Observation de la brisure de symétrie de l`état lié de solitons dans

rencontre du non-lin´
eaire 2002 31
Observation de la brisure de sym´etrie de l’´etat li´e de solitons dans un
milieu de Kerr isotrope
C. Cambournac,T.Sylvestre
, H. Maillotte,
P. Kockaert, B. Vanderlinden, Ph. Emplitet M. Haelterman
Laboratoire d’Optique P.M. Duffieux, Universit´e de Franche-Comt´e,
Unit´e mixte de recherche du CNRS no6603, 16 route de Gray, 25030 Besan¸con
Service d’Optique et d’Acoustique, Universit´e Libre de Bruxelles
CP 194/5, 50 av. F. D. Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Belgique
esum´e
Les propri´et´es de propagation des faisceaux solitons multimodes dans les milieux
non lin´eaires font actuellement l’objet de nombreuses investigations en raison des ap-
plications potentielles aux syst`emes de t´el´ecommunications optiques. L’exemple le plus
simple parmi la famille des solitons multimodes est le soliton bimodal pour lequel la
propagation en milieu non lin´eaire est g´en´eralement instable car les forces d’interaction
qui agissent sur chacun des deux modes les am`enent, soit `ases´eparer, soit `a s’atti-
rer. Toutefois, il existe une mise en forme sp´ecifique en amplitude et en polarisation
du soliton bimodal qui permet d’annuler les forces d’interaction, assurant une grande
stabilit´e de propagation et formant ainsi ce que l’on appelle l’´etat li´e de solitons. Nous
´etudions dans ce travail la stabilit´e d’un tel soliton vectoriel `a deux modes dans un
guide plan de Kerr isotrope et nous v´erifions exp´erimentalement que, lorsque le coef-
ficient d’intermodulation de phase est sup´erieur `a celui de l’automodulation de phase,
le soliton bimodal est sujet `a une instabilit´e de type brisure de sym´etrie, ph´enom`ene
sugg´erant une application directe `a la commutation optique spatiale ultra-rapide (cf.
figure 1).
-2 -1
0
00
2
1
4
2
6
5
10
15
20
dimension transverse
distance de propagation
Intensité (u. a.)
Fig. 1–Propagation d’un ´etat li´e de solitons `a deux modes dans un milieu de Kerr isotrope.
L’intermodulation de phase provoque une brisure de sym´etrie en transf´erant l’´energie d’un mode
vers l’autre.
c
Non Lin´eaire Publications,Bˆat.510, Universit´e de Paris-sud, 91405 Orsay
32 C. Cambournac et al.
1 Introduction
Un des grands objectifs de l’optique non lin´eaire moderne porte sur la r´ealisation de
dispositifs purement optiques dans lesquels la lumi`ere est utilis´ee pour guider et manipuler
la lumi`ere sans avoir recours `a la fabrication de guide d’ondes [1]. La seule et unique
possibilit´edecr´eer de tels guides d’ondes reconfigurables repose sur l’utilisation du concept
fondamental de lumi`ere auto-guid´ee, un principe essentiellement bas´e sur la propagation de
solitons spatiaux en milieu non lin´eaire. La stabilit´e en propagation de ces solitons r´esulte
de l’´equilibre entre la diffraction et l’auto-focalisation caus´ee par la non-lin´earit´e. Ils se
propagent sans deformation et peuvent ˆetre ainsi consid´er´es comme des canaux porteurs
d’information. En effet, en modifiant l’indice de r´efraction du milieu qu’ils traversent, les
solitons sont capables d’attirer et guider d’autres faisceaux lumineux en les pi´egeant par
effet d’intermodulation de phase. Ce ph´enom`enedeguidage,int´eressant `a la fois pour
l’´etude de la physique non lin´eaire mais aussi par ses diverses applications potentielles,
explique l’int´erˆet consid´erable port´e actuellement `al´egard des solitons spatiaux. Il existe
en effet une grande vari´et´e de solitons et ils se manifestent dans diff´erents domaines de la
physique tels que l’hydrodynamique, la physique des plasmas, ou encore plus r´ecemment
l’´etude des ondes de mati`ere et des condensats de Bose-Einstein [2]. En optique, les solitons
sont principalement regroup´es en trois classes qui d´ependent essentiellement de la non-
lin´earit´e mise en jeu soit, en pratique, du mat´eriau utilis´e : les solitons Kerr, les solitons
photor´efractifs et les solitons quadratiques. Parmi ces trois classes de solitons existent des
combinaisons multiples d’enveloppes et de polarisations distinctes mutuellement pi`eg´ees
par intermodulation de phase, qui forment ce que l’on appelle les solitons multimodes
vectoriels [3]. Pour comprendre comment ces solitons `a composantes multiples peuvent
exister, il suffit d’imaginer un guide d’onde de sym´etrie radiale supportant de nombreux
de modes transverses coupl´es par l’effet soliton. Lorsque deux (ou plusieurs) modes se
propagent simultan´ement, un des modes peut jouer le rˆole de guide d’onde effectif pour
d’autres modes d’ordres sup´erieurs. Les exp´eriences men´ees jusqu’`acejouronet´er´ealis´ees
pour la plupart dans des milieux photor´efractifs qui se caract´erisent par une non-lin´earit´e
effective saturable [4, 5, 6]. Les r´esultats de ces exp´eriences ont montr´e que la propagation
des solitons multimodes ´etait stable, ev´elant ainsi la formation d’´etats li`es de solitons.
Toutefois, des ´etudes th´eoriques r´ecentes ont montr´e que la propagation de tels solitons
devenait instable lorsque le coefficient d’intermodulation de phase est sup´erieur `a celui de
l’automodulation de phase [7, 8]. Une instabilit´edebrisuredesym´etrie viendrait perturber
la stabilit´edeetats li´es de solitons. Dans cette ´etude, nous d´emontrons exp´erimentalement
l’existence d’une telle instabilit´e en faisant interagir le mode fondamental et le premier
mode d’ordre sup´erieur induits par effet soliton dans un guide plan de Kerr.
2 L’instabilit´edetypebrisuredesym´etrie
Pour obtenir un coefficient d’intermodulation de phase sup´erieur `a celui de l’automo-
dulation de phase, nous avons consid´er´e, pour les deux composantes du soliton vectoriel,
les deux ´etats de polarisations circulaires de la lumi`ere, ainsi qu’une non-lin´earit´e induite
par r´eorientation mol´eculaire. Dans ces conditions, le rapport entre l’intermodulation de
phase et l’automodulation de phase atteint la valeur consid´erable de 7 [9], ce qui devrait fa-
voriser l’observation de l’instabilit´e de brisure de sym´etrie. Aussi, comme nous consid´erons
une non-lin´earit´e de Kerr pure non saturable, il convient de restreindre l’´etude `a une di-
mension transverse afin d’´eviter la dislocation des faisceaux qui survient in´evitablement
Observation de la brisure de sym´etrie des solitons mutimodes vectoriels 33
dans les milieux massifs [10]. L’exp´erience sera par cons´equent r´ealis´ee dans un guide plan
de disulfure de carbone (CS2). La propagation de la lumi`ere dans un tel guide est r´egie par
un syst`eme de deux ´equations de Schr¨odinger non lin´eaires coupl´ees qui s’´ecrivent sous la
forme suivante [3]
∂U
∂z =i
2k
2U
∂x2+|U|2U+7|V|2U,(1)
∂V
∂z =i
2k
2V
∂x2+|V|2V+7|U|2V,(2)
o`u U(x, z) et V(x,z) sont respectivement les enveloppes des deux composantes de polarisa-
tions circulaires gauche et droite du champ ´electrique, kest le module du vecteur d’onde
dans le guide plan et γ, le coefficient non lin´eaire. Ces deux ´equations de Schr¨odinger non
lin´eaires sont coupl´ees de fa¸con incoh´erente (i.e., sans terme de m´elange `a quatre ondes)
et admettent une famille de solutions stationnaires [11], compos´ees d’une enveloppe de
sym´etrie paire (U) superpos´ee `a une enveloppe de sym´etrie impaire (V). La figure 2(a)
illustre cette famille de deux solitons. Ils sont repr´esent´es `a la fois en polarisation recti-
ligne (Ex,Ey) et en polarisation circulaire (U,V). Ces deux modes U et V peuvent ˆetre
`a juste titre consid´er´es comme ´etant respectivement le mode fondamental et le premier
mode d’ordre sup´erieur du guide d’ondes qu’ils induisent ensembles par intermodulation
de phase. La figure 2(b) pr´esente une simulation num´erique `a partir des Eqs. (1) et (2) de
la propagation du soliton bimodal dans le guide plan de CS2.
-2 -1
0.5
1
0012
X (x 100 µm)
-2
1
0
2
2-2 -1
0
00
2
1
4
2
6
5
10
15
20
z/ Ldiff
U
V
ExEy
(a) (b)
Intensité (u. a.)
-1
XX (x 100 µm)
Fig. 2–(a) Enveloppes des deux composantes du soliton vectoriel bimodal en polarisations cir-
culaires oppos´ees (U sym´etrique et V anti-sym´etrique) et en polarisations lin´eaires (Exet Ey).
(b) Simulation num´erique de la propagation de l’´etat li´e de solitons. L’´evolution conduit `a la for-
mation d’ un soliton elliptique fondamental apr`es brisure de sym´etrie au bout de 15 longueurs de
diffraction. L’instabilit´e est initi´ee par une faible perturbation asym´etrique initiale sur V.
Le soliton bimodal ´evolue dans un premier temps sous la forme d’un ´etat li´ede
solitons jusqu’`a sa destruction par instabilit´edebrisuredesym´etrie au voisinage de 15
longueurs de diffraction. Pour cette simulation, l’instabilit´e est amorc´ee par une tr`es faible
perturbation asym´etrique du profil V `a l’entr´ee du guide (0,8 % en intensit´e sur le lobe
gauche). L’´energie, qui est initialement ´equi-r´epartie sur les deux lobes du soliton, est
alors transf´er´ee de la droite vers la gauche, causant ainsi l’interruption du guide induit
34 C. Cambournac et al.
par la non-lin´earit´e. Il est important de noter que cette instabilit´e prend naissance `a
partir du bruit d`es l’entr´ee dans le guide. Elle s’amplifie au cours de la propagation,
impliquant un ´echange p´eriodique d’´energie entre les deux modes du soliton (attraction et
epulsion) jusqu’`a ce que son amplitude devienne telle que l’un des lobes est subitement
absorb´e par l’autre. Un fait remarquable est que, contrairement `a ce que laisserait penser
l’exemple de simulation de la figure 2(b), le sens gauche-droite de la brisure n’est pas
etermin´eparlesignedelasym´etrie initiale mais par son amplitude. Enfin, au-del`ade
cette instabilit´elechamp´electromagn´etique demeure en grande partie confin´e dans une
distribution d’intensit´e`a une bosse, et forme ce que l’on appelle un soliton fondamental
de polarisation elliptique [7, 12].
3 Montage exp´erimental
Pour observer l’instabilit´edebrisuredesym´etrie gauche-droite du soliton bimodal,
nous utilisons un guide plan consistitu´e d’une couche guidante de disulfure de carbone (10
µm d’´epaisseur) confin´ee entre deux blocs de verre SK5 (∆n=0.04) [13]. La diff´erence des
constantes de propagation transverse ´electrique (TE) et transverse magn´etique (TM) dans
ce guide est tr`es faible. En cons´equence, la bir´efringence du guide peut ˆetre n´eglig´ee ´etant
donn´e sa faible longueur (3 cm), ce qui permet de consid´erer le guide comme isotrope. Le
montage exp´erimental est repr´esent´e sur la figure 3. Il comprend principalement une source
laser Nd:YAG picoseconde ´emettant `a la longueur d’onde de 532 nm et un interf´erom`etre
de Michelson employ´e pour la mise en forme des enveloppes U et V du soliton bimodal.
Nd-YAG laser
532 nm - 38 ps
Filtre
spatial
CSP
λ/4
λ/4
λ/4
miroir λ/4
F
M
S
S
S
S Lentille sphérique
CSP Cube séparateur de polarisation
λ/4 Lame quart-d'onde
M, F Miroir, Fente suivant X
U, V Composantes de polarisation circulaire
Cx,y Lentilles cylindriques
BW Biprisme de Wollaston
U
V
SSS
BW
CxCy
CÔTÉ
DESSUS
Guide plan CS2
Plan
d'injection
TE
TM
x
y
z
y
x
z
λ/4
U
V
CCD
Fig. 3–Montage exp´erimental
Le faisceau laser est dans un premier temps filtr´e spatialement puis s´epar´eendeux
faisceaux de polarisations orthogonales `a l’aide d’un cube s´eparateur de polarisation. Un
miroir `a saut de phase, r´ealis´e par masquage et usinage ionique sur substrat de silicium,
est plac´e dans un des bras de l’interf´erom`etre afin d’introduire le saut de phase de π
requis pour l’enveloppe de sym´etrie impaire V. Dans chaque bras de l’interf´erom`etre, une
lame quart-d’onde assure la transmission `a la sortie de l’interf´erom`etre apr`es r´eflexion
sur les miroirs. A la sortie de l’interf´erom`etre, une troisi`eme lame quart-d’onde r´ealise la
conversion en polarisations circulaires gauche et droite. Les deux faisceaux U et V sont
ensuite inject´es dans le guide `a l’aide de deux lentilles cylindriques crois´ees, puis analys´es
epar´ement en sortie `a l’aide d’un biprisme de Wollaston et d’une cam´era CCD.
Observation de la brisure de sym´etrie des solitons mutimodes vectoriels 35
4R´esultats et discussions
La figure 4(a) montre les profils en intensit´e des faisceaux U et V avant l’injection
dans le guide. Le faisceau V fait apparaˆıtre `a son origine une bande sombre d’environ
40 µm, qui provient du saut de phase introduit dans l’interf´erom`etre. La puissance du
faisceau gaussien U est 3 fois sup´erieure a celle de V et sa largeur `a mi-hauteur west
´egale `a64µm. La figure 4(b) illustre ces mˆemes faisceaux `a la sortie du guide en r´egime
lin´eaire, c’est `adire`a faible puissance de pompe.
Dimension transverse X (x100 µm)
Intensité (u. a..)
0-2 -1 1
0-1 1
2
0-2 -1 1 2 0-2 -1 1 2
0-2 -1 1 2
0
1
2
0
1
2
3
(a)
(c) (d)
(b)
U
V
U
U
V
U
V
V
Fig. 4–(a) Profils en intensit´e des deux composantes polaris´ees circulairement (U,V) du soliton
vectoriel `a deux modes `alentr´ee du guide de CS2. (b) Diffraction en sortie du guide en r´egime
lin´eaire. (c) Etat li´e du soliton bimodal en sortie du guide en r´egime non lin´eaire (PU=2,9 kW,
PV=0,9 kW). (d) Brisure de sym´etrie et apparition du soliton elliptique fondamental en sortie du
guide. Les inserts illustrent respectivement les images obtenues avec la cam´era CCD sans s´eparer
les composantes de polarisation et le profil (U+V) correspondant.
Cette figure indique que la diffraction provoque un ´elargissement significatif des fais-
ceaux U et V (87 µm pour le faisceau U), ce qui correspond approximativement `aun
´etalement sur une longueur de diffraction LD=0,36 w2k=2,8 cm. La figure 4(c) pr´esente
ces mˆemes enveloppes U et V `a plus forte puissance de pompe, c’est `a dire lorsqu’elle sont
mutuellement li´es par compensation de la diffraction par la non-lin´earit´e. On s’aper¸coit
d’une part que le faisceau U perd son profil gaussien initial et pr´esente un profil `adeux
lobes (cf. figure 2(a)), alors que celui de V est conserv´e. D’autre part, la largeur du pro-
fil total en intensit´e est identique `a celle des conditions d’entr´ee de guide, ce qui prouve
l’existence de l’´etat li´eetlepi´egeage r´eciproque des deux modes transverses induits sur
la longueur de propagation consid´er´ee. Toutefois, ces ´etats li´es ne sont observ´es que pour
1 / 6 100%

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