SNP – Physiologie du langage 04/11/15 CHABERT Julie DFGSM3 CR : Paul SEISSON SNP A. Trebuchon-Da Fonseca 18 pages Physiologie du langage Plan A. Introduction B. Théories psycholinguistiques I. Théorie « perceptive » II. Théorie de la production du langage III. Théorie motrice de la perception de la parole C. Rappels anatomiques D. Méthodes d'étude I. Lésions II. Activations III. Comment tester les différents aspects du langage ? E. Asymétrie hémisphérique I. Une lésion de l'hémisphère gauche entraîne une aphasie II. Asymétrie anatomique III. Données du test de Wada IV.Données des stimulations corticales V. Écoute dichotique F. Physiologie de la perception du langage I. Perception des indices acoustiques II. Phonologie III. Traitement lexico-sémantique G. Dynamique de la physiologie du langage H. Physiologie de la production du langage I. Lésion : données de la pathologie II. Activation : données en imagerie fonctionnelle III. Données de l'électrophysiologie I. Synthèse et conclusion A. Introduction Le langage est un ensemble de signes (vocaux, gestuel, graphiques, tactiles, olfactifs etc.) doté d'une sémantique (d'un sens) permettant une communication entre une ou plusieurs entités. Chez l'Homme, c'est la capacité d'exprimer et de comprendre une idée avec autrui. Le langage comprend lui-même plusieurs fonctions puisque l'on réalise une dichotomie entre le langage oral (perception et production) et le langage écrit (lecture et écriture). Ce cours traitera uniquement du langage oral comprenant la perception et la production de la parole. 1/18 SNP – Physiologie du langage La parole est un flot continu de sons que l'on peut fragmenter à différents niveaux : • • • La phrase Le mot Le phonème Cette fragmentation est observable sur un oscillogramme. La phrase insecte » Le mot Ex : « abeille » Exemple : « L'abeille est un Le phonème : c'est la plus petite unité de notre langage. Ex : /be/ Si l'on prend l'exemple des phonèmes /be/ et /pe/ ou /ba/ et /pa/, on peut ressentir une vibration du cou avec les phonèmes /ba/ ou /be/. C'est la différence majeure par rapport à /pa/ et /pe/, car on place la langue exactement de la même façon, en occlusif (bouche fermée). Dans les phonèmes /ba/ et /be/, les cordes vocales vibrent à basse fréquence avant l'explosion, et cette vibration est visible sur l'oscillogramme. Si l'on n'a pas cette vibration, ça fait un /pa/ ou /pe/, directement. Ainsi, avec des vibrations différentes, on est capable de percevoir quelque chose de complètement différent. On va donc étudier les processus cérébraux qui nous permettent de faire le traitement de ce genre d'informations qu'on appelle les indices acoustiques du signal verbal. B. Théories psycholinguistiques Les psycholinguistes s'intéressent au processus du langage sans chercher à savoir quelles sont les aires cérébrales impliquées. Ils raisonnent par modules (étapes), et c'est en neurologie et en neurosciences que l'on va essayer de déterminer si ces modules correspondent à des régions, à des processus particuliers. Pour la perception du langage, 2 théories s’opposent : la théorie dite « perceptive » versus la théorie dite « motrice de la perception de la parole » I. Théorie « perceptive » Lorsque nous devons comprendre le mot « abeille », les différents sons composant ce mot, les phonèmes, vont tout d'abord être analysés de manière successive : c'est le traitement des indices acoustiques. Puis l'assemblage de ces phonèmes permet d'aboutir à l’accès au mot « abeille » : on parle ici de phonologie. Ceci va donner par la suite accès aux informations lexicales sur ce mot, provenant de notre dictionnaire interne, pour arriver enfin à la dernière étape : le savoir que nous avons sur ce mot, c'est-à-dire la sémantique (ou concept). En suivant notre exemple de l'abeille, ce concept va englober la ruche, le miel, l'insecte, etc. 2/18 SNP – Physiologie du langage II. Théorie de la production Lorsque l'on regarde une image d'abeille, par exemple, différents processus aboutissent à la production du mot « abeille », du système visuel jusqu'à l'appareil vocal. L'analyse de l'image va permettre sa reconnaissance et la récupération de l'ensemble d'un savoir, d'informations conceptuelles, sur cet insecte. Lorsque l'on a « un mot sur le bout de la langue », en réalité, nous détenons le concept, mais nous n'avons pas le mot. C'est pour cette raison que les psycholinguistes ont décidé de distinguer deux étapes, à savoir une étape « sémantique » (concept) et une étape « lexique ». Une fois la récupération lexicale effectuée, on va récupérer l'information phonologique avec l'assemblage des phonèmes nécessaires pour arriver à une syllabification et produire, grâce à l'appareil articulatoire le mot « abeille ». III. Théorie motrice de la perception de la parole Deux psycholinguistes, Liberman et Mattingly, ont proposé, en 1985, une autre théorie considérant le langage comme une seule et même fonction. Selon cette théorie, le langage est un modèle unique centré sur le geste articulatoire, qui, lorsqu'il est mis en jeu pour la production d'un phonème, est le processus initial à la fois de la production et de la perception.La perception d'un phonème n'est possible qu'en raison de l'intégration somato-motrice, nécessaire à sa production. Autrement dit, je ne peux percevoir des phonèmes que si j'arrive moi-même à les prononcer. Un exemple permet de conforter cette théorie, celui des bébés. En effet, à un mois, ils sont capables de discriminer des indices acoustiques provenant de langues du monde entier (ce qui est impossible pour un adulte). Aux alentours de six mois, ils commencent à perdre cet aspect universel du traitement des indices acoustiques pour se centrer sur la phonologie de leur langue maternelle, et cette période correspond aux débuts de babillages chez l'enfant. Il existe donc une concordance entre la possibilité d'articulations dans la langue maternelle et la propre perception des éléments phonologiques. Par ailleurs, des travaux ont été réalisés par un des élèves de Rizollatti (qui a travaillé sur les neurones miroirs). Une stimulation magnétique transcrânienne a permis d'inactiver la région du cortex moteur nécessaire à la production du son [ba]. En comparant la perception des syllabes, il s'est avéré que les sujets participant à l'expérience percevaient moins bien le [ba] que le [fa], le [pa] etc. Donc l'inactivation du cortex moteur modifie la perception, ce qui confirme cette théorie. La théorie dite « perceptive » et cette théorie motrice de la perception sont en fait l'une et l'autre justes, fonctionnant au travers de deux systèmes que nous allons voir par la suite. C. Rappels anatomiques Cerveau gauche de profil Il y a deux sillons importants : le sillon de Sylvius (latéral) et le sillon de Rolando ( central). En avant du sillon central se trouvent les aires permettant l'action (aire motrice, aire prémotrice, lobe préfrontal) , alors qu'en arrière ce sont celles de la réception (cortex auditif, somato-sensoriel, visuel). 3/18 SNP – Physiologie du langage Il existe des régions très importantes pour le langage, notamment au niveau du gyrus temporal supérieur (situé au-dessus du sillon supérieur du lobe temporal) dans sa partie postérieure, avec le cortex auditif, le cortex associatif auditif et certaines zones de transition. D'autres régions sont également très importantes : au niveau préfrontal, au niveau du gyrus frontal inférieur. Ces zones correspondent en avant à l'aire de Broca et, en arrière, à l'aire de Wernicke. D. Méthodes d'étude I. Lésions Chez l'Homme, contrairement à d'autres domaines comme les émotions, il n'existe pas de modèle animal pour le langage. La méthode la plus ancienne est donc l'étude de l'effet d'une lésion sur le processus. Il existe deux types de lésions. a. Les lésions permanentes Elles peuvent être vasculaires ou chirurgicales. Le cerveau de M. Leborgne (photo ci-contre) a été étudié et décrit par Paul Broca (fin XIXème siècle) qui a mis en relation une fonction : le langage avec une lésion et un trouble : l'aphasie. Des IRM de ce cerveau ont récemment été réalisées.Cet homme avait une lésion de la partie inférieure du gyrus frontal inférieur. L'aphasiologie est la partie de la neurologie qui s'intéresse à la corrélation entre des symptômes cliniques et une lésion dans le cerveau. /!\ Une aphasie est un trouble du langage acquis affectant l'expression ou la compréhension du langage parlé ou écrit survenant en dehors de tout déficit sensoriel ou de dysfonctionnement de l'appareil phonatoire (c'est-àdire qu'il n'y a ni problème de motricité, ni surdité...). Attention, l'aphasie est différente de la dysphasie qui est un trouble du langage chez l'enfant en cours de développement. b. Les lésions (ou inactivations) transitoires • Stimulations corticales Durant un geste neurochirurgical, il est parfois nécessaire de réaliser une cartographie per-opératoire pour éviter la survenue d’un déficit post-opératoire. Le patient est en général réveillé une fois le volet chirurgical réalisé. La stimulation de différentes régions alors que le patient est par exemple en train de dénommer des images permet de savoir si cette région contribue à cette fonction, le pré-requis étant que la stimulation inhibe transitoirement la région corticale concernée (et par conséquent la fonction qui s'y trouve). 4/18 SNP – Physiologie du langage Pour faire simple, lors d'une chirurgie éveillée, le patient, en pleine dénomination des images qu'on lui présente, va cesser de parler (c'est le « speech arrest ») si le chirurgien stimule l'aire corticale du langage. Penfield a débuté ce genre d’études dans les années 50 et a pu mettre en évidence l'homonculus moteur. Les stimulations corticales (grâce à une grille d'électrodes ou un stimulateur bipolaire) sont toujours utilisées aujourd’hui, lors de résections de gliomes notamment, que ce soit pour faire de la cartographie fonctionnelle chez un patient ou pour récupérer des informations sur un processus donné. • Le test de Wada Ce test permet également d'étudier le langage. Inventé dans les années 1950 par le Dr. Wada, il consiste en l'injection de manière sélective, dans une des carotides internes, d'un produit anesthésiant : le propofol (à l'origine, l'anesthésique utilisé était l'amobarbital). Cela permet d'anesthésier sélectivement un hémisphère, et donc de déterminer quelles sont les fonctions supportées par chacun des deux hémisphères, que l'on va tester l'un après l'autre. La prof nous a montré une courte vidéo dans laquelle on la voit réaliser un test de Wada (à gauche) sur une patiente présentant une lésion temporale gauche, à qui l'on a demandé de compter, les bras tendus. Lorsque le produit commence à faire effet, la patiente ne compte plus, puis l'un de ses bras chute (hémiparésie), elle devient incapable de réaliser des ordres simples, comme de fermer les yeux. Elle ne répond pas non plus aux tests de lecture et de dénomination. Cette aphasie transitoire, doublée de troubles de la compréhension et de la production, confirme de façon solide la présence du langage à gauche. Quand l'anesthésie prend fin, l'autre hémisphère est testé afin de vérifier s'il y a des aires du langage à droite. Ce n'est finalement pas le cas, la patiente ne présentant aucune aphasie cette fois ci, seulement des troubles de la mémoire. II. Activations Ces méthodes permettent d'être moins invasif auprès du patient. En effet, au lieu de créer une lésion magnétique ou médicamenteuse, on simplement va observer le cerveau en activité. a. Imagerie fonctionnelle (IRMf) Elle consiste à l’enregistrement indirect de l’activité de populations de neurones, par la mesure des variations de quantité de désoxyhémoglobine contenue dans les espaces intra- et péri-vasculaires (effet BOLD pour Blood Oxygen Level Dependant). Elle consiste à alterner des périodes d'activité (motrice, cognitive) avec des périodes de repos, tout en acquérant des images de l'intégralité du cerveau toutes les 1,5 à 6 secondes. La localisation des zones cérébrales activées est basée sur l'effet BOLD (Blood Oxygen Level Dependant), lié aux propriétés paramagnétiques de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges. En effet, on peut trouver l'hémoglobine sous deux formes : l'oxyhémoglobine, qui est diamagnétique (molécule non active en RMN) et la désoxyhémoglobine qui est paramagnétique (donc visible en RMN). 5/18 SNP – Physiologie du langage Dans les zones activées par la tâche qu'effectue le patient, une petite augmentation de la consommation d'oxygène par les neurones est surcompensée par une large augmentation de flux sanguin. Dans le cas du langage, on peut observer une activation des régions frontale gauche et basale. Il faut noter qu'on ne se base jamais sur l'IRMf pour connaître précisément les structures, comme pour une opération par exemple. Les données obtenues en IRMf ont une excellente résolution spatiale, en revanche la résolution temporelle est de l’ordre de la seconde. La réponse hémodynamique est liée à l'activité des neurones au cours du temps IRM cerveau gauche b. Electrophysiologie En dehors des activités hémodynamiques, il y a des activités électrophysiologiques, c'est-à-dire des modifications de l'activité des neurones. Lors de la réalisation d'une tâche par le patient, on va donc pouvoir enregistrer des activités électrophysiologiques, évoquées par des populations de neurones, qui pourront être : • électriques, grâce à des casques d'électrodes • magnétiques, grâce à la magnétoencéphalographie (MEG) Ce procédé consiste en la mesure de l’activité neuronale liée à la synchronisation d’une population de neurones (champs électrique ou magnétique) mise en jeu lors d’une tâche cognitive.La tâche cognitive dépendra de la question posée, elle peut comprendre le contraste de plusieurs conditions. On peut enregistrer, dans le cadre de chirurgie des épilepsies, de manière directe (SEEG : EEG Stéréotaxique utilisant des électrodes intracérébrales) dans de petites populations de neurones, l'activité intra-cérébrale qui a lieu lors d'un processus particulier, utilisant la voie ventrale ou dorsale (cf cours de recherche L2)… L'avantage représenté par la MEG est que le champ magnétique n'est pas atténué par les différentes couches (os, scalp), donc le signal obtenu est très propre. En revanche, il peut être pollué par la présence d''implants dentaires, ou par un passage du patient à l'IRM juste avant. Les enregistrements électrophysiologiques permettent d’avoir une excellente résolution temporelle, puisque les modifications sont de l’ordre de la milliseconde. En revanche la résolution spatiale est moindre (erreurs jusqu'à 1 cm). On peut donc dire que l'électrophysiologie et l'imagerie fonctionnelle sont des méthodes complémentaires. 6/18 SNP – Physiologie du langage III. Comment tester les différents aspects du langage ? On peut réaliser des tests dans les deux grands pôles du langage, c'est-à-dire l'entrée, ou compréhension, et la sortie, ou production. La compréhension peut se baser sur : • des informations orales : ordre simple tel que « ouvrez la bouche » • des informations écrites : ordre par écrit • la désignation d'objets, de scènes : la tâche est plus complexe pour le patient, qui devra par exemple montrer le placard puis le plafond puis la porte (mémorisation) Concernant la production du langage : • Elle peut prendre la forme de séries automatiques : par exemple, on peut compter jusqu'à 10 ou réciter les jours de la semaine sans avoir à se concentrer. Les jurons sont aussi une forme de langage automatique. Cette production de base est principalement sous-corticale. • On étudie également le langage spontané : la façon dont le patient parle, avec ou sans pauses (fluence), discours informatif ou non, lors de la réponse à des questions simples (comment allez-vous ? Quel âge ? Que faites-vous dans la vie?) • L e s tests de dénomination sont des tests de base de la production du langage (des images sont montrées au patient, celui-ci doit les nommer). • On peut réaliser une fluence : par exemple, le patient doit donner en 2 min le maximum de mots commençant par la lettre "p". En général, la moyenne est à 20 mots. Autre test : donner le maximum de noms d'animaux en 2 min. Les tests de fluence font appel à la fois à la récupération d'informations lexicales et à des connaissances globales. • Enfin, un test très simple est celui de la répétition : on utilise volontairement des mots et phrases demandant un certain effort d'articulation (« spectacle » « l'avocat l'a convaincu avec ses arguments », cela charge la mémoire de travail). On verra si les erreurs sont plutôt grammaticales ou phonologiques (concernant la phonologie les patients diront souvent « avossa » au lieu de « avocat ») 7/18 SNP – Physiologie du langage E. Asymétrie hémisphérique I. Une lésion de l'hémisphère gauche entraîne une aphasie L'hémisphère gauche est dominant pour le langage. Sa lésion entraîne une aphasie, sauf parfois chez certains gauchers qui ont le langage à droite. a. Quels sont les grands types d'aphasie ? • Un tableau d'aphasie de Broca concerne la sortie. ◦ Elle est peu fluente. ◦ L'élocution est saccadée. ◦ Les patients ont tendance à faire des persévérations (répètent les phrases et mots). ◦ La grammaire est perturbée et la syntaxe, désorganisée. ◦ Globalement, la compréhension est préservée. • Un tableau d'aphasie de Wernicke, à l'inverse, concerne l'entrée : ◦ La compréhension est amoindrie. ◦ Des mots sont inventés ou inappropriés. ◦ Cette aphasie est globalement fluente. ◦ L'élocution est aisée. ◦ Il y a peu de répétitions spontanées, la grammaire et la syntaxe sont convenables. Attention ! L'aire de Broca (région frontale inférieure gauche) est impliquée dans l'aphasie de Broca et l'aire de Wernicke (partie postérieure et supérieure du lobe temporal) dans l'aphasie de Wernicke, mais des études ont montré que le processus de ces aphasies est bien plus complexe et touche d'autre régions cérébrales. Le lien n'est donc pas direct entre aire de Broca et aphasie de Broca, aire de Wernicke et aphasie de Wernicke. • Autres types d'aphasie : classification avec la « maison » de Lichtheim Lichteim, neuropsychologue et psycholinguiste du début du XXème, a proposé une classification claire, qui a été reprise plus récemment. 8/18 SNP – Physiologie du langage Le centre d'entrée des informations est le centre auditif, il est représenté par un "A". Le centre de la production est le centre moteur, représenté par un "M". Ces deux centres sont connectés, et selon la localisation des lésions, on va retrouver des patterns particuliers d'aphasie : • • Dans l'aphasie de Broca, ce sont les centres verbo-moteurs (M) qui sont touchés, ce qui empêche une sortie fluide de l'information. Concernant l'aphasie de Wernicke, c'est similaire mais cette fois cela touche le pôle de la compréhension (A). • L'aphasie de conduction correspond à une déconnexion entre le centre de la compréhension et le centre de la production. Les patients sont capables de parler et de comprendre, mais pas de répéter une information, notamment si celle-ci est un peu longue. Ils présentent donc un trouble majeur de la répétition, faisant principalement des erreurs de phonologie. • L'aphasie trans-corticale sensorielle ressemble à un tableau d'aphasie de Wernicke, mais avec une répétition qui est préservée. En effet, la coupure a lieu plus haut entre le centre de la compréhension et le cortex associatif (B). • L'aphasie trans-corticale motrice, de même, ressemble à un tableau d'aphasie de Broca sans trouble de la répétition. La coupure est entre (M) et (B). D'autres types d'aphasie sont difficiles à placer sur le schéma de Lichtheim : ▪ L'aphasie anomique (ou amnésique): les patients présentent principalement une anomie. ▪ L'anarthrie : il existe un problème au niveau des efférences motrices, la sortie, l'articulation, va se faire avec difficulté. ▪ L'agnosie verbale : il s'agit d'une surdité aux sons verbaux. ▪ L'alexie : la lecture est impossible. b. Physiopathologie des aphasies Le cerveau de M. Leborgne a été scanné en IRM. Un neuroanatomiste et un neurologue londoniens se sont basés sur ces images pour montrer, de manière simple, comment un trouble peut être expliqué par deux types d'approches différentes. De manière modélisée, on va étudier quatre patients qui ont tous un tableau d'aphasie de Broca. Dans l'approche topologique (focale), on va s'intéresser à la lésion de substance grise commune à tous ces patients : ici, elle correspond à la zone (b). On en conclut que (b) est indispensable à la fonction et participe à la production du langage. Dans l'approche hodologique (en réseau), on va plutôt s'intéresser à la déconnexion entre deux zones, consécutive à la lésion. Dans l'exemple, les quatre patients ont tous une déconnexion (représentée par les ronds sombres) entre les zones (a) et (c), normalement reliées par un grand faisceau de substance blanche. Cette approche explique donc le déficit par la déconnexion de (a) et de (c). 9/18 SNP – Physiologie du langage Il s'agit là de la grande opposition entre les localisationnistes et les associationnistes. Au fond, personne n'a raison ou tord : dans un déficit, il y a probablement à la fois l'effet d'une lésion focale et l'effet d'une déconnexion. Il est important de garder en tête ces deux approches lorsque l'on aborde un déficit lié à une lésion. Un diaschisis est l'abolition plus ou moins temporaire de l'activité des neurones plus ou moins distants de l'aire lésée, mais possédant avec celle-ci des liens anatomiques et physiologiques directs ou indirects. II. Asymétrie anatomique Il existe une asymétrie anatomique entre les structures temporales postérieures droite et gauche. Geschwind a étudié de nombreux sujets sains (en imagerie anatomique) et analysé le cerveau de patients décédés, pour montrer que le volume des structures temporales postérieures gauches était plus important que le volume des structures temporales postérieures droites, en particulier au niveau d'une structure appelée le planum temporale (importance dans le langage). Prononcez "temporalé", à la manière latine ! L'asymétrie fonctionnelle du langage aurait donc pour support cette asymétrie anatomique, de façon confirmée. Cependant il ne faut pas penser que le langage est à gauche parce qu'il y a plus de neurones à gauche en raison du volume plus important, comme cela a pu être présenté au départ ; la réalité est plus complexe. III. Données du test de Wada L’injection carotidienne gauche entraîne une aphasie transitoire. Ce test a pu fournir également beaucoup d'informations à propos du lien entre la préférence manuelle et la spécialisation hémisphérique pour le langage. En effet, dans 95 % des cas, les droitiers parlent à gauche, et dans les 5 % restants, l'organisation est plutôt bilatérale. Chez les gauchers (vrais gauchers avec support génétique : « gaucherie familiale »), dans 60 % des cas, le langage est quand même à gauche. Puis 20 % ont le langage à droite et pour les 20 % derniers, l'organisation du langage est bilatérale. Donc les gauchers ont plus de chances que les droitiers d'avoir un langage bilatéral, ce qui peut être un avantage en cas de lésion ! En revanche, il faut savoir que les gauchers ont une espérance de vie moindre par rapport aux droitiers (mise en cause de la société dans laquelle tout est fait pour les droitiers…). IV.Données des stimulations corticales Les travaux de W. Penfield, sont les premiers à établir une cartographie des régions corticales induisant un trouble du langage (arrêt du langage) lors d’une stimulation électrique en per-opératoire. Cette technique permet non seulement de connaître l’hémisphère spécialisé dans le langage mais également, par la particularité du trouble de langage induit, d’apprécier l’hétérogénéité fonctionnelle au sein de ce même hémisphère. 10/18 SNP – Physiologie du langage V. Écoute dichotique Il s'agit d'un test psychologique dans lequel on fait entendre en même temps deux syllabes (ou deux mots) différentes, l'une à l'oreille gauche et l'autre à l'oreille droite, le sujet devant rappeler l'item perçu, le plus rapidement possible. On peut observer que le mot qui sera le plus fréquemment rapporté par le patient sera celui entendu par l'oreille droite. Cela explique pourquoi certaines informations auditives sont mieux « entendues » avec l'oreille droite : elles seront traitées dans l'hémisphère gauche de manière prédominante. Mais ce phénomène n'est pas vérifiable pour tous les sons. Pour des sons ne différant que par leur contenu fréquentiel, comme deux notes de musique ou deux voyelles (a/i ; e/u), il n'y a pas de prédominance d'oreille droite. En effet, il existe dans le cerveau gauche, un système permettant de décoder de manière préférentielle les indices du signal verbal, alors que le contenu fréquentiel de ce que l'on entend est traité de manière bilatérale. Le test de l'écoute dichotique ne fonctionne donc que pour des mots ou des phonèmes. F. Physiologie de la perception du langage Pour chaque partie seront pris deux exemples : un exemple lésionnel (aphasie en général) et un exemple d'activation (soit en IRM, soit en électrophysiologie). I. Perception des indices acoustiques a. Lésion On va prendre l'exemple d'une patiente de 30 ans souffrant d'une surdité verbale ou agnosie verbale, c'est-à-dire qu'elle est incapable de décoder tout message verbal (elle entend les mots mais ne les comprend pas et ne reconnaît ni les mots ni les syllabes). En revanche, elle est capable de dire si deux mots riment en regardant simplement des images (nid/lit par exemple) : la phonologie sur entrée d'images n'est pas altérée. De même, elle peut distinguer une sirène de pompiers d'un aboiement de chien, les hautes des basses fréquences, et même les voix d'hommes et de femmes. Son déficit provient de deux AVC espacés de six mois, qui ont créé des lésions postérieures droites et du gyrus temporal supérieur gauche. Dans les surdités verbales pures, les patients ont en général un peu de mal à parler mais peuvent produire. Dans le cas de cette patiente, ce n'est pas un tableau pur de surdité verbale, puisqu'il y a un réel trouble de la production du fait des lésions antérieures importantes et qu'il existe une dissociation nette au niveau de la perception entre la compréhension orale et écrite. 11/18 SNP – Physiologie du langage Par ailleurs, en MEG, on a pu mettre en évidence une dégénérescence des courbes de traitement des indices acoustiques. Il y a peu de cas similaires dans la littérature, mais les rares qui sont décrits présentent des lésions du cortex auditif et associatif, ce qui permet de confirmer que les indices acoustiques sont traités dans cette structure-là. Ci-dessus: une représentation du taux de réussite de la patiente à chacun des tests qui lui ont été soumis. b. Activation Une étude a été réalisée à Marseille sur le /ba/ et le /pa/, avec notamment des enregistrements intracérébraux. Ces deux phonèmes sont séparés par un indice de boisement différent. Quand on enregistre un /ba/ et un /pa/ au niveau du cortex auditif droit, on peut observer que les deux courbes sont parfaitement superposables. En revanche, à gauche, il y a pour le /ba/ une composante supplémentaire. Cette étude a montré qu'il existe, à gauche, un système capable de traiter très précisément chaque indice acoustique, selon une fréquence d'échantillonnage très rapide, ce qui lui permet de traiter de manière séquentielle le voisement puis l'explosion du /ba/. Ce système, étant absent à droite, est important pour la dominance hémisphérique du langage. Une autre étude en MEG a comparé les phonèmes /ga/ et /ka/ et a montré que le traitement se faisait au niveau du cortex auditif gauche, et beaucoup moins, voire pas du tout, au niveau du cortex auditif droit. II. Phonologie a. Lésion L'étude de cas va porter sur les aphasies de conduction. Ces patients ont un langage fluent, des difficultés à répéter et font beaucoup de paraphasies phonémiques (erreurs phonologiques à la répétition : le patient dira « chapate » au lieu de « chapiteau »). Il s'agit d'un déficit pré-lexical. Classiquement, dans les aphasies de conduction, on retrouvera des lésions sous-corticales, et plus précisément au niveau du faisceau arqué, faisceau qui lie la partie temporale postérieure à la partie frontale inférieure. Par ailleurs, des lésions de la substance grise, notamment du gyrus supra-marginal (jonction entre le lobe temporal et le lobe pariétal) sont également responsables de ce type d'aphasie. 12/18 SNP – Physiologie du langage b. Activation L'étude de Jacquemot (2003) présentée maintenant commence à être vieillissante mais demeure assez intéressante, à la fois par ce que l'on peut faire en imagerie fonctionnelle et par son résultat. Deux populations sont comparées : les Français et les Japonais, à qui l'on va faire écouter les mêmes « mots ». • Les Français ne remarqueront pas la différence phonologique entre [ebu:za] qui a un son /u/ allongé et [ebuza]. Pour cette population, le contraste est acoustique. En revanche, ils distingueront une différence phonologique entre [ebza] et [ebuza]. • A l'inverse, les Japonais feront la distinction phonologique entre [ebu:za] et [ebuza], mais ne remarqueront pas de différence phonologique entre [ebza] et [ebuza]. En croisant les deux contrastes acoustiques et phonologiques chez les deux populations, l'étude a permis d'observer, en IRMf, que les processus phonologiques mis en jeu, communs à deux langues, comprenaient notamment une activation du gyrus supra-marginal. III. Traitement lexico-sémantique a. Lésion Les structures impliquées comprennent le lobe temporal et la région frontale inférieure. La démence sémantique est caractérisée par une perte de savoir, d'accès aux connaissances conceptuelles sur un objet. Il s'agit d'une maladie dégénérative différente de la maladie d'Alzheimer, qui présente des lésions plutôt bilatérales, au niveau temporal antérieur. Par exemple, si on demande aux patients souffrant de ce déficit de parler de l'autruche, ils vont savoir que c'est un animal mais ne sont pas certains de son habitat etc, ni capables de donner plus de précisions. L'aphasie trans-corticale sensorielle est caractérisée par un langage fluent comportant des paraphasies, une répétition correcte et des troubles de la compréhension. Classiquement, on décrit des lésions temporales postérieures. b. Activation Dans une étude en MEG, on a fait écouter aux sujets des noms d'objets et d'animaux et ceux-ci devaient dire si ce que désigne le nom est plus grand ou non qu'un pied (1 ft = 30 cm). Lors de cette tâche lexicosémantique, il va y avoir des activations temporales gauches larges, mais également frontales et bilatérales. En IRMf, on peut voir également que la réalisation de tâches lexico-sémantique entraîne une activation au niveau d'un réseau péri-sylvien large avec une prédominance gauche et également une implication bilatérale. 13/18 SNP – Physiologie du langage En IRMf En MEG En résumé, le traitement des indices acoustiques est réalisé dans le cortex auditif, un peu des deux côtés ; pour la phonologie, cela implique de la substance blanche et un croisement au niveau du gyrus supramarginal ; enfin le traitement lexico-sémantique fait intervenir tout le réseau péri-sylvien gauche et un peu droit. Ainsi, on est de moins en moins focal, et ceci en raison des processus qui sont de plus en plus complexes et qui mettent en jeu, non plus une petite région, mais un réseau. En 2012, une revue a été publiée par le Dr K. Price, rassemblant toutes les données d'IRMf disponibles pendant 30 ans. On peut voir toutes les régions impliquées dans différents processus, pour lesquels il existe un chevauchement très proche. Il y a bien entendu de grandes tendances:régions auditives, visuelles…. Mais tous les processus plus intégratifs sont largement distribués autour d'un réseau prédominant à gauche, autour de la vallée sylvienne. G. Dynamique de la physiologie du langage Cet aspect dynamique part de la fameuse voie ventrale et dorsale dont on a parlé dans le système visuel (rebelote, cf cours de recherche L2) avec les travaux d'Ungerleider et Mishkin sur la voie du "where" dorsale et la voie du "what" ventrale. Cette étude date des années 1980 et a été suivie de travaux semblables dans les années 2000, mais cette fois-ci concernant le cortex auditif pour une application au processus du langage. 14/18 SNP – Physiologie du langage L'étude est réalisée chez le singe : lorsqu'il repère les vocalisations des individus de son espèce, il y a une mise en jeu de neurones de la voie ventrale temporale, alors que lorsqu'il repère dans l'espace l'endroit où sont ses congénères, il va y avoir une activation des structures dorsales postérieures mais aussi pré-frontales. Ci-contre : En 2007, Hickok et Poppel ont proposé que des indices acoustiques du signal verbal étaient effectivement traités au niveau du cortex auditif et qu'après l'étape phonologique suivrait une étape sensitivo-motrice dorsale et une étape lexico-sémantique dans la voie ventrale. D'après toutes les études pré-citées, on peut dire que les informations sont traitées selon une voie ventrale pour les informations lexico-sémantiques et une voie dorsale acoustico-phonologique. D'un point de vue psycholinguistique, on a, dans ce modèle ventral-dorsal, à la fois la théorie perceptive (bas niveau, indice acoustique, codé dans la voie ventrale), et la théorie motrice de la perception (interface sensitivo-motrice pour produire le langage, codée dans la voie dorsale). Ce modèle simplifié montre l'existence d'une organisation en réseau comportant des carrefours-clés (impliqués dans certains déficits) mais également des systèmes d'intégration répartis tout autour de la vallée sylvienne. 15/18 SNP – Physiologie du langage H. Physiologie de la production du langage I. Lésion : données de la pathologie Lors d'une étude d'aphasiologie réalisée en 2008, on a testé des patients en début d'AVC (test de dénomination en phase aigue), en réalisant en parallèle une imagerie afin de déterminer le dénominateur lésionnel commun aux différents patients (approche localisationniste). En fonction des activations, on a pu observer que : • • • Lors d'un problème sémantique de récupération des informations conceptuelles, les lésions touchent plutôt la partie antérieure du lobe temporal ; Lors d'un problème de récupération lexicale, cela touche plutôt la partie postérieure latérale Et lors d'un problème de production (syllabification, articulation), les lésions concernent généralement le gyrus frontal inférieur. II. Activation : données en imagerie fonctionnelle Selon une étude de méta-analyse de toutes les données en IRMf et en PET concernant des tâches de dénomination. Le réseau est largement distribué de manière bilatérale, avec un spot prédominant en frontal gauche et sur Broca mais également au niveau du réseau péri-sylvien temporal, que l'on voit de manière bilatérale. En résumé, en activation, le réseau de la dénomination est large, bilatéral, temporal et un peu plus à gauche en frontal pour ce qui est de la production. Méta-analyse d'études en IRMf et en PET utilisant une tâche de dénomination (Price et al., 2005) III. Données de l'électrophysiologie 16/18 SNP – Physiologie du langage Ici on prend l'exemple de deux patients que l'on teste grâce à des grilles d'électrodes. Lors d'une tâche de dénomination, on peut observer que différentes régions s'activent entre le moment où le patient voit l'image et le moment où il la dénomme. Au début du traitement de l'information, il y a une activation de la région basotemporale et temporale latérale, puis très rapidement frontale. Puis il y a un renforcement du réseau péri-sylvien (autour de 500msec, puis lors de la production de langage). En résumé, encore une fois on a démontré qu'une dénomination met rapidement en jeu un réseau temporo-péri-sylvien large qui prédomine à gauche. La problématique actuelle est de déterminer comment les régions se synchronisent entre elles pour parvenir à faire cette tâche. I. Synthèse et conclusion • Il existe une latéralisation gauche du langage • Au sein de l'hémisphère gauche, la perception et la production mettent en jeu un réseau de régions étroitement connectées et relativement similaires. • Chacune de ces régions possède des compétences particulières dans la fonction langage, mais interagissent les unes avec les autres. 17/18 SNP – Physiologie du langage Vient enfin le moment de la dédicace ! Tout d'abord, cace-dédi à Mister Paul Seisson pour sa patience ! Cace-dédi à tous mes amis, notamment pour avoir supporté mes plaintes pendant des jours ! « ooouin, je streeesse, c'est mon premier ronéo en tant que ronéotypeuse je vais jamais y arriveeeeeer ! » Cace-dédi à tous les ronéotypeurs, d'hier et de demain, d'ici ou d'ailleurs ! Cace-dédi aux gauchers qui mourront statistiquement plus tôt que les autres ! Sois pas deg ! Peace ! Dédicace enfin au CBT, vous me faites vibrer bande de zinzins fous d'amour ! (et au Carly aussi, parce qu'on les aime bien) (et le Carpache, est-ce qu'on les aime ? Allez, va pour une cacedédi à la sauce peau-rouge) Bon courage à tous ! Lisez le Petit Prince et mangez du chocolat ! 18/18