
S164 C. Mirabel- Sarron, et al
Les approches familiales
(FFT-familial focused therapy)
Le trouble bipolaire n’affecte pas seulement celui qui souffre,
mais touche aussi son entourage. Ainsi la maladie du sujet et
le fonctionnement familial s’infl uencent mutuellement [31].
Les différentes études constatent que l’importance du stress
environnemental dans l’évolution du trouble, la charge
éprouvée par l’entourage et la demande faite par celui- ci
de recevoir davantage d’informations sur la maladie et
ses traitements expliquent l’introduction d’interventions
thérapeutiques centrées sur la famille ou sur le couple [32].
Miklowitz et al. [33] ont réalisé une étude randomisée
contrôlée chez cent un patients bipolaires sous traitement
médicamenteux. Les patients randomisés bénéfi ciaient soit
d’une approche psycho- éducative personnelle et familiale
(21 séances), soit d’un suivi familial habituel (groupe contrôle).
Les résultats de cette étude sont comparables à celle
de Colom et al. À deux ans, les patients ayant bénéfi cié
de la psychoéducation structurée ont présenté de manière
signifi cative une meilleure observance, moins de récidives
et des intervalles libres plus longs que les sujets du groupe
contrôle.
Mindfulness based cognitive therapy
destinée aux patients bipolaires euthymiques
Une nouvelle perspective d’approche de pleine conscience
ou MBCT est utilisée aujourd’hui dans plusieurs centres
universitaires francophones. (France, Suisse, Québec). La
Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT) a été mise
au point en 2001 par Segal, Williams et Teasdale [34]
comme stratégie de prévention des rechutes dépressives.
Les premières études : Williams et al. [35] compare deux
groupes de patients randomisés comprenant chacun des
patients unipolaires en rémission : 24 en MBCT et 27 en liste
d’attente et des patients bipolaires stabilisés (neuf dans le
groupe MBCT et huit en liste d’attente). Les deux groupes
diminuent significativement leur souffrance dépressive
comparativement au groupe contrôle, et le sous- groupe de
patients bipolaires diminue signifi cativement sa souffrance
anxieuse. Un même résultat a été décrit par Kanny [36].
Deux autres études naturalistes européennes confi rment
cette faisabilité [20]. La seule étude contrôlée sur l’impact
d’une approche MBCT avec des patients bipolaires I résistants
est très récente [37]. Trente- cinq patients bipolaires de type
I et ayant suivi une approche MBCT ont été comparés à 14
patients en intentionnalité de traitement. Les résultats
à deux mois montrent une diminution signifi cative de la
réactivité cognitive, explorée par l’échelle d’attitudes
dysfonctionnelles (DAS) de Weissman.
Évaluation des thérapies non
médicamenteuses en phase dépressive
La dépression bipolaire conduit à un recours plus marqué
au système de soin que la dépression unipolaire : plus de
consultations aux urgences, plus de visites à l’hôpital psy-
chiatrique, chez le psychiatre ou le médecin généraliste.
De plus, une proportion importante de patients bipolaires
passe plus de temps en dépression qu’en manie, hypomanie,
état mixte et rémission confondus. Ces situations favorisent
l’émergence de conduites suicidaires et sont responsables
de conséquences psychosociales invalidantes. Il devient de
fait crucial de développer des stratégies thérapeutiques
spécifi ques au cours des périodes dépressives.
Toutes les psychothérapies déjà citées ont été proposées à
des patients bipolaires en phase dépressive avec des résultats
forts encourageants. Ainsi, Miklowitz et Scott [38] mettent
en évidence que les patients bipolaires 2 bénéfi ciant d’une
thérapie comportementale et cognitive au cours d’une phase
dépressive sortent de l’épisode six semaines plus tôt que ceux
qui reçoivent un traitement habituel (73 jours versus 118).
Les résultats rapportés par Lam [22] vont dans le même
sens : sur une année, le groupe de patients traité par théra-
pie comportementale et cognitive passait en moyenne moins
de temps en phase dépressive que le groupe en thérapie
comportementale et cognitive (15 jours versus 57).
Swartz et Frank [30] identifi ent que les patients qui
suivent une TIPARS pendant leur phase dépressive voient
le temps d’évolution de cette phase diminué de moitié par
rapport au groupe contrôle (21 semaines versus 40) et que
de plus si ces patients reçoivent un traitement d’entretien
du même type ils développent moins de symptômes résiduels
au cours de la rémission.
Provencher et al. [39] ont proposé une thérapie compor-
tementale et cognitive à 24 patients bipolaires adressés par
un psychiatre pour le traitement de symptômes dépressifs
modérés à sévères. Le traitement est conduit par deux
psychologues et dure en moyenne 21 séances. Vingt patients
(83 %) ont fi nalisé le traitement. La thérapie comportemen-
tale et cognitive est associée à une réduction signifi cative
des symptômes de dépression, de désespoir, d’anxiété, avec
une taille d’effet assez élevée pour l’ensemble des mesures.
La thérapie comportementale et cognitive est, en
tant que traitement complémentaire à la médication, une
intervention acceptable et effi cace pour le traitement des
symptômes dépressifs des patients atteints d’un trouble
bipolaire.
Dans une étude de grande envergure Miklowitz et al. [38]
ont évalué l’effi cacité de trois formes de psychothérapie pour
le traitement de la dépression bipolaire :
1) la thérapie comportementale et cognitive (n = 75) ;
2) la thérapie interpersonnelle, IPSRT (n = 62) ;
3) la thérapie familiale, FFT (n = 26).
Un an après le début du programme d’une durée de 9 mois
et pouvant atteindre 30 séances de psychothérapie, les résultats
démontrent que les patients récupèrent de leur épisode dépres-
sif plus rapidement avec les trois formes de thérapie intensive
comparé au groupe contrôle (n = 130). Aucune différence n’est
observée entre les trois modalités de traitement, suggérant que
ces formes de psychothérapie intensive sont effi caces pour le
traitement de la dépression bipolaire.
En complément, des approches spécifi ques thérapies
comportementales et cognitifs sont décrites dans la prise
en charge de la suicidalité de ces patients [40].
Discussion
Cette revue nous montre que les interventions psycho- sociales
développées depuis une quinzaine d’années sont effi caces
chez le patient bipolaire aussi bien en phase euthymique,
qu’en période dépressive. Les démarches longues de six
mois de psychoéducation, de thérapie comportementale
et cognitive, de thérapie familiale très structurées ont
démontré au cours d’essais contrôlés randomisés une action
signifi cative sur la prévention des rechutes thymiques, et un