13/01/2014
INTRODUCTION ET OBJECTIFS
La résistance du consommateur aux pratiques du marché a suscité l'émergence d'un important
courant de recherche matérialisé en France par de nombreuses publications récentes,
notamment un ouvrage collectif (Roux 2009) et un numéro spécial de Décisions Marketing en
décembre 2012. L'essentiel des recherches consacrées à la résistance du consommateur se
focalise sur l'étude d'un type spécifique de pratique en l'analysant en profondeur sans
considérer les autres pratiques de résistance. Il apparait donc intéressant d'étudier la résistance
du consommateur sous l'angle de la pluralité des comportements. L'objectif de cette recherche
est d'identifier les différentes pratiques de résistance et leur fréquence. Après un rappel de la
définition du concept de résistance du consommateur et des principales recherches en la
matière, les résultats d'une étude quantitative exploratoire seront présentés avant de faire
l'objet d'une discussion.
CADRE CONCEPTUEL
Le concept de résistance trouve son origine dans les travaux d'Hirschman (1970) qui identifie,
à côté du comportement de fidélité (loyalty), le pouvoir d'expression (voice) et de défection
(exit) du consommateur. Ce sont Peñaloza et Price (1993) et Hermann (1993) qui proposent le
terme de résistance pour qualifier les comportements de défiance, d'opposition voire de
rébellion du consommateur. Roux (2009, p. 131) définit la résistance comme "un état
motivationnel qui pousse le consommateur à s'opposer à des pratiques, des logiques ou des
discours marchands jugés dissonants".
Les comportements étudiés au titre de la résistance sont multiples. Au-delà des contributions
concernant le boycott et les stratégies à adopter par les entreprises face à des appels à boycott
(Friedman 1985; Thébault 1999; Capelli & al. 2012, Cissé-Depardon 2012), les recherches
ont porté sur la résistance aux marques (Duke 2002; Moisio & Akegaard 2002; Thompson &
Haytko 2002; Dalli & al. 2005), à la publicité (Rumbo 2002; Cottet & al. 2009, 2012), au
placement des marques dans les films (Fontaine 2009), aux techniques de vente (Kirmani &
Campbell 2004, Roux 2007, 2008), aux programmes de fidélité (Pez 2012), et sur les plaintes
et les réclamations (Roux 2012). D'autres recherches se sont centrées sur la résistance à
certaines formes de marché par la mise en place de formes alternatives d'échanges (Robert-
Dentremond 2009), la résistance aux dons d'argent (Urbain & al. 2012), le rejet de la
consommation et la simplicité volontaire (Dobscha & Ozanne 2001; Shaw & Newholm 2002;
Zavestoski 2002) et la cyber résistance (Chalamon & al. 2012).
Les comportements du consommateur qualifiés de résistants peuvent donc être multiples.
Fournier (1998) conçoit la résistance du consommateur comme un continuum de
comportements et d'activités allant de réactions d'évitement jusqu'à des formes plus radicales
de rébellion active telles que la plainte, le boycott ou l'abandon en passant par des stratégies
d'ajustement ou de restriction volontaire. Peñaloza et Price (1993) proposent de structurer le
champ de la résistance selon quatre axes d'analyse : comportements collectifs versus
individuels, réformistes versus radicaux, dirigés contre les offres versus contre les signes
véhiculés par les firmes, internes versus externes aux institutions marketing. Roux (2007)
distingue la résistance ciblée, contre les signes, les discours, les dispositifs et les
comportements des firmes, de la résistance globale, contre le fonctionnement et les logiques
du marché (simplicité volontaire, consommation verte…).
Malgré l'abondance des sujets traités et des domaines abordés, les recherches sur la résistance
souffrent de certaines limites. Comme le remarque Roux (2007), il s'agit d'un champ dominé
par des approches qualitatives et caractérisé par l'absence de mesures. De plus, du fait de ce
type d'approche, un comportement ou une pratique sont étudiés de manière approfondie et
située culturellement et socialement, mais isolés des autres pratiques et comportements de
résistance que le consommateur peut adopter. Enfin, le champ des activités numériques