La Gazette Santé-Social • septembre 2015 17
DOSSIER
sont remboursés à 55 %), reste à mettre en place
une réelle démocratie sanitaire… L’Observa-
toire de la régionalisation du système de santé
créé en 2011 par Olivier Mariotte, président de
l’agence conseil Nile (6), préconise « d’informer
et sensibiliser le grand public aux conseils de
vie sociale, de transformer les conférences régio-
nales de la santé et de l’autonomie en instance
« force de propositions » et de permettre une
capacité d’adaptation des territoires de santé ».
Donner des moyens aux acteurs
de terrain
Depuis les lois de décentralisation de 1983
et 2003, des pans entiers de l’action sociale ont
été délégués aux départements, avec notam-
ment la gestion du revenu minimum d’insertion
en 2004. À tel point qu’en 2011, ils prennent
en charge 86,9 % des dépenses sociales des
collectivités locales… Côté santé, la loi HPST de
2009 ambitionnait de réduire les inégalités ter-
ritoriales de santé, d’assurer un meilleur accès
aux soins en répartissant l’offre. Mais là encore,
c’est l’État qui gère, via les agences régionales de
santé, à qui le PLFSS 2015 confi e de nouvelles
missions. En Suède, les autorités locales sont
responsables devant la loi de la fourniture des
soins de santé aux personnes résidant sur leur
territoire. En Allemagne, l’organisation fédérale
confère un pouvoir aux länder en matière hospi-
talière. Donner de vrais moyens aux acteurs sur
le terrain est une piste, « alors que la région est
supposée être l’unité géographique et politique
centrale de l’organisation et de l’effi cience du
système de santé… », souligne Olivier Mariotte.
« La conscience de la solidarité […] n’existe
pas spontanément, il importe de la créer et de
l’entretenir par un effort d’éducation, condition
fondamentale de la poursuite et de l’expansion
de l’institution dans les années qui viennent »,
écrivait Pierre Laroque. Or, force est de constater
que les assurés ne se sont pas emparés de la Sécu.
D’aucuns prônent le retour en force des parte-
naires sociaux dans la gouvernance du système,
qui appartient désormais aux experts et à l’admi-
nistration. Car si les Français restent très attachés
à leur système protecteur, ils commencent à le
trouver trop coûteux. Surtout, ils sont nombreux
à penser que la protection sociale ne devrait
bénéfi cier qu’aux cotisants (7). Pour « continuer
à faire vivre ce cœur battant de notre République
sociale » (8), il est temps d’expliquer à nouveau
le sens de la solidarité. ◆
Christelle Destombes
(1) Pierre Laroque, «Le plan français de Sécurité sociale », in
« Revue française du travail », n° 1, avril 1946.
(2) http://communication-securite-sociale.fr/
(3) «Pourquoi et comment réinventer notre sécurité sociale pour
la sauver? », http://www.huffingtonpost.fr/frederic-bizard
(4) « Financement de la protection sociale - Équilibre financier –
Fiscalisation », Lionel Ragot, http://www.institut-montparnasse.fr/
financer-la-protection-sociale-n2-equilibre-financier-fiscalisation-2/
(5) «Rapport sur la lisibilité des prélèvements et l’architecture
financière des régimes sociaux », Haut conseil du financement de
la protection sociale, juillet 2015, http://www.securite-sociale.fr/
IMG/pdf/rapport_sur_la_lisibilite_des_prelevements_et_l_archi-
tecture_financiere_des_regimes_sociaux.pdf
(6) http://observatoire-regionalisation.fr/
(7) Baromètre Drees en juin 2015, http://www.drees.sante.gouv.
fr/le-barometre-d-opinion-de-la-drees,11136.html
(8) Marisol Touraine à l’occasion du lancement des 70 ans de la
Sécurité sociale.
« Il est institué une organisation
de la Sécurité sociale destinée à
garantir les travailleurs et leurs
familles contre les risques de toute
nature susceptibles de réduire ou de
supprimer leurs capacités de gain,
à couvrir les charges de maternité
ou les charges de famille qu’ils
supportent ». Universalité, unité,
uniformité, sont les trois ambitions
à l’œuvre. Une seconde ordonnance
est prise le 9 octobre relative aux
prestations. Article 1er de l’ordon-
nance portant organisation de la
Sécurité sociale du 4 octobre 1945.
LA DÉFINITION LE POINT DE VUE
Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss
En 1945, les caisses de l’État sont vides, les dif-
fi cultés économiques sont majeures et pourtant
le système social de protection se met en place.
Cette protection a participé à la croissance, au ni-
veau économique et social. C’est un choix de so-
ciété, de solidarité et d’universalité. Cette inven-
tion extraordinaire a certes besoin de se moderniser et de s’adapter,
mais son sens reste entier. Aujourd’hui, c’est la guerre économique, la
problématique est celle de la redistribution des richesses: quelle so-
ciété voulons-nous? Un système de protection universaliste, solidaire
où tout le monde contribue ou un système assurantiel comme l’ont
développé les États-Unis? L’erreur serait de défendre un système à
bout de sou e, mais pour réinventer un système dynamique pour
les 50 ans à venir, il faut arrêter de nous plaindre et trouver des solu-
tions: soyons moins plaintifs, et plus créatifs.
© FONDATION ABBÉ PIERRE
REPÈRES
• « Allons enfants…
de la Sécu »,
publication de l’Institut
Montparnasse, juin 2015.
• « La Sécurité sociale,
une institution de la
démocratie »,
Colette Bec,
Gallimard, 2014.
• « Refonder le modèle
social français?
Pourquoi?
Comment? »,
Frédéric Bizard, institut
Thomas More, 2013.
• « Refonder le système
de protection sociale.
Pour une nouvelle
génération de droits
sociaux »,
de Bernard Gazier,
Bruno Palier et Hélène
Périvier, Les Presses de
Sciences Po, 2014.
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