Santé psychique: les pairs praticiens offrent leur

Pour aller plus loin
Faut-ilêtre guéri
pour devenir
pair praticien?
«Letablissementen
santé mentalene
signie jamais tout à
fait uneguérison. On
parle d’un cheminement
dont on ne revient
jamais comme avant»,
rappelle Esther
Hartmann.
Selon plusieurs études
internationales, 30%
des patients
n’éprouvent plus de
symptômes et sont
suivis avec ou sans
médicaments.
30%parviennent à
vivrede manre plus
ou moinsépanouie
avec leurs symptômes,
avec un cadre autour de
leur vulnérabilité et sou-
vent une médication.
Les 40%restants reste-
ront en sourance.
Psychologie
Santépsychique:
lespairspraticiens
orent leur aide
Déjà connue en Suisse alémanique, au Royaume-Uni ou en Amérique du Nord,
cette nouvelle formation romande est réservée aux personnes qui ont
elles-mêmes souert dans leur santé mentale.
Texte: Pierre Léderrey
Déjà 90 dossiers déposés
pour la seconde volée de
cours pour devenir pair
praticien. Elle devrait
démarrer en 2016.Avec une exi-
gence incontournable inédite:
avoir soi-même déjà été hospitali-
sé en psychiatrie. «Ce qui montre
clairement que cette formation
n’a pas pour but de concurrencer
le personnel médical existant,
mais bien d’apporter une aide sup-
plémentaire aux personnes en
sourance psychique.»
Psychologue FSP, Esther
Hartmann a été chargée d’élaborer
ce nouveau cursus par l’association
romande Pro Mente Sana en
collaboration avec la Coraasp
(Coordination romande des
associations d’action en santé
Photos: ronique Bottéron
AU QUOTIDIEN |MM31, 27.7.2015 | 81
Le saviez-vous?
Lesgauchers,
desnies?Des
pauvres, oui!
Mais qu’est-ce qu’on va faire
de Rafael Nadal, Barack
Obama, Bill Clinton, David
Bowie, Ludwig van
Beethoven, Léonard de Vinci
ou du prince William?
Ils sont tous gauchers, des
célébrités qui n’ont pas de
problèmes d’argent. Et
pourtant, ils contredisent
tous la dernière étude réalisée
sur les gauchers selon laquelle
ceux-ci seraient en ral de
10 à12% moins bien
rémunérés que les droitiers.
L’enquête a été menée sur des
statistiques des années 1958 à
1970 au Royaume-Uni et de
1979 à1997 aux Etats-Unis
par Joshua Goodman,
professeur à Harvard. Selon
lui, on retrouve parmi les
gauchers plus de décits de
l’intelligence ou de troubles
du comportement que la
moyenne. Des jobs plus
physiques qu’intellectuels. Du
coup, des postes moins bien
payés.Une diérence de
salaire d’autant plus nette que
la mère est droitière!
Quant à savoir ce qui fait
qu’on est gaucher ou droitier,
le mystère reste presque
entier: les scientiques
avancent notamment une
hypothèse nétique, mais
aussi du stress durant la
grossesse, la santé et le poids
du bébé à la naissance ou le
fait d’échanger des poignées
de mains plus avec son père
qu’avecsa mère durant la
petite enfance…
On peut aussi fabriquer des
gauchers par ultrasons: la
plupart des fœtus sont
positionnés sur leur côté
gauche dans le ventre de leur
mère et explorent avec le côté
droit. Trop d’échographies et
le bébé se retourne sur sa
droite. Et paf: gaucher!
Isabelle Kottelat
moignage
«Mamaladieavaitenn un sens»
Iannis McCluskey «tournait en rond à
l’Université» lorsqu’il apprit l’existence de
la formation de pair praticien.
Certicat en poche à 26 ans, ce Neuchâtelois
en parle comme d’un moment «qui a inversé
mon rapport à ma maladie qui devenait
enn positive et qui pouvait aussi aider les
autres».
Déjà actif comme pair praticien en prison,
ayant fondé une association de pairs qu’il
préside, il s’apprête à travailler dans deux
structures «ailleurs en Suisse romande». Pour
ne pas se retrouver là où il était lui-même le
patient.
«Je vois mon rôle comme une aide de
quelqu’un qui est passé par là, qui s’en est
servi pour développer des outils
thérapeutiques sans pour autant posséder de
recette miracle.» Pas plus que les médecins,
ajoute Iannis McCluskey avec une pointe
d’animosité. MM
psychiatrique). A l’école
d’études sociales et
pédagogiques (eesp) de
Lausanne, la première volée,
qui a terminé n octobre 2014
les quelque 150 heures
théoriques et 50 heures de
stage demandées, avait déjà
fait le plein, avec 35 dossiers
déposés pour quinze places
disponibles. «Nous avions
naturellement sondé les
diérentes institutions
concernées pour savoir si le
projet les intéressait et nous
étions arrivés à la conclusion
qu’une quinzaine de diplômés
constituait un bon début.»
Des personnes de tout ho-
rizon professionnel, hommes
et femmes jeunes ou moins
jeunes avec des niveaux de
formation très diérents mais
aussi avec diérents prols de
maladie. «Lorsque l’on évoque
la maladie mentale, on parle
de sourance psychique et de
la douleur qui l’accompagne.
Il fallait que ce soit des gens
chez qui cette sourance avait
disparu, ou qui s’accommo-
daient de vivre avec. Avec la
capacité de parler de soi, de
son propre cheminement
pouvant éclairer celui de
l’autre sans pour autant pen-
ser détenir la rité absolue.»
Des porteurs d’espoir pour les
malades
Les pairs praticiens sont aussi
dénis comme des experts par
expérience. «Je les vois
comme des porteurs d’espoir,
explique Esther Hartmann.
Face à des malades qui sont
parfois hospitalisés à
plusieurs reprises, ils
montrent qu’il est possible
d’aronter la sourance et de
s’en sortir. Par leur cu, ils
peuvent aussi changer ou
renouveler le regard des
soignants.» Selon Pro Mente
Sana, s’engager dans cette
expérience correspond à un
chemin de découverte de soi
où l’on nit par pouvoir
expliquer «comment on a fait
pour se sentir bien. Ce qui
demande de solliciter chez
l’autre ses ressources pour
qu’il trouve ses propres
solutions.»
Comme toute personne qui
travaille sur la base des
relations humaines, le pair
praticien doit également
savoir se protéger et
conserver une certaine
distance relationnelle avec la
personne aidée. Ce qui peut
sembler plus dicile que pour
un médecin, par exemple.
D’ailleurs, quel est le statut
administratif de ces pairs
praticiens? S’agit-il d’une
vraie activité professionnelle?
L’expérience est encore
trop récente, «mais tout le
dé, conrme Esther
Hartmann, consiste à
donner à leur présence une
vraie légitimité au sein de
l’équipe de soins».
D’après les premiers
retours, notamment des HUG
à Genève qui ont engagé deux
diplômés de la première volée,
les personnes hospitalisées
apprécient leur présence.
«Je suis convaincue que cela
correspond à un vrai besoin.
La santé psychique reste un
tabou quand l’on sait que 20%
à30% de la population est
concernée.»
Photos: ronique Bottéron
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