DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CŒLIAQUE : ON PEUT EN FAIRE PLUS

n FRÉQUENCE ET PRÉVALENCE DE MALADIE
COELIAQUE DIAGNOSTIQUÉE EN FINLANDE
En Finlande, pour augmenter le taux de détection de la
maladie coeliaque, le personnel médical est actuellement
formé et les dépistages sérologiques sur les groupes à
risques sont intensifi és. L'objet de l'étude était d'analyser
si cette méthode était effi cace. L'étude s'appuie sur une
base de données de patients coeliaques nouvellement
diagnostiqués d'un âge minimum de 16 ans, et auxquels
les assurances sociales versent depuis 2002 une prestation
compensatoire pour les dépenses supplémentaires liées à
un régime sans gluten. Les chiffres de la fréquence et de la
prévalence ont été calculés jusqu'à fi n 2006. L'ensemble
de la population âgée de plus de 16 ans représentait 4,31
millions de personnes. De 2004 à 2006, 5.020 personnes
(64 % de sexe féminin) recevant une nouvelle prime ont
été identifi ées dans la base de données. La fréquence
moyenne annuelle d'une maladie coeliaque confi rmée
était donc ainsi de 39 pour 100.000. Au total, 23.553 per-
sonnes ont reçu une prime. Il en résulte une prévalence na-
tionale de la maladie coeliaque chez les adultes de 0,55 %
(0,70 % de femmes, 0,38 % d'hommes). À notre connais-
sance, ces chiffres sont les plus élevés signalés jusqu'à
maintenant. L'attention croissante portée à la maladie
coeliaque ainsi que la recherche active de cas ont permis
ce diagnostic effi cace.
N.J. Hall et al.: Systematic review: adherence to a gluten-free
diet in adult patients with coeliac disease. Aliment Pharmacol
Ther 30, 315-330, 2009.
DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CŒLIAQUE :
ON PEUT EN FAIRE PLUS...
La maladie cœliaque ou intolérance
permanente au gluten sur base gé-
nétique, est l’une des pathologies les
plus fréquentes du monde occiden-
tal (mais pas seulement) : environ 1
% de la population totale, tant chez
les enfants qu’à l’âge adulte, en est
atteinte. Toutefois, la fréquence des
cas diagnostiqués est nettement in-
férieure à 1 %, puisque de nombreux
cas ne sont pas correctement décelés,
dans la mesure où ils sont peu carac-
téristiques sur le plan clinique voire
même asymptomatiques.
Cette situation a été exprimée, du-
rant ces 20 dernières années, à travers
le concept de l’iceberg cœliaque : une
partie des cas (ceux « visibles ») sont
correctement diagnostiqués et mis
sous traitement avec régime sans
gluten, mais la majorité (la partie «
immergée » de l’iceberg) reste invi-
sible car non diagnostiquée (et donc
avec un risque de complications)1. Cet
état de fait a conduit les spécialistes à
s’interroger sur les stratégies les plus
adaptées pour augmenter le nombre
de diagnostics de la maladie cœliaque :
dépistage de masse ou, plus simple-
ment, identifi cation des cas suspects
(case-fi nding) ? Dans ce court article,
nous analyserons le pour et le contre
de ces options et les éventuelles solu-
tions de cet important problème de
santé publique.
PRÉVALENCE
EN ALLEMAGNE
Comme cela a été indiqué, la fréquence
globale de la maladie cœliaque oscille,
en moyenne, autour de 1 % de la popu-
lation totale. Cette donnée concerne
non seulement les pays où la popula-
tion est essentiellement d’origine euro-
péenne (Europe, Amérique du Nord et
une partie de l’Amérique du Sud, Aus-
tralie et Nouvelle Zélande), mais aussi
d’autres régions de la planète comme
l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et
CARLO CATASSI
Université Polytechnique des
Marches et Center For Celiac
Research, University of Mary-
land School of Medicine
COELIAC FORUM ÉDITION N° 1/2010 SUJET À LA UNE ! SITUATION DE LA RECHERCHE
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une partie du Continent indien2. Dans les
pays les plus développés sur le plan socio-
économique, la prévalence globale de la
maladie cœliaque semble même être en
augmentation – pour des raisons encore
oues pour l’instant – au cours de ces der-
nières décennies. En Italie, avec environ
60 000 000 d’habitants, le nombre de
cœliaques « attendus » est d’environ 600
000. En réalité, moins de 100 000 cœlia-
ques ont été actuellement diagnostiqués.
Autrement dit, la partie immergée de l’ice-
berg cœliaque est encore très importante
! D’autres pays européens connaissent la
même situation, même s’il existe des dif-
férences régionales liées en partie à une
prévalence différente de la maladie cœlia-
que dans la population, mais surtout à la
conscience variable de la maladie au sein
de la classe médicale.
COMPLICATIONS.
ABSENCE DE DIAGNOSTICS
Laugmentation du taux de diagnostic de
la maladie cœliaque est vivement sou-
haitable en matière de santé publique.
En effet, l’absence de diagnostic entraîne
un risque de complications irréversibles,
telles que stérilité, ostéoporose, problè-
mes neurologiques et cancers (lympho-
me intestinal notamment). Au niveau
social, cette situation se traduit par une
augmentation des coûts directs et indi-
rects liés à l’absence de diagnostic, bien
plus lourds que le coût de la thérapie de
régime. Comme précédemment indiqué,
l’objectif d’augmentation des diagnos-
tics peut être suivi par (a) dépistage de
masse ; (b) case-fi nding.
LE DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE.
LA SOLUTION ?
Par de nombreux côtés, la maladie cœlia-
que semble satisfaire aux principales
conditions requises en vue du dépis-
tage de masse : (a) c’est une maladie
socialement importante, compte tenu
notamment de sa fréquence élevée ; (b)
elle échappe facilement au diagnostic ;
(c) non décelée, elle peut engendrer de
graves complications irréversibles ; (d)
des tests de diagnostic simples et fi ables
existent (notamment la recherche des
anticorps sériques anti-transglutamina-
se et anti-endomysium de classe A) ; un
traitement effi cace existe : le régime sans
gluten3. La plus grande limite du dépis-
tage de masse : la diffi culté de traiter les
cas silencieux sur le plan clinique. Chez le
patient atteint d’une maladie cœliaque
peu symptomatique, l’engagement psy-
cho-social exigé par le traitement peut
être diffi cile à accepter, avec un risque
consécutif de faible suivi du régime sans
gluten. Autre aspect controversé : l’âge
auquel effectuer l’éventuel dépistage de
la maladie cœliaque, car on sait que cet-
te maladie peut se développer à tout âge,
même chez les personnes âgées.
LA RECHERCHE DE CAS.
LA SOLUTION ?
La stratégie du case-fi nding consiste à
rechercher la maladie cœliaque chez les
personnes qui consultent leur médecin
pour des motifs pouvant être rattachés à
cette maladie. Dans ce cas, cest au mé-
decin de famille qu’il revient de conseiller
le dépistage de la maladie cœliaque (par
exemple à travers la recherche d’anti-
TTG) à toutes les personnes qui arrivent
dans son cabinet pour des troubles gas-
tro-intestinaux, anémie, antécédents fa-
miliaux de maladie cœliaque ou autres
symptômes éventuels (ou facteurs de
risque) de maladie cœliaque (Tableau)4.
Cette procédure présente l’avantage
d’être éthiquement irréprochable et
moins coûteuse qu’un dépistage de mas-
se. Sa plus grande limite reste l’effi cacité
limitée du diagnostic, surtout en termes
de sensibilité, puisqu'il est prouvé que de
nombreux cas ne sont toutefois pas dia-
gnostiqués à travers le case-fi nding, par
exemple lorsque la symptomatologie est
si légère qu’elle ne suggère pas d’aller
consulter son médecin.
02
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BIBLIOGRAPHIE
1 Fasano A, Catassi C. Current approaches to diagnosis and
treatment of celiac disease: an evolving spectrum. Gastroen-
terology. 2001; 120: 636-51.
2 Catassi C, Cobellis G. Celiac disease epidemiology is alive and
kicking, especially in the developing world. Dig Liver Dis 2007;
39: 908-10.
3 Fasano A. Should we screen for coeliac disease? Yes. BMJ 2009;
339: 3592.
4 Catassi C, Fasano A. Celiac disease. Curr Opin Gastroenterol
2008; 24: 687-91.
5 Valletta E, Celiachia Notizie 2009;
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
DES STRATÉGIES
Le débat entre partisans respectivement
du dépistage de masse ou du case-fi n-
ding reste encore largement ouvert. A
l’avenir, les positions pourraient chan-
ger en fonction d’éventuels progrès de
diagnostic, dont certains sont déjà à
l’horizon. Par exemple, un dépistage «
destiné » aux personnes génétiquement
prédisposées à la maladie cœliaque
pourrait représenter un choix accepta-
ble et effi cace. Actuellement, on ne peut
identifi er que les génotypes prédispo-
sants liés au système HLA (DQ2 et DQ8),
mais le pouvoir prédictif de cette identi-
cation est plutôt limité. L’identifi cation
d’autres marqueurs génétiques prédis-
posants pourrait permettre d’affi ner la
cible, en sélectionnant avec davantage
de précision tous ceux sur lesquels re-
chercher, sans doute régulièrement, les
marqueurs sérologiques de la maladie
cœliaque. Pour l’heure, la politique du
case-fi nding reste toutefois le choix le
plus rationnel, mais des marges d'amé-
lioration existent également pour cette
dernière. Des études récentes en Italie5
ont attesté que la conscience de la va-
riabilité clinique de la maladie cœliaque
était déjà plutôt forte chez les pédiatres,
tandis qu’elle reste limitée au niveau de
la médecine générale et spécialisée de
l’adulte. La formation permanente du
médecin et l’information régulière de
l’opinion publique semblent donc être
les principaux outils à utiliser pour affi -
ner l’exploration des « profondeurs » de
l’iceberg cœliaque.
n Indications pour l’identifi cation
de sujets atteints de maladie cœliaque
Antécédents familiaux de maladie
cœliaque
Troubles chroniques intestinaux
Anémie
Ostéoporose
Maladies auto-immunes
Anomalies de la fonction hépatique
Epilepsie ou autres troubles
neurologiques
Fatigue chronique
Stérilité
Syndromes de Down, Turner et de
Williams
Défi cit en IgA
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DIAGNOSTICS SIMPLES OU DIFFICILES,
PROTOCOLES ACTUELS ET À VENIR
La fl ow chart présente la procédure de
diagnostic conseillée par ses auteurs dans
les cas, évoqués au paragraphe précédent,
de suspicion de maladie cœliaque. On y
souligne que l’identifi cation d'anticorps,
notamment des anti-tTG de classe IgA,
joue un rôle fondamental, plus important
même que celui de l'évaluation clinique.
Cette dernière peut être trompeuse, sur-
tout lorsque la symptomatologie est
oue, voire absente. Dans la plupart des
cas, le « parcours » est bien défi ni, c’est
pourquoi on peut rapidement parvenir
à un diagnostic fi able, nécessaire en vue
du traitement permanent avec régime
sans gluten. Toutefois, on se retrouve de
plus en plus souvent confronté à des si-
tuations « ambiguës », où le diagnostic
est tout sauf facile : par exemple lorsque
la valeur des anticorps anti-tTG et EMA
n’a augmenté que modérément et que
la lésion intestinale est à peine formée
(augmentation isolée des lymphocytes
intra-épithéliaux), « maladie cœliaque
potentielle », ou dans les cas présentant
des aspects typiques de la maladie cœlia-
que mais avec absence de génotype pré-
disposant HLA-DQ2 ou DQ8, et enfi n lors-
que le patient présente des symptômes
typiques, des anticorps sériques négatifs
et une entéropathie cœliaque à la biopsie
intestinale (maladie cœliaque séroné-
gative). Ces cas exigent une évaluation
attentive de tous les éléments utiles au
diagnostic, à effectuer auprès de Centres
spécialisés dont « l’expertise » devrait
être régulièrement vérifi ée et accréditée
au niveau institutionnel.
Dans la pratique, il peut parfois s’avérer
utile de répéter l’évaluation diagnosti-
que dans un second temps, puisque les
taux d’anticorps peuvent fl uctuer dans le
temps, en laissant bien sûr le patient sui-
vre un régime libre jusqu’au moment du
diagnostic fi nal. Enfi n, dans les cas am-
bigus, notamment s’ils sont symptoma-
tiques, il peut également s’avérer utile
de pratiquer un test de réexposition au
gluten (« challenge ») après une période
de traitement avec régime au gluten
d’au moins 24 mois. Il convient de souli-
gner que le traitement avec régime sans
gluten, bien qu’étant totalement effi cace
et sûr, est toujours contraignant, raison
pour laquelle le diagnostic de maladie
cœliaque doit être sûr et « sans appel ».
Nous aimerions conclure cet article
en évoquant la possibilité, fort proba-
ble, de voir, dans un proche avenir, la
procédure de diagnostic de la maladie
cœliaque subir d’autres simplifi cations.
Différentes études, toutes récentes, ont
désormais prouvé que la biopsie intes-
tinale n’apportait pas d’informations
diagnostiques déterminantes lorsque
les autres données, surtout les valeurs
d’anticorps d’anti-tTG et EMA, sont clai-
rement élevées. D’autre part, la biopsie
est peu appréciée du patient et de sa fa-
mille, puisqu’elle exige l’exécution d’une
endoscopie œso-gastro-duodénale, un
examen invasif, coûteux et comportant
certains risques. Par conséquent, dans
les cas typiques, par exemple chez les
enfants développant une symptomato-
logie gastro-intestinale classique, cette
procédure pourrait être évitée sans nuire
à la fi abilité du diagnostic. Par contre,
la biopsie intestinale restera une étude
fondamentale dans les cas ambigus, si-
tuations où l'application de techniques
histologiques avancées, telles que la
recherche par immunohistochimie des
dépôts d’IgA au niveau sous-épithélial,
peut même améliorer la précision dia-
gnostique de cette procédure.
CARLO CATASSI
Université Polytechnique des Marches et Center For Celiac Research,
University of Maryland School of Medicine
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ALGORITHME POUR LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE COELIAQUE
HLA-DQ2 / DQ8
tTG-IgA et total IgA
tTG-IgG
XtTG nég.X
XIgA faibleX
MC exclue
XtTG nég.X
XIgA normalX
EMA-IgA
XtTG pos.X
XNégatifX
Biopsie
intestinale
XPositifX
MC exclue
XNégatifX
Biopsie
intestinale
XPositifX
MC exclue
XNégatifX
Biopsie
intestinale
XPositifX
n Sujets pour le dépistage
Prédisposition familiale à la MC
Douleurs intestinales persistantes
Anémie
Ostéoporose
Maladies autoimmunes
Tests anormaux de la fonction hépatique
Épilepsie ou autres troubles neurologiques
Syndrome de Down
Syndrome de Turner
Sentiment de fatigue permanente
Stérilité
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