Le traitement hormonal intermittent dans le cancer de la

Progrès en Urologie (1997), 7, 1026-1027
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Le traitement hormonal intermittent dans le cancer de la prostate
Marc ZERBIB, Sophie CONQUY
Service d’Urologie, Hôpital Cochin, Paris, France
La découverte il y a près de 50 ans de l'androgéno-
dépendance du cancer de prostate a soulevé le grand
espoir de permettre le traitement de ces tumeurs par
une castration médicale ou chirurgicale. Bien qu'effica-
ce sur un plan palliatif, ces méthodes thérapeutiques
n'ont toutefois pas démontré de vertus réellement cura-
tives et elles se sont, de plus, révélées être grevées
d'une morbidité importante. Quel que soit le traitement
utilisé (Diethylstilboestrol (DES) ou plus récemment
agonistes de la LH-RH et anti-androgènes), il est
observé par l'ensemble des auteurs l'apparition pour
des raisons encore mal connues d'une androgéno-indé-
pendance au bout d'un délai moyen de 24 mois.
Parallèlement, il s'avère que ces traitements sont res-
ponsables d'une réduction importante de la qualité de
vie des patients et des effets secondaires systémiques
non négligeables. Enfin ils représentent, pour les trai-
tements médicamenteux, un coût important. C'est à
partir de ces constatations et de données expérimen-
tales chez l'animal, que le concept du traitement hor-
monal intermittent est apparu : nous tenterons ici, à
partir de données historiques, des séries publiées et de
notre propre expérience, de discuter les avantages d'un
tel traitement et ses possibilités d'utilisation en pratique
clinique.
HISTORIQUE
La première utilisation du traitement hormonal intermit-
tent a é rapporté par K
L O T Z
en 1986 à propos de 19
patients alors traité par Diethylstilboestrol pour un cancer
de prostate tastatique avec une interruption du traite-
ment s lors qu'une réponse clinique était obtenue et une
reprise de celui-ci lors de la réapparition des symptômes
[7]. Les auteurs rapporrent une alioration de la qua-
lité de vie et aucun effet secondaire chez les patients sur-
vivants. Ils ont d'emblée montré la bonne réponse au
deuxième traitement lorsque celui-ci était nécessaire.
Différents travaux ont ensuite été réalisés chez l'animal
ou sur des modèles tumoraux. L'équipe de RUSSO [9] a
montré chez le rat qu'un traitement par DES intermit-
tent permettait de contrôler le volume tumoral mais
n'améliorait pas la survie concluant alors à une
moindre efficacité du traitement intermittent par rap-
port à la castration chirurgicale. Le carcinome andro-
géno-dépendant Shionogi se comportant de façon simi-
laire au cancer de prostate, BRUCHOWSKI [1] a pu dans
ces tumeurs montrer que le traitement hormonal inter-
mittent permettait de différer l'androgéno-indépendan-
ce à 147 jours contre 51 jours en cas de castration, sug-
gérant ainsi qu'un traitement intermittent peut dif
férer
la progression tumorale. SATO [10] a étudié un modèle
tumoral (LNCaP) chez la souris et a montré que 15
semaines après castration le taux de PSA est à 7 ng/ml
dans le groupe à castration continue contre 1,9 ng/ml
dans le groupe traité de façon intermittente et ceci par
une modification du gène de différenciation tumorale.
LES SERIES PUBLIEES
Environ 150 patients soumis au traitement hormonal
intermittent ont fait l'objet de publications ou de com-
munications récentes. Les critères d'inclusion, les trai-
tements utilisés et surtout le choix de la période d'arrêt
et de retraitement sont sensiblement différents d'une
série à l'autre, rendant les comparaisons difficiles. Il
n'en reste pas moins que les résultats sont assez concor-
dants. La série de G
OLDENBERG
[4, 5] comporte 62
patients pour lesquels le traitement a été arrêté 6 mois
après obtention du nadir du PSA et repris dès lors que
le PSA atteignait 10 ng/ml. Dans son expérience, les
cycles comportent en moyenne 73 semaines de traite-
ment pour 30 semaines d'arrêt, période pendant laquel-
le l'amélioration du bien-être est très rapide de même
que la reprise d'une vie sexuelle chez les patients qui ne
présentaient pas de trouble avant le début du traitement
[3]. L'obtention du nadir du PSA dans un délai compris
entre 24 et 32 semaines du premier traitement leur
semble être un facteur pronostique essentiel. En effet,
seuls les patients présentant une hormonosensibilité
complète avec PSA normalisé en 3 à 6 mois peuvent
bénéficier d’un traitement intermittent. Rapportant une
série de 40 patients, l'équipe de C
ROOK
[2] a interrom-
pu le traitement dès lors que le PSA était inférieur à 4
ng/ml, le reprenant pour des dosages supérieurs à 10
ng/ml. Ainsi, les cycles de traitement comportent en
moyenne 34 semaines pour des arrêts de 29 semaines et
dans deux tiers des cas, les auteurs ont noté une norma-
lisation de la testostérone à l'arrêt du traitement, obser-
vation identique à celle de I
RANI
[6] sur 12 patients.
Manuscrit reçu : juillet 1997.
Adresse pour correspondance : Pr.M. Zerbib, Service d’Urologie, Hôpital
Cochin, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris Cedex 14.
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NOTRE EXPERIENCE
68 patients, d'âge moyen 70 ans (57-88), présentant un
cancer de prostate de stade D2 (dans 31% des cas) et pT3
en récidive biologique (69%) ont été trais par une hor-
monothérapie intermittente après avoir obtenu le nadir de
leur PSA pendant au moins 6 mois. La surveillance est
réalisée cliniquement par des dosages de PSA et une
enqte de qualité de vie tous les 3 mois, l'hormonothéra-
pie étant reprise s que le PSA devient surieur à 4
ng/ml. La durée moyenne du premier traitement est de
11,8 mois (3-36) et le délai de réascension du PSA de 8
mois (3-24) mais 6 patients n'ont pas réascensionné le
PSA avec un recul moyen de 14,5 mois (6-24). Le deux-
me et le troisième traitement, lorsqu'ils ont é réalisés,
ont duré 6 mois (3-12) pour une durée d'arrêt également
de 6 mois : la diminution de la durée des cycles est com-
parable avec celle crite dans la litrature par les autres
auteurs. Tous les patients, sexuellement actifs avant le
traitement, ont repris une vie sexuelle correcte et l'en-
semble des patients crit une alioration de l'état-
ral dès l'arrêt du traitement. Un cas d'androgéno-résistan-
ce est survenu après le deuxième arrêt, soit 27 mois après
le but du traitement [11 ] .
DISCUSSION
Le caractère récent et relativement empirique de ce type
de traitement permet, comme tous les auteurs l'ont fait,
d'insister sur la cessi de réaliser des études randomi-
es prospectives qui seules permettront de répondre aux
questions essentielles concernant la sélection de la popu-
lation et les modalités d'arrêt et de reprise du traitement.
Au vu des différentes publications, les candidats idéaux
semblent être les patients en stade D2, répondeurs à l'hor-
monothérapie, c'est-à-dire ceux dont le PSA s'est norma-
lisé en moyenne avant le 9ème mois et les patients pT3
en récidive biologique après radiothérapie ou après pros-
tatectomie radicale. Il semble nécessaire de poursuivre le
traitement hormonal tant que le nadir du PSA n'a pas été
obtenu et qu'il ne s'est pas maintenu pendant plusieurs
semaines, le lai de 6 à 8 mois étant propo par l'en-
semble des auteurs. Le taux de PSA avant la reprise du
traitement est différent selon que les patients sont au
stade D2 ou pT3 : des différents travaux, on peut retenir
un seuil compris entre 10 et 20 ng/ml pour les patients
tastatiques et alors que celui-ci n'est que de 4 ng/ml
pour les patients au stade pT3. Le dosage du PSA doit
donc être réalisé tous les 3 mois ce qui peut être un fac-
teur dinquiétude pour les patients.
La compréhension des mécanismes d'androgéno-inde-
pendance secondaires chez les patients traités pour un
cancer de prostate est en pleine évolution : une récente
communication de ZHAU [12], tentant de déterminer les
gènes en cause, peut laisser espérer des possibilités de
thérapies géniques. Mais dans l'état actuel des choses,
pour différer cette phase d'androgéno-indépendance et
donc tenter d'augmenter la survie des patients, en
dehors d’un éventuel traitement différé, l’alternative la
plus séduisante est le traitement immédiat mais inter-
mittent chez les bons répondeurs.
CONCLUSION
Poursuivant le triple but d'augmenter la survie en retar-
dant l'androgéno-indépendance, d'améliorer la qualité
de vie et de réduire le coût du traitement, le traitement
hormonal intermittent dans le cancer de la prostate
semble constituer une alternative interessante aux
autres possibilités thérapeutiques. La diversité des pro-
tocoles illustre l'absolue nécessité de réaliser des études
prospectives randomisées avant de pouvoir valider ce
concept et le proposer en clinique quotidienne.
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11. ZERBIB M., CONQUY S., CHARIF CHEFCHAOUNI M.,
THIOUNN N., FLAM T., DEBRE B. Traitement hormonal inter-
mittent dans le cancer de la prostate : à propos de 68 patients traités
depuis 1993. J. Urol. (Paris) - à paraître
12. ZHAU H.E., CHANG S.M., CHEN B.Q., WANG Y. et al.
Androgen-repressed human prostate cancer : a critical step of mali-
gnant transformation. J. Urol. , 1997, 157, 222 A.
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