Nous avons ré-analysé cette banque de données en se
focalisant cette fois sur les troubles de la personnalité [5].
La neurotoxicité des épisodes passés ne pourrait-elle se tra-
duire par un assèchement des capacités de défense, un
appauvrissement des stratégies de coping, une exacerba-
tion des biais cognitifs, en bref, une aggravation des trou-
bles de la personnalité ? Reprenant donc l’échantillon
initial, nous avons évalué le SAPAS, instrument étonnant qui
en 8 items remplis par auto-questionnaire, donne au clini-
cien un niveau de trouble de la personnalité [9]. Il ne s’agit
bien sur pas de faire un diagnostic de trouble de la person-
nalité, mais bien d’en évaluer le niveau de sévérité. Nous
avons utilisé cet instrument an de repérer si la répétition
des épisodes dépressifs majeurs était associée à une telle
aggravation. Nous avons ainsi pu montrer qu’effectivement,
plus le nombre d’épisodes passés était important, plus le
trouble de la personnalité avait un score élevé (Fig. 4).
Certes vivre un épisode dépressif est une épreuve, et
beaucoup de patients, n’en sortent pas totalement indem-
nes, mais les données précédentes, qui semblent recevoir
de plus en plus de conrmations, pourraient permettre de
rafner un constat si pessimiste.
Tout d’abord, en permettant d’avoir un discours un peu
différent avec nos patients. Le plus souvent la consultation
psychiatrique se fait sur la pression de l’entourage, fami-
lial, amical ou professionnel, et trop rarement sur une
inquiétude du sujet. Si la notion que la dépression est neu-
rotoxique trouve une consolidation sufsamment forte,
« l’urgence » du diagnostic et de la prise en charge de tels
troubles pourrait être rendue plus claire, et donc perçue
par les patients comme telle.
Ensuite, l’observance au traitement antidépresseur est
un problème majeur, puisqu’un patient sur deux prend ce
traitement pour une durée de moins d’un mois. Le fait de
savoir que le but est d’éviter une « cicatrice dépressive »
et non simplement d’éviter la rechute (bien que ces deux
concepts soient éminemment intriqués) pourrait faciliter
une reprise de conscience de la nécessité de poursuivre
sufsamment longtemps son traitement.
Enn, un problème important se pose pour les préven-
tions des récurrences. Prendre un traitement pour une
durée de plusieurs années pour réduire le risque hypothéti-
que d’un nouvel épisode n’a probablement pas la même
signication que de continuer un traitement pour consolider
la correction des effets neurotoxiques des épisodes passés.
impact négatif sur le volume de l’hippocampe, ce d’autant
que les sujets ont eu des épisodes dépressifs passés ; et la
taille de l’hippocampe est diminuée chez les patients
déprimés, ce d’autant que les antécédents sont marqués
par de nombreux épisodes, ou une durée cumulative de
dépression plus élevée.
Ces différentes études nécessitent de faire des liens
indirects entre, d’une part, stress et dépression au niveau
clinique, et d’autre part, taille de l’hippocampe au niveau
de l’imagerie. Une étude récente a néanmoins cherché à
confronter ces différents domaines uniquement par une
évaluation clinique [4].
Nous étions, en effet, désireux de tester les fonctions
cognitives les plus directement reliées à l’hippocampe que
sont les tâches mnésiques de mémoire narrative différée
tels que retrouvé dans le paragraphe de Weschler. De fait,
des études d’imagerie ont montré que de rappeler à son
souvenir (donc après une phase de latence de quelques
minutes) le maximum de détails d’une histoire au scenario
en général peu passionnant, activait de manière assez spé-
cique l’hippocampe [1, 13].
Nous avons ainsi sollicité quelques centaines de méde-
cins an qu’ils testent le paragraphe de Weschler chez une
dizaine de leurs patients déprimés, avant la mise sous anti-
dépresseur, puis 6 semaines après. Sur les quelques
8 000 patients évalués, aucune différence n’existait à la
première visite entre le nombre de mots restitués de
manière différée et les antécédents dépressifs. Par contre,
chez les sujets répondeurs à 6 semaines, une forte corréla-
tion était observée (Fig. 3). Ce lien était statistiquement
conservé même lorsque les nombreux paramètres poten-
tiellement confondants étaient pris en considération (par
exemple, âge, longueur des études, importance des symp-
tômes dépressifs résiduels…). L’hypothèse avancée est donc
que lorsque le sujet est déprimé (première visite), la faible
motivation, la baisse des capacités attentionnelles et de
manière générale cognitives, empêchait de repérer un tel
lien (effet censure). Par contre, lorsque ces fonctions
cognitives complexes étaient accessibles (quand le sujet
est sorti de la dépression actuelle), on retrouvait un fort
lien entre les deux [4].
Figure 3 Nombre de mots rappelés de manière différée
au paragraphe de Wescheler selon le nombre d’épisodes
dépressifs passés [4].
10,4
10,8
10,6
11
11,4
11,2
11,8
11,6
12,2
12
12,4
0 1 2 3 4 et plus
Nombre de mots
Nombre d’épisodes dépressifs passés
Figure 4 Niveau de sévérité du trouble de la personnalité
selon le nombre d’épisode dépressif passé [5].
3,4
3,8
3,6
4
4,4
4,2
4,6
012345 et
plus
Score SAPAS
Nombre d’épisodes dépressifs passés