L’ESPRIT SAINT ET LES VERTUS. Le terme de vertu est mal connoté, comme celui de charité. Et pourtant la théologie des vertus est extrêmement importante : on ne peut pas expliquer une vie sainte sans les vertus. Les vertus sont un don de Dieu, à la fois naturel et surnaturel. Vertu : du latin virtus la force. C’est la disposition ferme et stable à faire le bien. Le but d’une vie vertueuse est d’être semblable à Dieu, d’advenir enfin pleinement à notre être de fils. Certaines vertus sont humaines, elles sont liées à notre nature humaine créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (vertus cardinales) et d’autres sont des dons surnaturels de Dieu (vertus théologales, dons divins issus de la Rédemption). Dans les deux cas les vertus sont des dons divins : les vertus humaines sont le propre de tout homme, que l’on soit païen ou pas car Dieu a créé l’homme pour qu’il lui ressemble et lui a donné son souffle de vie. Ce souffle de vie, c’est l’Esprit Saint que nous venons de célébrer au jour de la Pentecôte. C’est lui qui fait de nous des hommes, des êtres doués de raisons capables d’agir comme Dieu. Ces vertus, tout humaines qu’elles soient, étant des dons de l’Esprit Saint au moment de la création, ont été faussées par le péché originel qui nous a à proprement parlé dénaturé. Les vertus sont un don de Dieu naturel et surnaturel pour nous permettre de (re)vivre pleinement notre humanité. Dieu crée le 6e jour l’homme et les animaux à partir de la même matière, la terre, mais il façonne l’homme de ses propres mains (le Fils et l’Esprit dirait saint Irénée de Lyon) et il lui insuffle son Souffle de vie. De ce fait l’homme est créé à l’image de Dieu, contrairement à l’animal. Selon Aristote, il y a trois stades d’âme : végétale, animale, rationnelle. L’homme a une vie végétative (comme la plante il nait, croit se nourrit, grandit et meurt) et une vie animale (il est capable d’agir par lui-même, a des passions et des affects). L’homme a reçu un don unique, divin, c’est la vie rationnelle qui est une capacité réflexive de choix et de maitrise qui vont à l’encontre des simples instincts et des affects. La philosophie aristotélicienne et platonicienne – païenne – sous-tend la philosophie chrétienne. La vie rationnelle qui est le propre de l’homme lui donne la capacité de faire des choses en apparence folles, qui vont à l’encontre de ses autres instincts (végétal, animal). Par exemple dans un incendie une mère est capable d’aller chercher ses enfants par amour et de donner sa vie pour eux alors que son instinct animal lui dicterait seulement de fuir et de conserver sa propre vie. LES VERTUS CARDINALES OU HUMAINES. On trouve ces vertus dans tous les hommes païens ou non puisqu’elles sont constitutives de sa nature créée. LA JUSTICE : Volonté ferme et constante de rendre à chacun ce qui lui est du. Ce n’est pas dans le sens communiste et égalitariste qu’il faut entendre cette vertu mais dans le sens de la parabole des talents. C’est donner à chacun selon ses besoins et non la même chose à tous. LA PRUDENCE : Disposition de la raison à discerner le bien et à choisir les moyens d’obtenir la fin bonne reconnue et voulue. LA FORCE : Liée à la constance et à la persévérance, c’est la fermeté dans l’agir et le vouloir et de tenir jusqu’à l’obtention du bien désiré. LA TEMPERANCE : Vertu liée à la justice, elle va avec la notion de chasteté c.à.d. c’est du juste usage des biens et du juste rapport avec les êtres. (Par exemple la gourmandise est un manque de chasteté, de tempérance, car c’est un manque de mesure dans le manger ou le boire). Dans tout homme on peut voir un désir de justice. Les hommes ont en commun ces vertus mais le péché en atteignant l’homme a biaisé ces vertus comme la rationalité de l’être humain. Le voleur peut être malheureusement ferme et persévérant dans son désir de faire le mal, prudent à l’égard des autorités en recherchant un bien véritable… mais qui ne lui appartient pas !!!. Ainsi le péché nous fait plutôt parler d’égalitarisme que de justice. Parfois malgré la vertu de prudence que nous avons, nous nous trompons dans notre jugement, et notre bonne volonté ne suffit souvent pas toujours pour la tempérance. LA QUESTION DE LA LIBERTE. Si ces vertus sont un don de l’Esprit Saint à la création et que nous les avons toutes se pose alors la question de notre liberté de choix entre le bien et le mal. La liberté est souvent réduite au libre-arbitre or ce n’est qu’un de ses aspects, le plus primaire, animal. La liberté a 2 degrés: -Le libre-arbitre (liber arbitrium en latin) qui est son degré le plus basique : c’est la capacité de choisir. -La liberté (libertas), la capacité d’agir selon sa nature et qui nous accomplit. (exemple : un oiseau, s’il est en cage, n’est pas libre, même s’il décide de manger ou pas, d’aller sur tel perchoir plutôt qu’un autre, il exerce seulement son libre-arbitre. Quand il vole dans le ciel il est libre car il agit selon sa nature.) Notre conception de la liberté est souvent pervertie car trop souvent limitée au simple libre-arbitre or la liberté pour l’homme c’est de s’accomplir selon sa nature : aimer (aimer Dieu, son Créateur et Rédempteur qui nous donne notre origine et notre fin et seul, peut nous combler car Il est l’Infini Amour et la Vie éternelle et véritable ; l’amour du prochain qui nous fait nous reconnaître frères et sœurs d’un même Dieu et Père). L’amour est la source et la finalité de la liberté de l’homme. Si nous utilisons seulement notre libre-arbitre sans agir selon notre nature, nous agissons alors en-deçà de notre nature raisonnable. Nous pouvons aussi pécher, déchoir, agir non pas comme des hommes mais en soushomme. Alors notre conscience nous pèse. C’est pour cela qu’après une démarche de pardon quelle qu’elle soit nous nous sentons libérés. Si nous décidons de tuer tel personne nous exerçons notre libre-arbitre mais pas notre liberté dans le sens où nous avons été créés pour aimer et non pour tuer. Les hommes ont donc en commun une vocation à l’amour. Nous avons une commune nature puisque créés par le Dieu unique. L’humanité doit découvrir sa responsabilité pour agir librement et saintement les uns à l’égard des autres. Notre liberté pourrait être conçue (en tout cas par les philosophes contemporains) comme un déterminisme : je suis libre si j’agis selon ma nature. La liberté est donc réduite par les modernes comme le libre arbitre ! C’est l’adage de Sartre : je fais ce que je veux, comme je veux, quand je veux. C’est l’expression même de l’esclavage de nos passions. Il faut donc s’approprier sa nature pour s’épanouir et pour devenir heureux et véritablement libre. Jésus est souverainement libre quand il donne sa vie pour nous alors que l’instinct de conservation lui dictait le contraire comme l’indique sa prière à Gethsémani. Donner sa vie en vue d’un bien plus grand que celui qui m’apparaît de prime abord me libère de mes phantasmes de toute puissance. Et ceci peut être vérifié pour tout : travailler maintenant plutôt que de m’amuser m’offrira une plus grande liberté d’action en déployant à moyen ou long terme mes potentialités. Nos vies sont faites pour être heureuses, faites d’amour et pour l’amour. Et pourtant, je peux être souverainement libre alors même que ma vie est marquée par la souffrance. L’exemple des martyrs est le plus beau. Ils ne sauvent pas leur vie au prix de leur conscience. Ils se donnent au seul et unique souverain Bien qu’est Dieu, même au prix de leur vie. C’est d’ailleurs ce que le monde ne comprend pas, lui qui exalte la liberté mais en se soumettant à ses appétits et ses illusions. Jésus, conformément à sa nature divine qui est la bonté-même, la vérité-même, la liberté-même, a été totalement libre d’aimer les hommes jusqu’à mourir pour eux pour nous sauver et faire de nous des fils. LES VERTUS THEOLOGALES. Dieu par la puissance de son Esprit nous donne les vertus théologales au jour de notre recréation – le Baptême – pour sauver et renforcer nos vertus humaines et, par là, soutenir notre humanité dans les combats contre l’erreur ou la tentation. Les vertus théologales viennent renforcer notre nature blessée et nous permettre de vivre divinement car nous sommes tous appelés à la vie avec Dieu et en Dieu. Jésus est l’homme parfait c’est à dire que c’est ainsi qu’il nous désire depuis notre création. Il n’est pas un surhomme. C’est nous qui par le péché sommes devenus des sous-hommes. Voilà pourquoi il veut nous racheter par son sang. Le Baptême nous lave du péché originel et infuse en nous les vertus théologales pour nous donner d’agir à l’image et à la ressemblance du Christ, comme des fils adoptifs par, avec, dans le Christ. Jésus vient à nous pour nous rendre la plénitude de nos dons afin que nous puissions agir pleinement selon nos vertus. Les vertus théologales viennent perfectionner nos vertus naturelles ou humaines. LA FOI : Elle nous rend réceptif à la voix de Dieu et nous donne la capacité de voir, connaître, écouter et comprendre Dieu. L’ESPERANCE : Elle vient au secours de la Force et de la Prudence. Elle nous permet de renforcer notre désir de faire le bien et d’aller jusqu’au bout dans notre démarche. LA CHARITE : Elle soutient la Justice, la Prudence et la Force. C’est l’amour qui nous donne d’agir à l’image de Dieu. Tout homme grâce aux vertus humaines qu’il a reçu de Dieu lors de la création a la possibilité de se sauver malgré le péché. Cependant, nous l’avons vu, le péché altère notre jugement. Nous, chrétiens, sommes plus que les païens car grâces aux vertus théologales nous sommes à nouveau pleinement hommes, restaurés dans notre grâce première, capables de vivre pleinement selon notre nature et notre vocation. Celui qui ne connait pas le Christ ne sait pas d’où il vient ni où il va. L’amour de Dieu étant la source et le but de toute vie, quand nous le reconnaissons, alors nous pouvons en vivre. La vocation chrétienne est donc de transmettre cette bonne nouvelle et cette joie ainsi que de donner de l’espérance à celui qui n’en n’a pas. Le but de tout vie chrétienne est de donner, peu importante si on nous écoute ou pas. Nous sommes des christs, nous sommes les ambassadeurs de Jésus c’est-à-dire que nous pouvons le rendre présent au monde par nos pensées, paroles, actes, travail… par le témoignage de toute notre vie. C’est pour cela que les vertus théologales infuses au jour du Baptême ne suffisent pas. A nouveau reconfigurer comme fils bien-aimé, il nous faut désormais vivre d’où la nécessité de la Confirmation (les 7 dons du Saint Esprit), l’Eucharistie et la Pénitence.