Marketing relationnel versus marketing transactionnel: Quel est l

ACFAS 2007 Naouel Abdelmoula Sebai
Trois-Rivières Étudiante au doctorat
Université de Monastir
Hajer Ben Lallouna Hafsia
Maître – assistante
Université de Carthage
Hamida Skandrani
Maître – assistante
Université de Tunis
Mustapha Zghal
Professeur Émérite
Université de Tunis El Manar
TRANSACTIONNEL, RELATIONNEL OU HYBRIDE POUR L’ACQUISITION D’UN
AVANTAGE CONCURRENTIEL? CAS DES ENTREPRISES TUNISIENNES
Ces deux dernières décennies ont été marquées par l’intérêt accru
pour la perspective du marketing relationnel. Certains chercheurs
vont jusqu’à parler d’un changement de paradigme invoquant l’idée
que le marketing transactionnel a cédé la place au marketing
relationnel. Pourtant, une telle affirmation sur les deux plans
académique et pratique paraît plutôt mitigée. L’objectif principal de
cette recherche est d’éclairer les entreprises quant à l’orientation à
suivre. Pour cela, nous proposons d’étudier l’impact de l’orientation
marketing des entreprises tunisiennes (relationnelle versus
transactionnelle) sur l’obtention d’un avantage concurrentiel, tel que
perçu par les gestionnaires, compte tenu de l’influence de certains
facteurs de contingence. A partir d’une enquête menée auprès de 62
entreprises dans les secteurs de l’informatique et des
télécommunications, du textile ainsi que celui de la distribution, nous
avons constaté, d’une part, que les perspectives relationnelle « pure »
et hybrides favorisent l’obtention d’un avantage concurrentiel,
notamment la différentiation marketing et la différenciation par
l’innovation/produit. Nous avons également montré que les
technologies de l’information influencent positivement les
orientations clients/transactionnelle et réseau/clients spécifiques. La
technologie constitue par conséquent un « booster » pour la création
et le maintien de relations durables avec les clients.
Mots clés : marketing relationnel, marketing transactionnel,
marketing hybride, avantage concurrentiel, facteurs de contingence.
Ces deux dernières décennies ont été marquées par l’intérêt accru pour la perspective du
marketing relationnel. Certains chercheurs vont jusqu’à parler d’un changement de paradigme :
invoquant non seulement un changement dans la pratique du marketing mais aussi l’idée que le
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marketing transactionnel a cédé la place au marketing relationnel. Pourtant, une telle affirmation sur
les deux plans académique et pratique paraît plutôt mitigée. Cela a suscité et suscite encore de
nombreuses interrogations concernant l'avenir du marketing relationnel. Et malgré la réticence de
certaines personnes, il est largement affirmé que le marketing relationnel représente un changement
fondamental en marketing (Reichheld, 1996).
- Est-ce que le marketing relationnel constitue un nouveau paradigme pour le marketing ou trouve-
t-il sa place à coté du marketing mix ?
- Le marketing transactionnel est-il mort ?
- Est-ce que les stratégies relationnelles s’appliquent à tous les produits et à toutes les marques ?
Une revue de la littérature dans le domaine du marketing stratégique a permis de soulever le
problème du choix quant à la meilleure orientation marketing à suivre par les entreprises. En effet,
nous distinguons un continuum allant d’une orientation transactionnelle « pure », à une orientation
« hybride » : transactionnelle et relationnelle pour finir avec une orientation relationnelle « pure ».
Dans la 1ère orientation, les entreprises privilégient l’accroissement du volume des ventes et
par conséquent les parts de marché au détriment de la fidélisation du client sans autres soucis que
l’instantanéité de l’échange. Dans cette optique, le produit, l’acte d’achat, le moment et le montant de
la transaction sont valorisés. Cette conception classique du marketing s’est longtemps concentrée sur
la satisfaction des besoins et désirs du consommateur plus particulièrement sur la création d’une
préférence pour le produit ou la marque concernée (Kotler et Dubois, 1997).
Dans la 2ème orientation, les entreprises adoptent les deux orientations à la fois. Pour ces
auteurs, les stratégies du marketing relationnel ainsi que celles du marketing transactionnel continuent
à être largement pratiquées dans les entreprises (Brodie et al., 1997 ; Coviello et al., 2002 ;
Gummesson 1995, 2005, …).
Dans la 3ème orientation, les entreprises de type relationnel adoptent une stratégie de rétention
et placent la relation avec le client au cœur de l’analyse stratégique (Kotler, 1991, 1995; Macneil,
1980; Reichheld, 1996 ; Ricard et Perrien, 1999). Le but est d’éviter le départ des clients considérés
plus profitables pour l’entreprise ou ceux ayant un bon potentiel. C’est la dichotomie entre la
transaction pure (échange discret) et la relation (échange continu) qui a donné naissance à la
distinction fondamentale entre marketing transactionnel et marketing relationnel. Ce sont surtout les
prises de position de Kotler (1991) qui ont fait le plus de bruit dans le monde des académiciens. Il a
déclaré que le marketing relationnel était : « un changement de paradigme». Cette nouvelle vision du
marketing relationnel conduit alors à un bouleversement profond au sein des entreprises.
Bien que chacune de ces visions se défende, qu’en est-il dans le contexte tunisien ? Il est alors
opportun de s’interroger sur les effets du marketing relationnel versus transactionnel sur la création de
l’avantage concurrentiel. Les résultats empiriques devraient aider les responsables marketing à choisir
la meilleure orientation marketing permettant au mieux la création d’avantages concurrentiels.
Parallèlement à cette recherche, une revue de la littérature dans le domaine du management
stratégique a permis de déterminer certains facteurs de contingence susceptibles d’influencer
l’orientation marketing, notamment l’âge et la taille de l’entreprise, la technologie utilisée, l’âge et le
niveau d’instruction du dirigeant ainsi que son ancienneté dans le poste de travail.
L’objectif essentiel de cette recherche est donc d’étudier l’impact de l’orientation relationnelle
(versus transactionnelle) des entreprises tunisiennes sur l’obtention d’un avantage concurrentiel à
travers l’influence de facteurs de contingence. A notre connaissance, aucune étude de ce genre n’a été
effectuée dans le contexte tunisien. L’intérêt de cette étude est alors de prendre en considération une
culture différente (Hofstede, 1980 ; Trompenaars, 1993 ; Tzamanis, 2003 ; …) et un contexte
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particulier caractérisé par l’ouverture des frontières (suite aux accords de la GATT de 1996
applicables à partir de 2008 induisant à une ouverture totale du marché) pour discuter d’une
problématique d’actualité.
Nous présenterons dans un premier temps notre contexte théorique ainsi que nos hypothèses
de recherche. Ensuite, nous expliciterons la méthodologie de recherche adoptée et plus
particulièrement la méthodologie de l’enquête effectuée auprès des entreprises dans les secteurs de
l’informatique et des télécommunications, du textile ainsi que celui de la distribution. Enfin, nous
présenterons nos principaux résultats ainsi que les implications marketing. Les résultats de notre
recherche devraient indiquer aux entreprises s’il est toujours profitable de développer des stratégies
plutôt relationnelles que transactionnelles.
I- Contexte théorique
Nous présenterons d’abord les différentes orientations marketing évoquées dans la littérature.
Ensuite, nous déterminerons leur impact sur l’avantage concurrentiel ainsi que leurs antécédents.
Enfin, nous présenterons nos hypothèses de recherche.
I-1- Les différentes orientations marketing
Dans la littérature, nous pouvons distinguer, d’une part, les chercheurs pour qui la notion de
marketing relationnel est peu pertinente (Marion, 2000, 2001 ; Rossiter, 2001). Dans ce contexte,
Marion (2000) considère que le marketing transactionnel, focalisé sur le mix, constitue le cœur du
marketing. En effet, il n’est pas évident que les clients et les fournisseurs soient sans cesse à la
recherche de relations plus denses, plus épaisses, plus proches de ce que l’on observe au sein des
réseaux inter-organisationnels. C’est le cas dans le libre-service par exemple dans le secteur des
produits de grande consommation. En effet, les échanges strictement marchands peuvent être
recherchés pour leur simplicité. Par ailleurs, certaines marques de grande consommation constituent à
elles seules le support d’une relation d’attachement. Toutefois, cette conception relationnelle de la
marque, demeure une métaphore, car il est improbable que tous les consommateurs s’engagent dans
une relation d’attachement avec toutes les marques.
Reste à savoir s’il est toujours préférable que les entreprises restent dans une approche
transactionnelle (Gummesson 1995) ?
D’autre part, pour les tenants du marketing relationnel, nous pouvons distinguer, d’un coté,
les auteurs qui prônent l’évolution de l’échange du transactionnel vers le relationnel (Durif et al., 2006
; Perrien et Ricard 1994, Ricard et Perrien 1999) comme explicité au niveau de la figure 1 (Cova et
Rémy, 2001) : Figure 1 : De l’échange social à l’échange relationnel
ECHANGE
Concept de
marketing
TRANSACTION
Marketing transactionnel
Conquête de la clienle
RELATION
Marketing relationnel
Fidélisation de la clienle
Théorie de
léchange social
(selon Bagozzi)
Théorie de
léchange
relationnel
Via le m arketing des
services et le marketing
industriel
Evolutions
théoriques Evolutions
pratiques
Source : Cova B. et Rémy E. (2001), « Comment et où classer la valeur de lien en marketing ? », Acte du 17ème
congrès international de l’AFM.
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Ces deux perspectives sont différentes et s’opposent comme il est indiqué au niveau du
tableau 1 :
Tableau 1 : Le marketing transactionnel et relationnel
Marketing de la transaction Marketing de la relation
Orientation à court terme
Intérêt pour la vente isolée
Contact avec la clientèle discontinu
Mise en avant des caractéristiques du produit
Peu d’importance au service clientèle
Engagement limité à satisfaire la clientèle
Contact clientèle modéré
La qualité est d’abord le souci de la
production.
Orientation à long terme
Intérêt pour la rétention clientèle
Contact avec la clientèle continu
Mise en avant de la valeur du produit
Beaucoup d’importance accordée au service
clientèle
Fort engagement à satisfaire la clientèle
Fort contact clientèle
La qualité est le souci de tout le personnel.
Source : adapté de Payne, Christopher, Clark et Peck, (1996)
D’un autre coté, nous distinguons les auteurs qui défendent plutôt l’idée d’un changement de
paradigme ou encore de virage paradigmatique (Assassi 2001; Crié, 2002 ; Ganesan, 1994 ; Grönroos,
1994 ; Gummesson, 1995, 1997 ; Kotler 1992, 1995…). D’après Kotler (1995), le marketing traverse
une « crise de maturité » qui nous mène à remettre en question les objectifs traditionnels des
entreprises hérités d’un modèle économique néo-classique basé sur la maximisation des profits à court
terme. Selon lui, les sociétés doivent bouger d’un but à court terme orienté transactionnel vers un but
à long terme orienté construction d’une relation. Pour ces auteurs, la pratique du marketing a changé
ainsi que celle du marketing mix. Pour Sheth et Parvatiyar (1995), le modèle transactionnel du
marketing est « mort » et/ou remplacé par le modèle relationnel (figure 2).
Figure 2 : Passage du marketing transactionnel au marketing relationnel
Interdépendance mutuelle
Marketing
relationnel
Compétition et conflit Coopération mutuelle
Marketing
transactionnel
Indépendance et choix
Source: Sheth, J. N. et Parvatiyar A. (1995) "Relationship Marketing in Consumer Markets: Antecedents and
Consequences," Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 23 (4), pp. 255-71.
Toutefois, les entreprises devraient faire attention avant d’adopter les stratégies relationnelles
si elles ne peuvent pas les justifier économiquement. Elles les rejettent alors et adoptent ou reviennent
à la stratégie transactionnelle (Grönroos 1997).
Mais est-il toujours opportun et profitable de développer des stratégies relationnelles (Palmer
1996, Grönroos 1997) ?
Par ailleurs, Brodie et al. (1997), Brodie (2002), Coviello et al. (2002), Dwyer et al., 1987,
Rowley (2004) ou Gummesson (2005) ne sont pas entièrement d’accord avec l’idée du paradigme du
marketing relationnel. En effet, les stratégies du marketing relationnel comme celles du marketing
transactionnel continuent à être largement pratiquées en même temps dans les entreprises (Lindgreen
et al., 2000). Les deux stratégies peuvent coexister ensemble, c’est le cas dans plusieurs industries.
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Brookes et Little (1997, 1998) ou encore Brodie (2002) affirment que la majorité des entreprises
pratiquent à différents degrés les deux approches. Ces auteurs suggèrent que le marketing relationnel
ne doit pas être pratiqué comme une activité à part en négligeant les aspects transactionnels du
marketing. L’alternative du nouveau paradigme serait de représenter le marketing relationnel non pas
comme un phénomène clairement défini et séparé, mais comme une perspective utile à l’approche du
marketing (Gummesson 1996). Marketing relationnel et marketing transactionnel ne devraient donc
pas être vu comme mutuellement exclusifs ou uniques, mais comme faisant partie du même
paradigme (Brodie et al 1997, Coviello et al 1997) ou encore de deux extrêmes d’un continuum
(Mcneil, 1980 ; Grönroos, 1990 ; Egan, 1999, 2002).
En outre, Coviello et al. (2002), démontrent empiriquement que dans tous les types
d’entreprises (biens et services, B to C et B to B, petites ou grandes, locales ou internationales), on
applique le marketing relationnel. Ils présentent dans la stratégie relationnelle trois aspects :
« marketing d’interaction», « marketing de base de données» et « marketing de réseau » et un aspect
dans la stratégie transactionnelle : « marketing de transaction». Les résultats de leurs recherches
montrent que les gestionnaires maintiennent un « portefeuille de fonctions » qui comprend un
assortiment de stratégies relationnelles et transactionnelles. Reste à déterminer le degré d’application
des deux approches ?
I-2- Le lien entre orientation marketing et création d’avantages concurrentiels
L’avantage concurrentiel décrit la façon dont une firme peut choisir et mettre en œuvre une
stratégie de base en vue d’acquérir et de conserver un avantage sur la concurrence (Porter, 1985).
C’est un avantage qu’une entreprise détient au-dessus d'un ou d'un groupe de concurrent(s) sur un
marché donné, sur un groupe stratégique ou sur une industrie (Kaplan et Norton, 2001). Cette notion a
été traitée par deux principales théories: celle basée sur les activités et celle basée sur les ressources.
La première se focalise sur une vision externe basée sur le secteur d’activité alors que la seconde
prend en compte la dimension interne et notamment les ressources maîtrisées par l’entreprise. Ces
deux théories s’avèrent complémentaires dans le sens où elles permettent d’analyser les sources
internes et externes de la compétitive de l’entreprise. Ainsi, la poursuite d’un avantage concurrentiel
est au cœur de la stratégie managériale et marketing (Making a real difference , 2006 ; Campbell-Hunt,
2000 ; Day et Wensley, 1988 ; Gok, 2007 ; Porter, 1985, 2006).
Selon la théorie des ressources, il existe un certain nombre de ressources liées au marketing
qui sont sources potentielles d’avantages concurrentiels soutenables. Celles-ci incluent une
compréhension supérieure des clients (Barney, 2001) et des relations avec le réseau (Srivastava,
Fahey et Christensen, 2001). Et la construction de fortes relations avec les clients et le développement
de produit (Eisenhardt et Martin, 2000; McKenna, 1991). L’innovation constitue, quant à elle, une
autre source d’avantage concurrentiel (Ketata et al., 2000, 2003; Julien, 2005). Le développement
technologique est également une autre compétence créatrice de valeur (Shapiro et Varian, 1999). Le
développement de ces ressources et compétences marketing prolonge le concept de marketing de telle
sorte que l’entreprise puisse mieux concevoir et mettre en application de nouvelles stratégies
marketing.
Pour Barney (1991), une entreprise obtient un avantage concurrentiel quand elle procède à
une stratégie de création de valeur qui ne correspond pas aux stratégies des concurrents actuels ou
potentiels et lorsque ces derniers ne sont pas capables de reproduire ou de bénéficier de cette stratégie.
Pour Dumoulin et al. (2000), le réseau stratégique résulte de mouvements stratégiques consécutifs à la
recherche d’avantage concurrentiel. Quant à Ketata et al. (2000, 2003), ils ont analysé les
déterminants de l’avantage concurrentiel et ont focalisé leur étude sur les stratégies permettant de
développer un avantage concurrentiel, et notamment le choix et la structuration du réseau de
partenaires et l’exploitation de la relation partenariale.
Finalement, étant généralement attesté dans la théorie des avantages concurrentiels basées sur
les ressources que pour que les entreprises aient un ou des avantages concurrentiels, elles doivent
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