Une analyse descriptive de la diversité et de la fréquence des

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UNE ANALYSE DESCRIPTIVE DE LA DIVERSITÉ ET DE LA FRÉQUENCE DES
COMPORTEMENTS DE RÉSISTANCE DU CONSOMMATEUR
A DESCRIPTIVE ANALYSIS OF RESISTANCE CONSUMER BEHAVIORS DIVERSITY AND
FREQUENCY
André LE ROUX
Maître de conférences
CEREGE, IAE, Université de Poitiers
Adresse professionnelle : 20 rue Guillaume VII Le Troubadour
86032 Poitiers Cedex
Tel. 05 45 49 44 99
Marinette THEBAULT
Maître de conférences
CEREGE, IAE, Université de Poitiers
Thomas STENGER
Maître de conférences
CEREGE, IAE, Université de Poitiers
Abstract:
Consumer research on resistance adopts mainly a qualitative approach of specific behaviors
considered independently form other resistance behaviors. This research considers the
diversity and frequency of consumer resistance behaviors. Thanks to a quantitative approach
and a factor analysis, it identifies three levels of frequency of occurrence and six dimensions
that describe resistance behaviors associated among consumers.
Keywords : consumer resistance, consumer behavior, quantitative methods
Résumé :
La recherche marketing aborde la résistance du consommateur aux pratiques du marché
essentiellement à travers des approches qualitatives des comportements considérés de manière
spécifique, sans considérer les autres pratiques de résistance. Cette étude s'intéresse à la
diversité et la fréquence des pratiques de résistance. Grâce à une approche quantitative
comprenant une analyse des fréquences et une analyse factorielle, elle met en évidence trois
niveaux de fréquence et identifie six dimensions qui permettent de décrire les comportements
de résistance associés chez le consommateur.
Mots clés : résistance du consommateur, comportement du consommateur, méthodes
quantitatives
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INTRODUCTION ET OBJECTIFS
La résistance du consommateur aux pratiques du marché a suscité l'émergence d'un important
courant de recherche matérialisé en France par de nombreuses publications récentes,
notamment un ouvrage collectif (Roux 2009) et un numéro spécial de Décisions Marketing en
décembre 2012. L'essentiel des recherches consacrées à la résistance du consommateur se
focalise sur l'étude d'un type spécifique de pratique en l'analysant en profondeur sans
considérer les autres pratiques de résistance. Il apparait donc intéressant d'étudier la résistance
du consommateur sous l'angle de la pluralité des comportements. L'objectif de cette recherche
est d'identifier les différentes pratiques de résistance et leur fréquence. Après un rappel de la
définition du concept de résistance du consommateur et des principales recherches en la
matière, les résultats d'une étude quantitative exploratoire seront présentés avant de faire
l'objet d'une discussion.
CADRE CONCEPTUEL
Le concept de résistance trouve son origine dans les travaux d'Hirschman (1970) qui identifie,
à côté du comportement de fidélité (loyalty), le pouvoir d'expression (voice) et de défection
(exit) du consommateur. Ce sont Peñaloza et Price (1993) et Hermann (1993) qui proposent le
terme de résistance pour qualifier les comportements de défiance, d'opposition voire de
rébellion du consommateur. Roux (2009, p. 131) définit la résistance comme "un état
motivationnel qui pousse le consommateur à s'opposer à des pratiques, des logiques ou des
discours marchands jugés dissonants".
Les comportements étudiés au titre de la résistance sont multiples. Au-delà des contributions
concernant le boycott et les stratégies à adopter par les entreprises face à des appels à boycott
(Friedman 1985; Thébault 1999; Capelli & al. 2012, Cissé-Depardon 2012), les recherches
ont porté sur la résistance aux marques (Duke 2002; Moisio & Akegaard 2002; Thompson &
Haytko 2002; Dalli & al. 2005), à la publicité (Rumbo 2002; Cottet & al. 2009, 2012), au
placement des marques dans les films (Fontaine 2009), aux techniques de vente (Kirmani &
Campbell 2004, Roux 2007, 2008), aux programmes de fidélité (Pez 2012), et sur les plaintes
et les réclamations (Roux 2012). D'autres recherches se sont centrées sur la résistance à
certaines formes de marché par la mise en place de formes alternatives d'échanges (Robert-
Dentremond 2009), la résistance aux dons d'argent (Urbain & al. 2012), le rejet de la
consommation et la simplicité volontaire (Dobscha & Ozanne 2001; Shaw & Newholm 2002;
Zavestoski 2002) et la cyber résistance (Chalamon & al. 2012).
Les comportements du consommateur qualifiés de résistants peuvent donc être multiples.
Fournier (1998) conçoit la résistance du consommateur comme un continuum de
comportements et d'activités allant de réactions d'évitement jusqu'à des formes plus radicales
de rébellion active telles que la plainte, le boycott ou l'abandon en passant par des stratégies
d'ajustement ou de restriction volontaire. Peñaloza et Price (1993) proposent de structurer le
champ de la résistance selon quatre axes d'analyse : comportements collectifs versus
individuels, réformistes versus radicaux, dirigés contre les offres versus contre les signes
véhiculés par les firmes, internes versus externes aux institutions marketing. Roux (2007)
distingue la résistance ciblée, contre les signes, les discours, les dispositifs et les
comportements des firmes, de la résistance globale, contre le fonctionnement et les logiques
du marché (simplicité volontaire, consommation verte…).
Malgré l'abondance des sujets traités et des domaines abordés, les recherches sur la résistance
souffrent de certaines limites. Comme le remarque Roux (2007), il s'agit d'un champ dominé
par des approches qualitatives et caractérisé par l'absence de mesures. De plus, du fait de ce
type d'approche, un comportement ou une pratique sont étudiés de manière approfondie et
située culturellement et socialement, mais isolés des autres pratiques et comportements de
résistance que le consommateur peut adopter. Enfin, le champ des activités numériques
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semble relativement peu étudié comparativement au boycott ou à la résistance à la publicité,
notamment les comportements de copie et de téléchargement illégal, le piratage et le hacking.
Nous proposons donc de réaliser une recherche exploratoire descriptive afin de répondre aux
questions suivantes : quelles sont les pratiques de résistance les plus fréquentes ? Quelles sont
les pratiques de résistance associées en termes de fréquence ?
METHODOLOGIE
L'étude a été réalisée grâce à un questionnaire administré en face à face auprès d’un
échantillon de convenance de 290 individus. L'échantillon comporte 48% d'hommes et 52%
de femmes. Il est composé d'individus de 17 à 74 ans, avec un âge moyen de 31,76 ans (écart
type 13,25). Au plan des catégories socio professionnelles, 50% sont étudiants, 47% actifs.
Le questionnaire comporte 17 comportements qualifiés de résistants. Ces comportements ou
pratiques ont été choisis après examen critique de la littérature. Nous avons considéré les deux
premiers axes définis par Peñaloza et Price (1993) en incluant des comportements individuels
et collectifs (plainte individuelle versus collective, piratage individuel versus en réseau),
réformistes et radicaux (plainte versus boycott, installation et développement de logiciels
libres versus hacking et piratage). Nous avons également pris en compte la distinction
apportée par Roux (2007) entre résistance ciblée et résistance globale (dégradation de produits
ou de publicités versus participation à des systèmes alternatifs d'échange). Les comportements
étudiés incluent aussi des pratiques numériques, peu analysées dans le cadre de la résistance
(voir tableau 1 pour la liste complète des pratiques étudiées). Le questionnaire est centré sur la
fréquence de comportements mesurée à travers une échelle de fréquences en 4 points (jamais,
1 fois, 2 ou trois 3, plus de 3 fois).
RESULTATS
Fréquence des pratiques
L'analyse de distribution des fréquences permet d'identifier trois grandes catégories de
pratiques de résistance collectivement exhaustives et mutuellement exclusives :
les comportements fréquents, qui ont é pratiqués au moins une fois par 70% de
l'échantillon,
les comportements peu fréquents, qui n'ont jamais été pratiqués par 30% à 50% de
l'échantillon,
les comportements rares, qui n'ont jamais été pratiqués par plus de 50% de
l'échantillon (cf. tableau 1).
Les comportements fréquents correspondent essentiellement à des pratiques individuelles,
dont certaines sont hors la loi : bouche à oreille négatif auprès de son entourage, installation
de logiciels libres pour les activités licites mais aussi copie et téléchargement illégaux
individuels, achat de contrefaçon. Plusieurs de ces pratiques semblent habituelles avec des
taux supérieurs ou proches de 50% pour la fréquence "plus de 3 fois". Certaines de ces
activités sont clivantes avec des taux de "jamais" significatifs : copie illégale, téléchargement
illégal, installation de logiciel libre, et achat de contrefaçon. Cela signifie que, bien que ces
activités soient fréquentes dans la population interrogée, un noyau significatif d'individus,
plus de 20%, déclare ne jamais se livrer à ces activités.
Les comportements peu fréquents regroupent le boycott individuel, la copie illégale en réseau,
le refus de publicité à titre individuel. Bien que moins courantes, ces pratiques sont elles aussi
clivantes. Le refus de la publicité à titre individuel et la copie illégale en réseau, bien que peu
fréquents globalement, sont néanmoins pratiqués par des segments significatifs de
consommateurs qui clarent une fréquence de "plus de 3 fois" élevés (34 et 26%
respectivement).
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Les comportements rares regroupent les activités de plainte, de bouche à oreille négatif sur un
blog, forum ou réseau numérique, de dégradation de publicités ou de produits, à titre
individuel comme collectif, le piratage et le hacking, individuel ou en réseau, le
téléchargement illégal en réseau, le développement et support de logiciels libres, le refus de
publicité et le boycott à titre collectif, la contestation organisée, la participation à des
systèmes de troc ou d'échanges alternatifs. A nouveau, bien que peu répandues dans
l'échantillon, certaines activités présentent un noyau dur de participants déclarant des taux de
fréquence significatifs de "plus de 3 fois" : téléchargement illégal en réseau (23%), bouche à
oreille négatif sur des blogs, forums et réseau numériques (15%).
Tableau 1 : Fréquences des pratiques de résistance
Plus de
3 fois
2 ou 3
fois
1 fois
S/T au
moins
une fois
Jamais
Total
Comportements fréquents :
Bouche à oreille négatif entourage
63,1
21,4
7,9
92,4
6,6
290
Installation de logiciels libres
47,6
18,3
10,3
76,2
22,4
290
Copies illégales individuelles
52,8
16,2
7,6
76,6
22,8
290
Téléchargement illégal individuel
55,9
11,7
9,0
76,6
23,1
290
Achat de contrefaçons
25,9
26,2
17,2
69,3
28,3
290
Comportements peu fréquents :
Boycott individuel
17,6
21,7
22,8
62,1
34,5
290
Copies illégales en réseau
26,6
13,8
14,5
54,8
44,5
290
Refus de publicité individuel
34,1
14,8
9,3
58,3
40,7
290
Comportements rares :
Plainte individuelle
12,8
16,6
16,6
45,9
53,4
290
Plainte collective
7,2
11,7
24,1
43,1
56,6
290
Bouche à oreille négatif blogs, réseaux numériques
15,2
13,1
16,6
44,8
52,8
290
Dégradation de publicité individuelle
10,7
10,0
12,4
33,1
65,5
290
Dégradation de produits individuelle
5,5
9,0
10,7
25,2
73,4
290
Dégradation de publicité collective
3,1
6,6
5,9
15,5
84,1
290
Dégradation de produits collective
3,1
3,4
4,8
11,4
87,6
290
Téléchargement illégal en réseau
22,8
10,7
10,0
43,4
55,9
290
Piratage individuel
11,4
6,9
9,0
27,2
72,1
290
Hacking individuel
5,2
4,8
7,2
17,2
81,4
290
Piratage en mouvements organisés
2,8
4,1
6,2
13,1
86,6
290
Hacking en mouvement organisé
1,4
2,1
6,6
10,0
89,3
290
Développement et support de logiciels libres
5,9
6,2
10,3
22,4
76,6
290
Refus de publicité collectif
5,9
6,6
7,6
20,0
79,0
290
Boycott collectif
5,2
9,3
13,4
27,9
71,0
290
Contestation organisée
6,2
11,0
14,1
31,4
68,3
290
Participation à systèmes alternatifs d'échange, troc,
monnaies alternatives
7,2
10,3
13,4
31,0
68,3
290
En synthèse, on peut souligner que les comportements les plus fréquents sont donc
essentiellement individuels (bouche à oreille négatif auprès de son entourage et installation de
logiciels libres), mais aussi hors la loi (copie et téléchargement illégal, achat de contrefaçon).
Les comportements peu fréquents mais aussi certains comportements rares font apparaître un
noyau dur de pratiquants avec des taux importants voire élevés pour "plus de 3 fois". Ce sont
notamment des activités illégales en mouvements organisés : téléchargement illégal en réseau
(23%), copie illégale en réseau (26%). On recense aussi un noyau dur significatif pour des
pratiques de rejet des produits, marques, et entreprises : boycott individuel (18%), refus de la
publicité individuel (34%).
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Analyse factorielle sur la fréquence des pratiques
Une analyse factorielle en composantes principales a été effectuée afin de pouvoir identifier
comment les comportements étudiés se regroupent en fonction de leur fréquence. Elle met en
évidence les activités pratiquées ou non simultanément par des individus avec des fréquences
analogues. L'examen des données montre une forte variabilité dans les réponses, avec un
coefficient de variation (écart type exprimé en pourcentage de la moyenne) largement
supérieur à 25% et même à 50% pour de nombreuses pratiques. Cela suggère des pratiques
très différenciées chez les personnes interrogées.
Les données présentent une bonne capacité à être factorisées (KMO de 0,815 et test de
sphéricité de Bartlett significatif). L'analyse en composantes principales suggère une solution
à 6 dimensions selon le critère de Kaiser (valeurs propres supérieures à 1,0). Ces six facteurs
expliquent une part significative de la variance initiale des données (62%). Une rotation
orthogonale est appliquée pour clarifier l'interprétation. La matrice après rotation fait
apparaître une structure claire et interprétable à 6 dimensions. Les six dimensions présentent
des pourcentages de variance équilibrés, compris entre 7% et 15%. Cela témoigne de la
grande variabilité des répondants sur les pratiques étudiées et manifeste la richesse des
données. Certains items présentent une corrélation faible avec les différents facteurs. C'est le
cas de l'achat de contrefaçon, du bouche à oreille sur un réseau numérique, du bouche à oreille
négatif auprès de son entourage et de la participation à des systèmes alternatifs de
consommation. L'élimination des items achat de contrefaçon, bouche à oreille sur un réseau
numérique et participation à des systèmes alternatifs de consommation améliore la solution.
Les six dimensions sont conservées, tous les items sont au moins corrélés à 50% à un axe.
La qualité de représentation des données initiales est bonne avec plus de 50% de la variance
initiale des items conservée dans les facteurs retenus. Seul le développement et support de
logiciels libres présente un score de communautés inférieur, mais anmoins proche de 50%
(0,480). Etant donné le caractère exploratoire de l'étude, et le fait que cet item est corrélé
significativement à l'axe 2, ce comportement a été conservé dans l'analyse (cf. tableau 2).
Une première dimension regroupe la copie, le téléchargement illégal, et l'installation
de logiciels libres. Cela correspond à des pratiques renvoyant essentiellement à un
accès à la consommation numérique. Certaines sont hors la loi mais présentent peu de
gravité au plan légal. Ce facteur a été nommé activités de consommation
numériques alternatives (15% de la variance expliquée).
La seconde dimension regroupe des activités numériques illégales à portée plus
sérieuse au plan pénal et des atteintes fortes envers les entreprises et les institutions
visées : piratage et hacking. Ce facteur a été dénommé activités numériques
subversives (14% de la variance expliquée).
La troisième dimension correspond à un rejet d'outils et offres marketing avec la
dégradation de publicités et de produits (12% de la variance expliquée).
La quatrième dimension regroupe les pratiques de plainte et de contestation et a donc
été dénommée en tant que telle (10% de la variance expliquée).
La cinquième dimension regroupe les pratiques collectives de boycott et de refus de la
publicité. Ces activités correspondent à un activisme organisé contre les entreprises et
les institutions de marché. Elle a été qualifiée de militantisme organisé (9% de la
variance expliquée).
La sixième dimension regroupe le refus de publicité individuel, le bouche à oreille
négatif auprès de l'entourage et le boycott individuel. Ces activités correspondent à
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