3Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles
LA LIBERTÉ EST-ELLE DEVENUE UN CONCEPT BATEAU ?
marxisme, la psychanalyse, le structuralisme (linguistique, anthropologique…). Au nal, la question
reste complexe, difcile à trancher de manière nette. Plus les connaissances se développent, plus on
cerne les enchaînements de causes et effets, qui limitent l’initiative de liberté. Kant afrmera que la
raison pure ne peut connaître la liberté (elle est transcendante). C’est la raison pratique qui doit
supposer la liberté.
LA LIBERTÉ, UNE CASE VIDE ?
Pourtant, face au déterminisme qui s’afne avec les avancements de la connaissance, il est intéressant
de postuler le pari inversé de Pascal : j’ai tout à gagner de vivre comme si Dieu n’existe pas, comme
si je n’avais pas été créé ni déterminé par quoi ce soit (déterminisme social, inconscient, génétique...).
En se basant sur Hegel et Sartre notamment, je pose la liberté comme l’absence d’essence de l’hu-
main, l’absence de dénition de la liberté. Rien n’est donné, prédéterminé, sauf la liberté. Il n’y a
pas de nature humaine, pas d’âme préexistante qui s’incarnerait dans l’existence (Platon). La liberté
comme une case vide, une négativité, un néant qui ne cesse de néantiser le donné, la facticité (Sartre).
« Nous sommes condamnés à être libres » : être au monde c’est choisir, même en s’abstenant. En
résumé, la liberté devient le point de départ de tout et non le point d’arrivée ou une aspiration ! Si
l’on suit la logique hégélienne, la liberté égale la négativité. C’est une contradiction au cœur de la vie
et de la conscience, qui entraîne un mouvement de dépassement permanent, inni. La conscience se
dénit comme « l’acte d’outrepasser le limité, et quand ce limité lui appartient, l’acte de s’outrepas-
ser elle-même ». En se dépassant, en se posant hors de soi, l’être se fait étranger à lui-même, s’aliène.
Et c’est dans l’aliénation que la liberté se découvre. Elle devra parcourir le cycle de ses aliénations
pour se libérer selon un mouvement en spirale, inni.
LE SENS DE LA LIBERTÉ
Cette absence de programme initial dans la machine et de possibilité de modier le programme
(mais pas de réinitialisation), nous distingue du monde végétal et animal.
Qu’en est-il dès lors des conceptions d’humanisme et de transhumanisme et de ces nouvelles pos-
sibilités de modier le programme originel ? Y compris dans « les données » matérielles du corps
et du cerveau de l’humain, qui outrepassent toujours leurs limites ? Dans ce contexte, la liberté
peut-elle être assimilée à une attitude active, édiée face à une situation subie an de reprendre à
son compte l’existence, l’histoire, les événements ? « Si je n’essayais pas de reprendre mon exis-
tence à mon compte, ça me semblerait tellement absurde d’exister », nous dit Sartre. Nous n’avons
pas choisi notre époque, il s’agit donc de nous choisir en elle, en étant conscients qu’elle ne nous
fait jamais, sans que nous ne la fassions en retour. De telle manière que nous sommes nalement
intégralement responsables d’elle, comme de nous et du monde, puisque nous sommes, chacun
individuellement, « celui par qui il se fait qu’il y ait un monde » et, collectivement, ceux par qui ce
monde se fait (Sartre).
La liberté est productrice de sens ! Elle a cette capacité de donner du sens à l’existence qui n’est
pas prédéterminée. Selon Camus, c’est parce que la vie n’a pas de sens préétabli, que je peux lui
en inventer un. Simone de Beauvoir voit quant à elle la Liberté et la conscience comme dévoile-
ments du monde. Elle ajoute cependant : « Mais le dévoilement implique une perpétuelle tension
pour maintenir l’être à distance, pour s’arracher au monde et s’afrmer comme liberté : vouloir le
dévoilement du monde, se vouloir libre, c’est un seul et même mouvement. La liberté est la source
d’où surgissent toutes les signications et toutes les valeurs ; elle est la condition originelle de toute
justication de l’existence ; l’homme qui cherche à justier sa vie doit vouloir avant tout et absolu-
ment la liberté elle-même : en même temps qu’elle exige la réalisation de ns concrètes, de projets
singuliers, elle s’exige universellement. Elle n’est pas une valeur toute constituée qui se proposerait
du dehors à mon adhésion abstraite, mais elle apparaît (non sur le plan de la facticité, mais, sur le
plan moral) comme cause de soi ; elle est appelée nécessairement par les valeurs qu’elle pose et
au travers lesquelles elle se pose. » La liberté constituerait un fondement ontologique de l’humain