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tumeurs sur le plan immunologique, de définir un véri-
table profil immunitaire de chaque tumeur et à partir de
là définir de nouveaux paramètres pronostiques. Tous
ces mécanismes sont également cruciaux à connaître
afin d’améliorer les protocoles d’immunothérapie.
LES ANTIGENES DE REJET DES TUMEURS
Le concept d’antigène de rejet tumoral a été popularisé
par le groupe de T Boon qui le premier a décrit un gène
codant pour un tel antigène. Ce gène codait pour une
protéine dont un peptide était présenté aux lympho-
cytes T cytotoxiques par les molécules HLA de classe
I. Ce gène fut nommé MAGE pour "melanoma anti-
gen" [68]. De ce concept naissait l’espoir de pouvoir
générer des peptides immunogéniques spécifiques des
tumeurs et permettant une véritable vaccination anti-
tumorale.
Depuis lors d’autres antigènes tumoraux ont été
décrits. Ils sont codés par quatre classes principales de
gènes. La première classe est représentée par des gènes
qui sont silencieux dans les tissus normaux et activés
dans les tumeurs. Ils appartiennent aux familles
MAGE, BAGE, GAGE, LAGE et sont exprimés dans
des tumeurs de différents types, incluant mélanome,
cancer du sein, tumeurs ORL et de vessie [6, 66, 41,
47] Une seconde catégorie est celle des antigènes de
d i fférentiation comme tyrosinase, Melan-A/Mart-1,
gp100, et gp75 [10, 17, 19, 69]. Une troisième catégo-
rie est constituée par des mutations sporadiques de
gènes ubiquitaires comme MUM-1, cyclin-dependant
kinase 4, B catenin et HLA-A2 [18, 70, 53]. Enfin il
existe des antigènes dérivés de gènes qui sont sur-
exprimés dans les tumeurs comme HER-2/neu et
PRAME [22, 29]. On sait également que des produits
de mutations de gènes comme p53 ou Ras peuvent
générer des réactions immunes cytotoxiques [28, 72].
Des antigènes appartenant à ces quatre groupes ont
également été décrits dans l’adénocarcinome rénal. Le
plus caractéristique est codé par le gène RAGE qui est
silencieux dans les tissus normaux mais exprimé seu-
lement dans un nombre restreint de tumeurs [24]. Le
second groupe résulte de mutations des gènes HLA-
A2 ou hsp70-2 [8, 23]. Le troisième groupe est fait de
gènes codant pour des antigènes de différentiation
comme RU-1 et –2 [67, 43]. Il existe aussi pour les
tumeurs du rein des gènes sur-exprimés dans la tumeur
comme Her2-neu [11, 59]. Cependant il est très impor-
tant de noter qu’à ce jour aucun antigène équivalent à
MAGE, c’est à dire spécifiquement exprimé dans un
grand nombre de tumeurs et qui pourrait être le sup-
port d’une immunothérapie spécifique n’a été décrit.
Cela pose le problème de quels antigènes sont recon-
nus par les cellules immunocompétentes locales et
dans quel contexte. Ceci impose bien sûr de mieux
caractériser les lymphocytes T locaux afin de définir
leurs cibles et de les rendre éventuellement plus cyto-
toxiques.
LA MACHINERIE DE PRESENTATION
ANTIGENIQUE
Le transit, la préparation et la présentation des immu-
no-peptides intracellulaires aux molécules de classe I
du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) est
faite de 3 étapes. Tous d’abord les proteines intra-cel-
lulaires sont dégradées en peptides par les enzymes du
protéasome et par d’autres protéases cytosoliques
(PA28 a and b). Le protéasome est un complexe consti-
tué de protéases multi-catalytiques que l’on trouve
dans le noyau et le cytoplasme des cellules eucaryotes.
L’expression de certaines sous-unités du protéasome,
nommées immuno-protéasomes comme LMP2 , LMP7
et LMP10 (Low molecular weight proteins) peut être
modulée par des cytokines comme l’IFN-γ(Interféron-
gamma). Ensuite des peptides sont transportés par des
molécules spécialisées : Transporter associated with
antigen processing (TAP) du cytosol au réticulum
endoplasmique, puis les peptides sont assemblés aux
molécules de classe I. Le complexe formé par les molé-
cules de classe I, la β2 micro-globuline et le peptide est
alors transporté à travers le reticulum de Golgi vers la
surface cellulaire pour être présenté aux lymphocytes T
cytotoxiques CD8+ [58].
La perte ou la diminution d’expression des molécules
de classe I du CMH a été fréquemment notée à la sur-
face des cellules tumorales de différentes origines [16]
mais toute anomalie dans l’apprêtement antigénique
peut entraîner un défaut de présentation de l’antigène à
la surface cellulaire. Ainsi BRASANAC a montré sur une
série de cancers du rein qu’un défaut d’expression des
molécules de classe I était associé à un phénotype
histo-pathologique plus agressif. Les tumeurs ayant
perdu leurs molécules de classe I correspondaient à des
stades et des grades élevés [9]. SELIGER a aussi montré
que l’expression des molécules de classe I, TAP et
LMP était fortement réduite dans les lignées tumorales
rénales comparées aux cellules normales [55]. De plus,
in vitro on observait une forte instabilité des molécules
présentatrices de surface en rapport avec des anomalies
de la machinerie intra-cellulaire [56]. Cependant si les
cellules tumorales étaient transfectées avec le gène
codant pour la molécule TAP, il en résultait une plus
forte expression des molécules de classe I [57]. Des
déficiences de la machinerie de préparation intra-cellu-
laire de la présentation antigénique ont donc été identi-
fiées pour les molécules LMP2, LMP7, TAP1, TAP2 et
HLA de classe I [58]
J.J. Patard et coll., Progrès en Urologie (2002), 12, 205-212