Cas cliniques - Le cardiologue

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n°355 – Octobre 2012
Cas
cliniques
ISSN 0769-0819
La poule ou l’œuf
Dania Mohty, Limoges
La vérité est ailleurs
Camille Brasselet, Reims
Des taux élevés,
mais pas trop(onine)
Eric Bonnefoy-Cudraz, Lyon
Coordination : Jean-Louis Gayet
Zoom sur… L’histoire du tissu nodal
et des voies de conduction
Jean-Paul Bounhoure, Toulouse
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Editorial
Jean-Louis Gayet
Les grands classiques
de la formation continue
ont encore de l’avenir
A
lors que les modalités du DPC se mettent en place à grands frais bon nombre de praticiens
se demandent toujours comment un dispositif aussi onéreux va permettre de satisfaire leurs
besoins de formation. Il est clair que les modalités classiques de formation vont garder une place
même si un risque de service minimum est bien réel (« mission accomplie, pourquoi faire plus qu’on
me demande… et à mes frais ? »). Heureusement, certaines formes pédagogiques vont perdurer
comme la résolution de cas cliniques qui reste une base pédagogique toujours appréciée. Ceux
qui sont présentés avec l’UFCV dans ce nouveau cahier de formation du Journal en illustrent deux
formes possibles.
La première consiste à rapporter un piège diagnostic, pas forcément très fréquent, mais qui est de
ceux qui forgent l’expérience (« on ne m’y reprendra plus ! ») Le titre choisi par Camille Brasselet (La
vérité est ailleurs…) nous montre bien que la coronarographie est parfois une école d’humilité. La
seconde forme repose au contraire sur une stratégie diagnostique rigoureuse pour départager deux
hypothèses, le choix de l’une ou l’autre débouchant sur des choix thérapeutiques diamétralement
opposés.
Le cas présenté par Eric Bonnefoy (des taux élevés, mais pas trop…onine) vient nous rappeler que
certains progrès techniques (en l’occurrence l’augmentation de la sensibilité du dosage des troponines) repoussent les limites de nos connaissances et nécessitent la mise au point de nouvelles
stratégies de diagnostic.
Enfin si l’implantation transaortique de prothèses valvulaires tient en quelque sorte la vedette depuis quelques mois, le cas clinique présenté par Dania Mohty nous ramène à une réalité quotidienne
beaucoup plus terre à terre. Le rétrécissement aortique c’est surtout, en amont, des décisions parfois
difficiles à prendre par le cardiologue libéral dans des situations complexes, comme celle qui est
présentée ici (sous le titre : la poule ou l’œuf ?).
Ces cas cliniques vous sont une nouvelle fois présentés sous forme interactive pour vous permettre
d’exercer votre sagacité. Les solutions ne sont pas bien loin, mais… à vous de jouer le jeu !
■
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Sommaire
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CARDIOLOGUE PRESSE
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Pr Jean-Paul Bounhoure
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Pr Daniel Herpin
Pr Christophe Leclercq
Pr Jacques Machecourt
Dr Marie-Christine Malergue
Dr François Philippe
Dr Bernard Swynghedauw
Comité de lecture :
Dr Gérard Jullien
Dr Christian Ziccarelli
TARIF 2012 – 1 an, 10 numéros
France : 140 €
CEE (hors France) : 160 €
Tout autre pays : 275 €
Prix « Spécial adhérent » au syndicat,
à jour de cotisation : 70 €
Prix unitaire : 20 €
Cas cliniques
III
Editorial
Les grands classiques de la formation continue ont encore de l’avenir
VI
La poule ou l’œuf
Dania Mohty, Limoges
La vérité est ailleurs
Camille Brasselet, Reims
Des taux élevés, mais pas trop(onine)
Eric Bonnefoy-Cudraz, Lyon
XV
Zoom sur
sur…
…
L’histoire du tissu nodal
et des voies de conduction
Jean-Paul Bounhoure, Toulouse
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La poule ou l’œuf D. Mohty. Limoges
M J., 49 ans, est suivi depuis 2006 pour une cardiopathie dilatée à coronaires saines avec FEVG
M.
sévèrement altérée (< 30 %). Il n’a pas d’autres facteurs de risque cardiovasculaires connus. On
sé
un souffle systolique aorto-mitral 3/6, connu de longue date. Il a reçu en 2009 un
peut entendre à l’auscultation
l’au
défibrillateur automatique implantable de resynchronisation (CRT-D). M. J… reste toujours dyspnéique stade III en
dépit d’un traitement pharmacologique optimal et de la resynchronisation.
Lors de la dernière consultation, 3 mois auparavant, le rythme était sinusal à l’ECG avec, hors stimulation une
fréquence cardiaque à 90 bpm, des QRS larges (180 ms) et un aspect de bloc de branche gauche (figure 1). Il n’y a
pas de changement remarquable à l’examen clinique actuel en dehors de quelques râles aux bases. L’ECG montre
une stimulation permanente. Le poids est de 74 kg pour une taille de 1,76 m (surface corporelle 1,90 m². Le Nt-Pro
BNP est à 2 300 pg/mL.
A l’échographie cardiaque transthoracique (figures 2, 3 et 4) : VG dilaté, DTD à 85 mm, DTS à 69 mm, FEVG 20 %,
IM centrale fonctionnelle significative avec anneau mitral dilaté, surface de l’orifice régurgitant (SOR) à 0,42 cm²,
volume systolique régurgitant à 70 ml, OG très dilatée à 118 ml (61 ml/m²) ; valve aortique remaniée et calcifiée
avec impossibilité de distinguer les 3 cusps, gradients transaortiques moyen et maximum respectivement à 33 et
50 mmHg, Aire Valvulaire Aortique (AVA) calculée à 0,89 cm² pour un diamètre de chasse à 26 mm ; cavités droites
dilatées ; Pression Artérielle Pulmonaire Systolique (PAPS) à 60 mmHg.
Questions
Question 1. L’indication de CRT-D vous semble-t-elle rétrospectivement justifiée?
Question 2. Que pensez-vous de la sévérité de la valvulopathie
aortique ?
Question 3. La mesure du diamètre de la chambre de chasse
sous-aortique étant nécessaire en ETT pour évaluer la surface de
l’orifice aortique, quels autres examens d’imageries proposeriezvous si une mauvaise échogénicité vous empêchait d’obtenir une
mesure correcte ?
Question 4. Expliquez comment une échocardiographie-dobutamine peut permettre de faire la différence entre un RAC serré à
bas gradient et dysfonction VG sévère et un RAC pseudo-sévère
responsable de la dysfonction myocardique et entraînant le bas
débit et le bas gradient ?
Question 5. Le scanner thoracique sans injection de produit de
contraste peut-il être utile dans l’évaluation de la sévérité du réVI
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trécissement aortique de ce patient ?
Question 6. L’échographie transthoracique de ce patient permet
de mettre en évidence la présence d’une Insuffisance Mitrale (IM)
fonctionnelle significative (voir figures) : comment la présence de
cette fuite mitrale significative influence-t-elle l’évaluation du RAC
et inversement ?
Question 7. Quelles sont les différentes options thérapeutiques potentielles à offrir à ce patient très symptomatique, sachant qu’il a,
en plus de sa double valvulopathie gauche, une HTAP importante
et une dysfonction VD avec dilatation de l’anneau tricuspide?
Question 8. Quels sont en général les indications actuelles et les
critères à rechercher avant de proposer un TAVI ?
Question 9. M. J. a été réfuté par les chirurgiens pour un double
remplacement valvulaire ; le TAVI n’a pas été jugé techniquement
faisable (diamètre aortique trop large). Dans ce contexte, que
peut-on lui proposer ?
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La poule ou l’œuf
Réponses
QUESTION 1. L’indication de CRT-D vous semble-t-elle
rétrospectivement justifiée ?
Selon les recommandations l’ESC de l’époque (2010), chez ce patient
jeune, qui était au stade NYHA III-IV, avec une FE à 30 %, encore
en rythme sinusal et avec des QRS à 180 ms sans électrostimulation l’indication de CRT-D était légitime. [1] Cette indication était
bien entendu subordonnée au fait que la cardiomyopathie dilatée
soit considérée comme primitive et non causée par la valvulopathie.
Dans ce contexte, et compte tenu de la largeur des complexes, elle
aurait encore été justifiée si le patient avait été moins symptomatique (stade II) ou en fibrillation auriculaire. Bien entendu, si le RAC
avait été considéré comme serré et à l’origine de la cardiopathie,
CRT-D n’aurait pas eu d’indication comme dans toute autre cardiopathie valvulaire.
Les recommandations ESC 2012 sur l’insuffisance cardiaque vont
dans le même sens. [2] L’indication serait toujours la même si ce patient avait été en classe NYHA II (plutôt que II-III) ou en fibrillation
auriculaire (tableau 1).
Figure 1. ECG avant
mise en place
du pace-maker
de resynchronisation.
Tableau 1. Recommandations ESC 2012 sur les indications de la resynchronisation associée ou non au défibrillateur automatique chez les
patients insuffisants cardiaques en rythme sinusal. [3]
Classes
NYHA
III/IV
II
Catégories de patients
ECG avec aspect de BBG
La resynchronisation avec ou sans défibrillateur est recommandée chez les patients en rythme sinusal
avec QRS ≥ 120 ms, aspect de BBG, FEVG ≤ 35 % avec espérance de vie dans de bonnes conditions
fonctionnelles > 1 an pour réduire le risque d’hospitalisation et de décès prématuré
ECG sans morphologie de BBG
La resynchronisation avec ou sans défibrillateur devrait être envisagée chez les patients en rythme sinusal
avec QRS ≥ 150 ms, quelle que soit la morphologie du QRS, FEVG ≤ 35 % avec espérance de vie dans de
bonnes conditions fonctionnelles > 1 an pour réduire le risque d’hospitalisation et de décès prématuré.
ECG avec aspect de BBG
La resynchronisation, plutôt avec défibrillateur, est recommandée chez les patients en rythme sinusal
avec QRS ≥ 130 ms, aspect de BBG, FEVG ≤ 30 % avec espérance de vie dans de bonnes conditions
fonctionnelles > 1 an pour réduire le risque d’hospitalisation et de décès prématuré.
ECG sans morphologie de BBG
La resynchronisation, plutôt avec défibrillateur est recommandée chez les patients en rythme sinusal
avec QRS ≥ 150 ms, quelle que soit la morphologie du QRS, FEVG ≤ 30 % avec espérance de vie dans de
bonnes conditions fonctionnelles > 1 an pour réduire le risque d’hospitalisation et de décès prématuré.
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Classe
de recom.
Niveau
de preuves
I
A
IIa
A
I
A
IIa
A
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QUESTION 2. Que pensez-vous de la sévérité de la
valvulopathie aortique ?
Les mesures faites en échographie transthoracique suggèrent a priori qu’il s’agit d’un rétrécissement aortique (RAC) serré à bas gradient
et FEVG basse. Le diagnostic différentiel est celui d’un RAC pseudosévère avec FEVG basse et cardiomyopathie dilatée sévère (dont il ne
serait pas ou que partiellement responsable) à l’origine d’un bas débit et d’une diminution de la surface de valve aortique (AVA) calculée
avec une valve déjà remaniée. Autrement dit, il est possible que la
diminution de l’AVA soit mixte à la fois par remaniement calcifié des
sigmoïdes aortiques, mais aussi par le bas débit (puisque le calcul de
l’AVA est débit-dépendant).
QUESTION 3. La mesure du diamètre de la chambre de
chasse sous-aortique étant nécessaire en ETT pour évaluer
la surface de l’orifice aortique, quels autres examens
d’imageries proposeriez-vous si une mauvaise échogénicité
vous empêchait d’obtenir une mesure correcte ?
En cas de difficultés de mesure, ou de mauvaise échogénicité, on
pourrait réaliser une échographie transœsophagienne, permettant
une meilleure visualisation de la valve aortique et du diamètre de
l’anneau aortique. Par ailleurs, un travail de M. Leye et coll. publié en 2009 a établi une corrélation (bonne et significative) entre
les mesures du diamètre de la chambre de chasse faites en ETT et
par ETO. [3] Une formule simple indépendante du sexe du patient
a été présentée dans ce même article permettant d’extrapoler ce
diamètre à partir de la surface corporelle du patient de façon fiable
et utile en cas de difficultés de mesure en ETT et impossibilité de
réaliser une ETO.
Diamètre de la chambre de chasse sous-aortique = 5,7 x surface
corporelle + 12,1.
Le scanner thoracique est un examen également fiable pour faire
cette mesure (équivalente à celle réalisée en incidence parasternale
grand axe en échographie).
Figure 2. A gauche : Coupe apicale 3 cavités, montrant un VG dilaté et une valve aortique paraissant calcifiée. A droite : Calcul de
la FEVG par la méthode de Simpson.
Figure 3. Gradients moyen et max transaortiques en Doppler
continu en coupe apicale 5 cavités.
Figure 4. A gauche : IM significative, excentrée sur la coupe apicale. A droite : Calcul du volume regurgitant et de la surface de
l’orifice régurgitant par la méthode de PISA.
QUESTION 4. Expliquez comment une
échocardiographie-dobutamine peut permettre de
faire la différence entre un RAC serré à bas gradient
et dysfonction VG sévère et un RAC pseudo-sévère
responsable de la dysfonction myocardique et entraînant
le bas débit et le bas gradient Une échographie cardiaque, couplée à l’injection de dobutamine
à faibles doses (jusqu’à un maximum 15-20 γ/kg/min) ou jusqu’à
une accélération cardiaque de plus de 10 bpm par rapport à l’état
de base, permet à la fois d’analyser la sévérité du RAC et d’évaluer la réserve contractile. Une augmentation de plus de 20 % de la
valeur de l’intégrale temps-vitesse sous-aortique (ITV) et du débit
cardiaque et/ou amélioration de la FEVG de plus de 10% par rapVIII
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port à l’état basal signe la présence d’une réserve contractile. [4] De
plus, une augmentation des gradients moyen et maximal de plus de
15 mmHg, alors que l’AVA reste de façon stable < 1 cm² signe la
présence d’un RAC serré. Inversement, une augmentation de l’AVA
de 0,3 cm² avec stabilité des gradients transaortiques signe un RAC
modéré associé à un bas débit dû à une cardiomyopathie sévère
empêchant l’ouverture de la valve entraînant un RAC pseudo-sévère.
Si l’échographie dobutamine objective l’absence de réserve contracLe Cardiologue 355 – Octobre 2012
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La poule ou l’œuf
tile et la stabilité des paramètres (AVA, gradients) du RAC, alors, la
sévérité du RAC reste à déterminer
J-L. Monin et coll. ont aussi évalué sur 136 patients avec RAC à bas
débit, bas gradient et FEVG basse, l’intérêt d’une recherche de réserve
contractile par échographie-dobutamine à faibles doses comme facteur prédictif de la mortalité opératoire. [4] Ils ont montré que la présence d’une réserve contractile est associée à un bon pronostic après
chirurgie de remplacement valvulaire alors que son absence signe un
mauvais pronostic. Une autre étude a montré, quelques années plus
tard que malgré l’absence de réserve contractile en préopératoire et
en dépit d’une mortalité opératoire élevée (22 %), la survie à long
terme après remplacement valvulaire aortique chez ces patients est
bien meilleure que sous traitement médical. [5]
QUESTION 5. Le scanner thoracique sans injection de
produit de contraste peut-il être utile dans l’évaluation
de la sévérité du rétrécissement aortique de ce patient ?
Le scanner thoracique sans injection est un excellent examen d’imagerie non invasive, pour évaluer les calcifications tissulaires. Déjà
utilisé pour mesurer les calcifications coronaires et estimer le risque
cardiovasculaire, il est de plus en plus proposé pour mesurer de manière fiable et reproductible les calcifications valvulaires aortiques
qui contribuent à l’augmentation du gradient transaortique et à la
diminution de l’aire valvulaire aortique effective.
Il permet en effet de calculer le score calcique selon la méthode
d’Agatston exprimé en unité arbitraire (AU). Un travail du groupe
de l’Hôpital Bichat de Paris [6] a trouvé une excellente corrélation
entre le score calcique mesuré par scanner multibarette et la sévérité
hémodynamique de la sténose aortique par échocardiographie. Un
score calcique valvulaire > 1 650 AU signait la présence de calcifications sévères de la valve aortique et avait une très bonne valeur
diagnostique (aire sous la courbe de 0,90). De plus, il permettait,
pour ce même seuil de 1 650, de différencier un RAC sévère et un
RAC pseudo-sévère avec une sensibilité de 82 % et une spécificité
de 80 %. [6,7]
Il faut bien noter que cet examen ne remplace pas l’échocardiographie de repos ni l’échographie-dobutamine à faibles doses, mais il
est utile pour les compléter dans deux circonstances :
■ d’une part quand le patient est très peu échogène et que l’évaluation de la sévérité de la sténose aortique est alors incertaine ;
■ d’autre part, chez les patients, tels que celui présenté ici, qui ont
un RAC, une dysfonction ventriculaire gauche et un débit systémique
abaissé, autrement dit lorsque les valeurs du gradient et de la surface
valvulaire peuvent être faussement diminuées (RAC pseudo-sévère).
Enfin, le score calcique par scanner a une valeur pronostique indépendante chez les patients qui ont un RAC déjà identifié comme
sévère. En effet, avec un même degré de sévérité hémodynamique,
différentes sténoses peuvent correspondre à différents degrés de calcifications valvulaires. Le degré de calcification valvulaire est de plus
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en plus pris en considération dans le sous-groupe de patients ayant
un RAC sévère, mais asymptomatique.
QUESTION 6. L’échographie transthoracique de ce patient
permet de mettre en évidence la présence d’une insuffisance
mitrale (IM) fonctionnelle significative (figure 3) : comment la
présence de cette fuite mitrale significative influence-t-elle
l’évaluation du RAC et inversement ?
La présence d’une IM et d’un RAC significatifs est fréquente dans
les valvulopathies rhumatismales chez des sujets jeunes, mais cette
association s’observe aussi chez les patients plus âgés en cas de
valvulopathie dégénérative avec plusieurs cas de figure. [8]
En effet, la présence d’un RAC significatif va majorer, le degré de sévérité de l’insuffisance mitrale du fait de l’augmentation de la pression systolique dans le ventricule gauche. Ainsi, le flux transmitral
d’IM vers l’OG sera majoré en Doppler couleur. De plus, la présence
d’une IM significative va rendre difficile une évaluation précise de la
sévérité du RAC à cause de la diminution du flux aortique : le gradient transvalvulaire aortique aura tendance à être faussement minoré du fait de l’IM. La présence d’une fibrillation auriculaire aboutit
à peu près au même effet, car la perte de la contraction atriale va
également contribuer à diminuer l’éjection systolique et à fausser la
valeur du débit, des gradients transaortiques et de l’aire valvulaire.
Enfin, une IM importante va faussement améliorer la performance
myocardique et augmenter la FEVG masquant ainsi la dysfonction
contractile due à un RAC serré.
QUESTION 7. Quelles sont les différentes options
thérapeutiques potentielles à offrir à ce patient très
symptomatique, sachant qu’il a, en plus de sa double
valvulopathie gauche, une HTAP importante et une
dysfonction VD avec dilatation de l’anneau tricuspide?
Ce patient est symptomatique avec un statut fonctionnel clinique
médiocre. Il bénéficie déjà d’un traitement médical et électrique optimal, mais sa FEVG ne s’améliore pas.
Nous sommes en présence d’une probable cardiopathie dilatée sévère valvulaire aortique et d’une insuffisance mitrale fonctionnelle
mitrale sévère avec dysfonction VG sévère (FEVG < 30 %), dysfonction VD et une HTAP importante avec IT sans coronaropathie associée. Dès lors, différentes options sont possibles :
■ un double remplacement aortique et mitral associé à une annuloplastie tricuspide est théoriquement possible, mais le risque de décès opératoire est important chez ce patient avec FEVG < 30 % (euro SCORE
calculé > 20 %) :
■ l’implantation transvalvulaire aortique d’une bioprothèse par voie
percutanée (TAVI) paraît aussi une éventuelle option discutable chez
ce jeune patient à condition que l’anatomie de son anneau aortique et l’axe artériel ilio fémoral soit favorable. La décision relèvera
comme toujours d’une concertation multidisplinaire. ;
IX
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Cas cliniques
une transplantation cardiaque paraît également une option à discuter vu le jeune âge de ce patient (d’autres examens seront nécessaires pour rechercher les critères d’éligibilité avant la mise sur liste
de greffe cardiaque).
■
QUESTION 8. Quels sont en général les indications
actuelles et les critères à rechercher avant de proposer
un TAVI ?
Les indications actuelles du TAVI sont très précises. [8] Le profil d’un
candidat potentiel à un TAVI est celui d’un patient porteur d’un RAC
serré (AVA < 1 cm² ou 0,6 cm²/m² ; gradient moyen > 40 mmHg), symptomatique et/ou avec dysfonction ventriculaire avec FEVG < 50 %,
ayant une contre-indication à la chirurgie conventionnelle ou considéré
comme ayant un risque opératoire trop élevé (euro SCORE > 20 % ou
STS > 10 %).
Par contre, une espérance de vie < 1 an, due à des comorbidités extracardiaques, une contre-indication formelle à l’anesthésie générale
(surtout pour l’approche transapicale) sont des contre-indications
générales à cette procédure.
L’échographie cardiaque transthoracique associée à l’écho transœsophagienne ainsi que le scanner thoracique et de tout l’axe aorto–
ilio-fémoral occupent une place fondamentale dans le bilan du RAC,
son degré de sévérité et la faisabilité de cette procédure percutanée.
Les critères anatomiques à analyser par les différentes techniques
d’imagerie chez un patient avant TAVI sont :
■ confirmation de la sévérité du RAC ;
■ étude de l’anatomie de la valve aortique et évaluation de l’étendue des calcifications ;
■ mesure de l’anneau aortique (en parasternal grand axe, mesure
en systole au site d’insertion des valvules) en échographie transthoracique et à confronter si besoin en cas de difficultés à d’autres mesures effectuées par ETO ou scanner ;
■ mesure des autres dimensions aortiques : racine aortique, sinus de
valsalva, jonction sinotubulaire, aorte ascendante ;
mesure de la distance entre l’anneau et les ostia coronaires (qui
doit être > 8 mm pour l’implantation d’une valve Edwards afin d’éviter l’obstruction des ostia coronaires par la valve native calcifiée) ;
■ évaluation de l’accès vasculaire aorto-ilio-fémoral : présence de
tortuosités, présence d’une aorte porcelaine et d’importantes calcifications et d’athérome aortique mobile, pouvant contre-indiquer
l’abord transfémoral ;
■ rechercher et reconnaître les éléments anatomiques pouvant
contre-indiquer ou rendre difficile l’implantation percutanée :
- bourrelet septal sous-aortique,
- obstruction intra VG dynamique,
- présence d’un thrombus intracavitaire,
- anatomie de la valve mitrale et présence d’une IM importante (pouvant être aggravée par une implantation basse d’une bioprothèse
corevalve),
- analyse du cœur droit et mesure de la PAPS et de l’anneau
tricuspidien.
■
QUESTION 9. M. J. a été réfuté par les chirurgiens pour
un double remplacement valvulaire ; le TAVI n’a pas été
jugé techniquement faisable (diamètre aortique trop
large). Dans ce contexte, que peut-on lui proposer?
Une transplantation cardiaque paraît légitime à proposer chez ce
jeune patient de 49 ans, n’ayant pas de comorbidités autres et une
espérance de vie sévèrement compromise ; il est très symptomatique
malgré un traitement médical optimal; un bilan de prégreffe cardiaque pourrait être débuté pour vérifier les critères d’éligibilité pour
la transplantation cardiaque.
Epilogue
Finalement, ce patient a pu bénéficier de cette transplantation cardiaque et, avec pour l’instant un an de recul, il va bien en classe I de
la NYHA. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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La vérité est ailleurs
C. Brasselet – S. Duval. Reims
M C, âgé de 72 ans, est porteur de multiples facteurs de risques cardiovasculaires (tabagisme
M.
sévère et actif, HTA traitée, hypercholestérolémie non traitée et glycémie « limite »). Il a aussi une
sé
bronchopneumopathie obstructive (BPCO) sévère. En raison d’un BAV symptomatique, il a reçu,
br
deux ans plus tôt un stimulateur double chambre. Il est adressé pour coronarographie de première intention en
raison d’une symptomatologie thoracique d’effort, évoluant depuis 6 à 7 mois. Bien qu’assez évocatrice d’angor,
cette symptomatologie avait d’abord été interprétée comme une manifestation de la BPCO, mais elle est devenue
récemment très invalidante.
A l’admission, la fréquence cardiaque sous stimulation permanente est régulière à 70 bpm, la pression artérielle
sous traitement (IEC, diurétique) à 160/92. La fraction d’éjection échographique est à 50 %. Il n’y a aucun signe
clinique d’insuffisance cardiaque et pas d’anomalie à l’examen en dehors de quelques sifflements diffus à
l’auscultation pulmonaire.
Questions
Question 1. Quels sont les arguments qui vous auraient fait proposer à ce patient une coronarographie de première intention ?
Une coronarographie est réalisée dont deux images sont présentées en figure 1 (A et B).
La procédure par voie antérograde est tentée par double abord,
radial droit 5F pour la coronaire droite et fémoral droit 6F pour
l’axe IVA. La figure 2A est obtenue en fin d’injection dans la sonde
droite lors de la tentative de franchissement de l’occlusion de l’IVA
moyenne.
Question 2. Comment interprétez-vous la coronarographie (figure 1A-1B) ?
Question 3. Quels traitements proposez-vous ? Malgré ce trai-
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tement renforcé par paliers itératifs et devenu « maximal » les
crises douloureuses persistent deux mois après et, du fait de cet
angor résistant et invalidant, les modalités de sa prise en charge
sont rediscutées.
Question 4. Quelles hypothèses peuvent justifier une nouvelle coronarographie ? La procédure par voie antérograde est tentée par
double abord, radial droit 5F pour la coronaire droite et fémoral
droit 6F pour l’axe IVA. La figure 2A est obtenue en fin d’injection
dans la sonde droite lors de la tentative de franchissement de l’occlusion de l’IVA moyenne.
Question 5. Comment interprétez-vous les clichés coronarographiques représentés en figure 2A et 2B.
XI
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Cas cliniques
Réponses
QUESTION 1. Quels sont les arguments qui vous
auraient fait proposer à ce patient une coronarographie
de première intention ?
En dehors du cadre des syndromes coronaires aigus, la prise en
charge des patients suspects d’angor passe habituellement par la
confirmation de l’existence d’une ischémie myocardique grâce à un
test d’effort conventionnel ou à une imagerie de stress (pharmacologique ou d’effort) : scintigraphie myocardique, ETT dobutamine ou
d’effort, IRM de stress... En raison de l’électro-entraînement permanent et de la BPCO on ne peut pas compter sur une accélération de la
fréquence cardiaque (effort, dobutamine…) quelle que soit la technique d’imagerie. La scintigraphie risque d’être non diagnostique en
raison de l’impossibilité de compléter le test par une injection de persantine (BPCO, suspicion d’instabilité coronaire). Du fait de la BPCO,
l’échogénicité est, comme souvent, insuffisante pour l’échographie,
y compris avec contraste. L’IRM est en outre contre-indiquée par la
présence du pace maker.
La progression de la symptomatologie peut faire discuter un syndrome coronaire aigu (angor devenu évolutif), mais cette hypothèse est un argument supplémentaire pour une coronarographie
de première intention. Le pronostic cardiovasculaire péjoratif de ce
patient, avant même l’épisode actuel d’accélération symptomatique
(avec une probabilité de plus de 5 % de décéder d’un événement
cardiovasculaire dans les 10 ans) est une autre justification. [1] Un
angioscanner des coronaires a été discuté, mais l’indication chez les
seuls patients à risque intermédiaire reste d’actualité. [2,3]
La procédure par voie antérograde est tentée par double abord,
radial droit 5F pour la coronaire droite et fémoral droit 6F pour
l’axe IVA. La figure 2A est obtenue en fin d’injection dans la sonde
droite lors de la tentative de franchissement de l’occlusion de l’IVA
moyenne.
des branches septales et diagonales, sans moignon visible, rendant
probablement très difficile une angioplastie de recanalisation par
voie antérograde. Enfin, la reprise à contre-courant coronaire droite
– IVA peut être considérée comme satisfaisante, du moins sur le
simple plan angiographique.
Ainsi, il est proposé dans un premier temps un traitement médical
du fait de cette belle collatéralité et de l’absence préalable de traitement antiischémique. Ce traitement associe aspirine, statine avec un
Figure 1.
A
B
QUESTION 2. Comment interprétez-vous la
coronarographie (Figure 1A – 1B) ?
Elle objective une occlusion complète de l’IVA moyenne immédiatement située après la naissance des branches septales et diagonales
(figure 1A) et bien reprise par une coronaire droite apparaissant dominée (figure 1B). La reprise coronaire droite – IVA se fait à plein
canal, de type Rentrop 3.
QUESTION 3. Quels traitements proposez-vous ?
Ce patient est vierge de tout traitement antiischémique. De plus, la
coronarographie montre l’existence d’une occlusion chronique et
monotronculaire de l’IVA moyenne située au niveau de la naissance
XII
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La vérité est ailleurs
objectif d’au moins 1,0 g/L de LDL-cholestérol (voire moins), un IEC
(qu’il avait déjà) et, du fait de la contre-indication aux bêtabloquants
par la BPCO, un antagoniste calcique (vérapamil). L’association d’un
IEC (à plus forte dose que précédemment) et d’un antagoniste calcique devrait en outre avoir un effet favorable sur la pression artérielle et améliorer aussi la symptomatologie.
Malgré ce traitement renforcé par paliers itératifs et devenu
« maximal » les crises douloureuses persistent deux mois après
et, du fait de cet angor résistant et invalidant, les modalités de sa
prise en charge sont rediscutées.
Figure 2.
A
QUESTION 4. Quelles hypothèses peuvent justifier une
nouvelle coronarographie ?
Même peu probable dans ce cas particulier, une lésion de novo peut
toujours être présente au moment du contrôle coronarographique,
tout comme une lésion ostiale plus ou moins favorisée par un précédent cathétérisme parfois involontairement traumatique. Il n’est
pas exclu non plus de découvrir une lésion non ou mal documentée
(sous-estimée par exemple) lors du précédent examen.
Le patient est ainsi réadressé pour une nouvelle coronarographie
qui montre un réseau coronarien identique à celui précédemment
connu. La seule lésion objectivée reste, comme précédemment, l’occlusion chronique de l’IVA reprise par la coronaire droite.
La discussion du dossier et la relecture des films de coronarographie font retenir l’indication d’une angioplastie de recanalisation de
cette IVA, d’abord par voie antérograde puis secondairement en cas
d’échec par voie rétrograde, sans conviction absolue néanmoins de
l’obtention d’un gain clinique du fait de cette bonne collatéralité coronaire droite - IVA.
La procédure par voie antérograde est tentée par double abord, radial
droit 5F pour la coronaire droite et fémoral droit 6F pour l’axe IVA. La
figure 2A est obtenue en fin d’injection dans la sonde droite lors de la
tentative de franchissement de l’occlusion de l’IVA moyenne.
QUESTION 5. Comment interprétez-vous les images
des figures 2A et 2B ?
On peut voir l’arrivée, à partir d’un abord fémoral, du cathéter-guide
cathétérisant le tronc commun gauche, la sonde diagnostique cathétérisant l’ostium de la coronaire droite ainsi que la sonde ventriculaire de stimulation cardiaque.
Figure 3.
B
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XIII
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Cas cliniques
On distingue en outre une artère méconnue lors des 2 précédentes
coronarographies diagnostiques. En effet, en cours de tentative de
franchissement du site d’obstruction chronique de l’IVA (figure 2A) et
lors d’une injection dans la coronaire droite, la sonde « saute » de son
ostium et révèle une seconde artère, méconnue lors des deux coronarographies diagnostiques préalables. Celle-ci est en fait la « vraie »
coronaire droite qui est le siège d’une lésion complexe et longue de
subocclusion de son segment 3 et de la RétroVentriculaire Postérieure
(RVP) avec une InterVentriculaire Postérieure (IVP) de petit calibre
telle qu’on peut la voir après injection sélective sur la (figure 2B).
Epilogue
Une angioplastie de la coronaire droite a été proposée au patient. Elle a
permis de restaurer une belle distalité RVP (figure 3) au prix de la perte
d’une petite IVP, et de rendre ainsi le patient asymptomatique sous traitement antiischémique « de première ligne », sans récidive angineuse
au cours du suivi des premiers mois.
Commentaire
La gestion initiale de ce dossier via un angioscanner des coronaires
aurait permis de révéler cette duplicité coronaire droite et d’aider
ainsi la prise en charge. Sauf, à la rigueur, du fait de l’impossibilité de
mettre en œuvre d’autres examens moins invasifs l’indication était
contraire aux recommandations actuelles. [2,3]
Il s’agissait cependant d’un patient à haut risque, ce qui conduisait
de facto à l’indication de coronarographie d’emblée. Le scanner cardiaque est tout de même un outil précieux en cas de suspicion d’une
anomalie de naissance des coronaires, mais il ne remplace pas la
coronarographie dans un contexte clinique évolutif. [4]
La localisation au territoire postéro-inférieur de la zone de souffrance en échographie, scintigraphie ou IRM aurait pu aider à ne pas
méconnaître la lésion responsable de son angor invalidant. Malheureusement, dans certaines situations cliniques difficiles, les tests de
provocation d’ischémie sont soit non réalisables, soit non informatifs
et imposent alors que la confrontation des données anatomocliniques soit faite avec une vigilance encore plus grande.
Conclusion
L’évolution clinique de ce patient s’explique donc par une occlusion
chronique et ancienne de l’IVA collatéralisée « à plein canal » par
une branche accessoire de la coronaire droite qui s’est développée
pour optimiser la reprise de l’IVA distale.
L’efficacité de cette reprise spontanée, considérée à tort comme une
coronaire droite dominée, a fini par être insuffisante en raison du
développement de lésions sténosantes, aussi sur la vraie coronaire
droite.
Les coronarographistes peuvent rencontrer régulièrement ce cas de
figure qui, dans le cas de ce patient, a fait méconnaitre à deux reprises la vraie lésion responsable de l’angor. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Coll Cardiol. 2010 Nov 23;56(22):1864-94.
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FMC355v2.indd XIV
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cas et revue de la littérature. Ann Cardiol Angeiol (Paris).
2012 May 3.
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Des taux élevés, mais pas trop(onine)
E. Bonnefoy-Cudraz. Lyon
Un femme de 68 ans est orientée vers les urgences pour une dyspnée d’aggravation rapide. Elle
Une
prend de façon irrégulière un traitement pour un diabète non insulinodépendant (metformine) et
pr
une hypertension artérielle (ramipril). Elle est aussi traitée pour un angor stable depuis plusieurs
un
(métoprolol, nitrés). Ses précédents ECG sont en rythme sinusal avec un bloc de branche gauche.
années (métoprolol
La dyspnée est apparue, de façon assez nette, 3 semaines auparavant. Elle s’est aggravée et elle est maintenant
très invalidante, à l’effort et avec des paroxysmes nocturnes.
A son admission, la fréquence respiratoire est à 30/minutes, la pression artérielle à 210/110 mmHg, la saturation en
O2 en air à 89 %, la fréquence cardiaque à 130/min irrégulière. La température est de 38,8°C. Il y a des crépitants
dans les deux champs pulmonaires à l’auscultation. L’ECG à l’admission et 2 coupes d’une échocardiographie
rapide réalisée aux urgences sont présentés en figures 1 et 2.
Très rapidement, sous CPAP, dérivés nitrés et un peu de diurétique, l’état clinique se corrige. La patiente se sent
mieux et réclame même de sortir sans délai. Les principaux résultats biologiques reçus donnent alors les résultats
suivants : troponine 0,6 µg/L (seuil 0,1) ; créatinine 190 µmol/L ; urée 9 mmol/L ; Hb 70 g/L.
Figure 1. Electrocardiogramme
12 dérivations à l’admission.
Figure 2. Echocardiographie rapide
au service d’urgence.
A : incidence apicale 3 chambres.
B : incidence parasternale grand axe.
A
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B
XV
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Cas cliniques
Questions
Question 1. Quelle hypothèse diagnostique auriez-vous avancée
avant d’avoir la biologie ?
Question 2. Que pensez-vous de l’augmentation de troponine ?
S’agit-il d’un infarctus du myocarde ?
QUESTION 1. Quelle hypothèse diagnostique auriezvous avancée avant d’avoir la biologie ?
Les éléments cliniques sont très évocateurs d’une insuffisance cardiaque et le motif d’admission peut en première hypothèse être
considéré comme un œdème pulmonaire par redistribution. La
cardiopathie sous-jacente est au moins la myocardiopathie hypertrophique que suggèrent l’ECG et surtout l’échocardiographie. Elle
s’inscrit probablement dans le contexte d’une HTA ancienne mal
contrôlée. Il existe peut-être une part ischémique devant la notion
d’un angor ancien. De nombreux autres facteurs de décompensation, non exclusifs les uns des autres, sont également présents : HTA,
passage en fibrillation auriculaire avec tachycardie, fièvre et anémie
sans qu’il soit vraiment possible de préciser leur enchaînement. Ils
peuvent tous, indépendamment de la décompensation d’une cardiopathie, participer à l’évolution des symptômes depuis 3 semaines.
QUESTION 2. Que pensez-vous de l’augmentation de
troponine ? S’agit-il d’un infarctus du myocarde?
L’augmentation de troponine doit être interprétée sur la base des
hypothèses de travail précédentes. Devant une telle augmentation
de troponine le diagnostic d’infarctus du myocarde n’a rien d’une
évidence et obéit à des règles très précises (figure 3).
La première étape habituellement simple et rapide est de s’assurer
de l’absence de sus-décalages du segment ST dans un territoire coronarien. Leur présence permet un raccourci commode vers le diagnostic d’infarctus. Ici, l’ECG est d’interprétation difficile en raison
du bloc de branche gauche déjà connu. L’absence de douleur thoracique chez cette patiente coronarienne avec un angor stable rend
peu probable un infarctus par occlusion coronaire aiguë.
La deuxième étape est de vérifier l’absence d’un contexte pathologique évident non ischémique : thrombo-embolique pulmonaire, inflammatoire, traumatique, neurologique… L’expérience et l’intuition
clinique ont un rôle important. Compte tenu de la notion de maladie
coronaire chez notre patiente, il est plus dans l’esprit des recommandations de retenir une simple ischémie d’origine myocardique
comme facteur de l’augmentation de troponine [1].
La troisième étape est essentielle. Elle consiste à faire la différence
Question 3. Si l’augmentation de troponine au deuxième prélèvement est bien celle d’un infarctus, indique-t-elle un risque particulier et un traitement spécifique sur le court terme ?
Question 4. Et sur le long terme ?
Question 5. Comment orienter cette patiente ?
entre un infarctus de type 2 (dit aussi secondaire ou fonctionnel ou
par mismatch [1]) et un infarctus de type 1 (dit primaire par rupture
d’une plaque d’athérome et formation de thrombus à ce niveau).
L’augmentation de troponine dans ces deux types d’infarctus est due
à une ischémie, mais le mécanisme – et le traitement – en sont très
différents.
Les infarctus de type 1 sont en rapport avec un thrombus développé
au niveau de la rupture ou l’érosion d’une plaque d’athérome. Ces
patients représentent environ 30 % des syndromes coronariens aigus.
Dans les infarctus de type 2, l’ischémie causale est un déséquilibre
entre les apports et les besoins en oxygène du myocarde sans relation avec la complication aiguë d’une plaque d’athérome. K Thygensen, l’un des coordonnateurs du groupe de travail européen sur la
définition universelle de l’infarctus du myocarde, proposait récemment des critères précis pour retenir un type 2 (tableau 1). Notre
patiente en a au moins 3 (anémie, hypertension, hypertrophie myocardique) et peut être 5 (hypoxie, tachycardie). Elle a donc le profil
typique d’un infarctus de type 2. Il faut noter qu’actuellement la définition universelle ne précise pas clairement si une maladie coronaire
Figure 3. Les étapes du diagnostic d’infarctus du myocarde. [2]
Infarctus avec sus-décalage
du segment ST ou équivalent
Type 2
Troponine
« positive »
2. Interrogatoire
et contexte
Diagnostics
différentiels
- pneumopathie
- dissection
-…
Syndrôme
coronarien
aigu sans
sus-décalage
du segment ST
3. Recherche d’un facteur
de mismatch
1. hypo/hypertension
2. anémie
3. hypoxie
4. troubles du rythme
5. « hyperdemande »
Type 1
4. On retient finalement
le diagnostic
d’infarctus de type 1
en rapport avec la
rupture d’une plaque
d’athérome
(1) Par déséquilibre entre les apports et les besoins en oxygène
XVI
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Des taux élevés, mais pas trop(onine)
doit être présente ou suspectée pour retenir un infarctus de type 2.
L’augmentation de troponine dans ces deux types d’infarctus est
due à une ischémie, mais le mécanisme – et le traitement – en
sont très différents. En pratique, on procède de la façon suivante :
on recherche d’abord les facteurs de déséquilibre entre apports et
besoins. S’ils sont présents et sévères (tableau 1), on en reste au
diagnostic d’infarctus de type 2. S’ils sont absents ou trop modestes
pour présenter un effet, on passe à l’étape suivante et retient le diagnostic d’infarctus de type 1.
Une quatrième étape, trop souvent oubliée, reste néanmoins nécessaire pour affirmer l’infarctus. Il faut en effet s’assurer d’une augmentation des concentrations de troponine entre le premier prélèvement et un autre réalisé, avec la même technique, 3 heures (troponine de haute sensibilité) ou 6 heures (troponine standard) plus tard.
On pense trop souvent que ce deuxième prélèvement n’est justifié
que si le premier est négatif. Ce n’est qu’un aspect du problème.
La définition de l’infarctus suppose d’identifier une augmentation
et une diminution « typique » des concentrations de troponine. Si le
premier est négatif et que le second est positif, on peut considérer
qu’il s’agit d’une augmentation typique. Mais cette règle reste vraie
si le premier prélèvement est positif, surtout pour des valeurs basses.
A la décharge des cliniciens, la notion d’augmentation « typique »
n’est définie précisément nulle part. Classiquement, on parle d’une
variation de 30 % ou 50 % par rapport au premier prélèvement. Les
travaux les plus récents montrent que les meilleurs résultats sont
obtenus avec une variation supérieure à la moitié du 99e percentile
2 heures après le premier prélèvement. Il convient donc chez cette
patiente de faire un second prélèvement pour affirmer le diagnostic
d’infarctus. Sur cette base, on attendrait ici une augmentation ou
une diminution d’au moins 0,05 microg/l (une valeur > 0,65 µg/L
ou < 0,55 µg/L). Si cette augmentation n’est pas observée, on ne
retiendra pas le diagnostic d’infarctus de type 2. Il s’agira soit d’une
Tableau 1. Proposition de critères pour retenir un infarctus de type 2.
Source : mise au point par K Thygesen au congrès 2011 de l’ESC, sur
la base de la définition des recommandations universelles de l’infarctus du myocarde. [1]
Anémie < 5,5 mmole/l (5 mmole/l chez la femme)
PaO2< 8kPa
PAS < 90 mmHg avec défaillance d’organe
Bradyarythmie imposant un entraînement électrosystolique ou un support
pharmacologique
Embolie coronaire d’une endocardite ou à travers un foramen ovale
perméable
Tachycardie ventriculaire > 20 min
Tachycardie supraventriculaire >1 50/min pendant plus de 20 min
Œdème pulmonaire avec PA > 160 mmHg
Hypertension avec hypertrophie ventriculaire gauche électrique ou
échocardiographique
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augmentation non ischémique, soit de concentrations basales élevées de troponine dont nous discuterons un peu plus loin.
QUESTION 3. Si l’augmentation de troponine au
deuxième prélèvement est bien celle d’un infarctus,
indique-t-elle un risque particulier et un traitement
spécifique sur le court terme ? Et sur le long terme ?
Comment orienter cette patiente ?
En l’absence de sus-décalage de ST, seuls les infarctus de type 1
bénéficient d’une stratification du risque et d’une prise en charge
décrite dans les recommandations ESC/AHA/ACC. [2] Les études qui
ont validé le bénéfice des antiagrégants plaquettaires, des anticoagulants et des stratégies de cardiologie interventionnelle chez ces
patients avec syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST ont,
de facto, écarté de leur recrutement les infarctus de type 2. Pour ces
patients, de très faibles augmentations de troponine au-delà du seuil
fixé par convention au 99e percentile d’une population normale sont
associées à un risque beaucoup plus élevé de décès et d’infarctus. [3]
Ce risque peut être corrigé par les stratégies proposées dans les recommandations. [2]
Pour le traitement des infarctus de type 2, la situation est là encore
très différente. C’est d’abord celui du déséquilibre, facteur de l’ischémie. Il s’agira chez notre patiente du contrôle de la fréquence
cardiaque et de la pression artérielle, de transfusions de concentrés
globulaires, du traitement antibiotique d’une probable infection. En
dehors de l’aspirine qu’aurait déjà dû prendre la patiente, il n’y a pas
de traitement spécifiquement coronarien supplémentaire à envisager (ce qui n’exclut pas les traitements de fond comme un IEC ou
une statine). L’indication d’aspirine sera d’ailleurs revue les résultats
du bilan de l’anémie.
QUESTION 4. Et sur le long terme ?
Là encore, l’augmentation de troponine n’a pas non plus le même
sens pour les deux types d’infarctus décrits ci-dessus. Dans les infarctus de type 1, elle indique l’intensité d’un phénomène coronaire
localisé et l’étendue du myocarde qu’il menace. Dans les autres cas,
l’augmentation de troponine reflète à la fois la sévérité d’un stress
le plus souvent systémique et la « fragilité » diffuse du myocarde. Le
cœur souffre au même titre que d’autres organes et la troponine en
exprime le degré. C’est pourquoi, en dehors des infarctus de type 1,
les augmentations de troponine dans un cadre en apparence aigu
ont une très forte valeur pronostique sur le moyen et long terme.
Cette particularité a été bien documentée pour les infarctus péri-opératoires. La plupart d’entre eux sont des infarctus de type 2. L’augmentation de troponine est un marqueur de risque de décès plus net
sur le moyen et long terme que pour la période hospitalière. [4] Cette
observation n’est pas limitée aux infarctus de type 2. Elle vaut aussi
pour les augmentations de troponine dans des contextes non ischémiques. Récemment, cela a été retrouvé chez des patients présenXVII
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Cas cliniques
tant une embolie pulmonaire sans conséquence hémodynamique. La
mortalité était nettement plus importante chez les patients avec les
concentrations de troponine les plus élevées au cours d’un suivi de
plusieurs années. [5]
Des données similaires sont retrouvées lors de pathologies chroniques : insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, maladie coronaire, diabète. On les retrouve aussi dans la population générale.
Avec les dosages de troponine de haute sensibilité, la frange de
population avec les concentrations les plus élevées a une courbe
de survie beaucoup plus défavorable. Le risque de décès à moyen
et long terme est en relation avec le niveau de concentration de
troponine. [6]
C’est le sens qu’a l’augmentation de troponine chez notre patiente.
Coronarienne, insuffisante rénale, diabétique, hypertendue avec une
cardiopathie hypertrophique, il est clair que l’on n’avait pas nécessairement besoin de cela pour penser que cette femme de 68 ans
était à haut risque de décès à moyen terme. L’augmentation de troponine n’en demeure pas moins ici un signal fort qu’il faut prendre
au sérieux.
QUESTION 5. Comment orienter cette patiente ?
Bien sûr l’urgence est de contrôler les facteurs du mismatch, du déséquilibre entre les apports et les besoins. Ceci suppose une hospitalisation, mais pas nécessairement en cardiologie. Mais que faire audelà ? Il n’est pas décrit de prise en charge spécifique qui améliore
le pronostic à moyen terme et long terme des infarctus de type 2
ou des patients présentant une augmentation de troponine dans un
contexte non ischémique. Le risque est identifié, mais il n’y a pas de
stratégie validée pour le réduire.
Sur la base de travaux recrutant des patients en prévention secondaire au décours d’infarctus de type 1 et en prévention primaire de
populations à haut risque, on peut cependant penser qu’un contrôle
strict des facteurs de risque vasculaire puisse réduire le risque de
décès. Pour notre patiente, il s’agira d’un contrôle strict du diabète,
de l’hypertension. Une évaluation non invasive de sa coronaropathie (scintigraphie myocardique ou échographie dobutamine) dans
l’idée d’une éventuelle revascularisation pourrait aussi lui apporter
un bénéfice. L’insuffisance rénale bénéficierait probablement d’une
expertise néphrologique.
Si cela n’a pas été fait à la sortie des urgences, cette patiente doit
impérativement être orientée vers son cardiologue dès sa sortie de
l’hôpital. En espérant qu’elle se pliera à ces multiples contraintes.
En conclusion,
quels messages retenir ?
Les troponines dites de haute sensibilité correspondent à des dosages de troponines de très bonne qualité. Les informations qu’elles
fournissent sont plus précises, mais similaires à celles obtenues avec
les autres dosages de troponine.
Les augmentations de troponine s’inscrivent dans 3 cadres : les infarctus de type 1 par thrombus et rupture de plaque d’athérome, les infarctus de type 2 par ischémie «fonctionnelle» et les augmentations non
ischémiques de troponine. On rapproche des deux derniers les augmentations chroniques des troponines de haute sensibilité accompagnant
ou révélatrice d’une cardiopathie ou d’une maladie chronique.
Le diagnostic d’infarctus (type 1 comme type 2) suppose une démarche rigoureuse et impose deux prélèvements séparés de 3 ou
6 heures. Une variation entre les deux prélèvements est nécessaire
pour affirmer ce diagnostic.
En pratique, devant une augmentation de troponine, on vérifie en
premier l’absence de cause évidente pour une augmentation non
ischémique ou un infarctus de type 2. Si cette absence est confirmée
et que la variation de troponine est compatible avec un infarctus du
myocarde, on retient le diagnostic d’infarctus de type 1. Sinon, on
revient à l’étape précédente et on recherche plus activement une
cardiopathie, un facteur de décompensation, une cause non ischémique ou d’ischémie fonctionnelle.
Les augmentations de troponine non ischémiques, chroniques ou
rencontrées lors d’un infarctus de type 2, traduisent autant un stress
qu’une «fragilité» du myocarde. Ceci explique pourquoi elles signalent un pronostic défavorable sur le moyen et long terme. La prise
en charge de ce cœur plus vulnérable repose pour l’instant sur le
traitement optimal de la cardiopathie et des facteurs de risque. ■
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a prospective validation study. Circulation. 2011 Dec
13;124(24):2716-24.
[6] Kavsak PA, Xu L, Yusuf S, McQueen MJ. High-sensitivity cardiac troponin I measurement for risk stratification in a stable high-risk population. Clin Chem. 2011
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L’histoire du tissu nodal
et des voies de conduction
J.-P. Bounhoure. Toulouse
A
u XIXe siècle deux questions étaient d’actualité : pourquoi
le cœur bat-il et quelle est l’origine de la contraction cardiaque ? Le cœur avait-il sa propre automaticité ou sa contraction
dépendait-elle de formations nerveuses extracardiaques ? Depuis
Harvey, c’était l’entrée du sang dans les cavités auriculaires qui
déclenchait la contraction du cœur. Entre 1830 et 1840, la découverte des nerfs cardiaques et des ganglions sympathiques et
parasympathiques fut le support de la théorie nerveuse. Plusieurs
physiologistes soutinrent cette hypothèse.
WJ. Gaskell de Cambridge, était, au contraire, partisan d’une
théorie myogénique, le muscle cardiaque étant à l’origine même
de sa contraction, la fréquence des battements étant contrôlée
par le nerf pneumogastrique. En 1882, chez la tortue, il observa
que la contraction débutait à la partie basale des oreillettes,
qu’un retard survenait entre la contraction des oreillettes et des
ventricules, cette dernière pouvait être bloquée par des sections
musculaires entre les deux cavités.
Mais ce sont les histologistes qui démontrèrent l’automatisme cardiaque et cinq noms devenus célèbres illustrent la description du
tissu nodal et des voies de conduction. Par ordre chronologique, il
s’agit de Purkinje, His, Tawara, Keith et Flack. Il est surprenant qu’au
plan histologique la description du tissu nodal débutât par les formations les plus distales, les plus tenues, au sein du myocarde.
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La structure nerveuse terminale du système fut
décrite en premier par Purkinje (1) et en 1895,
la conjonction des travaux de His, de Tawara,
de Keith et Flack permit la description de l’ensemble du tissu nodal. J-E. Purkinje, le pionnier,
d’occupait la chaire de physiologie à Prague. Explorant le myocarde des ongulés, il mit en évidence, en 1839 dans
le cœur du mouton, au microscope, un réseau sous endocardique
fibrillaire constitué d’arborisations nerveuses autour des cellules
musculaires sous-endocardiques. La fonction de ce réseau, initialement mal comprise, ne se précisa qu’après les travaux de
Tawara.
Deuxième personnalité, jouant un rôle majeur, Wilhelm His (2), né à Bâle en 1863, fils
d’un anatomopathologiste réputé, s’intéressa
à l’anatomie et l’embryologie du système cardiovasculaire. Après sa formation à Strasbourg
dans le laboratoire du Pr Schieneberg qui avait
étudié les fibres sympathiques cardio-accélératrices, His devint
docteur en médecine en 1888 à Leipzig. Ses recherches portaient
sur l’automatisme cardiaque et l’innervation du cœur. Etudiant
le développement embryologique du système nerveux cardiaque
chez l’animal, His prouva qu’au stade embryonnaire le cœur commençait à battre avant l’apparition des nerfs cardiaques.
En 1893, examinant des coupes sériées du cœur à des phases
différentes de son développement embryologique, il a décrit chez
l’animal et chez l’homme, une formation nerveuse intra septale,
un pont bien individualisé au sein de la cloison interventriculaire,
(1) Jan Evangelista Purkinje est un anatomiste et neurophysiologiste tchèque, 1787-1869.
(2) Wilhelm His junior est physiologiste et anatomiste suisse, 1863-1934.
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reliant oreillettes et ventricules. Ce faisceau naissant de la partie
inféro-postérieure des oreillettes, traversait le sillon auriculo-ventriculaire, s’insérait à la partie supérieure des ventricules.
Wilhelm His, avec beaucoup d’objectivité, avouait qu’il ignorait
le rôle de cette formation, ne pouvant affirmer qu’elle conduisait l’activation de l’oreillette au ventricule. [1] Son article n’eut
aucune diffusion dans le monde des physiologistes et des médecins. En 1899, toutefois, il suggéra qu’une lésion de ce faisceau
pouvait être la cause du syndrome d’Adams Stokes. Ce n’est que
quarante ans après, en 1932 – deux ans avant sa mort – que,
constatant que son nom n’était pas cité dans des publications
concernant ce faisceau, qu’il reprit et compléta sa description. [2]
Elément clé dans la connaissance du tissu nodal, Suano Tawara (3) travaillait en Allemagne,
dans l’équipe d’Aschoff, anatomopathologiste
célèbre. Tawara étudiant des cœurs de patients
atteints de myocardite, mit en évidence des nodules rhumatismaux portant le nom de son patron, Aschoff. Ce travail l’amena à décrire, sur le plancher auriculo-ventriculaire, une formation nerveuse hétérogène située, dans
la région tricuspidienne,et connectée à un faisceau auriculo-ventriculaire. A la distalité, ce faisceau se divisait en deux branches se
ramifiant dans les ventricules. Tawara se souvint du réseau décrit
par Purkinje et finalement pensa que le nœud auriculo-ventriculaire faisait partie d’un ensemble, avec le faisceau de His et le
réseau sous-endocardique antérieurement décrits.
« Le système ressemble à un arbre avec des racines, un tronc, des
branches » , pensant que ce système était la voie de conduction
rapide entre oreillette et ventricules, jusqu’aux fibres de Purkinje.
Il pensa que chaque segment du système avait des propriétés
distinctes et, sous l’impulsion d’Aschoff, publia une monographie
remarquable sur les voies de conduction. [3]
Arthur Keith (4),après des études médicales
à Aberdeen, exerça au Siam et de retour en
Grande Bretagne, devint professeur d’anatomie pathologique à Londres, devenant l’ami de
James Mackenzie clinicien célèbre, véritable leader de la cardiologie anglaise. Mackenzie lui fit
part des travaux de Tawara et incita Keith à étudier des cœurs
de patients décédés de cardiopathies. Avec un de ses élèves,
Flack, Keith mis en évidence chez l’homme, une formation nerveuse plexiforme à l’abouchement de la veine cave supérieure,
au plafond de l’oreillette droite. Ce noyau de cellules nerveuses
entourées de fibres conjonctives était d’aspect voisin du nœud
de Tawara, et recevait des filets nerveux d’origine vagale et sympathique. Keith et Flack démontrèrent que l’excitation cardiaque
naissait dans cette formation ganglionnaire.. Leur publication en
1907 fait référence et le noeud de Keith et Flack fut universellement reconnu comme le pace maker du cœur. [4] En cinquante
ans, l’ensemble du tissu nodal avait été décrit et au cours des
décennies suivantes, l’électrocardiographie, les études électrophysiologiques endocavitaires précisèrent le cheminement de
l’activation cardiaque et ses diverses anomalies. ■
(3) Sunao Tawara est un physiologiste japonais, 1873-1952.
(4) Arthur Keith est un anatomiste and anthropologiste écossais, 1866-1955.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] His W Jr The activity of the human heart and its significance for the understanding of the heart movement in
adult. 1893, Arch Med Clinic Leipzig 1893, 14-49.
[2] His W Jr The story of the atrioventricular bundle with
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remarks concerning embryonic heart activity Klin Wochenchrist 1933, 12;569-74.
[3] Tawara S; Das Reizleitungsystem des Saugetier herzen
Jena:Fisher 1906.
[4] Keith A, Flack M The form and nature of the muscular
connections between the primary division of the vertebrate heart. J Anat Physiol 1907, 41;172-89.
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