extrait de la revue Etudes - juin 2013
En fin de vie, quelle assistance médicale ?
Patrick Verspieren s.j.
Le 18 décembre 2012, le Président de la République recevait le professeur Didier
Sicard, président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui lui remettait
un rapport intitulé Penser solidairement la fin de vie[1]
Le jour même, il enjoignait au gouvernement de proposer, avant la fin du mois de mai
2013, des mesures pour améliorer la formation des médecins et mettre fin à une séparation
excessive entre médecine curative et soins palliatifs ; il saisissait le CCNE « afin que celui-ci
puisse se prononcer sur les trois pistes d’évolution de la législation ouvertes par le rapport »,
et affirmait que « sur la base de ces avis, un projet de loi [serait] présenté au Parlement en
juin prochain[2]
Au moment où cet article est rédigé, il est probable qu’un calendrier aussi serré ne pourra
pas être tenu. Mais on peut s’interroger sur la nécessité d’une telle précipitation.
UNE ASSISTANCE MÉDICALISÉE POUR TERMINER SA VIE DANS LA DIGNITÉ
Le soin des malades en fin de vie avait déjà donné lieu à de multiples débats en France.
Ces douze dernières années, des cas dramatiques ont fait l’objet d’une médiatisation aussi
intense que tronquée[3]
Celui de Vincent Humbert, atteint d’une paralysie presque totale après un gravissime
accident de voiture et une réanimation prolongée, a conduit à la création d’une Mission
d’information parlementaire, à un important travail d’enquête et d’auditions, à la publication
d’un long rapport[4], à la rédaction d’une proposition de loi, et finalement à l’adoption de la loi
du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti ». Celle-ci fut mise en cause par l’émotion suscitée par
Chantal Sébire qui, éprouvée par une tumeur qui la défigurait, réclamait d’être assistée par la
médecine dans sa décision de mettre fin à sa vie. Une autre Mission parlementaire entreprit
d’évaluer cette loi de 2005, rédigea en 2008 un nouveau rapport[5], et recommanda de créer
un Observatoire national de la fin de vie. À son tour, celui-ci publia en 2011 son propre
rapport « destiné aux décideurs politiques et aux administrations, afin de leur donner les
moyens de choisir les orientations les plus appropriées[6]». D’autres rapports avaient
précédé ! Les pouvoirs publics disposaient donc de multiples outils d’analyse.
Et pourtant, le 17 juillet 2012, très vite après son élection, le Président de la République
chargeait le Professeur Sicard de procéder à une nouvelle réflexion sur la fin de vie, et
d’évaluer à nouveau l’application de la loi Leonetti[7]
4Pourquoi une telle demande ? A-t-elle été formulée par défiance envers des travaux menés
sous une autre majorité parlementaire, ou dans l’espoir qu’un nouveau rapporteur introduise
des préoccupations exprimées antérieurement par le Président ? Le programme électoral du
candidat François Hollande contenait en effet une « proposition 21 » qui prévoyait qu’une
personne en fin de vie « puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à
bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.[8]
5De fait, le Rapport Sicard évoque la perspective d’une légalisation de l’assistance au
suicide. Il énumère des éléments à prendre en compte « si le législateur prend la
responsabilité de légiférer » sur ce point. Manière discrète de ne pas s’engager ! Et pourtant
le communiqué de presse de l’Élysée qualifie cette question de « piste ouverte par le
rapport ». Le Rapport Sicard est ainsi utilisé pour apporter un semblant de légitimation à une
pratique controversée.
1
LES CONDITIONS DE LA MORT AUJOURD’HUI EN FRANCE
6La commission réunie par le Pr Sicard a procédé à une centaine d’auditions, et a organisé
des réunions dans neuf grandes villes, où elle entendit beaucoup de plaintes. Elle se trouva
ainsi renforcée dans la conviction que de nombreuses fins de vie sont vécues dans de
mauvaises conditions en France.
7Le Rapport insiste sur « l’esquive de la mort », attitude répandue dans la population et
renforcée par « une attente excessive à l’égard de la médecine[9]
Bien des malades et leur famille demandent à ce que tout soit fait pour empêcher ou au
moins retarder la mort. De leur côté, les médecins, dans leur ensemble, ont du mal à
reconnaître les limites des thérapeutiques qu’ils manient. « La médecine hésite à “lâcher
prise”, tant il est difficile pour un médecin de ne pas engager un traitement de plus, ou plus
encore d’arrêter un traitement en cours, et de mettre en place un accompagnement.
[10] Ibidem, p. 28. ...»
8L’obstination déraisonnable dans les traitements demeure donc une réalité en France,
malgré l’injonction de l’éviter formulée dans la loi Léonetti. Mais les excès d’une médecine
qui se pense trop exclusivement comme curative ne sont pas à mettre au seul compte de la
profession médicale. « En miroir de cette tentative du malade ou de ses proches d’esquiver
la finitude, il y a souvent une situation identique chez le médecin qui se situe dans une forme
d’agir, proposant toujours une autre possibilité technique ou l’essai d’un autre traitement.
[11]»
9Les soins palliatifs ont connu un grand développement depuis une douzaine d’années, mais
ils ne sont pas assez intégrés dans le système sanitaire. Bien souvent, au lieu d’une
évolution progressive des objectifs du soin, les services hospitaliers maintiennent les
traitements à visée curative, et se révèlent incapables d’engager suffisamment tôt une
démarche palliative. Le passage à une telle démarche représente alors une rupture qui est
comprise par le patient et sa famille comme l’annonce d’une mort prochaine. D’où « l’extrême
embarras de certaines équipes médicales ou chirurgicales à proposer un transfert [dans un
service de soins palliatifs] qui sonne comme un arrêt de toute espérance et un abandon,
programmé, surtout lorsque le projet de soin n’a pas été abordé dans sa globalité[12] Ibidem,
p. 35. ...».
10Du fait de cette mise à l’écart de la mort, notre époque éprouve une très grande difficulté à
supporter la durée de son attente. « La culture ambiante ne supporte plus l’attente du
mourir ; celle-ci est jugée inutile, angoissante pour la famille, et pour certains consommatrice
d’un temps qui ne va plus être utilisable pour d’autres actions. […] La valeur utilitariste qui est
donnée à la vie conduit parfois à penser que la fin de vie n’a aucun sens. Et parce qu’elle est
dépourvue de sens, elle devrait pouvoir être supprimée.[13]»
11Le Rapport Sicard confirme ainsi les analyses publiées dans les rapports antérieurs[14]..
En 2008, environ 120 000 personnes ont bénéficié de soins palliatifs dans les « services de
soins aigus », mais un nombre équivalent de personnes dont l’état requérait de tels soins
n’en ont pas bénéficié. De plus, la moitié des patients hospitalisés pour soins palliatifs le sont
peu de temps avant leur décès. Or, les soins palliatifs devraient être mis en œuvre plus tôt,
de manière à apporter une réponse aux symptômes pénibles liés à la maladie, à aider à
prendre des décisions adaptées et à permettre un accompagnement des patients[15]
LA MORT SOCIALE
12Outre l’amplification des possibilités thérapeutiques et une médicalisation excessive, les
conditions sociales de la fin de vie ont profondément évolué. Le Rapport Sicard cite à ce
propos « l’allongement de la durée de vie, l’angoisse des situations de perte d’autonomie,
l’éclatement des familles, l’isolement social, un individualisme de plus en plus présent, et la
pression économique que la collectivité exerce sur les personnes âgées malades ou
handicapées, et sur leurs familles[16]». La fin de vie peut, de plus, être précédée par une
longue période marquée par des maladies chroniques et une perte progressive de
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l’indépendance. Le regard social porté sur de telles situations devient de plus en plus négatif,
au point que les malades et les personnes d’un grand âge peuvent éprouver le sentiment
d’avoir perdu toute valeur et d’être considérés comme étant de trop dans une société qui les
rejette.
13« Le concept de mort “sociale” (en particulier pour les personnes âgées atteintes de
maladies ou de handicaps altérant les capacités cognitives et relationnelles, telles que la
maladie d’Alzheimer) est venu, de manière violente, compléter le concept médical de mort
“cérébrale”, et peut encourager des demandes de mettre fin à son existence. Il semble que
notre société ait subi une évolution concernant la conception de la valeur de la vie humaine.
Aujourd’hui, il peut s’observer une évolution des représentations sociales conduisant à ce
qu’une vie ne soit considérée comme valable que lorsqu’elle est “utile”, quand la personne
fait, agit, produit, voire est rentable.[17]»
14Ces remarques alertent sur l’ampleur de la tâche à accomplir si nous voulons vraiment
respecter, accueillir et « assister » les centaines de milliers de personnes âgées
dépendantes ou atteintes de maladies chroniques gravement invalidantes, sans leur dénier
l’autonomie qu’elles s’efforcent de préserver le plus longtemps possible, ni aggraver leur
exclusion sociale[18].
ORGANISATION DES SOINS ET FORMATION DES PROFESSIONNELS
15De ces constatations, le Rapport Sicard tire des conclusions très nettes, qui font l’objet de
propositions que la Commission prend pleinement à son compte. La formation des futurs
médecins et des autres professionnels de santé devrait être revue en profondeur « afin que
les attitudes curatives ne confisquent pas la totalité de l’enseignement ». Cela demande de
créer dans chaque université une filière universitaire spécifiquement destinée aux soins
palliatifs, et d’apporter aux étudiants en médecine tout au long de leurs études une formation
à la relation humaine dans les situations de fin de vie. Les soins palliatifs ne devraient plus
être réservés aux malades en fin de vie, mais faire partie de l’ensemble des soins destinés à
apporter un soutien aux patients tout au long de l’évolution de leur maladie. Pour les
maladies chroniques les plus graves, il importerait d’élaborer des modèles de parcours de
soin articulant les ressources médicales et sociales.
16Chaque établissement de santé ou médico-social devrait avoir accès à une équipe mobile
de soins palliatifs, et la qualité de la prise en charge des personnes en fin de vie devrait être
évaluée lors de la certification de ces établissements. Un effort particulier devait porter sur le
développement des soins palliatifs à domicile, ainsi que sur les formules de repos et
ressourcement, de « répit », offertes aux proches qui assistent et accompagnent les
malades.
17Plus généralement, il s’agit d’apporter toute l’attention requise à l’immense majorité des
personnes en fin de vie, dont la situation ne relève pas des seules unités de soins
palliatifs[19].
18Que la brièveté de ce résumé des réformes recommandées par le Rapport Sicard ne
cache pas l’ampleur de la tâche à accomplir ! Comme les autres sociétés occidentales, la
France a développé la médecine curative et un système sanitaire performant. Sans rien
renier de ces acquis, il s’agit de savoir aussi faire place à une acceptation de la condition
mortelle de l’homme et de la traduire en termes institutionnels[20]. C’est un grand pas à
franchir !
19On ne peut que souhaiter que le Président de la République prenne conscience de la
portée de ce qu’il proposait pendant la campagne électorale : « une assistance médicalisée
pour terminer sa vie dans la dignité ». Il y a beaucoup à faire pour apporter aux personnes
atteintes de maladies graves et évolutives l’assistance médicale et médico-sociale dont elles
ont besoin pour vivre et mourir « dignement ». L’application des réformes indispensables
nécessite une profonde évolution des mentalités et des pratiques, sans doute hors d’atteinte
sans un fort engagement des pouvoirs publics.
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20« Tant que la formation des professionnels de santé à la culture palliative restera
marginale, il n’y a rigoureusement rien à espérer d’un changement des pratiques en France
face aux situations de fin de vie. Si un nouveau regard, heurtant les conformismes et les
traditions, n’est pas porté par les pouvoirs publics, il n’y a aucune possibilité que les
institutions médicales elles-mêmes proposent, de leur propre chef, des changements dont
elles ne mesurent pas l’importance sociale pour les citoyens.[21]»
21Le Président de la République a demandé aux ministres de la Santé et de l’Enseignement
supérieur de proposer avant la fin du mois de mai des mesures en ces domaines[22].
Espérons que ces mesures seront à la hauteur des problèmes posés, et mises en œuvre
avec intelligence, courage et ténacité. Faute de quoi, des décisions prises au nom « d’une fin
de vie dans la dignité » ne seraient que le masque d’une incapacité à répondre aux besoins
les plus pressants des personnes dont la vie s’achève.
VERS DE NOUVELLES « DIRECTIVES ANTICIPÉES » ?
22Outre ces mesures, le Rapport Sicard aborde, de manières différentes, trois éventuelles
modifications de la législation ou de la réglementation. La première porte sur la possibilité
ouverte à chacun de s’exprimer à l’avance sur les conditions souhaitées pour sa propre fin
de vie. Selon la loi Leonetti, « toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées
pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées
indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la
limitation ou l’arrêt de traitement[23]». Or, cette procédure est peu utilisée par les Français.
De plus, bien souvent, le texte rédigé par une personne alors qu’elle est en bonne santé se
révèle difficile à interpréter le moment venu, et un doute plane sur son adéquation avec ce
que veut vraiment le malade qui a perdu, peut-être temporairement, la capacité de
s’exprimer.
23La Commission Sicard recommande donc d’instaurer un second modèle de directives. Ce
document pourrait être rédigé par toute personne majeure atteinte d’une maladie grave
dûment diagnostiquée, dans le cadre d’un dialogue avec le thérapeute concerné. Il serait
signé par ce dernier, ce qui représenterait pour lui une forme d’engagement. Le patient aurait
ainsi la possibilité de s’exprimer en connaissance de cause, et les directives gagneraient en
précision, ce qui permettrait de les rendre plus contraignantes pour les médecins. Cela
pourrait être édicté rapidement par décret[24].
24Dans quelle mesure ces directives s’imposeraient-elles au médecin en charge du patient ?
La question donnera sans doute lieu à bien des débats. Mais le principe de l’instauration d’un
tel document ne soulève aucune objection majeure d’ordre éthique. Il n’en va pas de même
pour les deux autres modifications évoquées dans le Rapport Sicard.
SÉDATION ET « SÉDATION TERMINALE »
25À propos de la « sédation », le Rapport interprète de manière très contestable le droit
actuel, et se révèle traversé de contradictions. Depuis plus de 20 ans en France, des
médecins engagés dans les soins palliatifs recourent à des médicaments « sédatifs » dans le
but de diminuer chez des malades en fin de vie la perception de situations qui autrement
seraient très éprouvantes. Dans les années 1990, on parlait de « faire dormir les
malades »[25]. Les médecins emploient actuellement le terme de «dation en phase
terminale ». Cette pratique est couramment reconnue acceptable lorsque n’existe aucun
autre moyen d’éviter au patient en fin de vie une souffrance ou une angoisse qu’il ressentirait
comme insupportables. Selon les nécessités, est alors recherché soit une somnolence, soit
un état de coma provoqué.
26Les médecins de soins palliatifs n’ont pas manqué de s’interroger sur cette pratique, sur
les objectifs, les indications et les modalités éthiquement acceptables. La Société française
d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) publie régulièrement à ce propos des
recommandations longuement mûries[26].
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27Le Rapport Sicard se situe d’abord dans la ligne ainsi tracée. Il insiste sur les précautions
à prendre dans le choix des doses de sédatifs et sur le procédé de la « titration » destiné à
rechercher la dose minimale efficace. « Une “sédation” létale [c’est-à-dire mortelle] est
probable en l’absence de titration et d’évaluation ou lorsque les doses sont augmentées de
façon linéaire jusqu’au décès. L’administration de doses massives d’un sédatif ne peut pas
s’appeler un double effet. Il s’agit, qu’on le veuille ou non, d’une pratique euthanasique lente.
[27]»
28Cette prise de position est nette. Elle invite à un emploi réfléchi des sédatifs dans le seul
objectif de soulager le malade : est tout au plus accepté, faute d’autre moyen, « un traitement
qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie » du malade, selon les termes mêmes
de la loi Leonetti [28]. Le médecin est alors tenu de limiter cet effet secondaire, en n’utilisant
que les doses nécessaires, en ne recherchant que le seul effet d’apaisement de la
souffrance. C’est alors pleinement conforme au principe éthique du « double effet »[29].
29Tout cela paraît clair. Et pourtant, aussitôt après, le Rapport achève son paragraphe sur le
double effet par le passage suivant, qui contredit totalement ce qui précède. « On en conclut
que le double effet devrait être envisagé avec la plus grande prudence possible, d’autant
plus s’il est vu comme une fin de vie programmée, tout en considérant que dans certaines
situations insolubles, une sédation terminale intentionnelle, à la demande du malade et de
ses proches, pourrait être envisagée.[30]»
30Le principe du « double effet » qui invite à tolérer, parmi les conséquences d’une action,
un « mauvais effet », à condition que seul le « bon effet » soit recherché et qu’il soit
suffisamment important en comparaison du « mauvais effet », devient l’approbation de la
recherche délibérée des deux effets. Et s’introduit ici la notion de « sédation terminale » qui
sera ensuite reprise de nombreuses fois dans le Rapport. Est même précisé ici : « sédation
terminale intentionnelle », intentionnellement destinée à obtenir un terme de la vie !
31Sédation en phase terminale, et sédation terminale. Faut-il s’appesantir sur la différence
entre ces deux expressions ? L’hésitation n’est plus possible lorsqu’on en vient aux dernières
propositions du Rapport. « Lorsque la personne en situation de fin de vie […] demande
expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, voire toute
alimentation et hydratation, il serait cruel de la “laisser mourir” ou de la “laisser vivre”, sans lui
apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la
mort.[31]» Il en irait de même si l’arrêt de traitement était décidé par le médecin en cas
d’inconscience du malade. « Cette grave décision prise par un médecin engagé en
conscience, toujours éclairée par une discussion collégiale […], peut correspondre, aux yeux
de la commission, aux circonstances réelles d’une sédation profonde telle qu’elle est inscrite
dans la loi Leonetti.[32]»
32Voilà une interprétation abusive de la loi du 22 avril 2005[33]. Elle invite à un retour sans
hésitation ni scrupule à la pratique des « cocktails lytiques »[34] que l’on pouvait croire
totalement abandonnée. Aucun compte n’est tenu de ce qui avait été affirmé 50 pages
auparavant : « dans le cas de l’euthanasie, l’intention est de donner la mort alors que dans le
cadre de la sédation, l’intention est de soulager la souffrance.[35]» Le Rapport évoque un
arrêt de traitement, d’alimentation et d’hydratation, accompagné d’une sédation profonde, à
des doses destinées à « ne pas laisser vivre ». Où est la différence avec l’euthanasie, sinon
que la mort due à une « sédation terminale » se produit un peu moins brutalement ?
EUTHANASIE ET ASSISTANCE MÉDICALE AU SUICIDE
33Si contestable qu’elle soit, la pratique de la « sédation terminale » est incluse dans les
recommandations du Rapport. Mais, en celui-ci, il est bien précisé que la Commission « ne
recommande pas de prendre de nouvelles dispositions législatives en urgence sur les
situations de fin de vie [36]». C’est donc contre son avis que le Président de la République a
souhaité le dépôt en juin d’un projet de loi [37].
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