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Éruption du volcan islandais Eyjafjöll : responsabilité
de l’agent de voyages
le 16 mars 2012
AFFAIRES | Consommation | Contrat - Responsabilité
CIVIL | Contrat et obligations
La Cour de cassation avait à connaître pour la première fois des litiges liés à l’éruption du volcan
islandais Eyjafjöll. Elle affirme, d’une part, que ce n’est pas parce que cet événement constitue un
cas de force majeure que l’agent de voyages est dispensé de toute obligation d’indemnisation de
ses clients ; considère, d’autre part, que le régime de responsabilité applicable à l’agent de
voyages relève du code du tourisme et non pas du règlement communautaire n° 261/2004 du 11
février 2004 sur les droits des passagers aériens.
Civ. 1re, 8 mars 2012, FS-P+B+I, n° 10-25.913
Civ. 1re, 8 mars 2012, FS-P+B+I, n° 11-10.226
Voici les premiers arrêts rendus par la Cour de cassation à la suite de la fameuse éruption du
volcan islandais Eyjafjöll en avril 2010. On se souvient que, consécutivement à cet événement, les
autorités aériennes de la plupart des pays européens ont, principe de précaution oblige, décidé de
fermer leur espace aérien plusieurs jours. Des centaines d’avions se sont retrouvés cloués au sol.
En conséquence, des milliers de touristesont étébloqués sur leur lieu de villégiature, ne pouvant
regagner leur domicile, sinon en utilisant des moyens de transport alternatifs, tels le train ou en
étant contraints de prolonger leur séjour. D’autres – et c’est moins grave – ont été contraints
d’annuler leurs vacances. Un tel événement ne pouvait que susciter du contentieux, notamment
des recours de la part de certains clients qui ont réclamé à leur agence de voyages ou à leur
transporteur aérien le remboursement des frais auxquels ils ont été personnellement exposés pour
regagner leur domicile (nuitées, billets de train, frais de location de voiture, etc.). Pour éviter que
ces affaires se règlent devant les prétoires, les modes non juridictionnels de traitement des litiges
ont été privilégiés, puisqu’un médiateur a été désigné par les représentants des professionnels du
voyage et du tourisme et par une association de consommateurs, pour tenter de dégager des
solutions acceptables pour toutes les parties lorsque la demande amiable du client a échoué. Pour
autant, soit parce que le processus de médiation n’a pas abouti, soit encore parce que le client n’y
a tout simplement pas recouru, certains litiges ont abouti devant les tribunaux. Logiquement,
comme il s’agit de petits litiges de droit de la consommation, ce sont les ex-juridictions de
proximité qui ont eu à en connaître. Et plusieurs jugements ont ainsi été rendus, généralement
dans un sens favorable aux intérêts des consommateurs (V. par ex. Jur. prox. Orléans, 15 févr.
2011, JT juin 2011, n° 132, p. 11, obs. X. D.). Aujourd’hui, le contentieux grimpe d’un cran,
c’est-à-dire jusqu’à la Cour de cassation, laquelle profite de l’occasion qui lui est donnée pour
rendre deux arrêts de principe promis à la plus large diffusion sur le régime de responsabilité de
l’agent de voyages ayant commercialisé un forfait touristique.
1. Dans le premier arrêt (n° 274), il est question d’une famille qui a acheté à une agence de
voyages un forfait touristique portant sur un séjour dans l’île de la Réunion et un voyage
aller-retour par avion au départ de Paris. La fermeture de l’espace aérien en raison de l’éruption du
volcan islandais a contraint les clients à prolonger leur séjour puis à accepter un vol de retour à
destination de Marseille. Faisant valoir qu’il avait exposé des frais d’hébergement et de location
d’un véhicule automobile pour effectuer le trajet entre Marseille et Paris, le mari a assigné l’agent
de voyages en remboursement de ces frais. Il obtient gain de cause devant les premiers juges, dont
la décision est confirmée par la Cour de cassation. Certes, considère cette dernière, il y avait
événement de force majeure. Cela n’est d’ailleurs guère contestable, car l’éruption apparaît bien
comme un événement imprévisible et insurmontable. Et comme on l’a justement écrit, la force
majeure résulte aussi bien de cet événement lui-même que de la décision administrative qui en est
la conséquence, à savoir la fermeture de l’espace aérien (A. Bénabent, Les naufragés de
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l’Eyjafjallajökull, D. 2010. 1136 ). Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’agent de voyages est
quitte de toute obligation vis-à-vis de ses clients.
Comme l’affirme justement la Cour de cassation, l’agent de voyages est effectivement exonéré de
son obligation de plein droit instituée par l’article L. 211-16 du code du tourisme, la force majeure
étant considérée par ce même texte comme un « cas excepté »– pour reprendre la terminologie
utilisée en droit maritime –, qui l’exonère d’avoir à accomplir la prestation promise au titre du
contrat de forfait touristique. Mais il faut tenir compte de l’article L. 211-15, alinéa 1er, du même
code qui met à la charge de l’opérateur de voyages une obligation autonome, de remplacement
des prestations non fournies, « lorsque, après le départ, un des éléments essentiels du contrat ne
peut être exécuté ». Le texte précité impose donc au professionnel de proposer au client des
prestations en remplacement de celles qui n’ont pu être exécutées pour quelque cause que ce soit
mais il n’en précise pas explicitement la teneur. Il apparaît même, à lire l’arrêt commenté, que le
client a le choix de la prestation de remplacement, laquelle peut être aussi bien en nature que
monétaire ; simplement? l’alinéa 2 de l’article L. 211-15 prévoit ce qui semble être des cas –
probablement non limitatifs – de telles prestations, à savoir la prise en charge des « suppléments
de prix »qui résultent de la non-exécution du contrat ou le remboursement « de la différence de
prix entre les prestations prévues et fournies ». Ici, c’est précisément de prise en charge du
supplément de prix qu’il s’agit ou, plus exactement, selon la formule employée par la Cour de
cassation, de garantie de la prise en charge du « supplément de prix afférent auX prestations de
remplacement », dont le client demande, à bon droit, le bénéfice.
Pour autant, toujours selon l’article L. 211-15, alinéa 1er, l’accomplissement de la prestation de
remplacement par l’opérateur n’est pas automatique; elle est exclue en cas d’« impossibilité
dûment justifiée », formule qui rappelle la force majeure. Mais la force majeure se rattache ici non
pas au contrat – de forfait touristique – non exécuté mais à la prestation de remplacement. La
condition de force majeure n’était ici pas remplie, puisque, comme le relève la Cour de cassation, le
client, notamment en ce qu’il avait de lui-même loué un véhicule pour regagner son domicile «
avait, par ses propres moyens, obtenu des prestations de remplacement, excluant ainsi la
prétendue impossibilité pour la société de les proposer ». Le client demandait simplement à
l’opérateur le remboursement des dépenses auxquelles il a été confronté. Or une telle obligation
monétaire n’est en rien impossible à exécuter, sauf hypothèse de défaillance de l’agent de
voyages.
2. Dans le second arrêt (n° 273), il est surtout question d’une demande de remboursement de frais
de séjours adressée à une agence de voyages – auprès de laquelle les clients avaient acheté un
forfait touristique portant sur un séjour en Égypte –, liée au fait qu’à la suite del’éruption
volcanique, les clients ont été contraints de prolonger de plusieurs jours leur présence en Égypte.
Cette demande est formulée – et accueillie par une juridiction de proximité –, curieusement, sur le
fondement de règlement communautaire n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles
communes en matière d’indemnisation et d’assistance en cas de refus d’embarquement,
d’annulation ou de retard important d’un vol. Il est vrai que l’article 9 de ce règlement consacre le «
droit [du passager] à une prise en charge » de certaines prestations, notamment à un hébergement
hôtelier « lorsqu’un séjour s’ajoutant à celui prévu par le passager est nécessaire ».
Mais ce texte était ici hors de propos, puisque l’obligation qu’il institue s’impose uniquement au «
transporteur aérien effectif », c’est-à-dire à la compagnie aérienne qui accomplit la prestation de
transport, en l’espèce une compagnie charter. Certes, en l’occurrence, c’est effectivement
l’organisateur de voyages qui a émis les billets de transport mais cela ne suffisait pas à lui conférer
la qualité de transporteur. Il s’était, semble-t-il, contenté d’affréter l’avion auprès de la compagnie
et était donc intervenu en qualité d’affréteur. D’où la cassation pour violation de la loi, la haute
juridiction estimant, à juste titre, que peuvent être invoquées à l’encontre de l’agence de voyages
auprès de laquelle ont été achetés des forfaits touristiques, les « seules dispositions du code du
tourisme [qui] ont vocation à régir la responsabilité de celle-ci à l’égard de son client en raison de
l’inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations résultant du contrat qui les lie ».
Site de la Cour de cassation
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par X. Delpech
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