AVANT-PROPOS
Ce travail n'est pas un travail de présentation. Il ne s'agit pas d'exposer d'une façon
dogmatique la psychanalyse telle qu'elle est dans l'ensemble ou dans une de ses parties, mais
de réfléchir sur elle au point de vue auquel nous nous plaçons. Notre travail supposant donc la
connaissance de la psychanalyse, nous avons négligé tout ce qui n'est qu'articulation technique
ou pure question de fait, lorsque nous n'y avons vu rien de significatif à notre point de vue.
C'est ce qui explique que certains aspects de la psychanalyse qui, comme la sexualité, doivent
figurer dans les exposés dogmatiques au premier plan, n'apparaissent pas du tout dans ce
travail.
Nous ne sommes pas, d'autre part, partisans de cette méthode qui consiste à vouloir justifier
les « mais» et les « si» par des citations appropriées. Et si nous avons cité moins qu'on n'en a
l'habitude dans des ouvrages comme le nôtre, c'est parce que l'exactitude de notre
interprétation ne peut être vérifiée que par une réflexion personnelle. Nous avons renoncé de la
même manière à cette conception qui inspire la plupart des ouvrages philosophiques français,
et qui consiste à supposer un lecteur absolument passif, pour ne pas dire stupide, auquel, pour
le dispenser de tout effort de réflexion personnelle, il faut présenter des choses toutes mâchées.
Cette méthode est superficielle et ne donne que la fausse clarté. Difficulté et obscurité, clarté
et facilité ne sont pas synonyme. La précision de l'idée devant se suffire à elle-même, les
développements qui ne sont destinés qu' à épargner au lecteur des efforts sont complètement
inutiles, d' autant plus qu'ils sont absolument dépourvus d'intérêt pour l'auteur lui-même.
Voilà pourquoi nous avons omis à peu très tout ce qui n'est pas la position et le
développement des idées elles-mêmes. Après avoir dit une fois aussi clairement que possible en
quel sens nous reprochions aux psychologues classiques d'avoir pris les faits psychologiques
pour des « choses », nous avons omis de comparer tout au long la signification que ce reproche
a pour nous, à celle qu'il a chez Bergson. Nous savons aussi que nous sommes très loin d'être
seul à employer le terme « concret », mais le sens qu'il a dans notre texte doit prévenir toute
confusion, bien que nous n'ayons pas passé en revue toutes ses significations. De la même
manière, nous n'avons pas pris une à une les diverses définitions du fait psychologique et les
critiques classiques de l'introspection pour montrer que les premières impliquent toutes
l'abstraction et que les dernières ont oublié l'essentiel. Et de même que nous ne nous sommes
pas éternisés sur l'idée du drame en elle-même, nous n'avons pas montré de chacune des
constructions théoriques de Freud la manière dont l'abstraction permet de les engendrer à
partir d'un fait concret et la manière dont ce fait concret peut être retrouvé en refaisant en sens
inverse le chemin de l'abstraction. Et nous pourrions citer encore beaucoup d'endroits où nous
avons évité les développements.
Tous ces développements n'auraient pas été inutiles. Mais le lecteur qui consentira à faire
l'effort nécessaire saura les retrouver par lui-même, tandis qu'à ceux qui se refusent à tout
effort de ce genre tous les développements du monde ne pourraient jamais suffire.
Nous ne voulons cependant pas couvrir, à l'aide de cette considération, ce qu'il y a d'imprécis
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