*Auteur correspondant.
Adresse e- mail : c.sarron@ch- sainte- anne.fr (C. Mirabel- Sarron)
© L’Encéphale, Paris, 2012. Tous droits réservés.
L’Encéphale (2012) Supplément 4, S160-S166
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Les thérapies non- médicamenteuses
dans les troubles bipolaires
Non pharmacological treatment for bipolar disorder
Christine Mirabel- Sarron1,*, Raphaël Giachetti2
1Université Paris 5 René Descartes, CMME Service de Monsieur le Professeur Rouillon,
Centre Hospitalier Sainte Anne, 100 rue de la Santé, 75014 Paris
2Clinique d’Aufrery, Place du Maréchal Niel, 31130 Balma
Résumé La diversité de l’expression clinique des troubles bipolaires met à l’épreuve les
praticiens lorsqu’il s’agit d’établir un protocole de soin. Outre la symptomatologie directement
liée aux accès aigus, les conséquences affectives, sociales, et professionnelles viennent alourdir
les tableaux cliniques et doivent être intégrées dans la ré exion menée dans la prise en charge.
Cette dernière associe aujourd’hui au traitement pharmacologique une, voir plusieurs
prises en charges psychothérapeutiques.
Après avoir passé en revue le panel des différents types de psychothérapies indiquées pour cette
pathologie, notre propos se concentrera sur les prises en charges évaluées scienti quement.
Si la plupart sont mises en œuvre en phase de rémission certaines le sont en période de
dépression. Les résultats montrent une ef cacité des Thérapies comportementales et
cognitives, de la psychoéducation et des thérapies interpersonnelles et d’aménagement
des rythmes sociaux (TIPARS), sur l’intensité et la durée des décompensations, et sur la
qualité et le temps passé en rémission.
© L’encéphale, Paris, 2012. Tous droits réservés.
Summary Bipolar disorder is a chronic and recurring disorder associated with signi cant
psychosocial impairment. A number of psychosocial interventions have been developed to
address impairment.
The consensus makes mood stabilizer the treatment of bipolar disorder. However, numerous
patients are not in complete remission despite a controlled observance. Every patient can
follow a psycho educational program.
What this paper adds. The review identi es that a range of interventions have demonstrated
ef cacy in extended periods of euthymia, improved social and occupational functioning
and alleviation of subsyndromal symptoms.
Adjunctive, short- term psychotherapies have been shown to offer fairly consistent bene ts
to bipolar disorder patients. Cognitive- behavioural therapy, family- focused therapy, and
psychoeducation offer the most robust ef cacy in regard to relapse prevention. The most
complex situations including comorbidities can be helped by behavioral and cognitive
therapy for bipolar disorder. Evaluations emphasize positive impact. The psychosocial
interventions reviewed provide mental health nurses with evidence- based approaches
to improving mental health care for patients with bipolar disorder. There is a need for
mental health nurses to conduct high quality trials of the clinical effectiveness of these
interventions.
© L’encéphale, Paris, 2012. All rights reserved.
MOTS CLÉS
Trouble bipolaire-
psycho- éducation ;
Thérapie
comportementale
et cognitive ;
Dépression bipolaire ;
Prévention
des rechutes
KEYWORDS
Behavioral and
cognitive therapy;
Bipolar disorder;
Psychoeducation;
Bipolar depression;
Psychotherapy
Les thérapies non médicamenteuses dans les troubles bipolaires S161
Introduction
Les thérapies non médicamenteuses pour les troubles
bipolaires, appelées antérieurement psychoses maniaco-
dépressives, ont dominé le soin au cours de la première
moitié du XXe siècle dans un contexte pharmacologique
encore très pauvre. La découverte du Lithium dans les années
soixante a inversé la tendance en attribuant au traitement
biologique une place prééminente qui éloigna un temps les
soins psychothérapeutiques.
La publication de Goodwin et Jamison en 1990 [1], mit
n à l’ère du tout biologique en soulignant l’ef cacité rela-
tivement limitée des traitements pharmacologiques tout en
précisant qu’ils représentaient la base incontournable du soin
pour les patients bipolaires. Cinq ans plus tard l’article de
Gitlin et al. [2] abonde dans ce sens en montrant que malgré
un traitement par un stabilisateur de l’humeur, le taux de
rechute des patients atteignait près de 40 % après un an,
60 % après deux ans et 73 % au delà de cinq ans.
Aujourd’hui, il existe un consensus sur la nécessité
d’associer précocement un traitement pharmacologique à
une ou des thérapies non médicamenteuses.
Qu’elles se mènent en individuel ou en groupe, ces thé-
rapies psychologiques sont nombreuses aujourd’hui [3]. Les
publications internationales présentent plusieurs approches
psychologiques dont l’impact est favorable sur le cours de la
maladie bipolaire, en réduisant la longueur des épisodes aigus,
et en augmentant le délai d’apparition des rechutes [4,5].
Tous ces programmes abordent les connaissances des patients
sur la maladie, les traitements possibles, l’hygiène de vie,
les signes précurseurs des rechutes, la gestion des situations
sources de stress, etc.
A n de pouvoir étayer notre propos, nous allons nous
limiter aux approches de groupe proposées dans les guide-
lines où ayant fait l’objet d’études contrôlées randomisées.
Si les thérapies psycho- éducatives ont inauguré les travaux
de recherches, les thérapies comportementales et cogni-
tives ont représenté le corpus théorique pour l’élaboration
des programmes de psychoéducation mais aussi pour les
thérapies interpersonnelles et d’aménagement des rythmes
sociaux (TIPARS).
Classiquement ces approches, notamment la psychoédu-
cation et les TIPARS sont ef cientes si elles sont menées au
cours des périodes euthymiques. Nous savons depuis 2002
grâce aux études de Judd [6] et de ses collaborateurs qu’une
proportion signi cative de patients passe plus de la moitié de
sa vie en phase dépressive, nous souhaitions donc également
aborder l’ef cacité des thérapies non médicamenteuses
menées au cours d’un épisode dépressif chez les patients
bipolaires.
Évaluation des thérapies non
médicamenteuses en période euthymique
Même si pour beaucoup de patients la rémission est par-
tielle, souvent marquée par des symptômes résiduels de
type dépressif, moins souvent par des éléments du registre
maniaque, elle demeure la période de choix pour les prises en
charges psycho- éducatives et cognitivo- comportementales.
Cela dit, et notamment au cours des programmes longs
comportant une vingtaine de séances, nous observons des
uctuations thymiques induites par la mobilisation psychique
inhérente à ces programmes dispensés sur une période de
plus de six mois.
Le programme de psychoéducation
de Colom et Vieta
Appelé également le programme de Barcelone, il constitue
la référence internationale en terme de démarche psycho-
éducative pour patients bipolaires [7]. Le tableau 1 rapporte
le contenu de chaque séance.
Trois stades de changements sont attendus par les
auteurs :
Changement de premier niveau : Prise de conscience de la
maladie, détection précoce des symptômes, observance
du traitement ;
Changement de second niveau : contrôle du stress, régula-
tion du style de vie, prévention des conduites suicidaires ;
Changement de troisième niveau : augmentation des
connaissances et de la gestion sur l’impact des épisodes
thymiques (passés ou futurs), augmentation des activités
sociales et interpersonnelles entre les épisodes, l’abrasion
maximale des symptômes résiduels qui permettra l’amé-
lioration de la qualité de vie.
La réduction du nombre d’épisodes n’interviendrait
qu’après l’acquisition de changement de niveau 3.
Une étude randomisée contrôlée [8] chez 120 patients
bipolaires 1 et 2, en suivi ambulatoire, sous thymorégulateur
et stable cliniquement depuis six mois au moins conclut à
l’impact positif de ce type de prise en charge. Ils suivaient le
Tableau 1 Étapes du programme psychoéducatif
Phase 1 Prise de conscience de la maladie
Séance 1 Présentation du programme et des règles
du groupe
Séance 2 Qu’est- ce que le trouble bipolaire ?
Séance 3 Facteurs étiologiques et déclenchants
Séance 4 La manie et l’hypomanie
Séance 5 La dépression et les épisodes mixtes
Séance 6 Evolution et pronostic
Phase 2 Adhésion au traitement pharmacologique
Séance 7 Les thymorégulateurs
Séance 8 Les anti- maniaques
Séance 9 Les antidépresseurs
Séance 10 Les taux plasmatiques
des thymorégulateurs
Séance 11 Grossesse et conseils
Séance 12 Les thérapies alternatives
ou la psychopharmacologie
Séance 13 Les risques de l’arrêt du traitement
Phase 3 Les abus de substances
Séance 14 Les substances psychoactives
Phase 4 La détection précoce des épisodes thymiques
Séance 15 Détection précoce des épisodes
maniaque et hypomaniaque
Séance 16 Détection précoce des épisodes
dépressif et mixte
Séance 17 Quelle attitude adoptée au tout début
d’un épisode thymique
Phase 5 Rythme de vie et gestion du stress
Séance 18 Importance de la régularité
des habitudes de vie
Séance 19 Les techniques de contrôle du stress
Séance 20 La résolution de problème
S162 C. Mirabel- Sarron, et al
programme en 20 séances puis un suivi clinique de deux ans.
Le critère était le taux de récidive thymique (Tableau 2). Le
suivi de ce programme diminue signi cativement le taux de
récidives et allonge le temps passé en rémission.
L’adjonction à la thymorégulation d’une psychoéduca-
tion constituerait un béné ce médico- économique à long
terme à cinq ans. L’effet préventif prend la forme d’un
allongement du temps entre deux épisodes dépressifs, une
réduction signi cative de la souffrance dépressive et du
nombre d’épisodes par rapport au groupe n’ayant pas reçu
de psychoéducation [9].
La mise en œuvre de ce type de programme nécessite des
ressources institutionnelles importantes ce qui représente
un facteur limitant.
Le programme élaboré par le docteur Marc Bauer
et l’in rmière Linda McBride se situe dans une position
intermédiaire entre le programme psycho- éducatif long
barcelonais et la prise en charge de thérapie comporte-
mentale et cognitive [10]. Ce programme a la particularité
de comprendre deux phases distinctes, les patients pouvant
participer uniquement à la première ou prolonger avec la
phase deux. Ce programme d’objectifs personnels (POP)
comporte six séances psycho- éducatives (en groupe fermé)
puis un nombre illimité de rencontres de groupe inspirés
des concepts des thérapies cognitives et comportementales
associés à des techniques de résolution de problèmes.
Dans une étude menée sur presque 3 ans, Bauer et ses
collaborateurs [11] ont montré que ce programme permettait
une diminution de la survenue et de la durée des épisodes
maniaques.
Les thérapies comportementales et cognitives
destinées aux patients bipolaires
Depuis 1996, cinq programmes de thérapie comportementale
et cognitive spéci ques aux patients bipolaires ont été
publiés [12- 16].
Ils comportent un très grand nombre de points communs.
Tous les programmes sont très structurés et s’organisent en
trois temps :
une phase éducative (6 à 8 séances) ;
une phase de techniques particulières comportementales
et cognitives (12 séances) ;
une phase de consolidation (2 séances puis suivi mensuel).
Au cours de ces séances le thérapeute propose :
• une évaluation des représentations mentales du patient
concernant sa maladie et son traitement ;
une régulation des comportements quotidiens tels que la
durée du sommeil, le rythme des prises alimentaires, les
activités physiques nécessaires ou plaisantes ainsi que la
qualité et la fréquence des relations sociales ;
une identification précoce des prodromes dépressifs
ou maniaques, appelée aussi « identi cation des signes
précurseurs » ou « des signes d’alerte » qui permettent au
patient de réagir rapidement, de développer des actions
pour réduire les symptômes dépressifs ou maniaques ;
un apprentissage des techniques cognitives : avec l’iden-
ti cation des pensées dépressives ou des pensées liées à
la manie et qui amènent le patient à des comportements
extrêmes ;
un apprentissage aux techniques de « décentration » ou
de questionnement de ses pensées. Cet élargissement
de la manière d’appréhender une situation, conduit le
patient à dé nir des priorités, à hiérarchiser ses conduites,
à prendre des décisions plus argumentées ; et à prendre
conscience des différents facteurs de stress qui in uencent
les rechutes dépressives ou maniaques [17].
La formulation rigide, extrême de certaines règles de
pensée ont conduit beaucoup d’auteurs à les considérer
comme un des facteurs de vulnérabilité cognitive aux troubles
émotionnels récurrents [18] du type « Je dois travailler dur
et ne jamais perdre » ou « Si je ne suis pas le meilleur, les
autres ne me considéreront pas », ou « Si je fais une erreur,
les autres me mésestimeront » [19].
Il y a donc un apport particulier, original des thérapies
comportementales et cognitives, fait en premier par Basco
et Rush [12] qui ont développé des outils d’identi cation,
d’auto- évaluation spéci ques aux patients bipolaires qui
seront repris par tous les autres auteurs avec quelques
aménagements mineurs.
Le programme de Lam et al. [13] représente la réfé-
rence internationale actuellement (le tableau 3 résume
ses étapes).
Il s’appuie sur le modèle stress vulnérabilité. C’est le
programme le plus utilisé et le plus évalué, éprouvé par de
très nombreuses études randomisées [20].
Si nous reprenons les premières études, Lam [21] étudie
25 patients bipolaires suivis en ambulatoire, dont la sympto-
matologie est équilibrée par un traitement thymorégulateur de
lithium. Deux groupes sont constitués par randomisation : les
premiers suivent une thérapie comportementale et cognitive
en vingt séances, les autres béné cient du suivi psychiatrique.
Les évaluations sont faites à six et douze mois et indiquent
pour les sujets qui ont suivi le programme thérapeutique de
Lam une amélioration signi cative, avec moins d’épisodes
récurrents, une meilleure observance médicamenteuse ; ainsi
10 patients sur 12 traités par thérapie n’avaient pas de rechute
durant le suivi, contre seulement 2 sur 11 dans le groupe
témoin. Les mêmes cliniciens [22] poursuivent leur étude
sur un plus large échantillon de 123 patients bipolaires qu’ils
randomisent en deux groupes, l’un poursuivant une thérapie
comportementale et cognitive, les autres constituaient la liste
d’attente (en intentionnalité de traitement).
Tableau 2 Récidives
Groupe psychoéducation (%) Groupe témoin (%)
Récidives de tout type 67 (p < 0,001) 92
Récidives maniaques 45 (p < 0,003) 75
Récidives dépressives 41 (p < 0,001) 72
Récidives mixtes 20 (p < 0,003) 45
Les thérapies non médicamenteuses dans les troubles bipolaires S163
Les patients du groupe thérapie comportementale et
cognitive avaient signi cativement moins de rechutes, les
épisodes étaient moins longs (trois fois moins environ) ;
avaient eu deux fois moins d’hospitalisations ; souffraient
moins de symptômes résiduels ; géraient mieux les épisodes
maniaques et avaient un meilleur fonctionnement social. Il
est à remarquer que la prévention des épisodes dépressifs
était plus forte que celle des épisodes maniaques. La pro-
portion de patients ayant rechuté après un an était de 44 %
dans le groupe thérapie comportementale et cognitive contre
71 % dans le groupe contrôle.
Par ailleurs, l’équipe de Scott et al. [23] compare
127 patients bipolaires à 126 témoins. Les patients du groupe
thérapie comportementale et cognitive présentent à la
réévaluation à un an signi cativement moins de symptômes
dépressifs. La non- observance médicamenteuse était tombée
de 48 % contre 21 %.
En France, nous proposons le programme de Lam à des
patients bipolaires I résistants depuis une dizaine d’années au
centre hospitalier Sainte- Anne [24]. Dans une première étude
d’évaluation, nous constatons une diminution des rechutes,
une amélioration du fonctionnement social et de la qualité du
coping, une amélioration de l’estime de soi, une diminution
des attitudes dysfonctionnelles, et une amélioration signi -
cative de la qualité de vie sous ses différentes facettes [25].
Le tableau 4 montre la similarité de nos populations
cliniques entre les différentes études publiées.
Les travaux de recherche actuels se focalisent tous sur
la mesure de variables cognitives telles que la réactivité
cognitive, les fonctions mnésiques, a n d’identi er les
processus psychologiques intervenants dans ces changements
cliniques [26,27].
En résumé, tous ces résultats sont très favorables,
homogènes. Il faut retenir qu’à l’opposé des thérapies
psycho- éducatives détaillées en premier lieu, ces psycho-
thérapies acceptent les patients présentant une ou plusieurs
comorbidités telles qu’un trouble de la personnalité, des
troubles anxieux ou des conduites addictives [28].
Autres approches psychologiques
Les psychothérapies des rythmes sociaux et des
relations interpersonnelles d’Ellen Frank (IPSRT)
Ce programme propose une approche qui conjugue plusieurs
champs d’exercices : des éléments de psychoéducation, un
travail sur les cognitions et sur les comportements notam-
ment dans le cadre des relations interpersonnelles et en n
une attention particulière est portée sur la régulation des
rythmes biologiques.
Frank E et al. [29] ont mené une étude randomisée sur
175 patients BP1. Un groupe a béné cié d’une thérapie
interpersonnelle avec aménagement des rythmes sociaux,
l’autre groupe a été pris en charge dans le cadre d’un suivi
intensif non structuré. L’analyse de cette étude révèle
une ef cacité signi cative des TIPARS sur la survenue des
rechutes dépressives à deux ans, et sur l’amélioration des
relations interpersonnelles.
En revanche Swartz et Frank [30] soulignent un impact
très faiblement signi catif sur les tentatives de suicide.
Tableau 3 Déroulement du programme de Lam
Phase 1 : Psychoéducation, séances 1 à 5
Le trouble bipolaire et ses traitements
Construction de l’alliance thérapeutique
Identi cation des cognitions, émotions
et comportements
Construction de la life- chart
nitions des objectifs personnels
Phase 2 : outils comportementaux et cognitifs,
séances 6 à 16
Auto- enregistrement de l’humeur et des activités
quotidiennes
Mise en relation des variations de l’humeur
avec l’activité
Apprentissage d’outils comportementaux
(résolution de problème, séquençage de tâche)
Décentration cognitive
Identi cation des schémas cognitifs et reformulation
Phase 3 : consolidation, séance 17 à 20
Véri cation de l’utilisation des techniques apprises
Identi cation des signes précurseurs des rechutes
Tableau 4 Comparaison des populations de patients bipolaires et programmes thérapie comportementale et cognitive
CMME Lam 2000 Lam 2003 Scott 2006
Nombre de patients
(Thérapie comportementale et cognitive)
114 13 51 127
Âge M (S.D.) 44,7 (11,4) 39,0 (10,9) 46,4 (12,1) 39,7 (10,3)
Âge de début M (S.D.) 23,4 (9,6) 28,2 (11,4)
Nombre d’épisodes D (S.D.) 11,7 (15,5) 8,4 (7,9) 5,8 (8,0) 6
Nombre d’épisodes M (S.D.) 8,3 (11,7) 7,1 (9,8) 5,5 (6,1) 4
Nombre d’hospitalisations M (S.D.) 3,2 (2,8) 2,2 (2,2) 6,3 (5,9)
Perdus de vue % 14,0 7,7 15,7 22,0
S164 C. Mirabel- Sarron, et al
Les approches familiales
(FFT-familial focused therapy)
Le trouble bipolaire n’affecte pas seulement celui qui souffre,
mais touche aussi son entourage. Ainsi la maladie du sujet et
le fonctionnement familial s’in uencent mutuellement [31].
Les différentes études constatent que l’importance du stress
environnemental dans l’évolution du trouble, la charge
éprouvée par l’entourage et la demande faite par celui- ci
de recevoir davantage d’informations sur la maladie et
ses traitements expliquent l’introduction d’interventions
thérapeutiques centrées sur la famille ou sur le couple [32].
Miklowitz et al. [33] ont réalisé une étude randomisée
contrôlée chez cent un patients bipolaires sous traitement
médicamenteux. Les patients randomisés béné ciaient soit
d’une approche psycho- éducative personnelle et familiale
(21 séances), soit d’un suivi familial habituel (groupe contrôle).
Les résultats de cette étude sont comparables à celle
de Colom et al. À deux ans, les patients ayant béné cié
de la psychoéducation structurée ont présenté de manière
signi cative une meilleure observance, moins de récidives
et des intervalles libres plus longs que les sujets du groupe
contrôle.
Mindfulness based cognitive therapy
destinée aux patients bipolaires euthymiques
Une nouvelle perspective d’approche de pleine conscience
ou MBCT est utilisée aujourd’hui dans plusieurs centres
universitaires francophones. (France, Suisse, Québec). La
Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT) a été mise
au point en 2001 par Segal, Williams et Teasdale [34]
comme stratégie de prévention des rechutes dépressives.
Les premières études : Williams et al. [35] compare deux
groupes de patients randomisés comprenant chacun des
patients unipolaires en rémission : 24 en MBCT et 27 en liste
d’attente et des patients bipolaires stabilisés (neuf dans le
groupe MBCT et huit en liste d’attente). Les deux groupes
diminuent significativement leur souffrance dépressive
comparativement au groupe contrôle, et le sous- groupe de
patients bipolaires diminue signi cativement sa souffrance
anxieuse. Un même résultat a été décrit par Kanny [36].
Deux autres études naturalistes européennes con rment
cette faisabilité [20]. La seule étude contrôlée sur l’impact
d’une approche MBCT avec des patients bipolaires I résistants
est très récente [37]. Trente- cinq patients bipolaires de type
I et ayant suivi une approche MBCT ont été comparés à 14
patients en intentionnalité de traitement. Les résultats
à deux mois montrent une diminution signi cative de la
réactivité cognitive, explorée par l’échelle d’attitudes
dysfonctionnelles (DAS) de Weissman.
Évaluation des thérapies non
médicamenteuses en phase dépressive
La dépression bipolaire conduit à un recours plus marqué
au système de soin que la dépression unipolaire : plus de
consultations aux urgences, plus de visites à l’hôpital psy-
chiatrique, chez le psychiatre ou le médecin généraliste.
De plus, une proportion importante de patients bipolaires
passe plus de temps en dépression qu’en manie, hypomanie,
état mixte et rémission confondus. Ces situations favorisent
l’émergence de conduites suicidaires et sont responsables
de conséquences psychosociales invalidantes. Il devient de
fait crucial de développer des stratégies thérapeutiques
spéci ques au cours des périodes dépressives.
Toutes les psychothérapies déjà citées ont été proposées à
des patients bipolaires en phase dépressive avec des résultats
forts encourageants. Ainsi, Miklowitz et Scott [38] mettent
en évidence que les patients bipolaires 2 béné ciant d’une
thérapie comportementale et cognitive au cours d’une phase
dépressive sortent de l’épisode six semaines plus tôt que ceux
qui reçoivent un traitement habituel (73 jours versus 118).
Les résultats rapportés par Lam [22] vont dans le même
sens : sur une année, le groupe de patients traité par théra-
pie comportementale et cognitive passait en moyenne moins
de temps en phase dépressive que le groupe en thérapie
comportementale et cognitive (15 jours versus 57).
Swartz et Frank [30] identi ent que les patients qui
suivent une TIPARS pendant leur phase dépressive voient
le temps d’évolution de cette phase diminué de moitié par
rapport au groupe contrôle (21 semaines versus 40) et que
de plus si ces patients reçoivent un traitement d’entretien
du même type ils développent moins de symptômes résiduels
au cours de la rémission.
Provencher et al. [39] ont proposé une thérapie compor-
tementale et cognitive à 24 patients bipolaires adressés par
un psychiatre pour le traitement de symptômes dépressifs
modérés à sévères. Le traitement est conduit par deux
psychologues et dure en moyenne 21 séances. Vingt patients
(83 %) ont nalisé le traitement. La thérapie comportemen-
tale et cognitive est associée à une réduction signi cative
des symptômes de dépression, de désespoir, d’anxiété, avec
une taille d’effet assez élevée pour l’ensemble des mesures.
La thérapie comportementale et cognitive est, en
tant que traitement complémentaire à la médication, une
intervention acceptable et ef cace pour le traitement des
symptômes dépressifs des patients atteints d’un trouble
bipolaire.
Dans une étude de grande envergure Miklowitz et al. [38]
ont évalué l’ef cacité de trois formes de psychothérapie pour
le traitement de la dépression bipolaire :
1) la thérapie comportementale et cognitive (n = 75) ;
2) la thérapie interpersonnelle, IPSRT (n = 62) ;
3) la thérapie familiale, FFT (n = 26).
Un an après le début du programme d’une durée de 9 mois
et pouvant atteindre 30 séances de psychothérapie, les résultats
démontrent que les patients récupèrent de leur épisode dépres-
sif plus rapidement avec les trois formes de thérapie intensive
comparé au groupe contrôle (n = 130). Aucune différence n’est
observée entre les trois modalités de traitement, suggérant que
ces formes de psychothérapie intensive sont ef caces pour le
traitement de la dépression bipolaire.
En complément, des approches spéci ques thérapies
comportementales et cognitifs sont décrites dans la prise
en charge de la suicidalité de ces patients [40].
Discussion
Cette revue nous montre que les interventions psycho- sociales
développées depuis une quinzaine d’années sont ef caces
chez le patient bipolaire aussi bien en phase euthymique,
qu’en période dépressive. Les démarches longues de six
mois de psychoéducation, de thérapie comportementale
et cognitive, de thérapie familiale très structurées ont
démontré au cours d’essais contrôlés randomisés une action
signi cative sur la prévention des rechutes thymiques, et un
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !