Nouvelles compétences infirmières : l`infirmière référente en neuro

220 | La Lettre du Neurologue Vol. XII - n° 7 - septembre 2008
VIE PROFESSIONNELLE
Nouvelles compétences
infi rmières : l’infi rmière
référente en neuro-oncologie
F. Laigle-Donadey*, C. Lecaille*, J. Perennes*, M.H. Lorreyte*, J.Y. Delattre*
*Service de neurologie Mazarin,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Infi rmière référente en neuro-
oncologie : origines du projet
L’idée de créer une nouvelle fonction infirmière
appelée “référente” s’inspire des modèles des nurses
practitioners d’Amérique du Nord (États-Unis et
Canada) et des clinical nurse specialists du Royaume-
Uni. Ce projet répond à plusieurs objectifs.
Améliorer la continuité des soins
Devant un diagnostic de tumeur cérébrale, une stra-
tégie thérapeutique est élaborée au sein de la réunion
de concertation pluridisciplinaire (RCP) entre neuro-
chirurgiens, radiothérapeutes et neuro-oncologues. Le
patient est donc pris en charge consécutivement par
plusieurs équipes, ainsi que par son médecin traitant. Ce
fractionnement de la prise en charge peut être source
de diffi cultés pour le patient et sa famille, qui ne savent
parfois plus à qui s’adresser. Placée au centre de ce
dispositif multidisciplinaire et facilement joignable,
l’infi rmière référente a pour mission de conseiller le
patient ou de le diriger vers le meilleur interlocuteur
pendant toute l’évolution de sa maladie. Elle contribue
ainsi à maintenir la continuité des soins.
Améliorer la prise en charge familiale
et sociale
Les tumeurs cérébrales affectent souvent des adultes
dans la force de l’âge, ayant des responsabilités profes-
sionnelles et familiales. Le service social a donc un
rôle prépondérant. Il doit être capable d’anticiper les
problèmes sociaux et familiaux (reconnaissance d’inva-
lidité, aides nancières, tutelle, etc.). Un des objectifs
importants de l’infi rmière référente est de faciliter une
prise en charge sociale personnalisée qui pourra être
adaptée au cours de l’évolution, cela en réalisant un
bilan psycho-social dès le stade de la consultation
d’annonce, en lien étroit avec le service social.
Anticiper et organiser l’accompagnement
Lorsque l’évolution est défavorable, les décisions
concernant la prise en charge de la fi n de vie sont
trop souvent inadaptées, car elles nont pas été
suffi samment préparées. Une mission essentielle
des infi rmières référentes est donc d’anticiper, d’or-
ganiser et de coordonner cette phase de la maladie
en concertation avec le patient, sa famille et les
équipes soignantes (hospitalières et extrahospi-
talières).
Formation de l’infi rmière
référente en neuro-oncologie
La fonction d’infi rmière référente en neuro-oncologie
nécessite une formation, clinique et universitaire,
d’une durée de 6 mois, afi n d’acquérir des connais-
sances médicales dans la spécialité.
Formation théorique
L’infirmière suit l’enseignement dispensé aux
étudiants en médecine : cours d’anatomie et de
physiologie du système nerveux, puis de sémiologie
et de pathologies neurologiques, afi n de pouvoir
développer dans sa pratique un raisonnement
diagnostique et thérapeutique. Si cette formation
théorique ne la dispense en aucun cas de travailler
sous la responsabilité d’un médecin, elle lui permet
de mieux comprendre les décisions prises.
Formation pratique
La formation est également axée sur l’acquisition
de compétences pratiques : réalisation d’un examen
clinique neurologique, lecture des scanners et des
IRM, surveillance biologique, connaissance des diffé-
rents traitements et de leurs effets indésirables. Cet
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apprentissage s’effectue dans les différents services
prenant en charge les malades atteints de tumeurs
cérébrales (neuro-oncologie, neurochirurgie,
anatomo pathologie, radiothérapie, neuroradiologie,
unités de soins palliatifs [USP] et équipe mobile de
soins palliatifs).
Cette formation s’achève par un contrôle des
connaissances réalisé dans les mêmes conditions
de validation que pour les étudiants en médecine.
Lensemble de la formation a pour objectif d’assurer
l’effi cacité et la légitimité de l’infi rmière référente
lors de sa prise de fonction, et de lui octroyer une
crédibilité auprès des malades et des familles mais
aussi des médecins de ville.
Missions et responsabilités
au sein de l’équipe médicale
et soignante
À l’issue de sa formation, l’infirmière référente
intègre l’équipe de neuro-oncologie dans le cadre
d’une fonction transversale incluant différents pôles
d’activité.
Activité clinique
Son travail s’effectue principalement à l’hôpital de
jour, où l’infi rmière intervient auprès des patients
dès la mise en route d’une chimiothérapie pour
analyser les problèmes médicaux, sociaux, familiaux
ou psychologiques, en fonction desquels elle fait des
propositions au médecin, qui reste le seul respon-
sable de la décision. La proposition peut ainsi être de
continuer la chimiothérapie en cours, de changer de
traitement en cas de progression tumorale ou bien
de l’interrompre pour organiser les soins palliatifs.
Activité de suivi des patients à domicile
et de soutien des familles
L’infi rmière référente effectue un suivi téléphonique
régulier des patients à domicile, qu’ils soient en cours
de traitement ou en phase palliative. Elle constitue
un interlocuteur disponible qui les écoute, répond à
leurs interrogations, les soutient psychologiquement,
mais trouve aussi des solutions rapides lorsqu’une
complication survient ou que le maintien au domi-
cile n’est plus envisageable. Ce travail est mené en
collaboration avec le neuro-oncologue référent, qui
prend le relais si nécessaire.
Consultation d’annonce
Suite aux recommandations du Plan cancer, l’in-
rmière référente assure également la consulta-
tion d’annonce : tout nouveau malade vu par un
neuro-oncologue bénéfi cie d’une consultation dans
les 8 jours avec une infi rmière référente afi n que
celle-ci reformule les explications médicales fournies
et réponde aux questions que se posent malades
et familles.
Rôle d’anticipation des placements
en unité d’intercure et en USP
Son travail en hôpital de jour permet à l’infi rmière
référente d’aborder plus tôt la question de l’inter-
cure et des soins palliatifs avec les patients dont la
maladie progresse. Il s’agit de préparer moralement
et pratiquement la famille à la phase terminale de
la maladie, et d’anticiper la décision d’arrêt des
traitements curatifs qui sera prise par le médecin.
Ainsi, avant d’envisager une admission dans une USP
ou un accompagnement à l’hôpital, une prise en
charge à domicile est proposée lorsque cela semble
envisageable. Les contacts et les partenariats que
les infi rmières référentes ont su établir par antici-
pation avec les médecins traitants, les organismes
d’hospitalisation à domicile et les réseaux de soins
palliatifs locaux facilitent considérablement cette
prise en charge personnalisée.
Intérêts de la fonction
infi rmière référente
en neuro-oncologie
Après plusieurs années d’exercice et malgré quelques
réticences initiales, la fonction d’infi rmière référente
a clairement prouvé son intérêt non seulement pour
le patient et sa famille, mais aussi pour tous les
intervenants, professionnels de santé hospitaliers
ou à domicile.
Pour les malades
Dans un contexte de maladie grave, il est important
pour les malades et leur famille d’avoir un profes-
sionnel référent qu’ils peuvent joindre facilement
dès qu’une question se pose. Voir régulièrement
les patients permet à l’infi rmière référente d’ins-
taurer une relation de confi ance et d’assurer un
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suivi personnalisé. L’anticipation des soins palliatifs
permet ainsi d’éviter au malade le passage par les
urgences et d’organiser, pour ceux qui le souhaitent,
l’accompagnement au domicile.
Pour le personnel
Cette nouvelle organisation contribue à mieux lutter
contre l’épuisement professionnel des soignants à
l’hôpital. L’infi rmière référente assiste le médecin,
et son rôle est complémentaire de celui des autres
infi rmières. La perception par ses collègues est posi-
tive, car ils apprécient la proximité et la disponibilité
de l’infi rmière référente, qui les renseigne sur les
décisions médicales, l’évolution de la maladie, le
contexte familial et psychologique, etc.
Pour les médecins
Un nouveau type de collaboration entre l’infir-
mière référente et les médecins s’est développé.
Ces nouvelles compétences infi rmières permet-
tent aux médecins de consacrer plus de temps aux
malades dont les cas sont plus complexes à prendre
en charge ainsi qu’à leurs activités de recherche et
d’enseignement.
Pour l’infi rmière référente
La reconnaissance de l’activité et du rôle de l’infi r-
mière référente au sein de l’équipe de neuro-oncologie
par les médecins, les cadres, l’ensemble des équipes
mais surtout par les malades et leur famille procure
beaucoup de motivation et de satisfaction à l’infi r-
mière référente.
Conclusion
La nurse practitioner des pays anglo-saxons a servi
d’exemple en neuro-oncologie pour développer un
projet pilote de formation “d’infi rmière référente”,
projet mené en étroite concertation par les équipes
médicales, les cadres et la direction hospitalière. Cette
nouvelle fonction a été mise en place en fonction des
objectifs de prise en charge des patients atteints
de tumeurs cérébrales, mais cette expérience peut
s’imaginer dans de nombreuses disciplines médicales
et chirurgicales. Sa formation permet à l’infi rmière
référente d’être un interlocuteur privilégié pour le
patient et sa famille, mais aussi d’assurer une fonction
de coordination entre différents acteurs, hospitaliers
et extrahospitaliers. Ce projet d’expérimentation sur
le rôle de l’infi rmière référente en neuro-oncologie
vient de faire l’objet d’une évaluation quantitative
par la Haute Autorité de santé (HAS), aux résul-
tats très concordants, ce qui renforce sa légitimité.
Aujourd’hui se pose la question de la reconnaissance
de ces nouvelles compétences : peut-on envisager
une évolution de statut pour ces infi rmières ?
> Nicolas G, Duret M. Propositions sur les options à prendre en
matière de démographie médicale. 9
e
proposition : Reconnaître le
rôle des professionnels de santé non médecins et déterminer pour
chaque spécialité les actes qui pourraient être transférés dans leur
champ de compétence propre. Paris : Ministère de l’Emploi et de
la Solidarité, juin 2001.
Pour en savoir plus…
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