La Dobroudja en 5 jours : l`anthropologue débutant face à l`Autre

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La Dobroudja en 5 jours : l’anthropologue débutant face à l’Autre
Volume coordonné par :
Prof. Dr. François Rüegg
Raluca Mateoc, Doctorante
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TABLE DES MATIERES
Introduction……………………………………………………………….3
Prof. Dr. François Rüegg
Raluca Mateoc, Doctorante
Le poète et l’anatomiste : l’anthropologue face à l’écriture……………8
Auréliane Froelich
Observer, être observé et s'observer. Comment l'anthropologue
devient-il sujet de son étude ?...................................................................38
France Genin
Die Schwierigkeit in der Definition von Minderheiten. Veranschaulicht
an Beispielen aus Rumänien…………………………………………….58
Julia Meyer
Identitäten ethnischer Minderheiten: Das Beispiel der Dobrudscha mit
Fokus auf die Rombevölkerung………………………………………...85
Luca Imhoff
Anthropologie physique: Outil de revendications ethniques et
nationalistes en Roumanie ?...................................................................103
Carole Joye
La représentation politique des minorités turques et tatares en
Roumanie……………………………………………………………….136
Aline Mabillard
Entre Bucarest et Constanta: La construction des identités ethniques
des Turcs et Tatars de Roumanie..........................................................161
Marie Goy
Annexe photos.......................................................................................188
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Introduction
Prof. Dr. François Rüegg
Raluca Mateoc, Doctorante
Ce recueil de textes et d’images est le résultat d’une démarche qui se proposait
d’inviter sept étudiants en anthropologie sociale de l’Université de Fribourg, en Suisse,
à connaître un nouveau terrain et les méthodologies possibles pour l’approcher. Nous
avons ainsi choisi la Roumanie (Bucarest et Constanța), pour organiser pendant dix
jours, en juin 2014, une école d’été, intitulée Identités multiples et mise en scène de
l’ethnicité, en Roumanie (Bucarest et Constanța).
Notre curiosité au sujet des identités de trois groupes ethniques de religion
islamique les Turcs, Tatares et les Rom musulmans - vivant dans la région roumaine
de la Dobroudja est à la source de ce projet. Que signifie être Turc, Tatare ou Rom et
musulman pour ceux qui se réclament de ces identités dans un pays à majorité roumaine
et orthodoxe?
Prenant en compte un premier court séjour ethnographique antérieur effectué
par les organisateurs en Dobroudja, ainsi que les ethnographies récentes de cette région
(Mihăilescu, 2007), nous nous sommes proposé d’examiner la question de plus près en
observant et en interrogeant les groupes et les individus se réclamant de ces identités.
Notre intérêt pour les identités multiples de ces trois groupes, nous a amenés à
nous interroger aussi sur la transformation des éléments identitaires en fonction du
contexte politique et historique. Ainsi, nous avons pu échafauder une première
hypothèse concernant une possible « mise en scène » de leur ethnicité, au niveau du
discours, de la pratique, des rituels etc. dans le contexte politique de la Roumanie
postsocialiste. Il fallait sans doute porter notre attention sur la signification et
l’utilisation faites des termes « groupe ethnique » ou « ethnicité », de même que sur les
termes se référant à l’appartenance religieuse musulmane mais dite aussi turque par les
intéressés. Car dans le cas des groupes en question, une autre dimension intervenait :
l’appartenance ethnique et/ou religieuse pouvait faire référence à un rattachement à ou
regroupement souhaité avec une « communauté imaginée » hors-frontières, les Turcs de
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la Dobroudja avec les Turcs de Turquie, les Tatares avec leurs frères de Crimée et les
Rom avec leurs autres communautés.
Au cours des visites et des entretiens, nous nous sommes aperçus assez
rapidement que ce sont plutôt les élites politiques de ces groupes qui ravivent certaines
de leurs « traditions » à des fins politiques, plutôt que les membres des groupes même,
parfois plus intéressés à se montrer intégrés à la vie européenne et mondiale.
Pendant notre courte incursion ethnographique de cinq jours en Dobroudja, nous
avons pu expérimenter la combinaison des deux méthodologies inhérentes au travail de
terrain: les entretiens (en traduction consécutive), menés auprès des Unions politiques
des Turcs et Tatares, et dans la Communauté des Grecs de Constanța, ainsi que
l’observation participante, notamment lors de la visite dans une famille du village de
Fântâna Mare, ou pendant la visite de l’église orthodoxe grecque de Constanța et de la
Mosquée tatare de Constanța. Nous avons pu, à l’aide de ces moyens, comprendre
comment le patrimoine matériel et immatériel de ces groupes est transmis et repris
d’une génération à l’autre. Nous avons pu aussi confronter les revendications
identitaires présentes dans le discours des leaders politiques des deux Unions et de leurs
leaders religieux, à notre modeste ethnographie, à savoir la visite du village
susmentionné de Fântâna Mare, habité par une majorité de Turcs musulmans. De
l’initiation à la préparation du suberek, plat considéré comme typique, à l’incantation
pour chasser des douleurs de tête, nous avons participé pour quelques heures à la vie de
tous les jours de nos hôtes.
Outre notre observation de ces populations dont la complexité des identités nous
intriguait, nous avons brièvement examiné aussi deux autres groupes de population
situés dans leur voisinage géographique, à savoir les Grecs de Constanța, ainsi que les
Roms de la riphérie de Babadag. Nous étions avides de nous faire notre propre
opinion sur la question longuement débattue du mélange des diverses populations
arrivées par vagues successives et vivant encore dans la région de la Dobroudja. Un
regard plus large, incluant d’autres populations de cette région, était nécessaire et
bienvenu.
Majoritairement, notre terrain est demeuré dans une perspective macro-sociale
car nous nous sommes concentrés avant tout sur les visites aux Unions politiques des
turcs et tatares à Bucarest et à Constanța au cours desquelles nous avons évidemment dû
utiliser la traduction.
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Les spécificités d’un Islam local, les appartenances politiques des Turcs ou des
Tatares, les repères de leurs mémoires collectives, leur patrimoine matériel ou
immatériel, ainsi que leurs actions présentes au niveau de l’éducation ont été approchés
lors des discussions avec les leaders politiques. Ainsi, une mosaïque identitaire s’est fait
jour dans nos notes de terrain et dans nos caméras.
Dans les textes de cette publication, écrits par sept anthropologues en herbe, on
retrouve la fraicheur d’un regard sur des endroits vus pour la première fois, et
certainement imaginés autrement.
Parmi les sept textes recueillis, deux adoptent une approche réflexive sur le
positionnement de l’anthropologue face au terrain ou à l’écriture. Ce questionnement est
pertinent pour chaque démarche ethnographique, et dans notre cas, l’anthropologue
débutant s’interroge avec raison sur son rôle face à ce terrain méconnu.
Dans le premier texte, Auréliane Froehlich se penche sur l’écriture
(ethnography), ses stratégies et ses pièges, s’inspirant des textes théoriques de
l’anthropologie du texte. Elle prend comme exemple concret, pour les analyser, des
travaux d’autres étudiants sur la Roumanie. Comment restituer dans un texte
académique une expérience ethnographique vécue ?
De son côté, France Genin met à l’épreuve les discussions méthodologiques
actuelles à propos de la signification du terrain, de l’observation participante, de
l’observation réflexive, de l’écriture, de l’altérité, ou de la relation à l’autre, à travers le
filtre de ses expériences de terrain en Roumanie qu’elle relate aussi en faisant part de
ses impressions ou émotions.
Julia Meier s’interroge quant à elle sur la difficulté de définir la notion de
« minorité » et de choisir pour ce faire le juste critère - est-ce avant tout la langue, la
religion, l’appartenance nationale ou l’ethnie qui détermine l’identité mise en avant
dans le terme de minorité. Clairement les individus appartiennent à plusieurs groupes
(minoritaires ou non) et cela rend toute définition encore plus aléatoire. Luca Imhof met
en relief la dynamique des identités et la tension qui existe entre les identités que l’on se
donne (self-given identities) et celles qui nous sont attribués de l’extérieur (ascribed
identities), particulièrement dans le cas des populations rom abordées dans notre terrain
en se basant sur d’autres études de cas également.
La contribution de Carole Joye nous remet dans une perspective macro-sociale,
traitant de la question de l’anthropologie physique utilisée parfois à des fins de
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