IFPEK Rennes Institut de Formation en Ergothérapie Latéralité gauchère : quelles influences lors d’une intervention en ergothérapie ? UE 5.6 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche EGLI Raphaela 2014 Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale. IFPEK Rennes Institut de Formation en Ergothérapie Latéralité gauchère : quelles influences lors d’une intervention en ergothérapie ? UE 5.6 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche Sous la direction de Madame PELE Patricia, Directrice de mémoire EGLI Raphaela 2014 Une partie du monde est conçue pour les personnes droitières. La personne gauchère évolue alors dans un environnement qui peut lui faire obstacle. Cette disposition environnementale pousse le gaucher à s’adapter au quotidien en se créant des adaptations. Il aborde donc certaines activités de la vie quotidienne spécifiquement. L’enfant gaucher, en plus de tous les nouveaux apprentissages qu’il doit effectuer au quotidien, peut être confronté à des difficultés supplémentaires liées à sa latéralité gauchère. Si, de plus, il présente un trouble de l’acquisition de la coordination (TAC), des difficultés pour entreprendre et réaliser des gestes nécessitant une utilisation conjointe et/ou complémentaire de ses mains sont remarquées. Ces enfants ont de la peine pour automatiser et pour apprendre des stratégies d’apprentissages. Ils peuvent être suivis en ergothérapie. Ce mémoire s’intéresse à l’influence que peut avoir la latéralité gauchère sur l’intervention ergothérapeutique. Des pistes de réflexions sur le fonctionnement des personnes gauchères et de leur perception du monde seront apportées. Mots clés : latéralité – enfants – gaucher – trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) – activités de la vie quotidienne (AVQ) A substantial part of the world is designed for right handed people. So, lefthanded people operate in an environment that could be a barrier to them. This environmental context leads lefthanders to handle their day-to-day existence while finding some arrangements. Consequently, lefties have a specific approach of some activities in their daily living. In addition to all new learning activities he has to perform every day, a lefthanded child may face other hardships due to his hand preference. Moreover, if he suffers from a Developmental Coordination Disorder (DCD), he is facing difficulties such as undertaking activities which require hand coordination. These children have got problems to automate and develop strategies to make their learning strategies easier. They might be followed by an Occupational Therapist. This thesis focuses on the influence that the left-handed laterality can have on an occupational therapy intervention. Thoughts about the left-handed people functioning and perception of the world will be underlined. Keywords: laterality – children – lefthanders – developmental coordination disorder (DCD) – activities of daily living (ADL) REMERCIEMENTS : En préambule de ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements à : - Mme Patricia Pelé, ma directrice de mémoire pour ses interventions tout au long de la rédaction de ce mémoire, - Tous les professionnels qui ont accepté de me faire partager leurs expériences pour ce travail. - Mes compatriotes du groupe mémoire pour l’enrichissement mutuel qu’ils ont apporté - Toutes les autres personnes ayant contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce mémoire. Je remercie aussi tout particulièrement ma famille et mes proches pour m’avoir soutenue et encouragée durant ces trois années. A Paul Hunger « Je suis adroit de la main gauche et je suis gauche de la main droite. » Raymond Devos SOMMAIRE 1 Introduction........................................................................................................ 1 2 Problématique .................................................................................................... 2 3 Partie théorique ................................................................................................10 4 5 6 3.1 Les capacités motrices ................................................................................10 3.2 Le Trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) ....................................15 3.3 L’écriture chez l’enfant .................................................................................20 3.4 Particularités du gaucher dans la vie quotidienne ........................................23 3.5 Synthèse de la partie théorique ...................................................................28 Méthodologie ....................................................................................................29 4.1 Généralités sur le questionnaire ..................................................................29 4.2 Justification du choix de l’outil ......................................................................29 4.3 Population cible ...........................................................................................29 4.4 Le questionnaire ..........................................................................................29 Analyse du recueil de données .......................................................................32 5.1 Le questionnaire professionnel ....................................................................32 5.2 Limites du questionnaire ..............................................................................42 Discussion ........................................................................................................44 6.1 Réflexions autour de la question de recherche et des hypothèses...............44 6.2 L’enfant TAC gaucher ..................................................................................46 6.3 Limites du mémoire, axes de poursuite........................................................48 6.4 Remarques personnelles .............................................................................49 7 Conclusion ........................................................................................................50 8 Ressources documentaires .............................................................................52 Annexes ...................................................................................................................... 1 INTRODUCTION La formation pour devenir ergothérapeute éveille chez l’étudiant la curiosité et l’envie de découvrir de nouveaux concepts, de nouvelles théories et techniques ergothérapeutiques. Les connaissances théoriques et l’enseignement pratique de la formation font naître un regard analytique et critique se développant continuellement au cours du cursus puis tout au long de notre carrière professionnelle et de notre vie. Les expériences de stage, aussi diverses et variées, aident à stimuler ce sens critique, cette observation et cette analyse des situations. Elles permettent aussi de rencontrer des situations sortant de l’ordinaire obligeant le futur jeune professionnel à aller vers l’inconnu et à rechercher des pistes de réflexions dans la littérature et auprès d’autres professionnels. Ces situations peuvent être la genèse d’un thème dont on souhaite en connaitre les tenants et les aboutissants en l’explorant davantage. La réflexion portée autour de ce sujet peut aboutir à une problématisation, phase initiale d’un mémoire d’initiation à la recherche. Lors des stages, qu’ils se fassent auprès d’un public pédiatrique ou adulte, la question de la latéralité est évoquée que cela soit dans les bilans ou dans les dossiers des patients. Dans les études de cas théoriques à l’institut de formation, il est aussi toujours important de la mentionner. On ne se rend, initialement, pas forcément compte de l’importance de cette latéralité. Tout le sens que possède cette latéralité peut émerger à la suite d’une expérience. Chez un ergothérapeute exerçant auprès d’enfants avec des troubles de l’apprentissage, sa prise en compte semble essentielle afin de faciliter au mieux l’apprentissage des activités de la vie quotidienne. Le fait d’être droitier ou gaucher change-t-il quelque chose dans la vie hormis que la main utilisée pour aborder certaines activités n’est pas la même ? D’un premier abord, la réponse semble être non. Pourtant, si différentes latéralités existent, cela doit quand même avoir de l’importance. La question de la latéralité va être traitée, dans ce travail d’initiation à la recherche, en se focalisant sur la prise en compte de la latéralité gauchère en ergothérapie. Après avoir problématisé le sujet, une question de recherche et deux hypothèses qui en découlent seront posées. Elles serviront de trame pour aborder les notions théoriques grâce à une revue de la littérature. Ensuite, après avoir expliqué la méthodologie de recherche de ce travail, un recueil de données avec un questionnaire destiné aux professionnels sera entrepris. Enfin, les résultats du recueil de données seront analysés et discutés dans une dernière partie afin d’apporter des éléments de réponses à la question de recherche initiale. ~1~ 2 PROBLEMATIQUE Dans chaque population, partout dans le monde, des minorités sont présentes. Celles-ci peuvent être plus ou moins visibles et revendicatives selon leur type. L’une d’elles, à laquelle nous faisons plus ou moins attention, est représentée par les personnes ayant une latéralité gauchère. Cette minorité se trouve être mon groupe d’appartenance. C’est depuis mes années de primaire que j’ai appris à vivre et à apprécier, plus ou moins selon les circonstances, cette originalité et singularité d’être gauchère. Durant toutes ces années, la seule à être de cette latéralité était moi. Ce côté unique me plaisait ; même si, dès l’enfance, on constate qu’on est un peu différent. On peut aussi rapidement se rendre compte qu’il y a un effet pervers à être d’une autre latéralité que ses camarades. En effet, il n’est pas toujours évident de s’adapter à ce monde, un monde où de l’informatique aux transports en passant par les objets de la vie quotidienne, de nombreux éléments sont adaptés en priorité aux droitiers. Dans ces conditions, on s’adapte et on assume sa différence en tant que personne avec une autre latéralité. Cette constatation sur la nécessité d’adaptation a soulevé chez moi, depuis longtemps, une question : dans un monde de droitiers, quel impact peut avoir sur un enfant le fait d’être gaucher dans la période où s’acquiert et se développe cette latéralisation ? Depuis longtemps et jusqu’à ce jour ma capacité d’adaptation à ce monde de droitiers n’a cessé d’être mise à l’épreuve. Cette contrainte engendre à la fois un challenge et une volonté de réussite. Outre me confronter à cette différence, la scolarité m’a aussi apporté un plaisir d’acquisition des connaissances, de transmission des savoirs et un réel attrait pour le geste scripteur. Le processus d’apprentissage et d’automatisation de ce geste a quelque chose de passionnant et de fascinant. Bien que notre société évolue vers une ère où l’informatique prend de plus en plus d’importance, pour moi, l’acte d’écriture n’en reste pas moins utile, voire indispensable dans la vie quotidienne : prendre des notes, écrire rapidement un numéro de téléphone, remplir un chèque, signer une facture sont autant d’actes nécessitant un geste graphomoteur. Ce dernier fait partie intégrante du graphisme qui regroupe le dessin et l’écriture. Pour accomplir ces actes, les personnes utilisent l’une ou l’autre de leurs mains. Une personne de latéralité gauchère utilise donc pour écrire préférentiellement sa main gauche ; mais qu’entend-on par-là ? La latéralité est la « prédominance fonctionnelle de l'un des deux côtés du corps humain (avec les effets de comportement qui en découlent). [Elle] amène l'individu à utiliser, de préférence, les membres du côté droit ou ceux du côté gauche : main droite ou main gauche (…), jambe droite ou gauche, œil droit ou œil gauche (...) » (Le Grand Robert, ~2~ 2013). Pour certains auteurs comme McManus (2002, in Preti et al. 2011), cette définition est plus limitée. Pour lui, le meilleur moyen de définir la préférence manuelle chez les hommes est de s’intéresser à la main d’écriture. D’après la définition du Grand Robert 2013 citée plus haut, on peut noter que la latéralité n’englobe pas seulement la préférence manuelle. Il faut aussi penser qu’il existe des préférences podales, auditives et oculaires chez les êtres humains. Si l’on a une préférence manuelle pour réaliser le geste scripteur, acte qui pour une personne novice détermine la latéralité d’un individu, cela ne veut pas dire que cette main sera la plus performante dans toutes les autres activités. Une personne peut aussi avoir une certaine latéralité manuelle pour écrire mais elle peut avoir une latéralité oculaire ou podale différente. Dans ce cas, on parle de latéralité croisée. Ainsi, selon les niveaux corporels, la dominance latérale d’une personne peut se trouver modifiée. Mais il faut savoir que cela ne doit pas modifier le choix de la dominance manuelle. L’Homme peut avoir trois sortes de latéralité différentes : être de latéralité ambidextre, de latéralité droitière ou encore de latéralité gauchère. D’après Meyer (1998, cité dans Fagard 2004, p.30), être gaucher, c’est la « tendance à utiliser davantage sa main gauche dans la réalisation des actes les plus courants de la vie quotidienne. Une personne peut aussi être considérée comme étant gauchère, si elle obtient de meilleurs résultats lorsqu’elle utilise sa main gauche pour effectuer de quelconques activités ». On peut appliquer au droitier une définition équivalente. En revanche, « l’ambidextre est à la fois un être hybride et neutre. Il s’accommode à toutes les situations » (Du Pasquier-Grall 2001, p.97). C’est donc une personne effectuant des activités avec l’une ou l’autre de ses mains de manière indifférenciée. Il existe aussi les ambilatéraux qui font certaines activités de la main gauche et d’autres de la main droite. « Il s’agit souvent […] du résultat d’un effort d’adaptation rendu nécessaire par l’empêchement ou par l’interdit de fonctionner selon sa vraie latéralité » (Galobardès 2007, p.25). La latéralité n’est pas quelque chose de fixée dès la naissance d’un enfant. Cependant, il semblerait qu’il y ait une sorte de prédisposition génétique pour chaque latéralité. Au fil des années et de mes diverses lectures, un constat s’est imposé à moi : le gaucher n’a pas toujours été ni bien perçu ni accepté dans la société alors qu’il s’agit de quelqu’un « de tout à fait normal et au moins autant apte que quiconque » (Galobardès 2007, p.41). En s’intéressant au terme « gaucher » et aux mots issus de son champ lexical, que cela soit dans la langue française ou dans une autre langue, on constate qu’une connotation négative est associée à ce mot. Celle-ci était déjà présente dans l’Antiquité. Par exemple, dans son ouvrage, Métaphysique (Bertrand 2001), Aristote associe le terme gaucher à quelque chose de sombre, de courbé. ~3~ Regardons maintenant, les significations qui sont attribuées à un terme dérivé de gaucher : le terme « gaucherie ». Le Grand Robert 2013, en propose trois définitions, citées ici dans leur ordre d’apparition : 1. « Manque d'adresse, d'aisance, d'assurance, de grâce ; » 2. « Acte, geste gauche, faute qui dénote de l'inhabileté, de la maladresse. Action maladroite ; » 3. « Prédominance fonctionnelle de la main gauche (manualité), ou de l'œil gauche (ocularité) ; » On peut constater que, dans les deux premières définitions, l’aspect négatif est flagrant. En outre, l’adjectif « gauche » nourrit bon nombre d’expressions de la vie quotidienne qui véhiculent de pareilles connotations négatives. Ainsi en est-il des quatre suivantes : « Se lever du pied gauche ; » : voulant dire se lever du mauvais pied ; être mal à son aise, de mauvaise humeur. « Passer l'arme à gauche ; » signifiant mourir « Mettre de l'argent à gauche ; » ayant pour sens de mettre de l’argent de côté, en le dissimulant « Le mariage de la main gauche » est une union libre, un concubinage ; autrefois, c’était un mariage qu'un noble contractait avec une femme d'une condition inférieure, à qui il donnait, pendant la cérémonie nuptiale, la main gauche au lieu de la main droite. Sans doute ces convergences linguistiques ne sont-elles pas complètement étrangères à la vision négative qui affecte l’image des gauchers. Ces derniers ont même longtemps été considérés comme des créatures du diable ou comme des personnes représentant le mal ou l’enfer. Ce traitement singulier peut surprendre en regard du temps où remonte la présence des gauchers sur la Terre (Bertrand 2001; Laroche & Gilbert 2010). D’après des études archéologiques, les premières traces de gauchers remontent, en effet, au temps d’Homo Sapiens. Le caractère gaucher a été conservé dans le temps. Il n’y a pas eu de processus de sélection naturelle à l’encontre de cette latéralité (Grimshaw & Wilson 2013). Y aurait-il un avantage à être gaucher ? Contrairement à toutes les autres tribus, seules celles des Incas et des Zinus voyaient dans cette population gauchère la chance et la sagesse (Grimshaw & Wilson 2013). Aujourd’hui, une caractéristique plus flatteuse pour l’image des gauchers est parfois mise en avant. En effet, dans la littérature, on lit que les gauchers seraient plus intelligents ~4~ que les droitiers et qu’ils auraient un sens artistique, visuo-spatial et créatif davantage développés (Preti et al. 2011) Malgré le temps qui passe et une évolution non négligeable des mentalités, le fait d’être gaucher n’est pas encore accepté dans toutes les cultures mondiales. Notons d’ailleurs que c’est au temps de la « Renaissance que la généralisation de l’apprentissage de l’écriture et la divulgation des règles de la bienséance et des bonnes manières ont fait rentrer l’usage de la main droite dans le champ de la réglementation sociale » (Du PasquierGrall 2001, p.19). Dans des pays orientaux, les personnes n’ont toujours pas le droit d’utiliser la main gauche d’une manière générale ou lors de la réalisation d’activité en public. Dans d’autres cultures, les personnes peuvent écrire de la main gauche mais ne peuvent pas entreprendre avec cette main d’actes liés à la nourriture ; la main gauche étant réservée à la réalisation d’activités jugées impures (Laroche & Gilbert 2010). La raison de cette interdiction se trouve souvent dans les textes religieux. Un certain nombre de gauchers ont été contraints de changer de latéralité au cours des décennies passées. D’après Galobardès (2007), tout gaucher peut développer des troubles si on le contraint. Contrarier un enfant ne lui rend pas service, ne facilite pas son travail bien au contraire. En le faisant, l’enfant est privé de sa main dominante et donc de la possibilité de développer de bonnes capacités gestuelles. Sa personnalité peut aussi en être perturbée. Ainsi, si l’on contraint un enfant à changer de latéralité, ce n’est pas seulement sa main d’écriture qui va être modifiée. Tout son fonctionnement cérébral sera affecté. Plus un enfant sera contrarié, plus les troubles qu’il est susceptible de développer seront importants. L’enfant peut être amené à changer de latéralité par des personnes extérieures mais il peut aussi se l’imposer lui-même. Cette obligation serait à l’origine de nombreux traumatismes psychoaffectifs et de difficultés comme des dyslexies, des troubles du langage ou encore de l’écriture. En effet, l’enfant devra écrire de sa main non dominante et réaliser les activités dans un sens contraire à son sens inné. Le principal trouble apparaissant avec une contrainte extérieure est le bégaiement. Son apparition serait rapide après la mise en place de l’obligation. « Tout enfant se mettant à bégayer doit donc être considéré gaucher contrarié avant d’envisager une autre cause » (Galobardès 2007, p.76). Des cas d’énurésie1, de boulimie ou d’onychophagie2 témoins de l’anxiété ont aussi été constatés. Enfin, en inversant le fonctionnement cérébral par la contrariété, l’organisation et la perception du schéma corporel peuvent se trouver dérangées pour l’enfant. La représentation qu’il se fait de son propre corps, afin de se situer dans l’espace sera perturbée. Cela peut également avoir des conséquences sur les capacités de repérage temporo-spatial. Remarquons qu’une seule référence est citée pour ce point (Galobardès 1 2 D’après le Grand Robert 2013 online : « Émission involontaire et inconsciente d'urine. » Idem : « Habitude de se ronger les ongles. » ~5~ 2007). Des éléments contradictoires ou allant dans le même sens n’ont pas été trouvés dans la littérature. Depuis les années 1960, ce principe de contrariété est pratiquement révolu dans les sociétés occidentales après une prise de conscience des impacts néfastes qu’il pouvait occasionner (Fagard 2004). En France, il était admis qu’une personne réalisait une action de bienfaisance lorsqu’elle incitait un enfant à écrire de la main droite (Du Pasquier-Grall 2001). En effet, on pensait l’aider à s’adapter à l’univers du droitier. C’est vers 1980 que les gauchers ont eu l’autorisation d’écrire avec leur main gauche à l’école. Cette nouvelle étape a sûrement augmenté le nombre de gauchers visibles dans les populations. En revanche, cette interdiction d’utiliser la main gauche, reste présente dans d’autres civilisations. Dans les sociétés où il n’y a plus de pression culturelle envers les gauchers, on constate une augmentation de leur fréquence depuis quelques années. Cependant, jusqu’à ce jour, aucune population connue n’a une majorité de gauchers. Sans contrainte culturelle dans le choix de la latéralité et de la préférence manuelle, la fréquence des gauchers dans la majorité des populations mondiales est de 10 à 15%. Ce pourcentage varie suivant les pays, les cultures et le sexe. Il est, en revanche, nettement moins important (2%) dans les pays où la main gauche possède une signification négative et où son usage est prohibé (Fagard & Dahmen 2004). Notons, par ailleurs, que la main gauche s’avère être plus utilisée chez les jeunes générations. D’après l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques), en 2004, il y avait environ quinze millions de jeunes âgés de 0 à 19 ans et d’après les neuroanatomistes, 20 à 25% d’entre eux sont des gauchers (Galobardès 2007). En habitant en France et en ayant fait une grande partie de sa scolarité dans ce pays, un enfant gaucher n’a probablement pas été contraint dans le choix de sa préférence manuelle. Il peut librement expérimenter les joies et les contraintes d’être gaucher. De nombreuses fois, il devra faire une gymnastique intellectuelle afin de transcrire une activité de droitier pour gaucher. Par exemple, un gaucher doit lire et écrire dans un sens inverse à son sens naturel mais doit aussi utiliser du matériel qui n’est pas conçu pour lui (Galobardès 2007). Il lui arrivera d’avoir de la peine à transposer une activité de droitier ou à comprendre une manipulation nécessitant une transposition de main. Ainsi, dans une situation d’apprentissage ou de réapprentissage, un enfant gaucher peut avoir une contrainte de plus par rapport à sa latéralité bien qu’il soit intellectuellement et gestuellement égal à un droitier. Soit l’enfant parvient à transposer l’activité ou l’apprentissage de manière fluide soit, il n’y arrive pas ce qui peut engendrer des blocages. Cela ne contraindrait-il pas l’enfant à fournir un grand potentiel énergétique et attentionnel pour comprendre et réaliser l’action ? Par ailleurs, pour des enfants, notamment pour ceux avec des troubles de l’apprentissage, cette ~6~ difficulté pourrait-elle être majorée ? Les gauchers doivent rechercher très tôt des stratégies pour vivre avec les droitiers, dans un monde qui est davantage adapté à ces derniers. Ils mettent en avant, dès leurs plus jeunes âges, des capacités d’adaptation. Au cours d’un stage en pédiatrie, j’ai pu prendre en charge des enfants ayant des troubles de l’acquisition de la coordination (TAC). Parmi ces enfants, quelques-uns avaient une latéralité gauchère. Alors que j’assistais à une séance avec un enfant présentant un TAC où l’ergothérapeute, droitière, voulait apprendre à un enfant gaucher à faire ses lacets, j’ai fait le constat que je n’effectuais pas le laçage de la même manière que l’ergothérapeute. L’esprit en alerte sur cette réflexion, j’ai davantage porté attention aux choses que je ne faisais pas de la même façon que mon entourage droitier. Un gaucher semble aborder certaines activités de la vie quotidienne (AVQ) avec d’autres stratégies. Rappelons que d’après l’ordre des ergothérapeutes du Québec, les activités de la vie quotidienne sont un « ensemble de gestes accomplis chaque jour par une personne dans le but de prendre soin d’elle-même ou de participer à la vie sociale3 ». Les concepts d’indépendance et d’autonomie sont deux concepts clés dans le métier d’ergothérapeute. En effet, l’objectif principal d’un ergothérapeute, dans toute intervention auprès d’un patient, que ce soit un enfant ou un adulte, est de le rendre au maximum indépendant et autonome dans ces actes quotidiens. Quel impact la gaucherie peut-elle avoir dans les AVQ pour des enfants présentant un TAC ? N’est-il pas encore plus difficile pour eux, d’acquérir une indépendance et une autonomie, et cela surtout, si le geste qui leur est appris va à l’encontre des stratégies facilitatrices qu’un gaucher mettrait en place ? Avec ces enfants présentant un TAC, les prescriptions concernent souvent une éducation pour faciliter les AVQ et une éducation du geste graphomoteur. La question qui se pose est de savoir si pour un enfant gaucher, en général, les AVQ ou l’acte scripteur ne seraient pas plus difficiles à apprendre ou à rééduquer. La spécificité de l’ergothérapie, pousse le thérapeute à avoir une vision holistique de son patient. Il prend en compte les facteurs de risque, les facteurs personnels à savoir les aptitudes et les déficiences mais aussi les intégrités du système organique de son patient. Pour obtenir cette vision globale, le thérapeute s’intéresse aussi à l’environnement humain et matériel de l’enfant que ce dernier soit facilitateur ou obstacle (Processus de Production du Handicap (PPH), 1998)4. Enfin, c’est en croisant ces différents éléments avec les 3 Repris sur le site MDPH http://www.mdph.fr/index.php?option=com_glossary&id=10&Itemid=55 (consulté le 5 mars 2014) 4 Disponible sur : http://www.ripph.qc.ca/mdh-pph/comment-utiliser-mdh-pph/classification-quebecoiseprocessus-production-du (consulté le 20 février 2014) ~7~ habitudes de vie, les besoins et les motivations du jeune patient que l’ergothérapeute pourra proposer son plan d’intervention personnalisé (Hernandez 2010). Avec ces réflexions, ces questions et les spécificités de leur métier en tête, des entretiens avec différents ergothérapeutes m’ont permis de leur soumettre mes interrogations et mes idées pour cette thématique de mémoire. Ils ont estimé le choix de mon thème intéressant mais il m’a cependant été conseillé d’élargir un peu mon propos en recherchant des éléments sur le développement et l’évaluation de la latéralité en ergothérapie, sur le fonctionnement des gauchers et d’élaborer des pistes de réflexions sur des activités courantes à reprendre en ergothérapie pour les enfants gauchers avec un TAC. Les activités d’écriture, de laçage des chaussures, de traçage de traits à la règle ou encore de découpage ont été mises en avant. Ces activités reviennent aussi dans les demandes des parents et des enfants lors des séances d’ergothérapie. Ce sont des activités signifiantes qui sont pratiquées quotidiennement tant dans le jeu que dans les apprentissages plus scolaires. De plus, en interrogeant divers gauchers et professeurs des écoles, ces activités ont également été citées comme posant problème. Elles sont aussi en lien avec la scolarisation. Or, un enfant passe une grande partie de son temps à l’école, il paraît donc important de le stimuler pour faciliter son apprentissage. Pour les enfants, il est essentiel de faire « comme les autres ». Pour eux, pouvoir faire ses lacets, découper correctement, écrire des lettres sont des étapes importantes dans l’acquisition de l’indépendance. Elles permettent aussi de véhiculer une image positive et satisfaisante d’eux. Élément indispensable à la réussite scolaire, l’écriture ne l’est pas moins à la communication et elle exerce un impact sur de nombreuses autres composantes de la scolarisation. Au départ, un enfant passe 30 à 60% du temps scolaire à exercer son écriture (Feder & Majnemer 2007). Savoir écrire quelques mots, ne serait-ce que son prénom n’est-il pas valorisant pour un enfant en situation de handicap ? Grâce à l’activité, l’enfant accède au jeu, stimule son développement et peut s’accomplir, afin d’accéder ensuite à des rôles sociaux. Il est important qu’en cas de troubles, un enfant puisse être suivi en thérapie afin de devenir au maximum acteur de sa vie et cela de manière indépendante et autonome. ~8~ Ainsi, la recherche est portée sur l’intervention en ergothérapie auprès des enfants gauchers présentant un trouble de l’apprentissage, et plus particulièrement un trouble de l’acquisition de la coordination. Ce travail aura donc pour fondement la question de recherche suivante : « En quoi l’intervention d’un ergothérapeute auprès d’un enfant, avec un trouble de l’acquisition de la coordination, est-elle modulée par la prise en compte de sa latéralité gauchère ? » Les hypothèses sous-jacentes à cette question de recherche sont : la sensibilisation des ergothérapeutes à la latéralité gauchère peut modifier leurs interventions. la proposition d’outils, de matériels et de techniques adaptés à la latéralité gauchère influence les capacités d’un enfant avec un TAC lors d’une intervention en ergothérapie Notons que dans ce mémoire, je m’intéresserai au cas d’enfants dont la latéralité gauchère est clairement définie. Bien que parfois utopique, cette démarche a été adoptée pour poser un cadre à la recherche. ~9~ 3 PARTIE THEORIQUE 3.1 Les capacités motrices 3.1.1 Généralités Le développement des capacités motrices, dont la latéralité, se produit tout au long de l’enfance. Le développement moteur est ordonné et séquentiel : il suit un ordre prévisible. Chaque enfant se développe à son rythme. Ce dernier suit aussi un certain nombre de lois dont la loi de succession qui stipule que l’ordre de la maturation est constant et s’effectue selon trois règles fixes (Kurtz 2010) : Le développement est céphalo-caudal. Il commence par la tête et se termine par les pieds. Le développement est proximo-distal. Le contrôle débute par le tronc puis se développe vers les extrémités Le développement est ulno-radial pour la main. L’enfant se sert d’abord de sa main interne avant d’utiliser sa main externe. L’environnement (humain et matériel) a une influence dans le développement des habiletés motrices (Sharma 2011). C’est lui qui permet de faire des expériences motrices et sensorielles qui enrichissent ces habiletés. Cet environnement doit être stimulant et favoriser la persévérance dans les découvertes. Encourager un bébé puis un enfant permet à celui-ci de se sentir valorisé lors de l’accomplissement, de la découverte d’une nouvelle capacité motrice. Son estime de soi et sa confiance seront accentuées ce qui lui apporte une motivation pour continuer à explorer son environnement. Une augmentation des capacités motrices en découlera. En effet, c’est par le biais de l’expérimentation, des répétitions et des erreurs, intégrées par le système nerveux central, que le bébé, puis l’enfant va apprendre à moduler son geste dans les trois dimensions de l’espace (Azémar 2003). 3.1.2 La latéralisation Chaque individu a une tendance à se servir d’une main plutôt que de l’autre. Cette préférence est propre à chaque individu mais elle n’apparait pas d’emblée. L’usage d’une main dominante se développe avec la maturation du système nerveux central et le développement de l’enfant (Gendrier 2004). Cette préférence manuelle est aussi liée, de manière complexe, à la distribution des fonctions entre les deux hémisphères en ce sens que cette préférence résulte aussi d’une asymétrie centrale (Azémar 2003). Dans la littérature, les termes de main dominante et de main préférée sont employés pour désigner cette main. ~ 10 ~ 3.1.2.1 Origines L’origine de la latéralité n’est pas encore totalement déterminée. On sait, néanmoins, que divers facteurs entrent en considération dans le développement de la préférence manuelle. Les principaux modèles mis en avant à ce jour sont : Le modèle congénital : la position du fœtus in utéro aurait une influence sur la latéralité (Fagard 2001). Le modèle de l’hérédité et de la génétique : la latéralité serait contrôlée par la présence de deux allèles. L’un dominant entraine une action positive vers le développement de l’habileté manuelle à droite par l’intermédiaire de la dominance de l’hémisphère gauche. L’autre, récessif, n’a pas de stimulation particulière. La présence en double de l’allèle récessif n’entraîne pas d’incitation de latéralité. C’est le contexte environnemental qui se trouve, dans ce cas, être le facteur déterminant la latéralité. Cependant, le mode de transmission est aujourd’hui encore mal connu (Springer 2000). Le modèle des facteurs extrinsèques (physiques et sociaux) à l’individu (l’environnement, la culture, les conditions éducatives, la religion) : ces différents facteurs ont aussi un impact sur la mise en place d’une main de préférence. Par exemple, le port de l’enfant au cours de sa première année de vie aurait une influence. Il en est de même pour l’apprentissage par imitation ou les représentations en miroir (Springer 2000). Ainsi, «il est de plus en plus admis que la latéralité humaine [trouve] son origine dans la rencontre entre une prédisposition génétique qui favorise une préférence pour la main droite et des facteurs culturaux qui favorisent et renforcent cette préférence» (Fagard 2004, p.14). Quant à la latéralité gauchère, deux hypothèses supplémentaires de celles citées cidessus sont mises en avant : Un taux anormal de testostérone favoriserait l’inhibition du développement de l’hémisphère gauche et, par suite, entraînerait la latéralité gauchère (Springer 2000). D’après certains auteurs cités dans Du pasquier-grall M.A (2001, p.87), la gaucherie pourrait aussi être due à une forme d’opposition ou à une volonté d’être contestataire. Cet élément se retrouvant plus régulièrement chez l’homme, cela pourrait expliquer pourquoi il y a davantage d’hommes que de femmes gauchères, celles-ci préférant s’adapter à la norme de la société (Preti et al., 2011). Cependant, cette hypothèse n’est pas vérifiée. ~ 11 ~ 3.1.2.2 Développement Au cours de sa grossesse, une mère constate une activité motrice chez son bébé. Le développement de la motricité commence avant la naissance mais les progrès sont grandement remarquables durant les deux premières années de vie de l’enfant (Nelson et al. 2013). Petit à petit, le bébé va utiliser de plus en plus l’un ou l’autre de ses membres supérieurs pour faire des mouvements ou pour attraper des objets et ce à mesure qu’il progresse dans l’apprentissage des activités unimanuelles. C’est ce que l’on appelle le processus de latéralisation (Galobardès 2007). Notons qu’un geste, une action n’implique pas uniquement l’utilisation d’une main. Cela peut impliquer tout un membre ou tout un hémicorps. L’ontogenèse de la latéralité fonctionnelle prend ses sources dans des asymétries précoces. En effet, des asymétries dans l’utilisation des mains sont remarquables dès la naissance de l’enfant. Dès les premiers mois de la vie, on constate que le bébé suce davantage un pouce que l’autre, réalise plus de mouvements avec un bras, tient plus longuement son hochet avec une main précise. La latéralité semble quelque chose d’inné chez les bébés. De même, des asymétries dans les postures sont aussi mises en avant. Un bébé mis sur le dos tourne la tête sur le côté. Souvent un coté préféré peut être observé chez le nourrisson. Le choix de cette préférence est un indicateur de la future latéralité de l’enfant (Azémar 2003; Fagard 2001). Vers l’âge de trois mois, le bébé commence à approcher volontairement un objet avec ses mains. Le mouvement est saccadé, la trajectoire est ambigüe, mais la volonté de saisie est présente. Au fil du temps, l’enfant réalise des progrès moteurs. La qualité du mouvement s’améliore, il devient mieux orienté et de plus en plus direct. Le mouvement est moins saccadé. Le bébé commence aussi à ouvrir et orienter sa main selon les caractéristiques de l’objet (Broca 2012). Rappelons que cette saisie des objets est importante chez l’enfant puisqu’elle permet au bébé d’explorer son monde et donc de stimuler son développement. C’est en répétant ces gestes et actions que les progrès seront visibles et pourront être constatés. Cependant, une instabilité dans le processus de développement de la dominance latérale est présente durant un certain temps (Albaret 2004). La dominance latérale évolue avec l’âge. Au départ, les bébés puis les enfants utilisent alternativement les deux mains pour réaliser les actions. En effet, les caractéristiques de l’objet et de l’environnement ont une influence sur l’utilisation de la main. Mais ce changement s’effectue surtout au départ pour les activités qui ne sont pas maitrisées par l’enfant. Un bébé peut prendre un objet avec sa main gauche alors qu’il semble être droitier et vice-versa. Il s’avère ainsi difficile de définir précocement la latéralité de l’enfant. Néanmoins, bien qu’encore faible, vers sept-neuf mois ~ 12 ~ une préférence vers une main est observable chez le bébé. C’est normalement à partir de quatre ou cinq ans que la latéralité doit commencer à se stabiliser mais l’enfant a une tendance à utiliser une main plus fréquemment à partir de 2,5 ans (Kurtz 2010; Nelson et al. 2013; Sharma 2011). Le développement de la main préférée continue et progresse de manière importante entre trois et sept ans (Albaret et al. 2013). Cette préférence d’un membre est accentuée lorsqu’il s’agit de faire une action demandant de l’habileté ou impliquant une séquence gestuelle. Ce membre et cette main sont, en général, plus rapides, habiles (précision et dextérité) et forts (Azémar 2003). Lorsque l’enfant ne témoigne pas d’une préférence manuelle, cela signifie que la spécialisation hémisphérique n’est pas complète. De même, lorsqu’un enfant est latéralisé trop précocement, cela peut témoigner d’une défaillance de l’hémisphère non dominant (Fagard 2001). Différentes forces de latéralité sont possibles. Il y a des personnes gauchères fortement latéralisées et d’autres qui le sont moins (Galobardès 2007). Notons d’ailleurs que la maturation de la fonction d’équilibration, de la posture érigée mais aussi assise permettent un meilleur développement des capacités manuelles, et donc favorisent la latéralisation de l’enfant. De même, l’acquisition du croisement de la ligne médiane participe au développement de la latéralité en ce sens qu’il implique une maitrise des réactions de redressement, de la dissociation des ceintures et de la mise en charge alternée du poids du corps. (Azémar 2003). Le processus de latéralisation va ensuite permettre d’enrichir les connaissances de l’enfant sur la distinction droite/gauche et sur l’orientation de son propre corps en lien avec le développement du schéma corporel, de la structuration temporelle et spatiale (Broca 2012). Il faut donc éviter de contrarier la latéralité d’un enfant. La main préférée utilisée peut différer selon les activités même après l’acquisition d’une latéralité et ce surtout chez le gaucher (Galobardès 2006). Parfois les activités faites par un enfant nécessitent l’utilisation coordonnée des deux mains : c’est la coordination bimanuelle. 3.1.3 La coordination bimanuelle L’australopithèque utilisait déjà des outils. Pour les tailler, il devait utiliser ses deux mains. Ainsi, il avait déjà acquis la coordination bimanuelle. Une main est active, l’autre est généralement passive. Au fil du temps, avec la diversification des outils fabriqués par nos ancêtres, il a pu être constaté que cette coordination s’est améliorée au fil du temps. D’après Fagard (2001), plusieurs facteurs sont propices à ce changement : Le développement de la main (opposition du pouce) La marche bipède permettant la libération de la main L’augmentation de la taille et des capacités cérébrales ~ 13 ~ Aujourd’hui encore, la plupart des activités que l’on fait chaque jour nécessite la coordination et la coopération entre les deux mains. Lorsque l’enfant manipule des objets, lace ses chaussures, il se sert de cette coordination. Celle-ci va de pair avec le processus d’indépendance de l’enfant. Cette coordination bimanuelle met longtemps à se construire. L’apparition des premiers gestes de bilatéralité a lieu vers six mois (soutien bimanuel d’un objet). Ensuite elle se développe par le port d’objet à la bouche, le transfert d’objet d’une main à l’autre (sept mois) puis par la rotation d’objet à deux mains (neuf-douze mois). Notons que dès quatre mois, le bébé peut avoir une approche symétrique d’un objet. Les coordinations complexes comme repérer le contour d’un objet sont observées vers la fin de la première année (Fagard 2001). On constate que la coordination bimanuelle est d’abord symétrique puis elle devient asymétrique mais en restant complémentaire (avec un même but) (Nelson et al, 2013). Chaque main réalise une action différente mais dont les différentes séquences sont complémentaires entre elles pour arriver à une manipulation d’objet. Dans ce cas, une main est plus active que l’autre : l’une stabilise et supporte, l’autre manipule et explore. Par ailleurs, plus les enfants sont âgés et plus le rôle de la main passive est stable. Elle tend même à ne plus bouger. Cette coordination dite complémentaire est très utilisée dans la majorité des actions de la vie quotidienne (Fagard 2001). Le développement puis l’acquisition de la latéralité et de la coordination bimanuelle permettent à l’enfant de pouvoir faire des gestes et de réaliser l’action de préhension. Ainsi, « une personne bien latéralisée a fixé son choix quant à l’utilisation de ses membres et ses organes en fonction de la tâche à exécuter » (Morice Mugnier 2011, p11). Parfois les enfants peuvent avoir des difficultés à choisir leur latéralité à cause de leur environnement ou des influences psychologiques. Il arrive que certains ne veuillent pas choisir une latéralité précise dans la mesure où ils ne veulent pas renoncer à un côté précis (Du Pasquier-Grall 2001). Des tests pour évaluer les compétences de chaque main existent. Si un enfant présente des difficultés pour trouver de lui-même sa latéralité, ces derniers peuvent permettre de guider le choix. Comme exemple de tests, on peut citer le test de latéralité d’Auzias (1975), l’échelle de Dagostini et Dellatolas (1988) ou encore le test de la latéralité d’Harris5 (1961). Des enfants présentent des troubles de la gestualité et plus particulièrement dans la réalisation de certains gestes. C’est, par exemple, le cas des enfants avec un trouble de l’acquisition des coordinations (TAC). 5 Les supports des tests n’ont pas pu être retrouvés ~ 14 ~ 3.2 Le Trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) Des enfants avec des troubles moteurs sont décrits depuis des siècles. Cependant, la première véritable description d’un TAC a été faite par Orton en 1940 sous la dénomination « d’enfant maladroit » (Zwicker et al. 2012). De nombreux termes, pour décrire des troubles moteurs ayant un impact sur la vie quotidienne, ont été utilisés au cours du siècle dernier. Il peut être cité la paralysie cérébrale minime, la fonction neurologique minime, la maladresse motrice, ou encore le syndrome de l’enfant maladroit. Le terme recommandé à être utilisé est le terme de « Troubles de l’Acquisition de la Coordination » (TAC). C’est la traduction française du terme anglais « Developpemental Coordination Disorder » (DCD). Ce terme a été adopté en 1994 à la suite de l’International Consensus Meeting on Children and Clumsiness qui avait pour objectif d’uniformiser l’appellation de ces troubles du développement moteur. Malgré cela, suivant les pays, les appellations sont encore diverses. En France, on parle aussi de dyspraxie de développement. La European Academy of childhood disability (EACD 2011), dans son rapport Definition, Diagnosis, Assessment and Intervention of Developmental Coordination Disorder, atteste que le TAC et la dyspraxie seraient un seul et même ensemble. Pour d’autres comme Dalla Piazza (2011) ou Vaivre-Douret et al. (2011), la notion de TAC englobe aussi celle de dyspraxie de développement. M. Mazeau (2007) essaie de faire une distinction entre le TAC et la dyspraxie. Pour le DSM V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), les autres termes employés pour décrire le TAC sont : la dyspraxie développementale, le trouble spécifique du développement de la fonction motrice, et le syndrome de l'enfant maladroit. 3.2.1 Définition D’après le DSM-IV-TR (American psychiatric association 2004 in Kurtz, 2010, p53), le TAC est « une perturbation marquée du développement de la coordination motrice. […] Le diagnostic n’est porté que si cette perturbation interfère de façon courante avec la réussite scolaire et les activités de la vie courante et que si les difficultés de coordination ne sont liées à aucune affection médicale générale ». Notons que ce terme apparait également dans la 10ème version de la Classification Internationale des Maladies (CIM) sous l’appellation « troubles spécifiques du développement moteur » (Albaret & Chaix 2012). L’Organisation Mondiale de la Santé reconnait ce trouble depuis 1992. 3.2.2 Epidémiologie Les études sur la prévalence du trouble donnent des chiffres variables. La prévalence est de 5 à 15% dans la population d’enfant scolarisé en primaire (Missiuna et al. 2006). Elle est de 5-8 % sur la totalité des enfants et serait plus importante chez des enfants ~ 15 ~ ayant des troubles des apprentissages ou du développement associés. Lorsque les études s’appuient sur les critères diagnostics fournis par le DSM-IV, les taux sont compris entre 4 et 6 % pour l’ensemble de la population (Zwicker et al. 2012). C’est un trouble à prédominance masculine (Kirby & Sugden 2007) avec un sex-ratio de 1 pour 4 (Gibbs et al. 2007). Zwicker et al. (2012) donne un sex-ratio plus faible. 3.2.3 Etiologies Actuellement aucune étiologie exacte n’est connue (Dewey & Wilson 2001; Kirby & Sugden 2007; Missiuna et al. 2006). Cependant, il est probable que cela soit un trouble d’origine neuro-développementale (Albaret & Chaix 2012). Pour Zwicker et al., (2012), ce trouble peut avoir comme cause l’impossibilité d’automatiser un geste moteur. Un dysfonctionnement du cervelet est probable. Rappelons que le cervelet est une structure responsable du contrôle du mouvement volontaire. Il assure la régulation, l’ajustement, la correction et la coordination de la fonction motrice en adaptant l’équilibre, le tonus musculaire et les aspects temporo-spatiaux (Baciu 2011). Une étude de Missiuna et al., (2006) va également dans ce sens. Pour Albaret et al., (2012) d’après une revue de la littérature, les signes cliniques résultants du trouble sont aussi en faveur d’une atteinte du cervelet, des ganglions de la base6 mais aussi des lobes pariétaux et frontaux. En effet, les ganglions de la base ont un rôle dans le contrôle de la motricité (régulation du démarrage des mouvements) et des fonctions associatives, et les lobes pariétaux et frontaux sont impliqués dans l’automatisation des séquences gestuelles. Les résultats de ces études sont à vérifier sur des échantillons de population plus importants. Enfin, un dysfonctionnement des processus sous-corticaux (faible vitesse de conduction, mauvaises transmissions synaptiques) concernant les informations afférentes aurait aussi comme impact un traitement plus lent des informations. Il en résulte des troubles de la temporalité du geste, de la spatialisation du geste et de son ajustement. (Albaret & Chaix 2012) D’autres hypothèses, remises en cause par la littérature actuelle, sont mises en avant pour expliquer ce trouble. Il y aurait des déficits : de la proprioception, du sens kinesthésique (Missiuna et al. 2006) du traitement ou de la perception de l’information visuelle (Dewey & Wilson 2001) de l’intégration sensorielle (Missiuna et al. 2006) de l’imagerie motrice : difficultés pour se représenter leurs mouvements (Missiuna et al. 2006) de la planification motrice de l’action et dans son exécution (Henderson & Henderson 2003) 6 Ensemble de substance grise en profondeur. Source : http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module3/pec/apprentissage/neuroana/1/1.20/120.ht m ~ 16 ~ du contrôle attentionnel (Missiuna et al. 2006). Enfin, une origine multifactorielle est aussi possible. Par contre, dans ce trouble, les signes ne sont pas dus à une altération des fonctions sensorielles (Missiuna et al. 2006). 3.2.4 Facteurs de risques Parmi les facteurs de risque les plus fréquents, on retrouve : l’exposition du fœtus à des toxiques in utéro (notamment l’alcool), la prématurité mais également un petit poids de naissance (Gibbs et al. 2007). Lorsque ce trouble est déjà présent au sein d’une famille, le risque de le voir se perpétrer est plus grand (Dewey & Wilson 2001). 3.2.5 Troubles associés De nombreux troubles peuvent être associés au TAC et interférer avec le développement des coordinations. Parmi eux, il est possible de noter les troubles du langage, les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ou les troubles spécifiques de l’apprentissage (TSA) (Kurtz 2010; Zwicker et al. 2012). D’après Kaplan (1998 in Fagard, 2004), 56% des enfants ayant un TAC ont aussi un TSA et 41% ont aussi un TDA/H. Pour Kirby et al. (2007), les enfants avec un TAC ont plus de risque d’avoir des problèmes de santé que la population générale. Ils auraient, par exemple, davantage de risque de devenir obèses (Missiuna et al. 2006) ou de développer des maladies coronariennes (Zwicker et al. 2012).Les capacités cardiorespiratoires et d’endurance chez ces enfants seraient aussi moins bonnes d’après Zwicker et al., (2012). 3.2.6 Diagnostic C’est un diagnostic d’exclusion : toutes les autres pathologies sont éliminées avant de le poser. En effet, les troubles chez ces enfants sont très variés. Tous les enfants ayant un TAC sont différents. Il est par conséquent presque impossible de décrire un enfant type. Un examen clinique rigoureux de l’enfant est nécessaire avant de poser ce diagnostic. Il se fait en collaboration avec l’ensemble des professionnels prenant en charge l’enfant : masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste et médecin pédiatre (etc.). Les professionnels doivent être expérimentés pour poser un tel diagnostic. Il est difficile de le poser avant l’âge de 5-6 ans (EACD, 2011). 3.2.7 Critères diagnostics Il est nécessaire de réunir quatre critères pour qu’un enfant puisse être diagnostiqué comme ayant un TAC (American psychiatric association 2013) : ~ 17 ~ * Critère 1 : l’enfant doit avoir une altération marquée des coordinations motrices. L’acquisition et l’exécution des capacités motrices doivent être nettement en dessous de celles attendues normalement pour l’âge chronologique, et le niveau d’intelligence de l’enfant. Les difficultés se manifestent par de la maladresse, de la lenteur et une imprécision dans l’exécution des actions motrices. Cette altération est variable suivant l’âge de l’enfant. Cela peut se traduire par un retard dans l’acquisition des principaux éléments moteurs. L’enfant a aussi de la peine à maintenir des postures et à temporaliser ses actions. Ainsi, il aura des difficultés ou mettra plus longtemps à acquérir la position assise ou encore la marche. La régulation du contrôle postural est difficile : hyper ou hypotonique (Albaret & Chaix 2012). Son équilibre statique et dynamique est aussi touché. Quand il grandira, la réalisation d’activités physiques pourra avoir tendance à poser problèmes à l’enfant. Il aura des difficultés en cours de sport (Magalhães et al. 2011). Il préfèrera, en général, faire des activités plus intellectuelles. En effet, ses troubles seront moins visibles dans ce genre d’activités. L’enfant ayant un TAC est régulièrement qualifié de maladroit : il peut avoir des mouvements et des réflexes anormaux. Il laisse aussi souvent tomber des choses (Missiuna et al. 2006). Les capacités de coordination de l’enfant sont également faibles. Il a des difficultés d’apprentissage de nouvelles habiletés (séquences motrices ou de gestes non habituels) et d’adaptation au changement : « Les enfants ayant des troubles de la planification motrice (dyspraxie) éprouvent de la difficulté avec l’apprentissage de nouvelles habiletés impliquant l’usage d’un corps » (Kurtz 2010, p.77). L’enfant n’automatise pas les gestes. Pourtant, c’est le processus de l’automatisation qui permet qu’un geste ne doive plus être pensé ou réfléchi sans pour autant être moins efficace (Dalla Piazza 2011). Il doit faire tous les gestes de manière volontaire ce qui lui demande de mobiliser en permanence d’importantes ressources attentionnelles et énergiques pour réaliser une activité. Même lorsqu’une compétence est acquise, l'exécution du mouvement apparait comme maladroit, lent ou moins précis que celui de ses pairs. L’enfant a donc des troubles moteurs fins et/ou globaux. * Critère 2 : le trouble décrit par le critère 1 doit avoir un impact significatif sur les activités de la vie quotidienne et sociale, sur la réussite scolaire, les activités préprofessionnelles et professionnelles ainsi que sur les loisirs. Ces enfants ont des difficultés à planifier et à s’organiser. Les activités de la vie quotidienne présenteront des obstacles pour l’enfant avec un TAC : l’habillage, le laçage des chaussures ou encore le boutonnage sont difficiles (Magalhães et al. 2011). Il en est de même, pour l’utilisation et la manipulation d’objets de la vie courante (ustensiles pour repas, brosses à dent, ciseaux, utilisation des robinets…) (Missiuna et al. 2006). En effet, ~ 18 ~ l’orientation spatiale des éléments et la coordination posent problème pour accomplir ses activités (Summers et al. 2008). A son entrée à l’école, tous les symptômes précédents pourront être visibles, et de nouveaux peuvent apparaitre à mesure des apprentissages scolaires. L’enfant avec un TAC présente généralement de moins bons résultats dans les évaluations officielles. Des difficultés graphomotrices (problème pour le dessin, la copie, l’écriture…) allant jusqu’à la dysgraphie sont susceptibles d’évoluer (Zwicker et al. 2012). * Critère 3 : l’apparition des symptômes est précoce lors du développement de l’enfant. Bien que l’apparition des symptômes puisse être précoce, le diagnostic ne sera pas posé avant 4-5 ans. * Critère 4 : les troubles moteurs ne peuvent pas être expliqués par un trouble intellectuel, visuel ou une affection neurologique. Ces enfants ont une intelligence normale. En cas de présence d’un retard mental, le trouble moteur qui en découle doit corréler avec l’intensité du retard. La présence d’une lésion neurologique se présente comme être un facteur d’exclusion pour poser le diagnostic du TAC. Ainsi, le trouble n’est pas dû à une paralysie cérébrale, un traumatisme ou encore un trouble neurologique (Zwicker et al., 2012). 3.2.8 Autres conséquences Généralement, il est constaté que les enfants travaillent plus lentement. Leurs coordinations sont également lentes. En plus, le TAC a des répercussions psychologiques et sociales pour l’enfant (Zwicker et al. 2013). Il peut être mis à l’écart des autres comme l’accès à certains jeux est difficile pour lui. Les moqueries lui seront destinées à cause des échecs de manipulation (Kirby & Sugden 2007). L’enfant pourra se sentir inférieur aux autres et le sentiment d’échec pourra l’envahir. Son estime de lui-même sera faible. L’enfant peut être en souffrance à cause de cela. Il peut alors y avoir un trouble de l’inclusion sociale, une anxiété majeure et une possible dépression. Pour Schoemarkerand et Kalverboer (in Dewey & Wilson 2001), le manque de confiance qu’éprouvent les enfants à propos de leur capacité motrice influence directement la réussite dans d’autres activités. Ces enfants peuvent avoir aussi des difficultés de concentration et d’attention ayant un impact sur les capacités motrices. Les performances d’un sujet avec un TAC sont variables dans le temps (Albaret & Chaix 2012). 3.2.9 TAC et ergothérapie Au premier abord, c’est un handicap invisible. L’enfant avec un TAC est un enfant ayant des besoins dans de multiples domaines. A cause des difficultés motrices et de la ~ 19 ~ lenteur, un enfant n’arrive pas à réaliser les activités aussi rapidement que ses camarades. Ces enfants ont besoin d’un accompagnement plus spécifique que les autres pour les aider à surmonter leurs problèmes (Kirby & Sugden 2007). Il est très important que l’enfant et ses parents identifient parfaitement le trouble pour mieux pouvoir y faire face. Ils doivent disposer d’informations suffisantes sur la pathologie et les traitements de leur enfant. Il faut aussi leur donner des conseils sur les attitudes qu’ils doivent adopter vis-à-vis du jeune (Missiuna et al. 2006). L’environnement doit être rendu accessible et adapté à l’enfant pour faciliter les apprentissages. Il est également essentiel que l’entourage et les enseignants de l’enfant soient informés de cela. Une prise en charge individuelle en collaboration avec la famille est favorable. L’ergothérapie peut apporter une aide, une compréhension et une ressource pour que l’enfant acquière, malgré son trouble, une certaine indépendance et autonomie (Kurtz 2010). Le TAC peut donc avoir des conséquences sur de nombreuses activités de l’enfant dont l’écriture qui peut être citée comme exemple. 3.3 L’écriture chez l’enfant 3.3.1 Quelques généralités L’écriture est un processus évoluant longuement. Son apprentissage est lent, laborieux et demande un effort particulier pour l’enfant. Cet apprentissage prend ses sources dans le dessin puis le pré-graphisme. Au fil de son évolution, l’enfant acquiert chronologiquement : le traçage des traits verticaux, des traits horizontaux, du cercle, du carré, de la croix, des diagonales puis de la croix oblique, du triangle, du losange et enfin du rectangle. C’est avec cette base, qu’un enfant peut ensuite intégrer l’écriture (Albaret et al. 2013). En effet, ces formes sont utiles pour tracer la majorité des lettres majuscules. Pour pouvoir écrire, un enfant doit dans un premier temps acquérir une représentation visuelle et motrice de la lettre. Dans un second temps, il pourra ainsi la transcrire rapidement par la suite en accédant à ce programme moteur de l’exécution (Albaret et al. 2013). Cela participe à l’automatisation du tracé. La qualité des tracés d’une lettre dépendant du stockage en mémoire de la lettre, cette mémorisation doit être bonne. Ce stockage est amélioré par la verbalisation autour de la lettre tant sur le plan visuel que sur celui du geste graphique. Aussi, les modèles comportant des flèches indiquant le sens du tracé sont facilitateurs de l’encodage. Il en est de même pour les modèles animés. De plus, la qualité et la lisibilité du tracé sont aussi accentuées lorsque l’on demande à l’enfant d’avoir un regard critique de son tracé en le comparant à un modèle (Albaret et al. 2013). L’ajout d’explorations tactilo-kinesthésiques (exploration de lettres en creux, en relief) et le ~ 20 ~ fait de faire varier au maximum les paramètres spatio-temporels au début du traçage semblent permettre une représentation de la lettre plus stable et détaillée ce qui aura un impact sur la qualité de l’écriture (Bara & Gentaz 2010). La qualité apparait sur le long terme. Petit à petit, la taille des lettres diminue et devient homogène dans un même mot. Après, ces lettres deviennent de plus en plus régulières, leurs dimensions et formes topographiques étant respectées. Le dernier critère acquis est le tracé sur les lignes. Notons que toutes ces étapes sont en corrélation avec le développement de la dextérité digitale ayant une influence sur la qualité et la vitesse d’écriture. Un enfant améliore sa vitesse d’écriture pour enfin arriver à une écriture personnalisée. Elle permet une écriture rapide, efficiente et adaptée à la personne (Albaret et al. 2013). Ainsi, pour écrire, une personne doit retrouver mentalement la représentation visuelle de la lettre, accéder au programme moteur de l’exécution puis mettre en œuvre l’exécution (Jolly & Gentaz 2014). L’écriture demande la mise en place et l’expression de différentes coordinations comme la coordination oculo-manuelle, le sens kinesthésique, la dextérité digitale et le contrôle du mouvement Elle implique aussi des composantes attentionnelles, cognitives, linguistiques et sensori-motrices (Bara & Gentaz 2010). Enfin, d’autres conditions sont importantes pour l’acquisition de l’écriture. Parmi elles, on peut citer : une relaxation générale pour éviter les crispations, la latéralisation qui augmente les capacités motrices, une indépendance des différents segments du membre supérieur ou encore le temps consacré à cet apprentissage (Jolly & Gentaz 2014). Afin de bien écrire, une bonne prise de l’outil scripteur est nécessaire. La prise du crayon évolue au cours de l’évolution. La prise palmaire globale est privilégiée au départ et le mouvement se fait initialement avec l’épaule puis le bras et l’avant-bras pour arriver finalement à une prise tridigitale. Cette prise devient possible lorsqu’il y a différenciation entre la main interne et la main externe (4-6 ans). Dans ce cas, les mouvements du bras et de l’avant-bras sont remplacés par des mouvements du poignet et des doigts. Cette prise tridigitale est stable vers 6-7 ans. D’autres prises sont aussi repérables et semblent être performantes. Il s’agit par exemple de la prise quadridigitale ou encore de la prise latérale avec adduction du pouce. Une prise incorrecte du stylo peut être un facteur de crispation et de fatigue. (Albaret et al., 2013) D’après des études citées dans Albaret et al., (2013), il n’y a pas de réelles différences entre les droitiers et gauchers dans les capacités d’écriture. Elles montrent toutefois qu’il y a une prédominance de gauchers chez les personnes dysgraphiques ou avec des troubles de la coordination. ~ 21 ~ 3.3.2 L’écriture et le TAC Même avec un entrainement et un apprentissage, certains enfants ont des difficultés à acquérir la capacité d’écrire. C’est le cas pour les enfants présentant un TAC. En effet, l’acquisition de l’écriture leur pose problème dans la mesure où l’automatisation du geste est compliquée et que les représentations internes des mouvements scripteurs semblent être déficientes. L’écriture demande à ces enfants une importante mobilisation des ressources attentionnelles (Jolly & Gentaz 2014). L’interférence avec la réussite et la participation scolaire est donc conséquente (Rosenblum & Livneh-Zirinski 2008). D’après une étude de Jolly et al. (2010), le tracé des lettres entre un enfant sans trouble et un enfant présentant un TAC est différent. Une lenteur est remarquable dans les tracés, même dans les tracés de lettres connues. Le nombre de lettres réalisées est moins important que chez un sujet normal dans le même laps de temps. Cela peut être expliqué par des déplacements inutiles de l’outil scripteur, des retouches de lettres, un temps de levé du crayon plus important entre deux tracés. Il y a aussi une irrégularité dans le rythme du traçage : les périodes de vitesse rapide sont alternées avec des périodes lentes. De même, le placement des lettres sur une feuille est aléatoire, la tenue de la ligne complexe. De nombreuses lettres sont souvent ambigües ou retouchées dans un écrit d’un enfant avec un TAC. L’écriture est de moindre qualité. Les productions ne correspondent pas à celles normalement attendues pour l’âge de l’enfant. Par ailleurs, il semblerait que les capacités en écriture d’un enfant avec un TAC stagnent à partir d’un temps. D’après cette même étude, les capacités d’écriture sont plus faibles en dictée qu’en copie. Ces différents points se retrouvent aussi dans les études de Jolly et Gentaz, (2014) et de Rosenblum et Livneh-Zirinski (2008). 3.3.3 L’écriture et le gaucher Pour le gaucher, l’écriture est opposée à son sens naturel (est-ouest). De plus, le geste d’écriture du gaucher est un geste de fermeture du bras. Or, afin d’être à l’aise pour faire un mouvement, un geste d’ouverture du bras est préférable. Cette ouverture n’est pas possible lorsqu’un gaucher écrit7. Par contre, beaucoup de lettres tournent dans leur sens de prédilection antihoraire. On peut donc supposer que cela devrait leur poser moins de problème. Ils semblent bien intégrer les lettres dont les boucles se font dans ce sens contraire des aiguilles d’une montre comme par exemple le « b », le « l », ou encore le « e ». Par contre, d’autres lettes comme le « m » ou encore le « n » peuvent leur poser davantage de problèmes comme elles vont à l’encontre de leur « grammaire naturelle » (Galobardès 2007). De plus, les gauchers abordent certaines lettres de manières différentes (Milsom 2008). 7 On parle ici d’une écriture dans le sens gauche-droite. L’autre sens d’écriture n’est pas pris en compte dans ce mémoire. ~ 22 ~ Lorsqu’un gaucher écrit, afin de voir ce qu’il fait, il peut se placer de différentes façons (Albaret et al., 2013) : Soit sa main est placée au-dessus de la ligne d’écriture. Le poignet du gaucher est « tordu », en hyperflexion et son épaule est en abduction. Environ 70% des enfants gauchers adoptent cette position. Souvent cette dernière peut crisper le geste. Elle est principalement adoptée pour permettre une écriture dans le sens gauche-droite. Soit il place sa main en dessous de la ligne comme les droitiers. Dans les deux cas, le positionnement de la feuille face à l’enfant change (Albaret et al., 2013). Le gaucher présente donc des spécificités dans l’écriture. Est-ce le seul domaine où il en présente ? 3.4 Particularités du gaucher dans la vie quotidienne Le gaucher se diffère du droitier au moins sur deux points : son organisation cérébrale n’est pas la même et il utiliserait davantage sa main non préférentielle dans la vie quotidienne (Gendrier 2004). Les cerveaux des gauchers et des droitiers présenteraient à la fois des différences anatomiques mais aussi des différences fonctionnelles. 3.4.1 Le cerveau 3.4.1.1 Généralités L’être humain possède deux hémisphères complémentaires l’un à l’autre formant le cerveau (Gendrier 2004). Ces hémisphères sont utilisés dans des situations différentes mais souvent de manière complémentaire. Les deux hémisphères participent à la perception et à réalisation d’une action. Le cerveau analyse les informations sensorielles et sensitives intrinsèques mais aussi extrinsèques du corps puis il commande les réponses motrices à effectuer d’après ces informations. Le cerveau se trouve aussi être le siège des fonctions cognitives (Gil 2010). Chaque hémisphère est composé d’une couche de structure blanche centrale entourée du cortex également appelée substance grise. Celle-ci regroupe des corps cellulaires des neurones. Elle possède des dépressions (les sillons) formant des gyrus et donnant l’aspect plissé au cerveau8. Notons qu’à l’intérieur de la substance blanche se trouve aussi les ganglions de la base. Les hémisphères sont reliés par des commissures de substance blanche dont la principale est le corps calleux. C’est par cette communication que 8 L’anatomie du cerveau pourrait être davantage détaillée, mais seules les informations essentielles à la compréhension du sujet seront apportées. ~ 23 ~ l’accès à l’information des deux mains est possible pour le cerveau. Le corps calleux a aussi une importance dans la coordination bimanuelle. En effet, des études ont montré que l’absence de celui-ci provoquait un trouble de la coordination bimanuelle (Baciu 2011). Les hémisphères ont une spécialisation fonctionnelle. Plus précisément, la substance grise est composée de territoires spécialisés commandant les fonctions motrices, sensitives, sensorielles (audition, vision, ouïe) mais aussi cognitives (langage, mémoire, fonctions exécutives, gnosies et praxies). Au niveau du cortex, on distingue pour chaque fonction : des aires primaires qui reçoivent et envoient les actions, des aires associatives qui assurent un traitement, une planification, l’organisation puis l’exécution de l’action (Baciu 2011). Ces fonctions cérébrales se situent dans l’un ou l’autre de nos hémisphères : elles sont latéralisées. C’est avec la découverte de Broca sur la latéralisation du langage que les études sur l’asymétrie cérébrale ont pris de l’ampleur. Comme le dit Fagard (2001), une asymétrie dans le traitement des fonctions et dans le contrôle des afférences est mise en avant. De plus, chaque hémisphère intervient lors d’une action motrice dans la moitié du corps qui lui est opposée. L’hémisphère gauche commande une grande partie des fonctions à droite du corps et vice-versa, cela grâce aux fibres nerveuses de la voie cortico-spinale (pyramidale) qui se croisent au niveau de la pyramide bulbaire (Gil 2010). Ce mémoire mettant en avant des fonctions motrices volontaires, il parait important de donner quelques précisions succinctes à ce sujet. Le mouvement volontaire est donc un mouvement intentionnel. Il s’améliore avec l’apprentissage et les expériences. Son déclenchement se fait à la suite d’une pensée et/ou d’une émotion et après avoir traité, analysé et organisé l’information de l’action à effectuer. Ainsi, pour exécuter une action, trois aires cérébrales entrent en jeu (Vibert et al. 2005) : aire motrice primaire qui active les motoneurones des muscles effecteurs via la voie pyramidale, aire prémotrice qui prépare l’aire motrice, s’active lors de la prise de décision d’un mouvement. Elle planifie et organise les mouvements. aire motrice supplémentaire qui joue un rôle dans la programmation des mouvements complexes et dans la coordination bimanuelle. Lorsque l’on arrive à effectuer un mouvement avec une certaine vitesse et une certaine efficacité pour résoudre une tâche concrète, on dit que l’action motrice est coordonnée (Azémar 2003). ~ 24 ~ D’après une réunion de différents articles de littérature, des rôles respectifs de chaque hémisphère sont mis en avant : Rôle de l’hémisphère gauche : Rôle de l’hémisphère droit : Analyse séquentielle Relation spatiale Pensée analytique Réactions affectives Langage Perception des formes, des physionomies Exécution séquence motrice Traitement des informations spatiales. complexe (praxie) Planification des mouvements Ainsi, « le cerveau gauche, qui prédomine chez le droitier, est analytique ; le cerveau droit, qui prédomine chez le gaucher est plus « global » »(Galobardès 2007, p19). 3.4.1.2 Le cerveau du gaucher Deux hypothèses ont été posées afin de déterminer les divergences entre les cerveaux des droitiers et des gauchers (Fagard 2004) : les cerveaux des droitiers et des gauchers sont inversés et symétriques les cerveaux des droitiers et des gauchers sont identiques Le cerveau du gaucher ne se présente pas comme étant une réplique en miroir du cerveau des droitiers. Autrement dit, l’organisation neuronale n’est pas inversée. Les « gauchers ne sont donc pas des droitiers à l’envers » (Azémar 2003, p21). D’autres hypothèses quant à la répartition des fonctions cérébrales des hémisphères chez les gauchers ont été mises en avant (Springer 2000) : les gauchers présentent des hémisphères avec une localisation moins circonscrite et définie des fonctions cérébrales. Les fonctions sont davantage réparties sur les deux hémisphères. Ainsi, en cas de lésions, leur adaptation et la compensation de certaines fonctions seraient plus simples en théorie. Les fonctions ne sont pas latéralisées systématiquement chez les gauchers Les hémisphères de leur cerveau seraient symétriques. Au fil des lectures, quelques autres différences entre les cerveaux d’un droitier et d’un gaucher ont pu être mises en avant. Par exemple le corps calleux semble être plus gros chez le gaucher. Ce dernier est davantage développé. Les communications entre les deux hémisphères sont plus importantes et rapides (Gil 2010) ~ 25 ~ Une autre particularité du cerveau des gauchers a été mise en avant par Fagard (2004) : celui du planum temporal, structure ayant un rôle dans le langage. Ce planum serait à la fois développé dans les hémisphères gauche et droit du cerveau d’un gaucher alors que chez une personne droitière, ce dernier n’est développé que du côté droit. De même, les aires spécialisées dans le langage sont davantage réparties dans les deux hémisphères. Chez le gaucher, l’hémisphère gauche a un rôle moins exclusif dans la manipulation du langage. Ainsi, pour 60% des gauchers, le centre du langage se trouve à gauche, pour 40% à droite ou dans les deux. (Gendrier 2004). La différence fonctionnelle et anatomique est ici mise en avant. Enfin, la terminaison de la scissure de Sylvius est horizontale chez les gauchers alors qu’elle est ascendante chez les droitiers (Fagard 2004). Le cerveau des gauchers est plus grand que le cerveau des droitiers (Amunts, 2000 in Fagard 2004). A ce sujet, les trouvailles sont différentes. Pour Connolly (1950 in Fagard, 2004), l’hémisphère gauche serait effectivement plus grand alors que pour Gerhard Von Bonin (1962, in Fagard 2004), les différences sont tellement minimes qu’il est impossible d’expliquer les disparités anatomiques et de fonctions par cela. Cependant, plusieurs études corrèlent avec les trouvailles de Connolly. Différents points de vue sur l’origine de cette inégalité peuvent être cités : pour certain, le volume dépend de la densité des neurones présents au sein des structures, pour d’autres il s’agit de la quantité de neurones qui influent sur le volume alors que pour les derniers, seule l’importance de la couche de myéline des neurones explique ce phénomène (Fagard 2004). Néanmoins, ces différentes études s’accordent sur le fait que cette différence ne peut pas être attribuée à l’acquisition du langage puisque les asymétries sont aussi remarquables chez les nouveaux nés. 3.4.2 Le fonctionnement d’un gaucher Le gaucher et le droitier ont une approche mentale différente de l’environnement. Rappelons, en effet, que les gauchers semblent penser de droite à gauche et selon un mode antihoraire. Lorsqu’un gaucher analyse un tableau, un dessin ou une séquence d’images, spontanément, il aura tendance à débuter du côté droit. Cette tendance est surtout visible chez les enfants. Un enfant classera ou rangera les choses de la droite vers la gauche. Ainsi, pour être dans la norme, les gauchers doivent « se forcer à analyser dans l’autre sens » (Galobardès 2007 p.27). De même pour tirer un trait, souligner ou encore tracer une droite, les gauchers ont une préférence pour réaliser l’action en allant de l’est vers l’ouest de la feuille. Le tracé de leur trait se fait donc de la droite vers la gauche dans le sens d’ouverture plus naturel au gaucher. Si on demande à un enfant gaucher de tracer un trait dans le sens contraire à son sens naturel, il faudrait davantage lui dire de « pousser un trait ». (Galobardès 2006, p.39) ~ 26 ~ Cette caractéristique de fonctionnement est aussi particulièrement visible dans l’écriture caractéristique des gauchers : l’écriture en miroir. En effet, spontanément, une grande partie des gauchers peuvent écrire de droite à gauche et en formant les lettres à l’envers. Cela résulte de cette spécificité mentale à réfléchir de droite à gauche. Le gaucher peut et doit ainsi s’adapter au sens conventionnel d’écriture. Remarquons quand même que tous les gauchers ne peuvent pas faire cette écriture en miroir et qu’elle peut aussi être faite par les droitiers. Cette particularité semble donc peu caractéristique (Morice Mugnier 2011). Les sens kinesthésique et tactile sont particulièrement développés chez le gaucher. Quand on lui propose de réaliser un exercice, il ne faut pas hésiter à faire une démonstration concrète, manipuler devant lui, proposer un support visuel. Lorsque l’on agrémente cette démonstration d’une explication verbale, les résultats sont encore meilleurs (Fagard 2004). D’une manière plus générale, pour les gauchers, l’action dominante d’une séquence motrice sera généralement faite avec la main gauche. Sa main droite sera utilisée pour le maintien et la stabilisation des éléments. Afin d’être à l’aise pour faire un geste, un gaucher aura préférence à faire un geste d’ouverture du bras. Autrement dit, un geste qui implique un éloignement du bras de l’axe corporel. Pour l’écriture, ce geste n’est pas possible pour un gaucher (Milsom 2008 ; Morice Mugnier 2011) . Aussi, le traçage de boucle sera-t-il favorisé dans le sens antihoraire chez les gauchers. Notons que ce sens antihoraire est aussi utilisé pour réfléchir et percevoir (Morice Mugnier 2011). Cependant, cette particularité n’est pas propre aux gauchers. De nombreux droitiers le font aussi. Cela serait dû au sens de rotation de l’écriture qui est principalement antihoraire. L’enseignement semble influencer ce sens. 3.4.3 Adaptabilité d’un gaucher La latéralité manuelle franche à droite est très fréquente alors que celle des gauchers ne l’est pas. Les droitiers expriment plus facilement et clairement leur préférence manuelle que les gauchers (Azémar 2003). Cela pourrait donc traduire le fait qu’une utilisation exclusive d’une main n’est souvent pas présente chez les gauchers. Par exemple, lorsqu’un outil n’est pas positionné de telle façon à être utilisé par la main préférée, la majorité des gauchers n’ont pas de difficulté pour mettre en jeu l’autre main. De même, les gauchers utilisent plus leur main non préférée que les droitiers. lls s’adaptent en fonction de la situation. Aussi, d’après Satz (Fagard 2001), les différences de performance entre les mains des gauchers sont moins évidentes que pour les droitiers. Cette différence non significative corrèle avec les capacités d’adaptation de l’individu gaucher. D’après Milsom (2008), les gauchers parviennent à développer des capacités d’apprentissage en corrélation à la fois à leur mode de fonctionnement mais aussi au monde qui les entoure. Dans la majorité des cas, cette adaptation peut se faire sans effort ~ 27 ~ supplémentaire. Lorsque cela est possible, le gaucher s’accoutume ou fait de son mieux pour utiliser les outils des droitiers. Cette faculté que les gauchers doivent mettre en avant pour faire face à ce monde de droitiers peut se présenter comme un avantage. Cela leur permet d’exprimer leur originalité mais aussi leur potentiel créatif interne. Les habiletés en faveur de la main non préférée en sont également améliorées. Remarquons que parfois cette adaptation n’est pas ou difficilement possible. 3.5 Synthèse de la partie théorique Au fil de son évolution, un enfant développe ses capacités sensorielles, cognitives et motrices dont la motricité globale, fine ou encore la coordination bimanuelle. Avec les expériences qu’il fait, l’enfant acquiert une latéralité fonctionnelle dont la mise en place dépend de différents facteurs comme la génétique, les facteurs biologiques ou encore les facteurs extrinsèques (environnement, religion…). Rappelons que la latéralité est la « prédominance fonctionnelle de l'un des deux côtés du corps humain (avec les effets de comportement qui en découlent). [Elle] amène l'individu à utiliser, de préférence, les membres ou organes du côté droit ou ceux du côté gauche : main droite ou main gauche (…), jambe droite ou gauche, œil droit ou œil gauche (...) » (Le Grand Robert, 2013). Deux principaux types de latéralité existent chez l’homme avec des degrés variables : la latéralité gauchère et la latéralité droitière. Les gauchers évoluent dans un monde essentiellement adapté à des droitiers. Malgré leurs spécificités de fonctionnement, leurs capacités d’adaptation leur permettent d’évoluer au sein de celui-ci. Certains enfants ont parfois des troubles du développement dont les causes ne peuvent être expliquées médicalement. C’est le cas pour les enfants avec un TAC. Le TAC est « une perturbation marquée du développement de la coordination motrice qui interfère de façon courante avec la réussite scolaire et les activités de la vie courante » (DSM IV, 2004). La qualité de vie de l’enfant s’en trouve alors atteinte. Ce trouble touche aussi bien les enfants gauchers que droitiers. Ces enfants ont besoin d’une intervention rééducative pour les stimuler dans les AVQ ou encore les activités scolaires. ~ 28 ~ 4 METHODOLOGIE 4.1 Généralités sur le questionnaire D’après le Grand Robert (2014), un questionnaire est une « série de questions méthodiquement posées en vue d'une enquête, d'un examen ». Il s’agit d’un outil d’enquête qui permet à la fois de quantifier, de comparer puis de traiter de manière statistique différentes informations recueillies auprès d’une population cible, dont l’échantillon peut être conséquent. 4.2 Justification du choix de l’outil C’est cet outil d’enquête qui sert de base pour le recueil de données de ce mémoire. Il fait un état des lieux sur la connaissance des professionnels à propos de la latéralité gauchère et du trouble de l’acquisition de la coordination chez les enfants. Le questionnaire a été choisi dans la mesure où il permet de s'adapter au rythme de travail et à l'emploi du temps de la personne y répondant. De plus, consciente que les thématiques traitées dans ce mémoire ne sont pas connues de tous, il parait évident que sa diffusion doit être large. Le questionnaire permet d’avoir un panel plus important de réponses. 4.3 Population cible Ce mémoire traite d’un sujet pédiatrique. Le questionnaire est donc destiné aux ergothérapeutes exerçant auprès d’enfants ayant ou non un trouble de l’apprentissage. Le questionnaire a été distribué auprès d’ergothérapeutes travaillant en pédiatrie, exerçant en structure ou en libéral. Afin d’avoir un plus large panel de réponses, le questionnaire a été envoyé en France et en Suisse. 4.4 Le questionnaire 4.4.1 Forme du questionnaire Le questionnaire a été créé sous une forme numérique et c’est sous cette forme qu’il a été diffusé. En effet, il a été construit en ligne via « Google Docs ». Cette interface a été retenue puisqu’elle permet une transmission rapide des informations. Le questionnaire peut être complété en ligne depuis n’importe quel poste connecté pour un gain de temps. De plus, cet outil, gratuit, est simple d’utilisation. Il permet d’obtenir des réponses claires et rapides. La diffusion de l’enquête s’est faite par E-mail. Il présentait le questionnaire, l’objectif de celui-ci et le délai de réponse maximum. ~ 29 ~ 4.4.2 Fond du questionnaire Le questionnaire est composé de questions fermées ou ouvertes. Les deux types d’interrogations sont utilisés puisque chacun présente des avantages et des inconvénients. Les questions fermées sont facilement compréhensibles et traitables mais elles limitent de manière conséquente l’expression. Au contraire, dans les questions ouvertes, la réponse est libre. Elles amènent à des réponses plus larges qui rendent parfois leur analyse complexe. Afin de limiter le temps de réponses, la majorité des questions (15 sur 18) sont des questions fermées. Celles ouvertes sont essentiellement construites pour recueillir le point de vue et l’avis des ergothérapeutes. Concernant l’enchainement du questionnaire9, les questions de départ (au nombre de 5) permettent de connaitre le profil des ergothérapeutes. Ensuite, les six interrogations suivantes sont portées sur la thématique du gaucher. Elles sont composées de questions générales fermées qui renseignent sur le mode de fonctionnement et de vie d’une personne gauchère. Elles permettent de savoir si les répondants pensent que le fait d’être gaucher entraine des spécificités dans la vie quotidienne. Une des questions permet aussi de savoir si le thérapeute est déjà intervenu auprès d’enfants gauchers. Les questions fermées sont soit de type binaire, multichotomique, à choix multiples ou de type Linkert. Dans le dernier cas, le répondant doit exprimer son degré d’accord ou de désaccord relatif à une affirmation. Deux questions sont ensuite consacrées au trouble de l’acquisition de la coordination. Elles sont utiles afin de savoir si l’ergothérapeute connait ce trouble et dans quelles mesures il le connait. Puis quatre questions ont pour objectif de savoir si la latéralité est prise en compte lors d’une intervention en ergothérapie auprès d’un enfant gaucher et comment cela se traduit. Elle amène aussi à une réflexion sur l’éventuelle interférence entre le fait d’être gaucher et d’avoir un TAC. La dernière interrogation permet de recueillir les éventuelles attentes des ergothérapeutes à propos d’une sensibilisation sur la latéralité gauchère. Avant d’être diffusé, le questionnaire a été testé afin d’effectuer d’éventuels changements. Ce test a été réalisé auprès de cinq ergothérapeutes travaillant auprès d’un public pédiatrique. Ces professionnels ont été choisis au hasard parmi le mailing réalisé auparavant. Cet essai a permis de modifier certaines tournures de questions. Les vingt-sept réponses obtenues à ce questionnaire seront analysées dans la section suivante. 9 Disponible en annexe 1 ~ 30 ~ Parallèlement, un autre questionnaire a été réalisé pour être transmis auprès de personnes gauchères (cf. : annexe 2). Il avait pour objectif de répertorier les différentes adaptations que les gauchers peuvent mettre en place dans la vie quotidienne après avoir établi leur profil. Les thématiques abordaient des sujets tels que l’habillage, la cuisine, l’écriture, le découpage ou encore quelques éléments de loisirs (musiques, cartes…). Ce questionnaire permettra d’étoffer la littérature sur les différentes stratégies d’apprentissage que l’on peut proposer à un enfant gaucher lorsque celui-ci est suivi en rééducation. Des questions s’intéressaient aussi au vécu d’être gaucher dans le monde de droitiers. Ce questionnaire a été créé via le support en ligne de « Google Drive » et diffusé numériquement. Afin de trouver des personnes gauchères motivées pour répondre, une annonce indiquant que j’étais à la recherche de personnes gauchères a été passé auprès et par différentes connaissances. Ce questionnaire a été diffusé auprès d’individus pouvant y répondre seul. De même, il n’a pas été transmis à des enfants dans la mesure où leurs adaptations sont encore fluctuantes. Cette annonce m’a permis de recueillir quarante-cinq adresses E-mail puis d’obtenir quarante-deux réponses au questionnaire. Afin d’avoir une comparaison, ce questionnaire a également été diffusé auprès de quarante-deux personnes droitières avec la même démarche. A titre comparatif, le questionnaire (cf. : annexe 3) a été transmis à quarante-deux droitiers. Les résultats de ces questionnaires sont intégrés en annexe. ~ 31 ~ 5 ANALYSE DU RECUEIL DE DONNEES Rappelons que le questionnaire destiné aux professionnels a été envoyé par courriel dans le courant du mois de mars. Il a été diffusé auprès d’environ quatre-vingts personnes. L’enquête a permis d’obtenir vingt-sept réponses (34%). Toutes les réponses sont parvenues via la plateforme en ligne de « Google Doc ». 5.1 Le questionnaire professionnel 5.1.1 Le profil des répondants Afin d’avoir une idée précise du profil des ergothérapeutes ayant répondu au questionnaire, le tableau suivant récapitule des informations qui seront ensuite analysées statistiquement : Ergothérapeutes Latéralité Diplômé depuis 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière droitière Entre 5 et 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Entre 5 et 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Entre 5 et 10 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Entre 5 et 10 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Expérience dans le domaine Entre 1 et 5 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 5 et 10 ans Entre 5 et 10 ans Entre 1 et 5 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Entre 5 et 10 ans Entre 5 et 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Plus de 10 ans Entre 1 et 5 ans Plus de 10 ans Entre 5 et 10 ans Tableau 1 – Profil des ergothérapeutes ~ 32 ~ Structure d'exercice En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral MPR pédiatrique En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral En libéral MPR pédiatrique SESSAD MPR pédiatrique SESSAD SESSAD SESSAD Ce tableau permet d’avoir une vision d’ensemble. Il permet de constater que l’expérience et le lieu d’exercice est variable d’un ergothérapeute à l’autre. 5.1.1.1 Lieux d’exercice Les spécialistes ayant répondu exercent dans différentes structures. La répartition des thérapeutes en fonction de leur secteur d’activité est représentée par le graphique ciaprès : "Dans quel type de structure exercez-vous ?" 8% 11% 11% 70% SESSAD (Service Education et Soins Spécialisés à Domicile) En MPR pédiatrique (Médecine Physique et de Réadaptation) En libéral Autre Figure 1 : Secteur d'activité des ergothérapeutes On constate qu’une grande majorité (70%) des ergothérapeutes répondants exerce en libéral. Or, la majorité des adresses E-mails récupérée était essentiellement celles d’ergothérapeutes exerçant dans ce domaine. Il semble donc logique que leurs réponses soient majoritaires. Les deux ergothérapeutes ayant répondu « autre », exercent dans deux structures en même temps. 5.1.1.2 Expérience Afin d’avoir une vision graphique du profil des répondants, deux autres diagrammes circulaires récapitulent, pour l’un, l’expérience en ergothérapie et, pour l’autre, celle en pédiatrie : Figure 2 : Nombre d'années diplômé & expérience auprès des enfants ~ 33 ~ Les ergothérapeutes interrogés sont des professionnels qui exercent depuis un certain nombre d’années et qui ont une expérience dans le domaine de la pédiatrie. La majorité (63%) est diplômée depuis plus de 10 ans avec autant d’années d’expérience auprès des enfants. Aucun ergothérapeute n’a moins d’un an d’expérience dans la profession et auprès des jeunes. Cette expérience se présente être un atout. En effet, les personnes travaillant depuis de nombreuses années auprès des enfants développent des compétences particulières dans ce domaine. Elles sont liées à leurs interventions quotidiennes et aux réflexions menées sur leur pratique depuis plusieurs années. De cette expérience résultent aussi des capacités d’adaptation importantes pour la pratique de l’ergothérapie. L’expérience permet d’avoir eu accès et d’avoir testé diverses techniques et méthodes de rééducation pouvant être complémentaires suivant les besoins et les objectifs qu’un thérapeute définit avec un enfant. Elle enrichit l’intervention. Cependant, même avec de l’expérience, il est important de se remettre en question, de tester de nouvelles méthodes afin de suivre l’ère du temps et d’être informé des nouveautés pour prendre, au mieux, un enfant en soin. L’expérience doit être complétée par des apports théoriques renouvelés. 5.1.1.3 Latéralité des thérapeutes Cent pour cent des ergothérapeutes ayant répondu sont droitiers. Effectuer un parallèle entre les réponses d’un ergothérapeute gaucher et d’un ergothérapeute droitier n’est malheureusement pas entreprenable. En effet, il aurait été intéressant de voir si un ergothérapeute gaucher avait ou non une autre vision de l’intervention auprès d’un enfant de la même latéralité que lui. 5.1.2 Les gauchers vus par les thérapeutes Lorsque l’on affirme à des ergothérapeutes droitiers que les gauchers doivent davantage s’adapter au monde que les droitiers, 78% sont « tout à fait d’accord » ou « d’accord » avec cette proposition. En demandant d’expliciter leurs réponses, les ergothérapeutes font surtout références aux différents éléments de l’environnement, à l’écriture, ou encore aux loisirs qui peuvent poser problème aux gauchers et qui les obligent à s’adapter. Le premier élément constaté comme gênant pour les gauchers par les thérapeutes sont les outils. Ainsi, « les outils [qui] sont prévus en priorité pour droitiers10 » est souvent cité comme exemple. Les instruments englobent principalement les ciseaux, le tire-bouchon, l’ouvre-boite, ou encore les tournevis. Un ergothérapeute les considère comme « inadaptés, 10 En l’absence de mention contraire, les citations proviennent des réponses aux questionnaires. ~ 34 ~ qui vont mal, qui coupent mal, et qui freinent le gaucher dans son travail ». Un autre souligne que les outils spécialement conçus pour les gauchers ne sont pas toujours disponibles dans les différents lieux fréquentés au quotidien ce qui les obligent à s’adapter aux choses disponibles. Les thérapeutes soulignent aussi que « c’est au gaucher de faire l’effort d’adaptation même si le mouvement lui est moins naturel » puisque le monde est construit pour les droitiers. Le deuxième élément remarqué comme pouvant contraindre le gaucher à l’adaptation est l’écriture. Le « sens de l’écriture impose aux gauchers de pousser le stylo » pour écrire. Ils accommodent la position de leurs membres supérieurs afin de voir leur production graphique et « ils doivent trouver une solution pour ne pas repasser sur leurs écrits avec la main ». De même, l’apprentissage de la formation des lettres est fait pour les droitiers. Le gaucher doit trouver de lui-même les ajustements permettant une écriture plus fluide (sens de traçage des lettres, arrangement du schéma moteur, positionnement du cahier et de son corps, dans la manipulation des outils). Un ergothérapeute constate que souvent « le modèle (par exemple les listes de mots) est en colonne sur la gauche, donc masqué par sa main dominante » ce qui demande au gaucher de trouver une solution pour ne pas le cacher. En troisième lieu, les instruments de musique (créés pour les droitiers), la conduite automobile (avec le levier à droite), l’habillage ou encore le laçage ont été cités comme des éléments nécessitant une adaptation pour le gaucher. Enfin, la main sociale étant la main droite, les gauchers ne peuvent utiliser leur main dominante pour la poignée de main. Ils doivent s’accoutumer sans cesse à cette règle. Bien qu’une majorité soit d’accord avec le fait que les gauchers doivent davantage s’adapter au monde que les droitiers, 32% des interrogés ne le sont pas. Cependant, en lisant les éléments complétant leurs réponses, une notion d’adaptabilité est tout de même mise en avant : « les gauchers évoluent [dans un monde de droitiers] et développent des compétences adaptées. Ils utilisent parfois leur main droite pour faire certaines choses mais ce n'est pas une contrainte ». Les autres justifications vont dans le même sens : « on ne doit pas forcer les gauchers à fonctionner comme des droitiers mais le monde est plutôt construit pour les droitiers...Les gauchers doivent donc parfois s'adapter ». Le fait que les gauchers doivent davantage s’accommoder au monde que les droitiers est stipulé par la majorité des répondants. Les personnes ayant répondu ont remarqué que les gauchers pouvaient être contraints, indépendamment de leur volonté, par l’environnement les entourant dans leur vie quotidienne. Les répondants ont aussi constaté que, pour conduire au mieux leur vie avec les différentes contraintes, les gauchers doivent mettre en place des adaptations. Les ~ 35 ~ ergothérapeutes interrogés sont attentifs à certaines difficultés que peuvent avoir les gauchers même s’ils ne sont pas eux-mêmes de cette latéralité. Ces adaptations au monde provoquent des spécificités de fonctionnement chez les gauchers. Les points de vue des ergothérapeutes concernant celles-ci sont repris par le diagramme ci-après : Les gauchers ont-ils des spécificités de fonctionnement ? Oui 12% 19% 44% Non Probablement (mais je ne sais pas tellement lesquelles) Je n'ai jamais réfléchis à la question 25% Figure 3 : représentation des spécificités de fonctionnement du gaucher 44 % des répondants affirment que les gauchers ont des spécificités de fonctionnement. Des ergothérapeutes (19%) pensent que les gauchers ont des spécificités de fonctionnement sans pour autant savoir lesquelles précisément. Les autres estiment qu’ils n’en ont pas ou n’ont pas d’avis sur la question. Ainsi, la part des thérapeutes sensibilisés aux spécificités de fonctionnement des gauchers est de 63% dans l’échantillon. Les gauchers sont différents sur certains plans. Néanmoins, les dimensions sur lesquelles cette différence s’exerce ne sont pas bien spécifiées ni connues des thérapeutes. Le terme de fonctionnement étant vaste, cela s’est présenté comme étant un biais dans plusieurs réponses. Deux thérapeutes ont répondu que les gauchers n’avaient pas de spécificité puisque la question ne leur parlait pas. Qu’ils connaissent ou non les spécificités des gauchers, les professionnels interrogés considèrent à 93% que les gauchers abordent quelques activités de la vie quotidienne différemment. Ils estiment aussi que les gauchers peuvent avoir des difficultés dans la réalisation de plusieurs activités de la vie quotidienne (cf. : figure 4). ~ 36 ~ "Parmi la liste des activités suivantes la ou lesquelles pourraient poser problème à des enfants gauchers ?" 19 13 0 1 1 3 5 7 7 8 8 8 Figure 4 : Liste des activités susceptible de poser problème à un enfant gaucher Le nombre de réponses obtenues est supérieur au nombre d’ergothérapeutes ayant répondu. Cela s’explique par le fait qu’il était possible de donner plusieurs réponses à cette question. Les chiffres représentent le nombre de personnes ayant répondu la réponse proposée. Dans les activités les plus citées comme pouvant poser problème aux gauchers, cinq (le découpage, le laçage, l’écriture, le taille-crayon, et l’habillage) sont des activités qu’un ergothérapeute exerçant en pédiatrie travaille souvent au cours des séances. Ce sont aussi des activités scolaires 5.1.3 Le TAC vu par les ergothérapeutes Pour être pris en soin par un ergothérapeute, un enfant présente une déficience, une incapacité ou une situation de handicap. Dans le cadre de ce mémoire, la déficience en question est le trouble de l’acquisition de la coordination (TAC). La notion de TAC est connue et claire pour 24 ergothérapeutes (89%), connue mais que de nom pour 2 ergothérapeutes (7%) et inconnue pour un ergothérapeute (4%). Dans l’échantillon présenté, le TAC est donc une pathologie connue pour les professionnels de la pédiatrie. ~ 37 ~ L’histogramme ci-après (cf. : figure 5) montre la répartition des activités jugées comme pouvant poser le plus de problème à un enfant souffrant d’un TAC : "Parmi la liste des activités suivantes la ou lesquelles pourraient poser problème à des enfants avec un TAC?" 1 4 8 10 14 14 15 23 15 25 25 17 Figure 5 : Liste des activités susceptible de poser problème à un enfant avec un TAC Chaque thérapeute a cité plusieurs activités. Bien que toutes les réponses soient relativement homogènes, trois activités (laçage, découpage, et habillage) semblent poser davantage de difficultés à un enfant ayant un TAC. Ces trois activités nécessitent une utilisation conjointe ou complémentaire des mains : elles requièrent une coordination. Là encore, les éléments cités se travaillent en ergothérapie puisque participants à l’indépendance de l’enfant. 5.1.4 Influence de la gaucherie sur le TAC ? Pour savoir s’il existe une corrélation entre les difficultés rencontrées, dans les activités, par les gauchers et les enfants avec un TAC, une analyse comparative entre les deux histogrammes (figures 4 et 5) va être modélisée : ~ 38 ~ Comparatif quantitatif entre les activités posant problème à un gaucher et à un enfant avec un TAC gauchers TAC 4 8 10 15 14 15 23 14 17 25 13 19 25 8 7 0 1 3 5 7 8 8 Figure 6 : comparatif sur les activités pouvant poser problème aux gauchers et aux enfants avec un TAC Aucune corrélation significative entre les deux éléments ne peut être mise en avant. Les activités qui posent problème à un gaucher ne sont pas forcément les mêmes que celles posant problème à un enfant avec un TAC. Notons que si l’on extrait les activités posant le plus de problème dans les deux populations, le découpage, jouer d’un instrument de musique, le laçage, l’habillage, l’écriture et le fait de tailler son crayon sont cités. Ce sont principalement des activités qui peuvent être reprises en ergothérapie pour des enfants ayant un trouble. Quel est le point de vue des thérapeutes vis-à-vis de l’influence de la latéralité gauchère sur le TAC ? Afin de recueillir leur avis, la question « pensez-vous que le fait d’être gaucher peut avoir une influence sur le TAC ? » leur a été posée. Neuf ergothérapeutes (34%) conçoivent une influence négative de la gaucherie sur le TAC en ce sens que le fait d’être gaucher influence négativement les capacités de l’enfant. Seize thérapeutes (59%) ne sont « plutôt pas d’accord » avec cette influence et deux (soit 7%) ne sont « pas du tout d’accord » avec cet effet. Ils estiment que « les enfants gauchers ne sont pas plus susceptibles de développer un TAC » et que des droitiers présentent également ce trouble. Une ergothérapeute explique d’ailleurs que pour elle, les difficultés pour lesquelles un gaucher vient en séances (latéralité pas bien établie, croisement de ligne médiane) ne sont pas les mêmes que celles des enfants avec un TAC. Selon elle, les TAC présentent souvent un tableau beaucoup plus complexe. Elle conclue en disant que « c’est du rôle [de ~ 39 ~ l’ergothérapeute] de pouvoir différencier les difficultés des enfants TAC de "simples" difficultés de gaucher ». Un thérapeute souligne que le facteur influençant principalement le TAC est une automatisation des stratégies propres à l’enfant qui lui permettent d’évoluer dans les apprentissages. D’autres professionnels n’ont pas interprété la question ainsi. Ils ont répondu qu’il « n’y a pas de cause à effet entre le TAC et le fait d’être gaucher » ou encore que « ce n’est pas parce qu’un enfant est gaucher qu’il a un TAC » dans leur justification. Cela traduit une incompréhension de la question. Il s’agissait ici de savoir si le fait d’être gaucher pouvait influencer positivement ou négativement le TAC en ce sens qu’un enfant avec un TAC pourrait avoir davantage de difficulté parce qu’il est gaucher et que l’environnement ne lui est pas d’emblée adapté. L’influence entre la latéralité gauchère et la TAC questionne toujours. 5.1.5 L’ergothérapie et l’enfant gaucher avec un TAC Les enfants pris en soin par des ergothérapeutes sont parfois de latéralité gauchère. Dans la population répondante, 96% ont déjà fait des interventions auprès de personnes latéralisées à gauche. Les enfants ayant un TAC qu’ils soient gauchers ou droitiers reçoivent aussi l’intervention d’ergothérapeutes. Vingt ergothérapeutes (74%) modifient leur intervention auprès de l’enfant quand celui-ci est gaucher en mettant en place des adaptations particulières. Ces adaptations consistent à : proposer des outils (ciseaux, crayons, plumes, règles, guide doigt…) pour gauchers, favoriser le bon positionnement de l’enfant gaucher comme la posture de travail est différente, adapter le geste d’une activité, réaliser des supports avec les modèles à droite, faire les démonstrations de la main gauche modifier les explications des exercices de manipulations. Les sept autres professionnels ne mettent pas en place d’adaptations particulières puisque le professionnel s’adapte à chaque enfant suivant ses besoins, sa latéralité et son trouble. Ils disent mettre en place des ajustements en fonction des objectifs et non en fonction de la latéralité Une grande partie des thérapeutes abordent les gauchers différemment dans leur pratique professionnelle en mettant en place diverses stratégies d’adaptation. La latéralité gauchère influence donc l’intervention en ergothérapie. ~ 40 ~ Les thérapeutes ayant répondu au questionnaire sont droitiers. Est-ce que faire une thérapie avec une latéralité différente entre le thérapeute et l’enfant peut poser des difficultés ? Afin d’avoir des éléments de réponses, la question a été posée aux ergothérapeutes11. Les réponses sont nuancées. Pour quatorze thérapeutes (51%), cette divergence de latéralité ne leur pose pas de réelle difficulté. Ce sont des ergothérapeutes ayant une tendance à l’ambidextrie ou dont l’expérience les a poussés à utiliser leur main gauche, initialement non dominante, à de nombreuses reprises. Pour les treize autres (49%), le fait d’être de latéralité contraire à l’enfant peut parfois poser quelques difficultés. En effet, ce n’est pas toujours simple de prendre conscience des difficultés de l’enfant gaucher, de se mettre à sa place pour le guider et lui montrer comment entreprendre certaines activités avec une main gauche dominante. Il semblerait donc que la plupart des thérapeutes montrent l’exemple de la main gauche. Les thérapeutes soulignent aussi qu’ils doivent être flexibles pour savoir faire le geste avec leur main non dominante devant l’enfant afin de ne pas se retrouver en échec. Ils doivent se « remettre en question pour aborder les techniques autrement » et « s’approprier un nouveau geste [leur] demande du temps ». De même, inverser leurs façons de penser demande du temps aux thérapeutes. Un thérapeute souligne d’ailleurs qu’il demande parfois de l’aide à un parent gaucher pour intervenir dans des activités précises afin de chercher des gestes qui conviennent le mieux à la latéralité. Un autre dit qu’il « manque des supports clairs et reproductibles pour les exercices et méthodes à adopter en séance ». Sur les 27 ergothérapeutes ayant répondu, 25 sont intéressés par une « sensibilisation au fonctionnement » de l’enfant gaucher. Ils en attendent des éléments qui permettent de connaitre les spécificités de fonctionnement de l’enfant gaucher (33% des répondants), de renseigner sur les activités que l’enfant gaucher peut aborder différemment (33%) mais aussi des conseils pratiques sur la manière dont un gaucher aborde les activités de la vie quotidienne (30%). Deux ergothérapeutes ne sont pas intéressés par une telle sensibilisation puisque, pour eux, le fait d’être gaucher n’a pas d’influence dans l’intervention en ergothérapie. Certaines spécificités des gauchers sont connues par les thérapeutes mais ces derniers aimeraient avoir des renseignements supplémentaires sur ce sujet. L’analyse de ce questionnaire a permis de connaitre l’avis d’un échantillon de 27 ergothérapeutes autour de la question de la prise en compte de la latéralité gauchère lors d’une intervention rééducative en ergothérapie. Les ergothérapeutes pensent que les 11 « En tant que personne droitière, rencontrez-vous des difficultés dans le travail avec des enfants gauchers ? » ~ 41 ~ gauchers ont des spécificités de fonctionnement mais sans savoir lesquelles précisément. Ils adaptent leur pratique à la latéralité et connaissent des outils pouvant faciliter la vie quotidienne des enfants gauchers qu’ils prennent en soin. Pourtant, les thérapeutes soulignent des difficultés pour expliquer certaines activités aux gauchers, et note un manque de supports pour rééduquer ces enfants. Les ergothérapeutes disent aussi avoir besoin de temps pour apprendre à faire comme un gaucher. Les réponses sur l’influence entre le fait d’être gaucher et le TAC ne sont pas homogènes. Cela soulève encore des interrogations. Une discussion permettra de prolonger la réflexion à propos de ces sujets. Avant de la débuter, il parait important de soulever les limites de ce recueil de données et du questionnaire. 5.2 Limites du questionnaire En allant en stage dans différents endroits et en s’entretenant avec différents ergothérapeutes, j’ai pu m’apercevoir que les professionnels reçoivent un grand nombre de questionnaires. Ainsi, pour espérer recevoir des réponses de leur part, il faut que ce dernier soit construit de telle manière que sa passation soit rapide, simple et efficiente. Cependant, trouver un nombre d’items adéquat et un juste équilibre entre les questions ouvertes et fermées n’a pas été aisé. Mon choix s’est davantage porté sur des questions fermées avec des réponses à choix multiples, ou binaires. Or, les réponses des thérapeutes ont pu être influencées par les propositions de réponses même si j’ai essayé de faire preuve d’objectivité. Il est aussi probable que l’idée première d’une personne en répondant à une question ne corresponde pas aux propositions. Indirectement, on oriente le professionnel, ce qui peut biaiser les résultats. De même, le thérapeute peut adapter ou modifier sa réponse en fonction des questions suivantes sans que l’analyseur s’en rende compte. C’est une autre limite. Au risque de perdre des répondants, l’ajout d’une ou deux questions ouvertes supplémentaires auraient pu permettre d’étoffer le panel de réponses sur des points précis12 de l’étude. De plus, en analysant les résultats de certaines questions binaires, j’aurais aimé avoir des détails sur la réponse de la personne. Le questionnaire, avec ses réponses fixées, ne le permet pas. Il ne peut entrainer l’effet de discussion que peut avoir l’entretien. De même, lors de l’analyse et au fur et à mesure de la rédaction de ce mémoire, de nouvelles questions sont soulevées. Elles n’ont pas pu être intégrées au travail. Une question sur l’âge des thérapeutes aurait, par exemple, permis de montrer si celui-ci avait une influence sur la prise en compte de la latéralité gauchère. Ayant jugé au départ cette question trop indiscrète, cela se trouve être une limite dans l’état actuel de ce mémoire. 12 « D’après vous, quelles spécificités ont les gauchers ? » ~ 42 ~ Aussi, l’incompréhension des questions est un biais à l’enquête. En effet, via internet, il n’est pas possible de reformuler une question si la réponse donnée n’est pas satisfaisante ou compréhensible. Cette incompréhension témoigne d’une mauvaise formulation de la question et montre l’importance du choix des mots dans l’élaboration des questions. L’échantillon professionnel, bien que s’élevant à vingt-sept réponses, se présente comme un échantillon trop petit pour être représentatif à 100%. Une généralisation des résultats n’est donc que partiellement envisageable. De même, concernant l’échantillon, de nombreux répondants étaient des ergothérapeutes travaillant en libéral. Ce point peut biaiser le résultat de ce sondage puisque leurs réponses sont majoritaires par rapport aux autres ergothérapeutes exerçant auprès d’enfants. Enfin, il aurait pu être intéressant de recueillir l’avis d’autres professionnels pouvant s’occuper de gauchers en lien avec la vie quotidienne. Les instituteurs, avec leur rôle central dans l’apprentissage, auraient permis de confronter et d’avoir un autre point de vue sur le questionnaire. Par manque de temps cela n’a pas pu être entrepris. Le recueil de données issu du questionnaire et son analyse vont me permettre d’alimenter une discussion autour de ce dernier et autour du mémoire en général. ~ 43 ~ 6 DISCUSSION 6.1 Réflexions autour de la question de recherche et des hypothèses Les réflexions précédentes engagent à la discussion autour de la question de recherche et de ces hypothèses sous-jacentes. Rappelons que la question de recherche est : « En quoi l’intervention d’un ergothérapeute auprès d’un enfant avec un trouble de l’acquisition de la coordination est-elle modulée par la prise en compte de sa latéralité gauchère ? ». Les hypothèses à cette question de recherche sont : - la sensibilisation des ergothérapeutes à la latéralité gauchère peut modifier leurs interventions. - la proposition d’outils, de matériels et de techniques adaptés à la latéralité gauchère influence les capacités d’un enfant avec un TAC lors d’une intervention en ergothérapie Des éléments de réponses à la question de recherche ont été retrouvés lors de l’analyse du questionnaire des professionnels. Les gauchers ne se rendent pas forcément compte qu’ils font des choses différemment. Ils font les activités de tous les jours sans se poser de questions. En effet, cela leur parait naturel dans la plupart des cas. C’est lorsque l’on compare un gaucher et un droitier en train de faire une activité similaire, que l’on remarque que celle-ci est abordée différemment suivant la latéralité de la personne. En tant que thérapeute, il semble important de connaître sur quels points un gaucher peut appréhender certaines activités différemment afin de proposer une rééducation la plus efficiente possible. Les ergothérapeutes ayant répondu ont conscience que les enfants gauchers et plus largement les personnes gauchères fonctionnent, parfois, différemment des droitiers. Des spécificités de fonctionnement sont suspectées par des ergothérapeutes sans savoir lesquelles précisément il peut y avoir. De plus, les ergothérapeutes sont intéressés par une sensibilisation aux fonctionnements du gaucher. Ils demandent des apports concrets et pratiques sur la latéralité gauchère. On peut penser que montrer quelques particularités du gaucher permettrait aux thérapeutes de mieux comprendre son fonctionnement et ainsi modifier leur intervention afin qu’elle soit encore plus adaptée à la pathologie et à la latéralité de l’enfant. L’hypothèse « la sensibilisation des ergothérapeutes à la latéralité gauchère peut modifier leurs interventions » est validée. ~ 44 ~ Des outils spécialement conçus pour les personnes gauchères sont disponibles depuis quelques années. Bien que ces outils ne soient pas présents d’emblée dans les structures accueillant du public, les thérapeutes en connaissent l’existence et ils s’en servent dans leurs rééducations afin de faciliter l’indépendance des personnes gauchères. De plus, bien que mettant en place des adaptations lors de l’intervention auprès d’enfants gauchers, il est signalé qu’il manque des supports pour favoriser leur rééducation. De même, les thérapeutes expriment des difficultés à faire l’activité avec la main gauche ou encore à bien l’expliquer avec le raisonnement d’un gaucher. On peut donc penser que si un professionnel, sans trouble, à des difficultés pour expliquer la réalisation une activité avec un raisonnement inverse à son habitude, un enfant avec des troubles peut avoir encore plus de difficulté pour réaliser cette activité en lui proposant une technique inversée par rapport à son sens de raisonnement naturel. Présenter des techniques adaptées au sens de fonctionnement de l’enfant semble primordial pour faciliter l’acquisition de l’indépendance dans les activités de la vie quotidienne. Néanmoins, afin de voir la réelle influence que peuvent avoir les outils, les techniques adaptés aux gauchers sur leurs capacités, il serait intéressant de voir les résultats d’une étude. Cependant, rien n’a été trouvé allant dans ce sens dans la littérature actuelle. L’hypothèse « la proposition d’outils, de matériels et de techniques adaptés à la latéralité gauchère influence les capacités d’un enfant avec un TAC lors d’une intervention en ergothérapie » ne peut pas être validée dans sa totalité. Le recueil de données et le début de la discussion ont permis de mettre en avant que les thérapeutes adaptaient leur intervention auprès d’un enfant gaucher avec un TAC (cf. paragraphe 5.1.5). Cette adaptation se fait sur différents points : - D’abord c’est le thérapeute lui-même qui s’accommode. A la présentation d’une activité, le thérapeute doit modifier sa réflexion et son sens de fonctionnement pour mieux comprendre comment un gaucher peut l’appréhender. Pour expliquer une activité, il adapte ses gestes pour les faire avec la main gauche dominante. Ses démonstrations lui demandent davantage de réflexion pour être montrées mais elles sont plus en accord avec les besoins de l’enfant. Le thérapeute doit s’accoutumer en permanence. - Ensuite, cette adaptation se fait aussi vis-à-vis de l’enfant. En effet, l’approche de l’enfant gaucher est différente. L’installation du jeune face à certaines activités est modifiée puisqu’il n’initie pas celle-ci de manière identique à un droitier et que sa posture de travail n’est pas similaire à celle d’un droitier. L’ergothérapeute place l’enfant au centre de son intervention en se focalisant sur les besoins spécifiques de l’enfant en général et sur ceux liés à sa latéralité. - Enfin, les séances d’ergothérapie avec ces enfants gauchers se trouvent modifiées par la proposition d’outils (ciseaux, crayons, plume règles, guide doigt…) qui sont ajustées à ~ 45 ~ l’enfant gaucher lorsque celui-ci en a besoin. De même, lors des séances, la verbalisation autour de la présentation, de l’explication d’une activité se trouve changée. En effet, elle ne sera pas amenée de la même façon avec un gaucher et un droitier. Ainsi, la triade ergothérapeute, patient, activité se trouve modifiée lorsque l’on prend en compte la latéralité gauchère. Ces points permettent de répondre à la question de recherche. Dans cette première partie de discussion et dans l’analyse des résultats, il a pu être mis en avant que les spécificités de fonctionnement du gaucher ne sont pas connues par tous les thérapeutes, que l’explication de certaines activités de la vie quotidienne de la main gauche pouvait poser des difficultés et qu’un support pour faciliter la prise en soin des gauchers pourrait être bénéfique. Un manque de connaissance sur cette latéralité et sur des attitudes à adopter face à ces personnes gauchères peut se faire ressentir. Un apport de ce côté semble donc important pour offrir aux thérapeutes une source d’inspiration dans l’intervention auprès des enfants gauchers. Ces réflexions m’ont poussée à proposer une ébauche d’un guide de fonctionnement du gaucher expliquant leurs spécificités. Il présente aussi des techniques mises en place par des gauchers pour se faciliter la vie au quotidien. Il pourrait servir de point de départ ou de repère dans la prise en soin d’une personne gauchère. Cet écrit est disponible en annexe de ce mémoire (cf. : annexe 4). L’analyse du questionnaire a également fait émerger une autre question dont la réponse reste actuellement floue. Le fait d’être gaucher peut-il avoir une influence sur les capacités d’un enfant avec un TAC ? Plus précisément, est-ce qu’un enfant gaucher avec un TAC peut avoir plus de difficultés pour apprendre certaines activités si on lui explique avec un fonctionnement de droitiers ? Des éléments à ce propos vont être soulevés dans la partie suivante. 6.2 L’enfant TAC gaucher Trois études (Cairney et al. 2008; Goez & Zelnik 2008; Sigmundsson & Whiting 2002) montrent que la prévalence de gauchers est relativement importante dans l’ensemble des personnes présentant des troubles spécifiques de l’apprentissage (dont le TAC est une forme spécifique) et dans d’autres pathologies. Dans l’étude de Cairney et al., (2008), le nombre de gauchers ayant un TAC est plus important que le chiffre théorique attendu. Il est possible que la latéralité gauchère soit un marqueur potentiel des troubles de coordinations motrices. Ces résultats sont aussi retrouvés dans l’étude de Goez & Zelnik (2008). Dans les deux cas, la prévalence de gauchers ayant un TAC est plus importante que la fréquence de gauchers sur terre (10-15%). ~ 46 ~ Aucun article sur les causes éventuelles de cette prévalence de gauchers ayant un trouble de l’apprentissage n’a été trouvé. Est-ce le trouble qui ne permet pas aux enfants gauchers de s’adapter au monde et majore les difficultés dans la vie quotidienne ou est-ce les contraintes environnementales qui favorisent le développement d’un trouble chez l’enfant gaucher ? Est-ce qu’un enfant avec un TAC peut avoir davantage de difficulté parce qu’il est gaucher et que l’environnement ne lui est pas d’emblée adapté ? L’enfant gaucher avec un TAC peinerait donc à trouver ses propres automatisations du geste en plus de trouver des accommodations efficientes à l’environnement qui ne lui est pas accommodé initialement. D’après Sigmundsson et al. (2002), le TAC serait encore plus significatif lorsqu’un enfant doit utiliser sa main non dominante pour faire une activité de coordination. De plus, chez les TAC, les capacités de spatialisation semblent être plus développées dans un seul hémisphère : celui de la main dominante. Ainsi, il semble essentiel de permettre à un enfant d’effectuer une activité avec sa main préférée. Dans le cas d’une activité de coordination, il faut laisser la main dominante faire l’activité nécessitant le plus de manipulations. Les gauchers abordent plusieurs activités à l’inverse des droitiers. Il parait important de connaitre lesquelles et pourquoi afin de ne pas faire faire, à un enfant gaucher avec un TAC, une activité contre son sens naturel. Cela pourrait, sans doute, impacter sur sa réussite. De même, comme vu précédemment, la planification du geste chez l’enfant avec un TAC est difficile. Si, on essaie d’apprendre, à un enfant gaucher avec un TAC, un geste contraire à la logique de fonctionnement et de réalisation d’un bon nombre de gauchers, l’apprentissage ne peut-il pas s’en trouver moins bon ? Les troubles ne peuvent-ils pas être majorés dans une certaine mesure ? En extrapolant, on peut penser qu’en proposant en rééducation à l’enfant des techniques utilisées par de nombreux gauchers, la réalisation des gestes sera peut-être plus simple. Les apprentissages de l’enfant gaucher doivent être en corrélation avec son fonctionnement cérébral, son analyse de l’environnement et son adaptation à ce dernier. Il semble donc important de transposer au mieux les gestes d’une activité pour qu’ils puissent être faits de la main gauche dominante. Ainsi, pour un enfant gaucher avec un TAC, les difficultés pourraient être amoindries en soustrayant les difficultés quotidiennes du gaucher. Ce dernier paragraphe ne présente que des hypothèses personnelles issues des croisements faits entre mes lectures et des réponses du questionnaire. Il n’y a aucun postulat scientifique pour contredire ou valider ces idées. Une limite est soulevée ici. ~ 47 ~ 6.3 Limites du mémoire, axes de poursuite Mes diverses lectures théoriques et l’analyse du recueil de données m’ont permis de mettre en avant que les gauchers ont des capacités d’adaptation qui leur sont propres. Il n’est pas rare que les gauchers changent de main en fonction de l’activité qu’ils sont en train de réaliser puisque cela leur est plus facile. Quand la personne est adulte, dans la plupart des cas, sa latéralité est clairement définie. Cela ne lui pose pas de problème de changer de main pour être plus à son aise. Par contre, si un enfant change trop fréquemment de main pour réaliser des activités, on peut penser que ce dernier est mal latéralisé alors qu’il tente de s’adapter au mieux selon ses capacités. Cette tendance qu’ont les gauchers à l’ambidextrie ne facilite pas la prise en soin pour les ergothérapeutes. Cette spécificité d’adaptation a aussi posé des difficultés pour trouver un type précis de conseils puisque chaque gaucher a ses habitudes. Les éléments apportés sur les gauchers sont donc des propositions et des pistes de réflexion. Par ailleurs, ces pistes n’ont pas pu être réellement mises en pratique sur des enfants présentant une déficience. De même, à l’heure de la rédaction de cette partie, je n’ai pu obtenir aucun retour sur ce guide. Son importance, son utilité, sa compréhension ou encore sa mise en pratique en ergothérapie ne sont pas objectivables. Je ne peux savoir si les ergothérapeutes qui le liront auront appris des choses par son intermédiaire ou si tous les éléments y figurant leur étaient déjà connus. Cela se présente être un biais dans ce travail d’initiation à la recherche. Il aurait pu être intéressant d’anticiper la création de ce guide afin de le tester et de le soumettre aux ergothérapeutes au moment des questionnaires. En tant que thérapeute, il ne faut ni essayer d’influencer l’enfant dans le choix de sa latéralité ni le contraindre à utiliser les deux mains de la même façon afin de ne pas provoquer une absence de latéralisation. Il semble important de définir la réelle latéralité de l’enfant, à l’aide de tests si celui-ci a de la peine à la trouver par lui-même. Etant donné que l’on a considéré que les personnes étaient déjà latéralisées dans ce mémoire, ce point d’évaluation n’a pas été abordé. Cependant, il n’est pas rare d’intervenir, en ergothérapie, auprès d’enfants dont la latéralité n’est pas clairement définie. Ce point est une autre limite. La rédaction du mémoire est fondée sur un cas d’enfant imaginaire idéal. Afin de poursuivre la réflexion sur ce sujet, il serait intéressant de voir si la littérature scientifique explique une différence entre les capacités d’apprentissage entre un droitier et un gaucher. En effet, cela permettrait de comprendre si la plus grande prévalence de gauchers au sein des personnes atteintes de troubles de l’apprentissage peut être expliquée ~ 48 ~ ainsi. Par ailleurs, le manque de littérature sur l’association entre le TAC et le fait d’être gaucher n’a pas permis de conclure sur l’influence entre ces deux éléments. 6.4 Remarques personnelles L’écriture d’un mémoire demande un investissement important au cours de la 3 ème année. D’office, il m’a semblé logique de choisir un sujet qui me plaisait. En effet, il me semblait plus facile de m’y investir. Outre m’apporter de nombreuses connaissances théoriques, la rédaction de ce travail m’a permis de me rendre compte de tous les autres éléments impactant dans la construction d’une réflexion et sur lesquels on ne peut pas forcément agir (attentes, motivations, problèmes matériels...). Pour élaborer un travail de recherche, il faut simultanément conserver un axe de réflexion mais aussi l’ajuster en fonction des réponses que l’on obtient, des rencontres que l’on fait et des nouvelles idées qui émergent. Bien que parfois un peu stressant, la telle construction de la pensée a été plaisante pour moi. La rédaction de ce mémoire, en plus d’une étude de recherche à laquelle j’ai participé durant un stage, m’a montré que la recherche est un aspect que j’apprécie et que j’aimerais poursuivre dans ma future carrière. ~ 49 ~ 7 CONCLUSION Lors d’un vote ou encore d’un referendum, c’est la majorité qui l’emporte. Pour la construction d’une société, il en est de même. L’architecture, le mobilier et les outils sont réalisés de telle façon à pouvoir être logiquement utilisés par la majorité. Notre société est aussi construite selon un système gauche-droite. C’est la main droite qui va avec ce monde. Certaines personnes ne sont cependant pas droitières. Elles doivent alors s’adapter sans cesse pour mener au mieux leur vie. Deux latéralités existent, ce qui signifie qu’il y a deux manières différentes d’aborder les activités de la vie quotidienne. Les gauchers ont des spécificités de raisonnement et de fonctionnement dont quelques-unes sont expliquées au sein de ce mémoire et en annexe. Ayant longtemps été considérés comme des créatures du mal, du diable ou encore des sorciers, les gauchers ont été réprimandés jusqu’à changer de latéralité. L’enfant doit expérimenter le monde pour développer normalement son processus de latéralisation. Maintenant, il n’y a plus de contrainte de latéralité en France. On laisse un enfant devenir gaucher. L’image négative qui est associée à cette latéralité change. Ainsi, le nombre de gauchers pourrait-il augmenter dans les prochaines années et le nombre de ceux suivi en ergothérapie pourrait également s’accroître. Les gauchers ont des désavantages dans la vie quotidienne mais cela ne doit pas être considéré comme un fardeau ni un handicap. On remarque que l’on est gaucher quand on nous le signale et lorsqu’on est confronté, dans la vie quotidienne, à des objets nouveaux auxquels on doit s’accommoder. Que cela soit pour régler sa montre, pour ouvrir une bouteille avec un tire-bouchon normal, pour découper avec des ciseaux de droitier ou encore pour boutonner une chemise, le gaucher doit trouver des trucs et astuces pour faciliter son quotidien. Néanmoins, il est possible, pour un gaucher d’évoluer dans le monde de droitiers, tout en gardant ses spécificités. Le gaucher développe d’importantes capacités d’adaptation. Beaucoup de gauchers s’ajustent facilement mais un coup de pouce initial pour apprendre des gestes à la manière d’un gaucher peut être bénéfique. Bien que tous les enfants gauchers n’aient pas de difficultés pour trouver leurs propres compensations afin de s’adapter au monde, il ne faut pas minimiser les difficultés que peuvent avoir certains d’entre eux. Outre leurs difficultés pour s'accommoder à leur environnement, des enfants peuvent souffrir de troubles rendant leurs coordinations moins efficientes au quotidien. Ces troubles ~ 50 ~ de la coordination touchent aussi bien les enfants droitiers que les gauchers. Lorsque ces jeunes viennent en soin en ergothérapie et qu’ils sont gauchers, il a été vu que les thérapeutes mettaient en place des adaptations pour les rééduquer. Ils essaient de faciliter l’apprentissage de gestes moteurs en mettant l’enfant au centre de sa prise en soins. Le thérapeute essaie de s’adapter au mieux à cette latéralité. Néanmoins, un manque de connaissance sur les spécificités de cette latéralité a pu être mis en exergue. Ce travail d’initiation à la recherche permettra aux parents, aux enseignants mais aussi aux professionnels pédagogiques et médicaux intervenant auprès d'enfants gauchers d’avoir une idée sur le fonctionnement du gaucher ou du moins de soulever des interrogations sur ses spécificités. Il montre aussi l’existence d’outils qui peuvent faciliter les activités de la vie quotidienne pour un gaucher. Des techniques d’adaptation des gauchers sont aussi présentées. Elles pourraient permettre d’accroitre les capacités motrices des enfants en leur ôtant les difficultés supplémentaires que l’enfant gaucher peut avoir. Tout au long de ce travail, je me suis intéressée au cas des gauchers dans les sociétés occidentales et plus particulièrement dans la société Française. Il a été montré que les ergothérapeutes droitiers pouvaient avoir certaines difficultés pour rééduquer un enfant gaucher. Qu’en est-il des ergothérapeutes gauchers qui rééduquent quotidiennement des personnes droitières ? Désormais acceptés sans difficulté en France, les gauchers peuvent utiliser librement leur main gauche pour réaliser les activités de la vie quotidienne. En est-il de même dans tout le monde ? L’écriture influence un sens de raisonnement gauche-droite dans notre société, ce qui peut poser problème aux gauchers. Dans certaines civilisations orientales, le sens de l’écriture va de droite à gauche. Cela influence-t-il le nombre de gauchers ? Les droitiers ne peuvent-ils pas ressentir une difficulté vis-à-vis de ce point ? De nouvelles interrogations surviennent. ~ 51 ~ 8 RESSOURCES DOCUMENTAIRES Ouvrages : Albaret, J.-M., Kaiser, M.-L. & Soppelsa, R., 2013. Troubles de l’écriture chez l’enfant: des modèles à l’intervention, Bruxelles: De boeck. American psychiatric association, 2013. DSM-V : diagnostic and statistical manual of mental disorders 5th edition., Washington (D.C.) ; London: American Psychiatric Publishing, cop. 2013. American psychiatric association, 2004. DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 4e édition, texte révisé., Issy-les-Moulineaux: Masson. Azémar, G., 2003. 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Ils souhaitent en connaitre davantage sur la latéralité gauchère, désirent des techniques, des conseils pour mieux connaitre les spécificités des gauchers. Afin d’apporter des éléments de réponses, ce guide a été créé. Les réflexions et les préconisations proposées ci-après sont obtenues à partir de la synthèse et de la réunion entre les apports de la littérature et des questionnaires réalisés pour les gauchers, les professionnels et les droitiers. C’est une base qui peut être modulée et modifiée suivant les besoins. Elle ne se veut pas être une science exacte. La liste présentée est non exhaustive. Les pourcentages indiqués, au fil de ce guide, sont basés sur un échantillon de quarante-deux répondants. Ils sont présents à titre indicatif mais ne peuvent être généralisés. Pour introduire la réflexion, regardons quand est-ce que les droitiers remarquent le plus les gauchers. Les droitiers remarquent les personnes de latéralité gauchère dans différentes situations. C’est principalement lorsque ces dernières effectuent l’acte scripteur qu’elles sont repérées. Les gauchers ont une « façon d’écrire vraiment bizarre13 ». Leur main est orientée autrement et « leur tenue du crayon est différente ». Les droitiers constatent aussi les gauchers quand ils prennent des notes à côté d’eux. En effet, il y a souvent une gêne mutuelle lorsqu’un un gaucher et un droitier sont placés côte à côte pour écrire et que leurs coudes s’entrechoquent. Il en est de même pour la prise des repas. La personne gauchère est également repérée quand un droitier coupe quelque chose après eux : les outils et les prises sont inversés. Enfin, plus anecdotiquement, le gaucher se remarque lorsqu’il « utilise tout simplement sa main gauche à répétition » ou encore lorsqu’il souhaite « ouvrir une bouteille de la main gauche ». Lorsque l’on demande aux droitiers si avoir une latéralité gauchère peut être gênant au quotidien, 52% répondent oui et 48 % répondent non. Pour les droitiers, « les gauchers peuvent être gênés du fait de devoir s'adapter à nos outils de droitiers » et que « peu d’outils sont prévus pour les gauchers ». La sécurité dans l’utilisation des outils n’est pas idéale. Les gauchers « doivent s’adapter ou trouver des astuces » pour s’en servir. Selon les droitiers, 13 Sauf mention contraire, les citations proviennent du questionnaire des droitiers. ils peuvent aussi être dérangés dans le découpage, pour travailler sur un plan n’ayant pas suffisamment d’espace vers la gauche ou encore lors de la conduite automobile. Ainsi, quelques spécificités du gaucher et difficultés qu’il peut rencontrer au quotidien sont remarqués par les droitiers. La suite de l’écrit se focalisera essentiellement sur les gauchers. Des éléments de comparaison avec les personnes droitières seront apportés lorsque cela a été jugé pertinent. 1.1 Etre gaucher La latéralité gauchère et les spécificités qu’elle entraine ne doivent pas être considérées comme un handicap. D’ailleurs, 90% des gauchers ayant répondu au questionnaire considèrent qu’être gaucher n’est ni un problème ni un handicap et n’entraine pas d’image négative. « Ce n'est pas un handicap dans le sens où l'on vit assez bien avec. Certes, il y a des choses qui sont faites pour les droitiers mais disons que l'on est conditionné à vivre de cette manière14 ». En effet, beaucoup de personnes gauchères s’adaptent sans problème et sans aide extérieure. « Il s’agit d'une adaptation que [les gens font] depuis longtemps ». Etre gaucher « c'est même plutôt un avantage ! On est plus flexible, on se sert mieux de notre main droite que les droitiers de leur main gauche ». Il est important d’encourager le gaucher à s’adapter aussi souvent que possible à l’utilisation d’outils classiques et toujours voir de quelles façons un gaucher peut s’en sortir sans avoir recours à des outils adaptés. Ainsi, « être gaucher signifie devoir et savoir s’adapter au quotidien pour surmonter les quelques difficultés qui peuvent survenir parfois lorsque l'environnement nous y contraint ». Cependant, bien que la très grande majorité des gauchers s’adapte sans difficulté au monde dans lequel ils vivent, certains enfants gauchers peuvent avoir des difficultés à le faire. Il ne faut pas changer les préférences manuelles d’un enfant mais seulement l’aider si des difficultés sont constatées. Dans un tel cas et en phase d’apprentissage, il est important d’enlever aux enfants les obstacles qui sont à la fois supplémentaires et inutiles pour l’apprentissage. Une connaissance des méthodes d’adaptations et de matériaux propres aux gauchers pourraient avoir des effets positifs dans la rééducation des troubles moteurs chez les enfants gauchers. Pour certains gauchers, le fait de pouvoir utiliser des outils adaptés leur facilite la vie : « depuis que j’utilise des objets pour gauchers (tire-bouchon, taille crayon, règle pour gaucher...) ma vie est beaucoup plus simple ». 14 En l’absence de mention contraire, les citations en italiques proviennent des réponses du questionnaire passé auprès de gauchers. Rappelons que, d’une manière générale pour apprendre, il est essentiel que les tâches que l’on apprend soient décomposées. De plus, afin de faciliter un bon apprentissage, le positionnement de l’enfant vis-à-vis de la tâche à accomplir doit être adapté. En effet, cela favorisera le contrôle postural et la fluidité des mouvements. Les fluctuations toniques seront évitées. Ainsi d’après Exner (1997) cité in Albaret et al., (2013), l’enfant doit avoir les pieds qui reposent à plat sur le sol avec une flexion d’environ 90° des chevilles, des genoux et du bassin. La table doit être à la hauteur ou légèrement supérieure aux coudes de l’enfant lorsque ceux-ci sont fléchis à 90°. Les auteurs indiquent aussi que de nombreux gauchers apprennent mieux quand l’information est transmise à travers les stimuli visuels, tactiles et le tout accompagné de phrases explicatives. Il est important d’avoir cette notion en tête. 1.2 Le fonctionnement du gaucher D’après les auteurs cités en fin de guide, le gaucher réfléchirait de préférence dans le sens est-ouest. Cependant, lorsque l’on demande à des gauchers dans quel sens ils analysent un tableau ou une œuvre les résultats sont plutôt divergents : "Dans quel sens analysez-vous un tableau ?" 10% 4% De haut en bas 6% 4% 45% De gauche à droite De bas en haut 31% De droite à gauche Du centre vers l'extérieur Réponses non exploitables Figure 1: sens d'analyse d'un élément pour les gauchers On remarque que le sens gauche-droite devient une habitude comme il s’agit du sens conventionnel inculqué depuis le plus jeune âge. La littérature indique que le sens d’analyse droite-gauche est principalement retrouvé chez les jeunes enfants lorsqu’ils classent des éléments, écrivent ou encore désignent quelque chose. Cette spécificité peut parfois expliquer des erreurs de classement que font les enfants gauchers. Retenons aussi que spontanément, la majorité des gauchers interrogés (64%) tracent un cercle dans le sens antihoraire quand on leur demande. C’est ce sens qui est privilégié pour un bon nombre de gauchers. Pour les droitiers, le résultat est similaire avec un pourcentage de 69%. 1.2.1 Les outils et les gauchers La majeure partie des outils et objets qu’une personne gauchère est amenée à utiliser dans son quotidien est adaptée aux droitiers. En effet, l’outillage est pensé pour la majorité. Or, une personne, adulte ou enfant, réalise de meilleures actions nécessitant un outil lorsque celui-ci est adapté à sa main et à sa latéralité (Gendrier, 2004). Il semble donc important de donner à des gauchers les outils qui leur conviennent au mieux et cela d’autant plus en cas de difficulté dans la manipulation. Par ailleurs, lors de la manipulation de certains outils, il est important de savoir que les boutons de sécurité sont généralement mal disposés pour les gauchers. En effet, ils ne sont pas accessibles avec le pouce gauche. Quelques outils du quotidien scolaire d’un enfant seront analysés ci-après pour en comprendre les spécificités lorsque l’on est gaucher : 1.2.1.1 Les ciseaux de droitier La disposition des lames ne permet pas de suivre le trait de découpe, ce qui la rend plus difficile pour un débutant. La précision de la découpe en est alors altérée. La tenue en main des ciseaux est la même pour les droitiers et les gauchers : le pouce est dans l’œillet du haut, l’index et le majeur sont dans celui du bas avec une main se trouvant en position de fonction. Cependant, lorsqu’un gaucher prend un ciseau de droitier la tenue est mauvaise puisque les œillets pour mettre les doigts ne sont pas adaptés. Ce deuxième critère est surtout dérangeant sur le long terme ou pour découper des surfaces rigides. Les ciseaux pour gauchers offrent une bonne prise en main, les œillets étant adaptés. De plus, les lames des ciseaux sont inversées ce qui permet le suivi du regard sur le trait de découpe. Figure 2: images provenant du site « lesgauchers.com » D’après l’étude, 76% des gauchers utilisent des ciseaux de droitiers. Parmi eux, 39% les utilisent de la main gauche. Les gauchers « ont pris l'habitude de les manier afin qu'ils coupent correctement » et les ont adoptés car « à l'école il n'y avait pas de ciseaux de gaucher et on nous a appris à le faire comme cela » ou encore puisqu’il « est plus facile de trouver ce genre de ciseau » dans l’environnement professionnel et familial. Cependant, la découpe reste moins facile. Les autres personnes utilisent des ciseaux de gauchers puisqu’ils en avaient à leur disposition. Le découpage est plus facile et fluide, et les personnes disent qu’il est plus simple de suivre le trait de découpe. Lorsqu’un gaucher découpe un cercle, s’il le fait de la main gauche, il débutera le découpage en haut et à gauche du cercle pour découper dans le sens horaire. S’il le fait avec la main droite, il commencera le découpage à droite du cercle (souvent en bas) pour le faire dans le sens antihoraire préférentiellement (comme le font les droitiers). 1.2.1.2 La règle normale. Lorsque l’on demande à des gauchers de tracer un trait, 71% le tracent préférentiellement dans le sens droite-gauche alors que chez les droitiers 90% le tracent dans le sens gauche-droite. Le gaucher préfère réaliser l’activité dans le sens droite-gauche. Pour tracer un trait sans dimension, l’utilisation d’une règle normale ne pose pas de réel problème pour un gaucher. Par contre, pour tracer un segment, l’enfant gaucher ne peut pas bien tirer son trait (sens droite-gauche) sans cacher les graduations de sa règle. De même, réaliser cette action en poussant le trait n’est pas agréable puisque le sens d’ouverture n’est pas respecté et que le stylo a tendance à gripper le papier. De plus, les graduations étant inversées à son sens logique, l’enfant devra faire une soustraction pour tracer un segment d’une dimension précise. Les règles pour gaucher où les graduations sont inversées auront sûrement un impact positif dans les possibilités de traçage pour un enfant. Figure 3 : règle de gaucher ; image provenant du site "lamaingauche.com" 1.2.1.3 Le taille-crayon. Naturellement un gaucher a tendance à tenir le taille-crayon dans la main droite et faire le mouvement rotatif du crayon avec la main gauche. Mais pour tailler dans le sens naturel antihoraire du gaucher cela ne marche pas. Dans ce cas, le gaucher a tendance à tourner le crayon dans l’autre sens, bien que cela ne soit pas simple. Sinon, il change complètement de main en inversant les actions. Un gaucher a proposé une autre solution : « je tiens le crayon dans la main droite et le taille-crayon dans la main gauche. Je ne tourne pas le crayon mais le taille-crayon, dans le sens antihoraire ». Les taille-crayons pour gauchers ont été conçus de telle façon à pouvoir être utilisés en tenant le crayon de la main gauche et en tournant le crayon dans le sens antihoraire. 1.2.2 L’habillage et les gauchers En ce qui concerne l’enfilage du pantalon, des chaussures et des tee-shirts, d’après l’étude, les gauchers ont une tendance à enfiler de préférence le membre gauche en premier. Les résultats détaillés sont consignées dans les graphiques ci-après (cf. : figure 4). Les résultats des droitiers sont aussi présentés afin d’avoir un élément de comparaison (cf. : figure 5). Chez les gauchers : Premier pied d'enfilage de la chaussure Chaussure gauche Premier pied d'enfilage du pantalon Pied gauche Première manche d'enfilage d'un haut Manche gauche Manche droite Pied droit Chaussure droite 36% 40% 38% 64% 60% 62% Figure 4 : l'habillage chez les gauchers Pour les droitiers : Première pied d'enfilage de la chaussure Premier pied d'enfilage du pantalon Pied gauche Pied droit Première manche d'enfilage d'un haut Manche gauche Manche droite Chaussure gauche Chaussure droite 36% 38% 40% 62% 64% 60% Figure 5 : l'habillage chez les droitiers On constate qu’entre les droitiers et les gauchers le pied ou la manche d’enfilage change. Il semble préférable de commencer l’apprentissage et l’enfilage par le membre gauche de l’enfant lors des apprentissages s’il est gaucher. Le boutonnage ne pose pas de difficulté dans la grande majorité des cas (86%). Notons néanmoins qu’il se fait généralement avec la main non dominante puisque les vêtements sont généralement conçus pour les droitiers. Le laçage est également une activité de la vie quotidienne où les techniques d’adaptation mises en place par les gauchers sont nombreuses. Trois méthodes sont principalement utilisées par les gauchers pour réaliser cette activité lorsqu’on s’intéresse à la première séquence : soit la personne fait la première boucle à gauche, soit elle fait la première boucle à droite ou elle fait deux boucles. Le reste des gestes est très variable suivant les personnes pour le sens de croisement des lacets ou encore le sens de rotation autour de la boucle initiale. Une généralisation ne peut pas être faite. Techniques de laçage Laçage avec boucle à gauche Laçage avec boucle à droite Autres méthodes Réponses non exploitables 3% 29% 13% 55% Figure 6 : représentation des techniques de laçage Mais la majorité des gauchers effectue l’activité avec une main gauche qui stabilise le lacet et qui effectue les manipulations les plus fines. 1.2.3 Ecriture et le gaucher : Pour écrire, 85% des personnes interrogées préfèrent utiliser un stylo à bille. Les stylos à encre et à plume sont faiblement utilisés. Cette préférence pour le stylo à bille s’explique par le fait que celui-ci ne bave pas et ne grippe pas le papier puisque le gaucher pousse sur sa pointe. Il existe des crayons avec des plumes adaptées au gaucher. Différentes marques comme Schneider®, Pelikan®, Lefty®, ou encore Stabilo® en font. De même, des stylos ont une mine décalée ce qui permet de lutter contre les bavures. Cela permet aussi aux gauchers de voir ce qu’ils écrivent. Figure 7 : Stylo à mine décalée. Source « www.lesgauchers.com » 1.2.3.1 Positionnement des feuilles pour le gaucher D’après l’étude, quatre manières de positionner la feuille ont été retrouvées. Généralement, les personnes écrivant avec un poignet tordu, ont tendance à incliner leur feuille vers la gauche (30° environ) ou à ne pas l’incliner. Pour les personnes qui écrivent "Dans quel sens inclinez-vous votre feuille pour écrire ?" Feuille droite Feuille inclinée à droite Feuille inclinée à gauche Feuille à l'horizontale sous la ligne, la feuille est inclinée vers la 8% droite (30-40°) et souvent « le corps en alignement avec la feuille » ce qui permet au 32% 21% 39% bras d’être parallèle à l’axe du corps. Figure 8 : inclinaison de la feuille pour l'écriture Un gaucher décale presque toujours sa feuille vers la gauche de son buste. Ce décalage et l’inclinaison varie en fonction de l’âge et des conditions environnementales. En effet, plus un enfant est jeune, moins sa feuille est décalée et inclinée. Certains gauchers disent aussi changer le positionnement de leur feuille suivant qu’ils doivent écrire rapidement ou lentement. Chez les droitiers, la feuille reste soit droite devant eux soit elle est décalée vers la droite mais inclinée vers la gauche. Les positions des feuilles sont inversées entre les deux latéralités. 1.2.3.2 Position du poignet Afin d’écrire, les gauchers adoptent différentes manières de positionner Position du poignet pour écrire leur poignet. Ce dernier peut être « tordu », c’est-àdire qu’il est en hyperflexion au-dessus de la ligne d’écriture (figure B). Cette technique est "Tordu" au dessus de la ligne d'écriture Sous la ligne d'écriture Sur la ligne d'écriture Autre mise en place pour éviter de cacher ce que l’on écrit. Cependant, elle aurait tendance 5% à provoquer une attitude cypho-scoliotique. 30% 28% D’autres écrivent avec un poignet en position de fonction sur la ligne. Cette position 37% amène souvent de nombreuses bavures sur les supports d’écriture Les derniers écrivent en plaçant leur Figure 7 : position du poignet pour écrire main sous la ligne d’écriture (Figure A). Figure 10 : position du poignet pour écrire. Source : Albaret, J.-M., Kaiser, M.-L. & Soppelsa, R., 2013. Troubles de l’écriture chez l’enfant: des modèles à l’intervention, Bruxelles: De boeck. Notons que les droitiers écrivent avec la main positionnée sur ou sous la ligne d’écriture. De préférence, il faut guider l’enfant à positionner sa main sous la ligne d’écriture et à incliner sa feuille d’environ 30-40° vers la droite et de la décaler vers la gauche de son buste (cf. : figure 11). L’inclinaison et le décalage s’accentuent avec l’âge. Pour plus de stabilité, la feuille sera tenue de la main droite. Figure 11 : le positionnement de la feuille pour un gaucher Pour les exercices d’écriture, il faut de préférence placer les éléments à recopier à droite dans un premier temps. En effet, cela permet à l’enfant de ne pas être obligé de déplacer son bras pour voir ce qu’il doit recopier. Il existe maintenant dans le commerce des ouvrages adaptés aux gauchers sur l’écriture notamment chez Bordas® ou encore Nathan®. Par ailleurs, au début de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, il faut aider l’enfant gaucher à savoir dans quel sens commencer à écrire ou à lire. Il est important de mettre un repère en haut à gauche de la feuille ce qui lui permettra de mieux visualiser où débuter le geste scripteur. De même, il peut être bien de fournir à l’enfant un sous-main avec le sens de traçage des lettres pour les gauchers. Celui-ci pourra aussi montrer comment bien incliner sa feuille. 1.2.3.3 Formation des lettres Pour qu’un enfant puisse avoir une bonne représentation d’une lettre et des différents segments qui la composent, il peut être utile de montrer comment faire les lettres de la main gauche. Il est donc préférable que le thérapeute lui-même montre comment procéder de la main gauche. Dans son ouvrage, Lauren Milsom propose un sens pour tracer des lettres pour les gauchers. Le système de lettres cursives ne correspondant pas au modèle scolaire français appris aux élèves, un autre modèle a été confectionné par moi-même. Figure 12 : sens de traçage des lettres pour un gaucher Ces deux modèles ont été soumis au panel de gauchers afin de voir si des différences étaient retrouvées. Celles présentées ci-après ont été jugées comme importantes en regard de ce travail. Les majuscules : Pour la lettre « A », la majorité des gauchers trace d’abord un « V » à l’envers en commençant en bas à gauche de la lettre puis finissent par le trait horizontal dans le sens droite-gauche. Pour la lettre « E », les gauchers ont tendance à faire d’un seul tenant l’armature extérieure de la lettre. Seul le trait du milieu est tracé à la fin de droite à gauche. Pour le « N », des personnes font la lettre d’un seul tenant en débutant en bas à gauche de la lettre. Les minuscules Pour les lettres minuscules, peu de différences ont été signalées. Il arrive que certains fassent le « rond » des lettres du d, g, o, q dans le sens horaire. D’une manière générale, il faut se rappeler que pour les lettres qui ont besoin de traits horizontaux, ces derniers seront faits de droite à gauche que cela soit pour les lettres majuscules ou pour les minuscules. 1.2.3.4 Positionnement du gaucher en classe Il est essentiel que l’enfant puisse être à l’aise dans les gestes et avoir un regard orienté au bon endroit. Concernant la place de l’enfant au sein même de la classe, les apports de la littérature sont divergents. Pour certains auteurs, il est préférable que l’enfant gaucher soit installé dans la partie gauche de la classe alors que pour d’autres il est mieux qu’il soit dans la première partie de la moitié droite d’une classe. En ce qui me concerne, je pense que le placement de l’élève au sein de la classe peut être différent suivant sa modalité d’écriture. En effet, une personne inclinant sa feuille vers la droite préférera s’installer dans le côté gauche de la salle alors que celle inclinant la feuille à gauche aura une préférence pour le côté plus à droite de la salle. Sur les tables ayant des places en binôme, un gaucher va préférer être installé à gauche ce qui permet d’éviter que les coudes des deux personnes d’entrechoquent s’ils sont de latéralité contraire. 1.2.4 Les gauchers à table et en cuisine Dans la très grande majorité des cas, un gaucher tient sa fourchette dans la main gauche et son couteau dans la main droite (95%). De même, pour couper un aliment, il aura tendance à stabiliser l’aliment avec la main droite et couper de la main gauche. Lorsqu’il n’a qu’un ustensile à tenir, le gaucher va le tenir de la main gauche alors que le droitier le tiendra de la main droite. Lorsque l’on demande à un gaucher de mélanger des aliments, la majorité à tendance à le faire dans le sens antihoraire (60%). Pour les droitiers, ils remuent à 79 % dans le sens horaire. 1.2.5 Loisirs et les gauchers L’enquête montre que la majorité des gauchers utilisent leur main gauche pour réaliser l’action alors que la main droite stabilise (jeu de cartes, enfilage de perles…). Pour les musiciens, la guitare peut être adaptée au gaucher. Dans ce cas, les accords sont inversés : la personne gratte de la main gauche et accorde de la main droite. Il existe aussi des guitares spécialement conçues pour les gauchers. Pour le piano, un seul a été à ce jour adapté à un gaucher. Les deux mains devant effectuer des mouvements, le changement semble moins nécessaire. Enfin, le violon peut être joué en manipulant l’archet de la main gauche mais il faut trouver un professeur qui est à l’aise avec ce changement. En plus, si une personne gauchère a la volonté de jouer à très haut niveau, la configuration des orchestres est telle que cela ne serait pas possible pour elle d’y jouer en inversant ses mains. A retenir : Etre gaucher n’est pas un handicap Il ne faut, si possible, pas contrarier un gaucher à changer sa préférence manuelle Les gauchers ont des spécificités de fonctionnement Si possible pour l’enfant, l’utilisation des outils de droitiers doit être préférée. Les gauchers préfèrent tracer un trait dans le sens droite-gauche et un cercle dans le sens antihoraire Lorsqu’ils manipulent un objet, la main gauche réalise l’action tandis que la main droite stabilise Pour de nombreuses activités de la vie quotidienne (manger, se laver, se brosser les dents..,), ils préfèrent initier l’activité avec leur main gauche. Il existe des outils spécialement conçus pour les gauchers (règles, ciseaux, taillecrayon, tire-bouchon, ouvre-boite..) en vente sur des sites spécialisés comme : o http://www.lamaingauche.com/fr o http://www.boutique.lesgauchers.com/ o http://www.anythinglefthanded.co.uk/acatalog/index.html Les gauchers tracent certaines lettres différemment des droitiers Leur positionnement pour réaliser le geste scripteur leur est spécifique Multiplier les canaux d’entrée lors de l’apprentissage peut être utile pour un gaucher Il faut montrer aux gauchers comment réaliser l’activité de la main gauche en se mettant à côté de lui. Ressources documentaires pour cette proposition : Albaret, J.-M., Kaiser, M.-L. & Soppelsa, R., 2013. Troubles de l’écriture chez l’enfant: des modèles à l’intervention, Bruxelles: De boeck. Azémar, G., 2003. L’homme asymétrique : gauchers et droitiers face à face, Paris: CNRS Éd., DL 2003. pp 1-150 Fagard, J., 2004. Droitiers/gauchers: des asymétries dans tous les sens, Marseille: Solal. Galobardès, 2006. Gauchères, gauchers et parents...ce que vous devez savoir, Riv’gauche distribution. Galobardès, M., 2007. Comprendre et accompagner l’élève gaucher. Eléments de pédagogie adaptée aux spécificités mentales et gestuelles. Hachette Education., Paris: Hachette livre. Kurtz, L.A., 2010. Le développement des habiletés motrices : comprendre et aider l’enfant ayant des difficultés de coordination, Montréal: Chenelière Education. Milsom, L., 2008. Simplifier la vie de mon enfant gaucher. Faciliter l’univers des gauchers dans un monde de droitiers, Paris: Le Courrier du Livre. Morice Mugnier, J., 2011. Gauchers en difficulté: la latérapédagogie, une richesse inexploitée, Paris: Téqui. TABLE DES MATIERES 1 Introduction ........................................................................................................ 1 2 Problématique .................................................................................................... 2 3 Partie théorique ................................................................................................ 10 3.1 Les capacités motrices ............................................................................... 10 3.1.1 Généralités............................................................................................ 10 3.1.2 La latéralisation ..................................................................................... 10 3.1.3 La coordination bimanuelle.................................................................... 13 3.2 Le Trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) ................................... 15 3.2.1 Définition ............................................................................................... 15 3.2.2 Epidémiologie........................................................................................ 15 3.2.3 Etiologies .............................................................................................. 16 3.2.4 Facteurs de risques ............................................................................... 17 3.2.5 Troubles associés ................................................................................. 17 3.2.6 Diagnostic ............................................................................................. 17 3.2.7 Critères diagnostics ............................................................................... 17 3.2.8 Autres conséquences ............................................................................ 19 3.2.9 TAC et ergothérapie .............................................................................. 19 3.3 L’écriture chez l’enfant ............................................................................... 20 3.3.1 Quelques généralités ............................................................................ 20 3.3.2 L’écriture et le TAC ............................................................................... 22 3.3.3 L’écriture et le gaucher .......................................................................... 22 3.4 Particularités du gaucher dans la vie quotidienne ....................................... 23 3.4.1 Le cerveau ............................................................................................ 23 3.4.2 Le fonctionnement d’un gaucher ........................................................... 26 3.4.3 Adaptabilité d’un gaucher ...................................................................... 27 3.5 Synthèse de la partie théorique .................................................................. 28 4 Méthodologie .................................................................................................... 29 4.1 Généralités sur le questionnaire ................................................................. 29 4.2 Justification du choix de l’outil .................................................................... 29 4.3 Population cible .......................................................................................... 29 4.4 le questionnaire .......................................................................................... 29 4.4.1 Forme du questionnaire ........................................................................ 29 4.4.2 Fond du questionnaire........................................................................... 30 5 Analyse du recueil de données ....................................................................... 32 5.1 Le questionnaire professionnel ................................................................... 32 5.1.1 Le profil des répondants ........................................................................ 32 5.1.2 Les gauchers vus par les thérapeutes ................................................... 34 5.1.3 Le TAC vu par les ergothérapeutes ....................................................... 37 5.1.4 Influence de la gaucherie sur le TAC ? .................................................. 38 5.1.5 L’ergothérapie et l’enfant gaucher avec un TAC .................................... 40 5.2 6 Limites du questionnaire............................................................................. 42 Discussion ........................................................................................................ 44 6.1 Réflexions autour de la question de recherche et des hypothèses ............. 44 6.2 L’enfant TAC gaucher ................................................................................ 46 6.3 Limites du mémoire, axes de poursuite ...................................................... 48 6.4 Remarques personnelles............................................................................ 49 7 Conclusion........................................................................................................ 50 8 Ressources documentaires ............................................................................. 52 Annexes ......................................................................................................................