INSUFFISANCE CARDIAQUE A FRACTION D’EJECTION PRESERVEE (IC-FEP) Positionnement du problème : l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée est une entité mystérieuse quant à sa nature et à sa prise en charge thérapeutique. Pour certains, elle n’est qu’un stade dans un continuum vers l’insuffisance cardiaque à fonction systolique diminuée. Pour d’autres, il s’agit d’un syndrome associant plusieurs facteurs. En tous cas, le profil des patients est celui de personnes âgées, à prédominance féminine, avec une HTA fréquente. Le point de départ semble être une augmentation de la rigidité artérielle et de la post charge à l’origine d’un remodelage ventriculaire gauche avec une fibrose. Ces modifications structurelles entraînent une augmentation de la rigidité du V.G qui aura de plus en plus de difficulté à se distendre. La courbe pression/volume se déplace vers le haut avec la nécessité d’une élévation des pressions du remplissage pour obtenir le même volume télédiastolique. Dans un tel modèle il suffit d’un facteur intercurrent pour majorer les pressions de remplissage et faire basculer le patient dans l’insuffisance cardiaque. Ces facteurs peuvent être : une poussée hypertensive, une surcharge hydro-sodée, une anémie, une fièvre ou un SCA. Ce qui explique que l’ICFEP se présente plus sous la forme d’une décompensation aiguë que d’une dyspnée chronique, et que les patients sont souvent peu symptomatiques entre les décompensations. L’incidence de l’IC-FEP est en augmentation permanente suite au vieillissement de la population. Elle représente actuellement 30 à 50 % de l’ensemble des insuffisances cardiaques. Son pronostic semble être aussi mauvais que l’I.C à fonction systolique diminuée, avec des hospitalisations de l’ordre de 30 % à un an. Définition : pour parler d’une IC-FEP il faut trois conditions. 1. Des symptômes ou des signes cliniques en faveur d’une I.C et qui peuvent se résumer à une simple dyspnée d’effort isolée. 2. Une FEVG > 45/50 % et un volume télé diastolique normal < 97 ml/m2 : FE préservée ne veut pas dire fonction systolique préservée car il existe dans l’IC-FEP une atteinte de la fonction systolique longitudinale qui peut être identifiée par une onde Sa < 6.5 cm/s, et il existe un remodelage concentrique avec un petit V.G et un débit diminué malgré la FEVG normale. 3. Une anomalie de la fonction diastolique qui sera mise en évidence à l’échodoppler. La discussion se fait à partir du Rapport E/e’ : Rapport E/e’ : < 8 : pressions normales. > 12 ou 13: pressions élevées en prenant respectivement la paroi latérale ou la paroi septale. Entre 8 et 12 : zone grise. Si le rapport E/e’ est dans la zone grise entre 8 et 12 (latérale) ou 13 (septale). Il faut exiger au moins deux des quatre critères suivants: a. Le plus solide est le flux veineux pulmonaire en prenant Ap-Am > 30 msec ou plutôt à 20 msec. S/D : n’est plus utilisé quand la fonction V.G est normale. b. O.G dilatée > 40 ml/m2 (en dehors d’une FA). c. HVG > 149 g/m2 chez l’homme et > 122 g/m2 chez la femme. d. Présence d’une F.A. 1 Le diagnostic d’IC-FEP peut être écarté devant une dyspnée dans les conditions suivantes : S’il existe une autre cause cardiaque de dyspnée : une valvulopathie, une péricardite ou une I.C à fraction d’éjection diminuée < 45/50 %. Si l’échodoppler cardiaque objective une FEVG > 45/50 % et un volume télédiastolique normal, une série d’indices permettent d’éliminer le diagnostic d’I.C-FEP : Un BNP < 100 pg/ml en sachant qu’un BNP > 100 pg/ml ne permet pas de conclure. Un E/e’ < 8. Une onde Sa > 6.5 cm/sec. Une O.G de taille normale < 29 ml/m2. L’absence d’HVG : masse V.G < 116 g/m2 (H) et < 96 g/m2 (F). Un algorithme a été proposé par le consensus européen 2007 : devant des signes évocateurs d’une insuffisance cardiaque, deux conditions sont nécessaires pour affirmer une IC-FEP : 1. Une FEVG > 50 % et un volume télédiastolique < 97 ml/m2. 2. La mise en évidence d’une dysfonction diastolique. La mise en évidence d’une dysfonction diastolique se fait par deux portes d’entrée possible, soit par le dosage du BNP ou par le doppler tissulaire. 1° possibilité : par le doppler tissulaire : E/e’ < 8 : pressions de remplissage diastoliques normales. E/e’ > 15 : diagnostic IC-FEP. E/e’ entre 8 et 15 : zone grise. Dans ce cas nous avons le choix pour affirmer le diagnostic, soit par le dosage du BNP ou par des indices échodoppler : o Indices échodoppler : Ap-Am > 30 msec ou plutôt à 20 msec. Ou E/A < 0.5 et TDM > 280 msec. Ou O.G dilatée > 40 ml/m2 (en dehors d’une FA). Ou HVG > 149 g/m2 (homme) et > 122 g/m2 (femme). Ou présence d’une F.A. o Ou BNP > 200 pg/ml : diagnostic IC-FEP. 2° possibilité : passer par le dosage du BNP : BNP < 100 pg/ml : écarte le diagnostic BNP > 200 pg/ml : le diagnostic d’IC-FEP est affirmé, si E/e’ > 8. Si nous ne disposons pas d’un doppler tissulaire, les indices échodoppler peuvent être utilisés : Ap-Am > 30 msec ou plutôt à 20 msec. Ou E/A < 0.5 et TDM > 280 msec. Ou O.G dilatée > 40 ml/m2 (en dehors d’une FA). Ou HVG > 149 g/m2 (homme) et > 122 g/m2 (femme). 2 Ou présence d’une F.A. Le traitement : Contrairement à l’I.C à fonction systolique diminuée, le traitement de l’I.C-FEP n’est pas bien codifié. Les différentes molécules de l’I.C à fonction systolique diminuée ont été testées avec des résultats peu probants. D’abord il y a eu en 2003 l’étude CHARM–preserved avec le candesartan qui a montré une réduction de 11% des décès d'origine cardio-vasculaire ou des hospitalisations pour IC, mais cette étude n'a pas atteint une signification statistique ; toutefois le nombre des hospitalisations pour IC a été significativement réduit. L’étude VALIDD s’est proposé d’étudier la fonction diastolique jugée sur des critères ultrasonographiques (baisse de la vélocité de l'onde E du flux mitral, temps de décélération, rapport E/A). Elle a comparé le valsartan à 320 mg/j par rapport à d’autres antihyperenseurs. Cette étude a montré que l'efficacité de tous les traitements antihypertenseurs est identique aussi bien sur les chiffres que sur la fonction diastolique. L’étude I-PRESERVE, a montré l’absence d’efficacité de l’irbisartan, comparé au placebo. L’étude PEP –CHF avec un IEC, le perindopril, s’est révélée elle aussi négative sur la mortalité même s’il y a eu une diminution des hospitalisations, une amélioration fonctionnelle et une augmentation de la tolérance à l'effort. En fait, seule l’étude SENIORS avec un bêtabloquant, le nébivolol, a mis en évidence un bénéfice comparable quelle que soit la fraction d’éjection. Plus récemment, la méta-analyse de Holland a confirmé l’absence d’effet du traitement sur la mortalité des patients en I.C-FEP. En revanche, elle montre un effet bénéfique du traitement sur la capacité fonctionnelle. Reste l’étude TOPCAT avec l’aldactone qui est attendue pour 2012. La conduite du traitement : Phase aiguë : le traitement de l’épisode congestif comporte les dérivés nitrés et les diurétiques. Toutefois il faut savoir réduire rapidement les diurétiques, une fois l’épisode aigue jugulé, car la volémie est souvent peu augmentée sur ces V.G peu distensibles. Un traitement diurétique agressif peut faire facilement basculer dans l’hypovolémie et la déshydratation. Prévention des rechutes : elle est basée sur la prise en charge des facteurs déclenchants. o La recommandation primordiale est le traitement de l’HTA, et toutes les familles hypertensives semblent d’égale efficacité. o Le respect du régime désodé en cas de surcharge hydro-sodée o La revascularisation en cas d’ischémie o Le traitement des troubles de rythme (AC/FA) en favorisant l’amiodarone par rapport aux autres antiarythmiques. o Le traitement par antibiothérapie des surinfections bronchiques et leur prévention par la vaccination. 3