COURS I Théorie générale I.1 Rôle de la gravitation * Moteur principal de l’évolution des structures à grande échelle * Analyse cinématique : estimation des masses * Analyse dynamique : formation et évolution I.2 I.2.1 Théorie du potentiel L’équation de Poisson Cette section s’inspire largement du Binney & Tremaine (1987, chap. 2.0.1) et du Binney & Tremaine (2008, chap. 2.1). Le module de la force gravitationnelle de (Newton) qu’une masse M ′ exerce sur une masse M s’écrit Gmm′ F = , r2 où G = 6.67 × 10−8 cm3 g−1 s−2 est la constante de gravitation. Plus généralement, la force de gravitation subie par m provenant d’une collection continue de masses dm = ρ(x′ ) d3 x′ s’écrit Z x′ − x ′ 3 ′ F(x) = Gm (I-1) 3 ρ(x ) d x . ′ |x − x| De même, le potentiel gravitationnel s’écrit généralement (avec la convention d’un potentiel 1 2 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE nul à l’infini) Φ(x) = −G avec Z ρ(x′ ) 3 ′ dx , |x′ − x| F = −m ∇x Φ , (I-2) (I-3) ou le gradient du potentiel (éq. [I-2]) est exprimé par rapport aux coordonnées de x. Calculons maintenant la divergence de la force. D’après l’équation (I-1) on a Z x′ − x ρ(x′ ) d3 x′ . ∇x · |x′ − x|3 X ∂ui X dλ ui = λ ∇ · u + u · ∇λ , + λ ∂xi dxi i ∇x · F = G m ! à (I-4) On a en général : ∇ · (λu) = donc, X ∂ i (λui ) = ∂xi i x′ − x ∇x · |x′ − x|3 à Puisque ! = ! à ∇x · (x′ − x) −3 + (x′ − x) · ∇x |x′ − x| . 3 ′ |x − x| (I-5) ∂x ∂y ∂z + + =3, ∂x ∂y ∂z ∇x · x = on a ∇x · (x′ − x) = −3 . D’autre part, avec ∇f α = X ei i X ∂f α ∂f = α f α−1 = α f α−1 ∇f , ei ∂xi ∂x i i on a ³ −3 ∇x |x′ − x| ´ (I-6) = ∇x ½h i 2 −3/2 (x′ − x) Or ¾ =− 3 ∇x (x′ − x)2 . 2 |x′ − x|5 (I-7) X X ∂ ∂ 2 2 (x′ − x) = (x′i − xi ) = −2 ei ei (x′i − xi ) = −2 (x′ − x) , ∂x ∂x i i i i i (I-8) où, ei est le vecteur unitaire dans la direction i. Avec les équations (I-6), (I-7) et (I-8), l’équation (I-5) se ramène à 2 ∇ (x′ − x) = X ei x′ − x ∇x · |x′ − x|3 à ! (x′ − x)2 3 +3 ′ = − ′ |x − x|3 |x − x|5 = 0 (x 6= x′ ) . (I-9) Donc, d’après l’équation (I-9), la contribution de l’intégrale dans l’équation (I-4) se limite au point x′ = x. On peut donc considérer, dans cette intégrale, la sphère de rayon h autour 3 I.2. THÉORIE DU POTENTIEL de ce point. Pour un rayon h assez petit, la densité est constante dans la sphère et donc l’équation (I-4) devient x′ − x d3 x′ ∇x · ∇x · F = G mρ(x) |x′ −x|≤h |x′ − x|3 à ! Z x′ − x = −G mρ(x) ∇ x′ · d3 x′ . 3 ′ ′ |x −x|≤h |x − x| ! à Z (I-10) L’intégrale de l’équation (I-10) se résout avec le théorème de la divergence : Z V ∇ · f dV = Z S f · dS , (I-11) qui, en symétrie sphérique revient à faire une intégrale par parties : Z Z 1 d ³ 2 ´ 2 2 r f 4πr dr = 4πr f − r2 f d(4π) = 4πr2 f . r2 dr (I-12) Avec les équations (I-10) et (I-11), la divergence de la force devient donc G mρ(x) Z (x′ − x) · dS′ . ∇x · F = − h3 |x′ −x|=h (I-13) Or il est facile de voir que le vecteur d’élément de surface dS′ est relié à l’élément d’angle solide dΩ par dS′ = (x′ − x) h dΩ . (I-14) L’équation (I-14) donne (x′ − x) · dS ′ = h3 dΩ et l’équation (I-13) devient ∇x · F = −G mρ(x) Z |x′ −x|=h dΩ = −4πG m ρ(x) . (I-15) Avec l’équation (I-3), cela donne ∇2 Φ = 4πGρ , (I-16) qui est l’équation de Poisson. Le fait que dans l’équation (I-16) de Poisson, la densité s’apparente à une dérivée seconde du potentiel implique que les potentiels gravitationnels sont plus sphériques et réguliers que les profils de densité qui leur sont associés. I.2.2 Applications de l’équation de Poisson en symétrie sphérique En symétrie sphérique, le laplacien s’écrit à df 1 d r2 ∇f= 2 r dr dr 2 ! . (I-17) Avec l’équation (I-17), l’équation (I-16) de Poisson devient 1 d r2 dr à r2 dΦ dr ! = 4πGρ (I-18) 4 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE ce qui donne l’expression simple pour le gradient du potentiel dΦ GM (r) , = dr r2 où, par définition, M (r) = Z 0 r 4π s2 ρ(s) ds (I-19) (I-20) On voit que dans l’équation (I-19), la force ne dépend que de la masse à l’intérieur du rayon r (théorème de Gauss). Considérons une particule test de masse m en orbite circulaire de rayon r dans un potentiel sphérique. D’après la seconde loi de Newton, la particule subit une force F(r) = −m dΦ v2 er = m a = −m ω 2 r = −m circ er , dr r (I-21) où a est le vecteur accélération, vcirc est la vitesse circulaire et er est le vecteur unitaire dans la direction radiale (pointant vers l’extérieur). Les équations (I-19) et (I-21) donnent pour la vitesse circulaire : G M (r) 2 vcirc = . (I-22) r I.2.3 Théorèmes de Newton Les démonstrations de cette section figurent dans le Binney & Tremaine (1987, chap. 2.1.1; 2008, chap. 2.2.1). Théorème 1 : A l’intérieur d’une coquille mince sphérique et homogène, la force gravitationnelle nette est nulle et le potentiel gravitationnel est constant. Φ(r) = Φ(0) = − GdM rcoquille (I-23) Théorème 2 : La force et le potentiel gravitationnel à l’extérieur d’une coquille sphérique sont les mêmes que si sa masse était concentrée en son centre. Φ(r) = − GdM r (I-24) Comme, les potentiels s’ajoutent de façon linéaire, le potentiel d’une distribution sphérique générale à la position r généré par une distribution sphérique de masse ρ(s) est obtenue en considérant séparément les coquilles à s < r et s > r (eqs. [I-23] et [I-24]) : Φ(r) = − Z r 0 G dM (s) Z ∞ G dM (s) − r s r 5 I.2. THÉORIE DU POTENTIEL = − Z ∞ Z ∞ GM (s) ds GM (r) , − 4πG ρ(s) s ds = − r s2 r r (I-25) où la dernière égalité est obtenue par intégration par parties. La dernière égalité de l’équation (I-25) s’obtient aussi directement de l’expression (I-19) pour le gradient du potentiel. I.2.4 Couples densité-potentiel Il existe des profils simples de densité et/ou des potentiels simples qui sont communément employés pour les amas globulaires, galaxies elliptiques et amas de galaxies. Kepler Le potentiel de Kepler est celui provenant d’une masse très concentrée, c’est-à-dire une masse ponctuelle, à laquelle est associée le potentiel Φ(r) = −GM/r et la vitesse circulaire GM 2 vcirc = . (I-26) r Le potentiel de Kepler s’applique autour de trous noirs ainsi que loin des structures (e.g. galaxies). isotherme singulier Le profil de densité ρ(r) ∝ 2 1 vcirc /4πG = 2 r r2 (I-27) 2 vcirc r G (I-28) donne lieu à une masse qui diverge : M (r) = et une vitesse circulaire constante. Le potentiel de l’isotherme singulier non-tronqué diverge en r = 0 et r → ∞. Néanmoins, il peut s’écrire 2 Φ(r) = Φ(r1 ) − vcirc ln µ r r1 ¶ , (I-29) où r1 est un rayon quelconque. Le profil singulier isotherme a été rendu populaire par l’observation de courbes de rotation plates autour des galaxies spirales ainsi que par la prédiction par les cosmologistes dans les années 70-80 de profils de densité de masse similaires (en r−9/4 Gott 1975; Bertschinger 1985). Les cosmologistes, s’appuyant désormais sur des simulations à très haute résolution de l’évolution gravitationnelle de l’Univers, penchent maintenant vers des profils de densité de masse avec des pentes plus faibles au centre (−1 : Navarro, Frenk & White 1995; −3/2 : Fukushige & Makino 1997, Moore et al. 1998, voire homogène au centre Navarro et al. 2004) et plus forts aux bords (−3 : Navarro, Frenk & White 1995, voire plus : Navarro et al. 2004). 6 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE Plummer Le profil de densité ρ(r) = ρ0 [1 + (r/a)2 ]5/2 (I-30) , étudié d’abord par Schuster (1896), puis popularisé par Plummer a aussi des caractéristiques simples. C’est le polytrope d’indice 5, le plus petit indice donnant lieu à un polytrope d’étendue infinie. Sa masse intégrée est M (r) = M (r/a)3 , [1 + (r/a)2 ]3/2 (I-31) avec une masse asymptotique M = 4π/3 ρ0 a3 . Le potentiel de Plummer prend une forme très simple : GM Φ(r) = − √ 2 (I-32) r + a2 Au début du vingtième siècle, le modèle de Plummer était populaire car il semblait bien représenter la structure des amas globulaires. Hernquist Le profil de densité ρ(r) ∝ r−1 (r + a)−3 = 8 ρ(a) (r/a) (r/a + 1)3 (I-33) est une très bonne approximation (Hernquist 1990) à la déprojection du profil en R1/4 (aussi appelé modèle de Sérsic avec m = 4), qui représente bien la brillance de surface des galaxies elliptiques géantes (de Vaucouleurs 1948; de Vaucouleurs & Capaccioli 1979). Par conséquent, le profil de Hernquist est souvent employé pour modéliser les galaxies elliptiques, voire même les amas de galaxies. Le profil de masse est r M (r) = M r+a µ ¶2 , (I-34) avec M = 16πρ(a) a3 . Le profil de Hernquist a aussi l’avantage d’être associé à un potentiel très simple : GM Φ(r) = − . (I-35) (r + a) Ce potentiel a d’abord été employé par Gutowski & Larson (1976). Voir Hernquist (1990) pour les détails du modèle. NFW Depuis 1995, les très grosses simulations cosmologiques à N corps donnent des structures ayant des profils de densité (Navarro, Frenk & White 1996) ρ(r) ∝ r−1 (r + a)−2 = 4 ρ(a) . (r/a) (r/a + 1)2 (I-36) Ce modèle, dit NFW, diverge logarithmiquement en masse à grande échelle. Son potentiel gravitationnel s’écrit (Cole & Lacey 1996) Φ(r) ∝ − ln(1 + r/a) . r/a 7 I.2. THÉORIE DU POTENTIEL Voir L à okas & Mamon (2001) pour les détails du modèle. D’autres (Fukushige & Makino 1997; Moore et al. 1998) ont trouvé dans leurs simulations cosmologiques à N corps des profils de structures encore plus pentus au centre avec ρ ∝ r−3/2 aux petits rayons. Einasto Récemment, Navarro et al. (2004) ont montré que les structures des très grosses simulations cosmologiques à N corps sont encore mieux ajustés par l’analogue 3D du modèle de Sérsic (qui ajuste très bien les profils projetés des galaxies elliptiques) h ρ(r) = ρ0 exp −(r/a)1/m i , (I-37) avec m ≃ 6. Ce profil parfois appelé Sérsic-3D est plus généralement appelé le profil d’Einasto, qui l’avait suggéré dans Einasto (1969) et avant dans un article de l’institut d’astrophysique d’Alma-Ata en 1965. Le profil d’Einasto est plus esthétique que le NFW, car il possède une densité centrale, ρ0 , finie et une masse totale qui converge. Son potentiel gravitationnel est donné par Cardone, Piedipalumbo & Tortora (2005). Figure I-1: Profils de densité (haut) et pentes associées (bas) des modèles couramment employés, où r−2 est le rayon où la pente est −2. La figure I-1 illustre les profils de densité couramment employés, ainsi que leurs pentes associées. Les rayons maximaux où les structures sont en équilibre dynamique sont envi- 8 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE ron 10 r−2 . Allant de 1% de ce rayon d’équilibre à ce rayon d’équilibre, les pentes varient typiquement de −1 à −3.5. I.3 Fonctions de distribution Soit un ensemble de particules soumis à un potentiel gravitationnel Φ. A tout moment, une description complète de ce système est fournie par la fonction de distribution, qui est la quantité, en nombre, masse ou luminosité, de particules f (x, v) d3 x d3 v contenue dans l’élément infinitésimal de volume d3 x autour de x avec des vitesses dans l’intervalle infinitésimal d3 v autour de v. Tout système physique doit avoir f ≥ 0 dans tout l’espace 6-dimensionnel, dit espace de phases. Pour passer de la densité 6D vers la densité 3D, il faut intégrer sur les vitesses. Ainsi, la densité en masse d’un système est donnée par ρ(x) = Z f (x, v) d3 v , (I-38) (on emploiera la notation ν pour la densité en nombre et ℓ pour la densité de luminosité, appelée aussi émissivité). En appliquant l’équation (I-16) de Poisson à l’équation (I-38), on obtient l’équation de Vlasov-Poisson ∇2 Φ(x) = 4π G Z f (x, v) d3 v . (I-39) qui exprime le potentiel gravitationnel en termes d’une intégrale sur la fonction de distribution. De même, on a les relations ρv i = Z f vi d3 v , (I-40) ρvi vj = Z f vi vj d3 v . (I-41) Il est utile de séparer les mouvements globaux des mouvements aléatoires : vi vj = vi vj + σij2 , (I-42) où σij2 sont les composantes du tenseur des vitesses σ 2 . D’après l’équation (I-42), σ 2 est une matrice réelle et symétrique et peut donc être diagonalisée. Les trois éléments diagonaux représentent les dispersions de vitesses le long des trois axes principaux du système (en général de forme triaxialle). Par exemple, dans un système sphérique, on peut définir les trois dispersions de vitesses σr ≡ σrr σθ ≡ σθθ σφ ≡ σφφ , (I-43) I.4. EQUATION DE BOLTZMANN SANS COLLISION 9 et par symmétrie, on a toujours σθ = σφ , pour des systèmes en équilibre et sans rotation. On appelle système isotrope un système avec un tenseur isotrope de vitesses, c’est-à-dire σr = σθ = σφ . I.4 I.4.1 Equation de Boltzmann sans collision Formulation Dans la limite fluide, c’est-à-dire de grand N , l’évolution de la fonction de distribution d’un système de particules ne se fait pas par sauts, mais de façon continue. Ainsi la fonction de distribution suit une équation de continuité (voir COURS II, chap. 1), qui de la manière la plus simple s’écrit : df =0 , (I-44) dt c’est-à-dire que la densité dans l’espace de phases est constante c’est-à-dire que la dérivée convective est nulle, ce qui revient encore à dire que le volume 6D occupé par un ensemble de particules est constant. Comme f = f (x, v, t), on a directement ∂f dv df df = + v · ∇f + · . dt ∂t dt dv (I-45) La condition df /dt = 0 s’écrit alors : ∂f df + v · ∇f − ∇Φ · =0 . ∂t dv (I-46) L’équation (I-46), qui a été introduite en astrophysique par Jeans (1915) est appelée équation de Boltzmann sans collision ou équation de Liouville (qui réprésente en général l’équation de la distribution dans l’espace de phases à 6 N dimensions), ou encore équation de Vlasov (voir Hénon 1982 pour ce problème de nomenclature). La notation générale w = (x, v) (I-47) définit une coordonnée de l’espace 6-dimensionnelle de phases, ce qui permet d’écrire l’équation (I-46) plus simplement : ∂f + ẇ · ∇w f = 0 , (I-48) ∂t P où ∇w = 6i=1 ei ∂/∂wi . En intégrant l’équation (I-48) sur les 6 coordonnées de l’espace de phases, le premier terme contribue Z ∂f 6 ∂M ∂ ( f d6 w) d w= = , ∂t ∂t ∂t R (I-49) 10 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE ce qui représente la variation intrinsèque de la masse dans un volume donné de l’espace de phases. De même, le second terme contribue Z ẇ · ∇w f d6 w = Z ∇w · (f ẇ) d6 w − Z f ∇w · ẇ d6 w = Z ∇w · (f ẇ) d6 w . (I-50) Le second terme de la seconde égalité est nul car ∇w · ẇ = 6 X ∂ ẇi i=1 ∂wi = 3 X ∂vi i=1 ∂xi − 3 X ∂ i=1 ∂vi à ∂Φ ∂xi ! =0, (I-51) puisque les vitesses sont indépendantes des positions, et les gradients de potentiel, fonctions des positions, sont indépendantes des vitesses. L’équation (I-50) devient donc Z 6 ẇ · ∇w f d w = Z 6 ∇w · (f ẇ) d w = Z f ẇ · dw S , (I-52) où la seconde égalité provient du théorème de la divergence (éq. [I-11]), et où dw S est une surface (à 5 dimensions) de l’espace de phases. Les équations (I-49) et (I-52) conduisent alors à Z ∂M = − f ẇ dw S . ∂t (I-53) Le terme ẇ dw S représente un début volumique et f ẇ dw S un débit de masse. On déduit donc de l’équation (I-53) que l’équation de Boltzmann sans collision est analogue à une équation de continuité du fluide 6D de l’espace de phases, où la variation intrinsèque du nombre de particules est équilibrée par le taux net de particules sortant de la surface de l’élément de volume 6D. L’équation de Boltzmann sans collision régit tous les systèmes dynamiques, qu’ils soient en équilibre ou non. Quand un système dynamique est composé de plusieurs sous-systèmes de particules (par exemple, de masse donnée), l’équation de Boltzmann sans collision s’applique à chaque sous-système. Les contre-exemples sont 1) les systèmes dont les particules interagissent directement (par exemple, les galaxies qui fusionnent être elles) et 2) les systèmes ou les particules naissent ou meurent (par exemple, les étoiles qui explosent en fin de vie). Nous verrons au Chapitre VI dans quel cas est-ce que nous ne pouvons plus considérer les particules comme des particules test qui n’interagissent pas mais naviguent dans un potentiel gravitationnel. I.4.2 Coordonnées sphériques En coordonnées sphériques, les 6 variables de l’espace de phases sont r, θ, φ, vr , vθ et vφ . L’équation de Boltzmann sans collision (éq. [I-46]) devient ∂f ∂f ∂f ∂f ∂f ∂f ∂f + ṙ + θ̇ + φ̇ + v˙r + v˙θ + v˙φ . ∂t ∂r ∂θ ∂φ ∂vr ∂vθ ∂vφ (I-54) 11 I.4. EQUATION DE BOLTZMANN SANS COLLISION Figure I-2: Coordonnées sphériques Pour continuer il faut évaluer les dérivées des coordonnées dans l’espace de phases. Pour cela, on note qu’en coordonnées sphériques, si on appelle E le vecteur dans les trois composantes sont er , eθ et eφ , alors il est facile de montrer (voir Fig. I-2) que ∂E =0, ∂r (I-55) 0 1 0 ∂E = −1 0 0 E, ∂θ 0 0 0 et (I-56) 0 0 sin θ ∂E 0 0 cos θ = E ∂φ − sin θ − cos θ 0 (I-57) Alors étant donné que r = r er on a : v= dr = ṙ er + r θ̇ eθ + r sin θ φ̇ eφ dt (I-58) (I-59) 12 COURS I. THÉORIE GÉNÉRALE et a = ³ ´ r̈ − r θ̇2 − r sin2 θ φ̇2 er ³ ´ + 2 ṙ θ̇ + rθ̈ − r sin θ cos θ φ̇2 eθ ³ ´ + r sin θ φ̈ + 2 ṙ sin θ φ̇ + 2 r cos θ θ̇ φ̇ eφ (I-60) Alors, d’après l’équation (I-59) on a les relations ṙ = vr , vθ , θ̇ = r vφ φ̇ = , r sin θ (I-61) (I-62) (I-63) et avec les équations (I-21) et (I-60), en symétrie sphérique on a les relations vθ2 + vφ2 ´ dΦ + dr ³ r ´ vr vθ − cot θ vφ2 = ṙ θ̇ + r θ̈ = − r v̇r = r̈ = − v̇θ ³ v̇φ = ṙ sin θ φ̇ + r cos θ θ̇ φ̇ + r sin θ φ̈ = − (vr vφ + cot θ vθ vφ ) . r (I-64) Avec les équations (I-63) et (I-64), l’équation de Boltzmann sans collision (éq. [I-54]) devient ∂f ∂t v 2 + vφ2 dΦ ∂f vθ ∂f vφ ∂f ∂f + vr + + + θ − ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r dr ∂vr ³ ´ 1 2 ∂f ∂f 1 + − [vφ (vr + vθ cot θ)] =0. vφ cot θ − vr vθ r ∂vθ r ∂vφ à ! (I-65) Ce calcul de l’équation de Boltzmann sans collision en coordonnées et symétrie sphérique est plus simple lorsque l’on emploie un formalisme Hamiltonien. COURS II Fonctions de distribution II.1 Théorèmes de Jeans Une fonction I(x, v) des coordonnées de l’espace de phases est appelée intégrale du mouvement si et seulement si d I[x(t), v(t)] = 0 . dt (II-1) L’équation (II-1) se développe comme suit 0= dI ∂I dx ∂I dv · + · = v · ∇I − ∇Φ · , ∂x dt ∂v dt dv (II-2) et alors l’analogie avec l’équation (I-46) de Boltzmann sans collision implique que la condition pour que I soit une intégrale du mouvement est identique à la condition pour que I soit solution stationnaire (∂I/∂t = 0) de l’équation de Boltzmann sans collision. Ainsi, toute fonction de distribution, solution stationnaire de l’équation de Boltzmann sans collision, est une intégrale du mouvement, et toute fonction f (I) d’une intégrale de mouvement est solution stationnaire de l’équation de Boltzmann sans collision. Par extension, s’il existe n intégrales du mouvement I1 , ..., In , alors n X ∂f dIk d f [I1 (x, v), ..., In (x, v)] = =0. dt k=1 ∂Ik dt (II-3) On en déduit le théorème de Jeans : toute fonction de distribution, solution stationnaire de l’équation de Boltzmann sans collision, dépend de ses coordonnées d’espace de phase seulement à travers des intégrales du mouvement, et toute fonction des intégrales de mouvement est une solution stationnaire de l’équation de Boltzmann sans collision. 13 14 COURS II. FONCTIONS DE DISTRIBUTION II.2 Systèmes sphériques avec f = f (E), inversion d’Eddington En général, un système sphérique admet une fonction de distribution qui dépend de l’énergie E et du moment angulaire (appelé souvent en France, moment cinétique, ce qui est une terminologie bien moins adaptée) J seulement (Lynden-Bell 1962). Un système sphérique qui n’a pas de rotation (la rotation est généralement negligeable dans les systèmes auto-gravitants quasi-sphériques en astrophysique) aura une fonction de distribution qui ne dépendra que de E et du module du moment angulaire, J. Pour un système sphérique avec f = f (E), les vitesses quadratiques moyennes selon les axes sphériques sont ρ vr2 = Z dvφ Z dvθ Z dvr vr2 ´ 1³ 2 f vr + vθ2 + vφ2 + Φ , 2 · ¸ (II-4) (où f est ici la fonction de distribution des masses), et de même, ρ vθ2 = Z dvφ Z dvr Z dvθ vθ2 ´ 1³ 2 vr + vθ2 + vφ2 + Φ . f 2 · ¸ (II-5) Les équations (II-4) et (II-5) sont identiques si on permute vr et vθ , et il en résulte que vr2 = vθ2 = vφ2 . (II-6) La seconde égalité de l’équation (II-6) est évidente par symétrie. La première égalité de l’équation (II-6) définit un système isotrope (voir cours I, sec. 3). Ceci dit, pour un système sphérique avec f = f (E), il ne peut y avoir de direction privilégiée, donc le système doit être isotrope. Donc, un système sphérique dont la fonction de distribution ne dépend que de l’énergie est forcément isotrope. Réciproquement, à un point donné d’un système sphérique isotrope, toutes les directions du vecteur vitesse sont équiprobables. Donc, la densité de phase ne dépend pas de l’orientation du vecteur vitesse par rapport au rayon vecteur, et par conséquent la fonction de distribution ne peut dépendre du moment angulaire. Pour un système isotrope, la densité du système s’écrit alors ρ(r) = Z 3 fd v= Z 0 ∞ ¶ Z 0 q 1 2 5/2 v + Φ dv = 2 π 4πv f f (E) E − Φ(r) dE , 2 Φ(r) 2 µ (II-7) avec Φ ≤ E ≤ 0. D’après l’équation de Poisson, la densité est une fonction du potentiel. On peut donc calculer la dérivée de la densité par rapport au potentiel : Z 0 f (E) dE dρ 3/2 q = −2 π . dΦ Φ E − Φ(r) (II-8) II.2. SYSTÈMES SPHÉRIQUES AVEC F = F (E), INVERSION D’EDDINGTON 15 L’équation (II-8) est une équation intégrale d’Abel qui se résout√de la façon suivante : (voir aussi le problème de la déprojection, cours IV) : On divise par Φ − Ψ, et on intègre de Ψ à 0 : − Z 0 Z 0 2−3/2 Z 0 ρ′ (Φ) dΦ f (E) dE q √ = dΦ π Ψ Φ Ψ Φ−Ψ (E − Φ) (Φ − Ψ) Z 0 Z E dΦ q , = f (E) dE Ψ Ψ (E − Φ) (Φ − Ψ) (II-9) avec la notation ρ′ (Φ) = dρ/dΦ, et où la seconde égalité est obtenue après inversion de l’ordre d’intégration. Avec le changement de variable sin2 θ = (Φ − Ψ)/(E − Ψ), on trouve Z dΦ E Ψ et donc q (E − Φ) (Φ − Ψ) =2 Z 0 π/2 dθ = π Z 0 2−3/2 Z 0 ρ′ (Φ) dΦ √ =π f (E) dE . π Ψ Ψ Φ−Ψ On sort f (E) en dérivant par rapport à Ψ et en remplaçant Ψ par E : − à ! 2−3/2 d Z 0 dρ dx √ . f (E) = 2 π dE E dΦ Φ=x x − E (II-10) (II-11) Il ne faut pas s’inquiéter que, dans l’équation (II-11), dρ/dΦ est extrapolé à Φ = x > E, car x est une variable bidon d’intégration. Ainsi, d’après l’équation (II-11), pour qu’un système sphériqueR isotrope admette√partout une fonction de distribution positive ou nulle partout il faut que E0 (dρ/dΦ)Φ=x dx/ x − E soit une fonction croissante de E. L’expression pour la fonction de distribution se simplifie avec le changement de variable x = E sin2 η: " # Z π/2 d √ d Z 0 ρ′ (x) dx ′ 2 √ = 2 −E ρ (E sin η) sin η dη dE E x − E dE 0 Z π/2 √ 1 Z π/2 ′ 2 √ ρ (E sin η) sin η dη + 2 −E ρ′′ (E sin2 η) sin3 η dη = − 0 −E 0 Z 0 ′ dx ρ (0) + , (II-12) ρ′′ (x) √ = −√ E −E x−E avec la notation ρ′′ = d2 ρ/dΦ2 , où l’équation (II-12) est obtenue par intégration par parties puis passage de la variable η à la variable x. Les équations (II-11) et (II-12) donnent alors " ! à ! # à dx 1 2−3/2 Z 0 d2 ρ dρ √ . −√ f (E) = π2 dΦ2 Φ=x x − E E −E dΦ Φ=0 (II-13) L’équation (II-13) est appelée équation d’inversion d’Eddington (Eddington 1916). 16 COURS II. FONCTIONS DE DISTRIBUTION Dans l’équation (II-13), le second terme est nul, car à dρ dΦ ! Φ=0 = r→∞ lim dρ/dr r2 dρ/dr ∝ r→∞ lim , dΦ/dr M (r) (II-14) où le dernier terme de l’équation (II-14) est obtenu avec l’équation (I-19). Pour ρ ∝ rα à grand r, l’équation (II-14) conduit à (dρ/dΦ)Φ=0 ∝ 1/r2 → 0 (∀α). On obtient donc finalement à ! 2−3/2 Z 0 d2 ρ dx √ . f (E) = 2 2 π dΦ Φ=x x − E E II.3 (II-15) Modèles basés sur des fonctions de distribution Les fonctions de distribution suivantes sont indiquées pour E < 0 et valent 0 pour les particules non-liées au système (E ≥ 0). King (1966) Le modèle de King (1966), d’abord formulé par Michie (1963), est isotrope, isotherme (σr = cte), tronquée h i f (E) = Cte exp(−E/σr2 ) − 1 . (II-16) La troncation en énergie assure que les particules marginalement liées sont rares, et comme celles-ci ont tendance à être aux bords du système, la troncation en énergie cause une troncation du profil de densité à grand rayon. Wilson L’étudiant de King, Wilson (1975), a proposé une famille de modèles de fonctions de distribution, dont la version isotrope s’écrit h i f (E) = Cte exp(−E/σr2 ) − 1 + E/σr2 . (II-17) Le dernier terme de l’équation (II-17) élimine le terme linéaire de la limite de f (E) vers E = 0 ne gardant que le terme quadratique (rendant ainsi la dérivée df /dE continue à E = 0). L’intérêt du modèle isotrope de Wilson est qu’il ajuste encore mieux que le modèle de King les profils de brillance de surface des amas globulaires (McLaughlin & van der Marel 2005). Michie Le modèle de Michie (1963), (parfois appelée King-Michie), est identique, mais anisotrope h i h i f (E, J) = Cte exp(−E/σv2 ) − 1 exp −J 2 /(2ra2 σv2 ) , (II-18) où ra correspond au rayon d’anisotropie et 3 σv2 = σr2 + 2 σθ2 est le carré de la dispersion totale de vitesses, qui est indépendant de la position. Dans le cœur du système, E est très négatif et f varie plus rapidement avec E qu’avec J. On se retrouve dans le II.3. MODÈLES BASÉS SUR DES FONCTIONS DE DISTRIBUTION 17 cas d’un modèle de King, et par conséquent, le centre d’un modèle Michie-King doit être isotrope. Aux bords du système, c’est le terme en J qui domine, et comme il n’est important que lorsque J est petit, on déduit une anisotropie radiale (σr > σt où σt = σθ = σφ ) pour r ≫ ra . Dans la limite ra → ∞, on retrouve, bien sûr, le modèle de King. Osipkov-Merritt Les modèles d’Osipkov-Merritt (Osipkov 1979; Merritt 1985a; 1985b) représentent une famille de fonctions de distribution anisotropes, qui présente l’avantage d’exprimer la fonction de distribution en terme d’une variable unique : J2 f (E, J) = f E + 2 2 ra à ! , (II-19) où ra est encore un rayon d’anisotropie. On peut donc appliquer les modèles d’OsipkovMerritt à n’importe quel profil de densité physique. A nouveau, E domine au centre et J aux bords, de sorte qu’un système Osipkov-Merritt est isotrope au centre et possède une anisotropie radiale aux bords. La figure II-1 illustre les fonctions de distribution exponentielle, King et Wilson, avec les problèmes de discontinuité en E = 0 de f ou df /dE. Figure II-1: Fonctions de distribution exponentielle, King et Wilson. 18 COURS II. FONCTIONS DE DISTRIBUTION II.4 Exercices 1. (examen 2001) Etant donné la distribution sphérique de masse M (r) = M µ r r+a ¶3 calculer en fonction du rayon r, de l’échelle caractéristique a et de la masse totale M : (a) la vitesse circulaire au rayon r, (b) la densité de masse ρ(r), (c) le potentiel Φ(r), de sorte que r→∞ lim Φ(r) = 0 2. Montrer que la fonction de distribution d’un modèle de Plummer sphérique avec une distribution isotrope de vitesses satisfait f (E) ∝ (−E)7/2 . 3. Trouver un exemple de profil de densité à portée finie, pour lequel le terme de surface de la formule (eq. [II-13]) d’inversion d’Eddington n’est pas nul.