnel
(« Les traitements “personnalisés” des cancers », Lemonde.fr le 16 décembre 2010) ou
encore un consentement élargi adossé à des garanties relatives à la qualité scientifique des
études, leurs caractères éthiques ainsi que des mesures de gouvernance des biobanques
(reposant sur la transparence de leurs activités, un label qualité, une information particulière
des participants à la recherche ou encore une clarification des possibilités de retrait). Une
telle évolution est indispensable pour répondre aux défis posés par la recherche de demain.
Le rôle des autorités publiques est de définir une gouvernance qui traduit les priorités
stratégiques des acteurs publics et privés de la recherche et d’assurer un financement
pérenne de ces infrastructures qui leur permettra de faire face aux enjeux de demain.
Georges Dagher, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm), coordinateur de l’infrastructure nationale de
Biobanques.
http://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2015/07/06/patients-et-biobanques-au-c-ur-de-la-recherche-medicale_4672908_1650684.html
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