Newsletter n°2 OncoBasseNormandie
laisser repartir la personne sans rendez-vous, sans projet? Certains radiologues vont prévenir le
médecin traitant qui va recevoir rapidement le patient, avec un projet de prise en charge rapide si un
parcours patient a été défini auparavant sur le territoire.
Que dire de la femme qui fait sa mammographie de dépistage et qui constate l'embarras du
radiologue lui expliquant la présence d'anomalies? Le radiologue pourra-t-il consacrer le temps
nécessaire à la compréhension de cette femme dont la vie bascule?
Comment gérer l’annonce, dans un service d’urgence, de lésions cérébrales découvertes lors du
bilan d’un malaise chez une patientes traitée il y a plusieurs mois pour un cancer du sein ?
Il y a l'annonce de la maladie mais également dans le cadre de la prise en charge en
cancérologie, l'annonce de la récidive alors que la personne est en surveillance, l'annonce de
l'aggravation malgré le traitement, l'annonce de la progression malgré tous les traitements reçus avec
l'annonce de la prise en charge en soins palliatifs. Ces temps d'annonce sont très particuliers, le lien
entre patient et cancérologue est bien établi, l'information est difficile à délivrer et encore plus à
recevoir. Je ne parlerai pas du sentiment d'échec du cancérologue, mais plutôt du caractère
inéluctable de la progression du cancer qui rend la prise en charge de cette pathologie très
particulière. Il faut gérer l'information et les émotions, les échanges avec la famille, la sidération
parfois qu'entraîne la compréhension de la gravité.
Chaque temps d'information d'une évolution péjorative nécessite une disponibilité du praticien
qui doit s'adapter à la situation. Et, malgré son expérience, malgré sa connaissance des dossiers, une
journée surchargée, des éléments manquants qu'il découvre durant la consultation, ou après le
départ du patient, un cancérologue peut être mis en difficulté et se retrouver régulièrement
déséquilibré, et perdre peu à peu ses marques. Le burn-out existe en cancérologie. Il doit être
anticipé par un travail d'équipe, par le respect des étapes nécessaires à la prise en charge en
cancérologie. Il est nécessaire de prendre le temps d'analyser ce que l'on a mal vécu pendant une
consultation: l'agressivité du patient, de sa famille, la remise en cause de nos propositions, la relation
pathologique du couple dont on suit le mari... et toutes les situations que l'on vit mal, la consultation
que l'on voit arriver comme une punition, de laquelle on sort vidé.
J'ai la grande chance d'avoir pu faire un stage de théâtre organisé par le Pr Marc Ychou à
Montpellier, qu'il a mis en place avec le metteur en scène Serge Ouatkine. Travailler avec son corps,
lâcher prise et analyser ses forces et ses faiblesses, la réaction aux émotions, mais également
travailler sa voix, sa respiration. Cela apporte beaucoup, notamment pour la gestion des situations
particulièrement difficiles. Ces stages sont riches d’enseignement pour tout cancérologue, quel que
soit son ancienneté dans sa pratique. Bien sûr, introduire cette démarche tôt est un plus pour les
étudiants. Depuis peu, ce type de formation fait partie des études médicales à la faculté de médecine
de Montpellier, ce qui est certainement un exemple à suivre.
Il n'y a pas de recette pour bien faire une annonce, en revanche, il est nécessaire d'être en accord
avec soi-même, avec la prise en charge. Il est nécessaire d'être sincère, de vivre l'échange avec
sérénité et lucidité, en acceptant la relation et en jouant le jeu de l'écoute et de la disponibilité.