32 C. Cambournac et al.
1 Introduction
Un des grands objectifs de l’optique non lin´eaire moderne porte sur la r´ealisation de
dispositifs purement optiques dans lesquels la lumi`ere est utilis´ee pour guider et manipuler
la lumi`ere sans avoir recours `a la fabrication de guide d’ondes [1]. La seule et unique
possibilit´edecr´eer de tels guides d’ondes reconfigurables repose sur l’utilisation du concept
fondamental de lumi`ere auto-guid´ee, un principe essentiellement bas´e sur la propagation de
solitons spatiaux en milieu non lin´eaire. La stabilit´e en propagation de ces solitons r´esulte
de l’´equilibre entre la diffraction et l’auto-focalisation caus´ee par la non-lin´earit´e. Ils se
propagent sans deformation et peuvent ˆetre ainsi consid´er´es comme des canaux porteurs
d’information. En effet, en modifiant l’indice de r´efraction du milieu qu’ils traversent, les
solitons sont capables d’attirer et guider d’autres faisceaux lumineux en les pi´egeant par
effet d’intermodulation de phase. Ce ph´enom`enedeguidage,int´eressant `a la fois pour
l’´etude de la physique non lin´eaire mais aussi par ses diverses applications potentielles,
explique l’int´erˆet consid´erable port´e actuellement `al’´egard des solitons spatiaux. Il existe
en effet une grande vari´et´e de solitons et ils se manifestent dans diff´erents domaines de la
physique tels que l’hydrodynamique, la physique des plasmas, ou encore plus r´ecemment
l’´etude des ondes de mati`ere et des condensats de Bose-Einstein [2]. En optique, les solitons
sont principalement regroup´es en trois classes qui d´ependent essentiellement de la non-
lin´earit´e mise en jeu soit, en pratique, du mat´eriau utilis´e : les solitons Kerr, les solitons
photor´efractifs et les solitons quadratiques. Parmi ces trois classes de solitons existent des
combinaisons multiples d’enveloppes et de polarisations distinctes mutuellement pi`eg´ees
par intermodulation de phase, qui forment ce que l’on appelle les solitons multimodes
vectoriels [3]. Pour comprendre comment ces solitons `a composantes multiples peuvent
exister, il suffit d’imaginer un guide d’onde de sym´etrie radiale supportant de nombreux
de modes transverses coupl´es par l’effet soliton. Lorsque deux (ou plusieurs) modes se
propagent simultan´ement, un des modes peut jouer le rˆole de guide d’onde effectif pour
d’autres modes d’ordres sup´erieurs. Les exp´eriences men´ees jusqu’`acejouront´et´er´ealis´ees
pour la plupart dans des milieux photor´efractifs qui se caract´erisent par une non-lin´earit´e
effective saturable [4, 5, 6]. Les r´esultats de ces exp´eriences ont montr´e que la propagation
des solitons multimodes ´etait stable, r´ev´elant ainsi la formation d’´etats li`es de solitons.
Toutefois, des ´etudes th´eoriques r´ecentes ont montr´e que la propagation de tels solitons
devenait instable lorsque le coefficient d’intermodulation de phase est sup´erieur `a celui de
l’automodulation de phase [7, 8]. Une instabilit´edebrisuredesym´etrie viendrait perturber
la stabilit´edes´etats li´es de solitons. Dans cette ´etude, nous d´emontrons exp´erimentalement
l’existence d’une telle instabilit´e en faisant interagir le mode fondamental et le premier
mode d’ordre sup´erieur induits par effet soliton dans un guide plan de Kerr.
2 L’instabilit´edetypebrisuredesym´etrie
Pour obtenir un coefficient d’intermodulation de phase sup´erieur `a celui de l’automo-
dulation de phase, nous avons consid´er´e, pour les deux composantes du soliton vectoriel,
les deux ´etats de polarisations circulaires de la lumi`ere, ainsi qu’une non-lin´earit´e induite
par r´eorientation mol´eculaire. Dans ces conditions, le rapport entre l’intermodulation de
phase et l’automodulation de phase atteint la valeur consid´erable de 7 [9], ce qui devrait fa-
voriser l’observation de l’instabilit´e de brisure de sym´etrie. Aussi, comme nous consid´erons
une non-lin´earit´e de Kerr pure non saturable, il convient de restreindre l’´etude `a une di-
mension transverse afin d’´eviter la dislocation des faisceaux qui survient in´evitablement