Les ischémies myocardiques et médecine postopératoire : Diagnostic, traitement
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Quelques études soutiennent une telle hypothèse : en 1998, Wallace avait montré que les
patients bêta-bloqués, ayant présenté moins de périodes d’ischémie sur le holter, décédaient
moins fréquemment dans les années suivantes [22]. En 2006, Feringa et al. observaient la
même chose en utilisant les dosages de Troponine pour diagnostiquer l’ischémie myocardique
[23]. Enfin, dans notre établissement, nous avons pu constater qu’une politique
d’amélioration de la qualité des soins postopératoires, entrainant une diminution du risque
d’ischémie myocardique avec libération de Troponine, améliorait également le pronostic
cardiaque postopératoire à long terme [24]. Ces trois travaux qui, en diminuant l’incidence
des ischémies myocardiques périopératoires, améliorent le pronostic des patients à long
terme, suggèrent donc que les ischémies myocardiques périopératoires sont bien la cause des
complications cardiaques à long terme et non seulement le marqueur d’une maladie sous-
jacente.
Quoiqu’il en soit, la détection de patients exposés à un risque accru de complication demeure
un objectif pertinent dans la mesure où elle permet de déterminer quels sont les patients
justifiant d’une intensification des soins (hospitalisation en soins continus par exemple) voire
de proposer une thérapeutique adaptée. Il a ainsi été démontré, sur de vastes populations
chirurgicales, que le traitement adapté des complications postopératoires était plus
déterminant dans le taux de mortalité postopératoire des établissements que leur capacité à
éviter ces complications [25].
3. Prévention des complications périopératoires et qualité des soins
Il est licite de vouloir construire une stratégie de réduction des risques dans sa propre
institution, d’autant qu’il existe dans la littérature des données suggérant qu’une telle
approche puisse être efficace. Une allocation pertinente des ressources nécessite de réaliser
une cartographie du risque propre à son institution et à sa pratique, puis d’élaborer une
politique de soins en fonction de sa propre cartographie du risque et des données de la
littérature médicale.
L’étape suivante est de choisir ou construire un instrument de mesure (indicateur). Le plus
séduisant serait la mortalité ; mais d’une part la mortalité consécutive aux ischémies
postopératoires ne s’exprime que des mois après la chirurgie et, d’autre part, la relation
causale entre mortalité et ischémies myocardiques postopératoires (IMPO) est délicate à
obtenir. Son établissement est consommatrice de temps et de personnel quand elle est réalisée
de manière exhaustive (par exemple par suivi téléphonique ou par revue des dossiers par des
pairs). Il est donc indispensable de disposer d’un indicateur « intermédiaire » fiable et
immédiatement disponible dont le suivi de l’incidence va constituer un outil de pilotage de la
politique de soins. De tels indicateurs, comme le holter ST [9, 22, 26] ou la troponine [27-31]
existent pour les IMPO.
Dans notre établissement, nous utilisons l’incidence des élévations postopératoires de la
Troponine comme indicateur de résultat de la qualité des soins après une étape de validation
de sa pertinence en terme de morbi-mortalité en chirurgie orthopédique [24].
Le choix des interventions pourrait grossièrement correspondre à la phase d’analyse
préliminaire des risques, classiquement réalisée dans les industries « à risque ». Le parcours
médical du patient n’est cependant pas un processus industriel au stade de la conception dont
l’élaboration serait laissée à l’entière discrétion d’un chef d’orchestre unique. L’attitude la
plus réaliste paraît donc de comprendre le processus tel qu’il est et d’accéder à ses défauts
pour pouvoir les améliorer. Dans le monde de l’industrie, une telle méthodologie porte le nom
d’analyse des modes de défaillance de leur effet et de leur criticité (AMDEC). Les modes de
défaillance sont classés selon trois axes : criticité, fréquence et détectabilité en fonction de nos
connaissances sur la physiopathologie de l’ischémie myocardiques périopératoire. Les causes