La newsletter du Biopark
Charleroi Brussels South
n°18 — été 2013
Biobanques
Un défi collaboratif
et scientifique
2
Une nouvelle législation 4
La Fédération
Wallonie-Bruxelles s'organise 6
Une expertise complémentaire
7
L'i-Tech Incubator est né 8
PPP : un beau bilan 9
En bref 10
CHARLEROI BRUSSELS SOUTH
Biobanques
2
Les biobanques : un défi
collaboratif et scientifique
Récolter et stocker des échantillons humains
(sang, tissu, cellules, ADN,…) à des fins
de recherche, c’est le but des biobanques.
"Mais le mot banque est trompeur" précise
d’emblée Isabelle Salmon, chef de service
à l’Hôpital Erasme, chercheuse au CMMI
(Biopark) et conseillère du recteur de l’ULB
pour les biobanques. "Contrairement aux
banques de tissus, à visée thérapeutique, les
biobanques se concentrent uniquement sur
la recherche scientifique. Il faudrait plutôt
parler de bibliothèque" précise-t-elle. Une
bibliothèque particulièrement intéressante
pour des recherches cliniques sur des
maladies rares ou présentant un profil très
particulier, pour lesquelles un nombre suffisant
d’échantillons doit être collecté et étudié. "Si
un chercheur souhaite étudier une mutation X
dans un grand nombre de cancers du côlon"
explique Isabelle Salmon, "nous pouvons
obtenir des échantillons dans notre biobanque
ou demander de l’aide d’autres biobanques, en
Belgique ou à l’étranger".
UN NOUVEAU CADRE LÉGAL
La collaboration représente donc une part
incontournable de la philosophie autour
des biobanques. Mais si le terme est neuf,
le biobanking est une activité connue dans
Les biobanques sont chargées de la collecte et du stockage
d’échantillons biologiques humains. Une fonction bien utile
pour la recherche en santé humaine et qui commence
doucement à se structurer.
le milieu de la recherche : "la majorité
des chercheurs ont déjà travaillé sur des
échantillons d’origine humaine pour valider
leurs hypothèses" continue I. Salmon. "Mais
chacun travaillait de manière isolée sur ses
échantillons, sans structure globale définie.
C’est ce cadre légal qui est aujourd’hui
apporté par les biobanques". Dans les tiroirs
du gouvernement fédéral depuis 2008 et
finalement adoptée il y a quelques mois, la
nouvelle loi sur les biobanques consacre la
volonté du patient, l’anonymat et la traçabilité
de son don (voir p.4) ainsi que la mise en
place d’un comité d’éthique pour l’utilisation
des échantillons.
BIOBANQUES: COMBINER ÉTHIQUE
ET ÉCONOMIQUE
L’importance d’organiser la manière dont les
échantillons biologiques humains sont générés,
conservés et surtout utilisés est aujourd’hui bien
mesurée par les différents acteurs impliqués
(universités, hôpitaux, pouvoirs publics et
entreprises). Malgré cette prise de conscience, les
défis à relever restent importants et sont à la fois
organisationnels, éthiques et économiques.
Si le projet de coordination des biobanques en
Fédération Wallonie Bruxelles devrait régler les
aspects opérationnels, le vrai défi sera de combiner
éthique et économique.
Il faudra trouver un juste équilibre entre le droit
d’information des patients, le respect de la loi et la
nécessité d’utiliser les échantillons non seulement
pour la recherche académique mais également pour
les partenariats de recherche avec les entreprises.
Si l’accès aux échantillons est indispensable
pour nos recherches académiques, il est tout
aussi important pour le développement de nos
sociétés. Si nous n’intégrons pas ces différentes
dimensions dans toutes nos initiatives, nous
risquons d’appauvrir notre tissu industriel et par
conséquence la recherche qui y est associée.
Dominique Demonté
Directeur Biopark Charleroi Brussels South
Humeur
Biobanques 3
UN RÉSEAU INTERNATIONAL
Cette législation était attendue depuis longtemps par les
biobanqueurs, mais nécessite une phase d’uniformisation de
grande envergure: "Nous étions déjà en pleine discussion avec
tous les hôpitaux de l’ULB, pour voir comment standardiser les
procédures et mettre les acteurs en réseau. Aujourd’hui, ceci
dépasse la Fédération Wallonie-Bruxelles et s’étend également
à nos collègues flamands, voire européens. Toujours dans
le but de faciliter les échanges" explique la chercheuse (voir
p.6). Des contacts devraient aussi être pris avec les entreprises
dont celles possédant des stocks d’échantillons humains.
"Nous avons, par exemple, un partenariat avec ImmuneHealth
(Biopark) pour s’échanger des échantillons selon les demandes
des chercheurs ou des entreprises biopharmaceutiques ou
technologiques" ajoute-t-elle (voir p.7). Après la mise en
réseau au niveau national, le but sera d’affilier la Belgique au
réseau européen des biobanques, le BBMRI (Biobanking and
Biomolecular Resources Research Infrastructure).
Chercheurs académiques ou industriels, médecins, patients:
les biobanques impliquent et vont à la rencontre des
différents acteurs du secteur biomédical. Un défi collaboratif
et scientifique avec un seul but: une recherche biomédicale
profitable à toute la collectivité.
Natacha Jordens
"COMPLIQUÉ D’OBTENIR
DES ÉCHANTILLONS EFFICACEMENT"
iTeos Therapeutics découvre et valide des candidats médicaments
capables de stimuler la réponse du système immunitaire
dirigée contre les cellules cancéreuses. L’information obtenue
à partir d’échantillons humains est indispensable pour le
développement préclinique d’un candidat médicament et la
mise au point de tests diagnostiques ; et les échantillons sont
parfois difficiles à trouver, comme l’explique Michel Detheux,
CEO d’iTeos Therapeutics au sein du Biopark.
L’ÉTUDE D’ÉCHANTILLONS HUMAINS EST-ELLE ESSENTIELLE
À VOTRE ACTIVITÉ ?
Ces études nous permettent d’augmenter la prédiction de l'efficacité d'un
futur traitement chez le patient et contribuent à mettre au point un companion
diagnosis, un test diagnostic permettant de sélectionner les patients de manière
optimale et prévoir l’efficacité du médicament. C’est donc une étape importante.
AVEZ-VOUS RENCONTRÉ DES DIFFICULTÉS À TROUVER
DES ÉCHANTILLONS APPROPRIÉS ?
Oui, il est difficile d'avoir accès à un grand nombre d’échantillons dans un laps
de temps court. De plus, il est également compliqué d'avoir accès à l'histoire
du patient, tout en conservant son anonymat. Ce sont pourtant des informations
essentielles pour interpréter les données obtenues. Par exemple, pourquoi un
échantillon est positif et 9 autres négatifs dans une analyse alors que tous les
échantillons viennent de la même pathologie ?
LA MISE SUR PIED D’UN RÉSEAU DE BIOBANQUES
REPRÉSENTERAIT-ELLE UNE SOLUTION SELON VOUS ?
À partir du moment où ce réseau permettrait d’accéder rapidement à ces
échantillons et à l’historique du patient, sa valeur serait très importante. Cela
augmenterait nos sources d’échantillons et aiderait à solutionner ce goulot
d'étranglement pour mettre en place une recherche préclinique de qualité et
compétitive au niveau international.
N.J.
Biobanques
4
Une nouvelle législation
pour les biobanques
La loi 2008 sur les biobanques a été revue en mars 2013.
L’objectif était de cadrer cette collecte de "matériel corporel
humain" exclusivement destinée à la recherche scientifique
et suscitant des questions éthiques. La nouvelle législation
tend vers plus de transparence et d’information au patient.
Ce n’est un scoop pour personne, la
médecine évolue sans cesse et les progrès
ne sont pas près de s'essouffler. La
découverte du génome humain a permis
aux médecins et aux chercheurs d’aller
de plus en plus loin dans la connaissance
des maladies. La conservation de
prélèvements humains est, elle aussi, de
plus en plus importante grâce aux progrès
de la cryoconservation; et le stockage des
données a été rendu plus aisé grâce au
développement de l’informatique.
"Avant, quand un chercheur voulait faire
un inventaire de ses échantillons, il devait
tout inscrire dans un cahier" explique
Myriam Remmelink, directrice du Conseil
des biobanques Erasme – ULB. "Les
programmes informatiques nous donnent
désormais les moyens d’enregistrer et
de stocker des milliers d’échantillons et
de données".
Les instances européennes
et belges
ont donc jugé nécessaire de réglementer
en profondeur les biobanques et leur
utilisation. L’information au patient est un
des principes cruciaux de la nouvelle loi.
Pour les biobanques stockant des tissus,
ceux-ci sont prélevés, en majorité, sur
les prélèvements effectués dans le cadre
de traitements.
"Ce n’est que s’il reste du tissu, après
que les prélèvements nécessaires pour le
diagnostic aient été effectués, que nous
pouvons envisager de prélever pour la
biobanque. Si nous ne prélevons pas pour la
biobanque, ce matériel corporel dit résiduel
est incinéré", poursuit Myriam Remmelink.
"Les prélèvements ne sont effectués qu’à
deux conditions : il reste du matériel en
suffisance pour le diagnostic et le patient ne
s’est pas opposé à la collecte".
Le patient – ce n’était pas le cas auparavant
– doit donner son avis avant qu’on ne puisse
prélever quoi que ce soit : c’est ce qu’on
appelle le consentement spécifique, par
opposition au consentement tacite (aussi
appelé opting-out).
"Lors de son admission à l’hôpital, le patient
reçoit une brochure avec une rubrique
prévue à cet égard" précise Myriam
Remmelink. "S’il ne s’oppose pas, on peut
stocker l’échantillon pour la recherche. S’il
"DES EFFORTS UTILES POUR
LES ÉCHANTILLONS RARES"
L’étude sur des échantillons
d’origine humaine est une étape
quasiment incontournable pour
les chercheurs en sciences
biomédicales. Mais certains d’entre
eux sont difficiles à obtenir en nombre suffisant,
surtout dans le cas de pathologies rares ou de
profils spécifiques. Exemple avec les recherches
d’Arnaud Marchant (IMI, Institut d’Immunologie
Médicale, Biopark).
"Dans notre laboratoire, nous étudions la transmission
du cytomégalovirus (CMV) de la mère à son fœtus et la
manière dont le fœtus parvient à contrôler l’infection.
Pour ce projet, nous sommes totalement dépendants
des échantillons humains. Nous collaborons avec
les obstétriciens qui invitent des futures mères
présentant une infection par le CMV à participer à
l’étude et qui collectent les échantillons cliniques.
Mais (heureusement !) seule une minorité des fœtus
développent des symptômes suite à l’infection par
le CMV. Les échantillons sont donc plus rares. Afin
d’identifier les facteurs de risque et les mécanismes
menant au développement de symptômes, nous devons
concevoir des études plus larges, impliquant plus de
patientes. Ces études pourraient être organisées aux
niveaux national et européen, avec ces échantillons
précieux collectés en utilisant des standards de
traitement et de conservation identiques. Notre institut
pourrait même, dans le cadre de ces études, devenir une
biobanque européenne rassemblant des échantillons
de fœtus infectés par le CMV, qui pourraient être
accessibles aux groupes travaillant dans ce domaine."
N.J.
Biobanques 5
s’y oppose, on détruit le matériel résiduel".
Même si le pourcentage reste faible, certaines
personnes refusent de donner leur tissu
humain en faveur de la recherche.
"Et tout le monde a le droit de décliner !",
insiste la scientifique. "Mais il est important
de travailler sur l’information au patient. Il
ne faut pas hésiter à discuter avec les gens
et surtout garder à l’esprit que pour faire
avancer la recherche médicale, il n’y a rien
de mieux que de travailler sur l’humain. Faire
un don de ce matériel résiduel permet de faire
progresser les connaissances médicales au
profit de la collectivité".
Damiano Di Stazio
L’OPTING OUT
La législation sur les biobanques diffère quelque peu selon les pays. Dans la loi
belge, un consentement éclairé et signé pour l’utilisation de matériel corporel
humain à des fins de recherche est obligatoire. Dans cette même loi, deux exceptions
sont néanmoins décrites : l’utilisation du matériel corporel résiduel ainsi que les
prélèvements post-mortem. Dans ces deux cas, la présomption de consentement
(l’opting out) est tolérée. "Cette procédure est celle pratiquée dans notre pays en ce
qui concerne la transplantation d’organes. Tout patient belge est donneur d’organes
sauf s’il a manifesté son opposition" explique Myriam Remmelink.
Plus d’informations: lire "Ethique et biobanques. Mettre en banque le vivant",
Myriam Remmelink, Editions Académie Royale de Belgique, 2013
D.D.S.
LES GRANDS PRINCIPES DE LA LOI
Le patient doit donner son accord avant que le prélèvement
ne soit fait. L’accord n’est pas définitif : "Une fois l’accord
donné, le patient peut revenir sur sa décision. Le matériel
stocké est alors détruit de façon définitive" précise
Myriam Remmelink.
Le stockage et l’utilisation des échantillons doivent faire l’objet d’une validation de
la part d’un comité d’éthique. L’objectif ? S’assurer que l’utilisation d’un prélèvement
concorde avec ce qui a été prévu lors de la constitution de la biobanque et que les
droits du patient sont respectés.
Il est interdit de faire du commerce avec le matériel humain.
Si les chercheurs constatent toute information relevante dans un prélèvement, ils
doivent informer le patient. "Ce qui implique une traçabilité impeccable" affirme
Myriam Remmelink.
D.D.S.
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