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EpilEpsiE Et Ecrans
Neurologies • Avril 2015 • vol. 18 • numéro 177 133
vés par photo-déclenchement :
les myoclonies, les absences, les
crises généralisées cloniques ou
tonico-cloniques, ainsi que des
crises focales avec ou sans perte de
conscience.
• Il faut rester prudent avant de
conclure au lien de cause à eet
entre la survenue d’une crise
épileptique et le rôle d’une expo-
sition à un écran dans la photo-
induction. En particulier, ce n’est
pas parce qu’une crise épileptique
survient lorsque les enfants ou ado-
lescents sont devant la télévision
que l’on peut conclure à une photo-
induction de crises épileptiques. En
particulier s’il s’agit d’un adolescent
qui passe une grande partie de la
journée face à un écran. De même,
les crises épileptiques survenant
après une longue période d’uti-
lisation de jeux vidéo ne doivent
pas être attribuées hâtivement à la
stimulation visuelle. En particu-
lier chez les adolescents, le facteur
“dette de sommeil” doit souvent
être considéré car ils jouent fré-
quemment tard dans la soirée, voire
toute la nuit.
• Sur le plan clinique, les crises
épileptiques photo-induites par
les jeux vidéos vont surtout être
diagnostiquées sur la base d’un
interrogatoire bien mené. Il s’agit
le plus souvent de garçons qui ré-
pètent des crises épileptiques alors
qu’ils sont en train de jouer aux
jeux vidéo. La survenue de crises
épileptiques sur la même séquence
d’un jeu vidéo ou sur des séquences
ayant un contenu visuel équivalent
fait fortement évoquer le diagnostic
[4-5]. S’il existe vraiment un doute
diagnostique, on peut envisager
un enregistrement EEG face à la
séquence vidéo qui aurait un rôle
déclenchant. Il est important de se
souvenir que seuls 10% des patients
avec des crises épileptiques induites
lors des jeux vidéo ont des modifi-
cations à la stimulation lumineuse
intermittente lors de l’EEG [5].
Tous les patients n’ont pas la
même gêne face aux crises déclen-
chées. Certains n’ont des crises in-
duites que par des lumières de très
haute intensité, alors que, pour
d’autres, ce sont les stimulations
visuelles du quotidien. L’impact
sur la qualité de vie est forcément
très diérent.
• Le traitement est basé sur
l’utilisation d’antiépileptiques,
mais l’utilisation de lunettes avec
des verres bleutés spécifiques
peut aussi être utile dans la prise
en charge [6]. Ces derniers permet-
traient de “filtrer” ecacement
l’aspect stimulation de certaines
lumières. Il faut bien expliquer aux
patients que tous les écrans n’ont
pas le même risque. Ainsi, les écrans
plasma ou de type LCD ont un pou-
voir plus faible de photo-induction
que les anciens tubes cathodiques.
De même, les écrans de petite taille,
tels que les consoles de jeu vidéo
portables ou les tablettes, semblent
moins stimulants. Il est important
de réexpliquer les facteurs les plus
favorisants des crises, comme la
luminance et le degré d’occupa-
tion de la stimulation visuelle dans
le champ visuel (~ 10 %) [2]. De
simples mesures, comme s’éloigner
de l’écran (plus de 1,5 m pour les
écrans de télévision) ou regarder
les écrans dans une pièce avec une
lumière ambiante permet que la
stimulation visuelle que représente
l’écran occupe moins d’espace dans
le champ visuel du patient.
EN CONSULTATION :
PRUDENCE...
En l’absence d’argument pour
une épilepsie avec crises épilep-
tiques photo-induites, il n’y a pas
lieu de modifier l’utilisation de la té-
lévision, de l’ordinateur ou des jeux
vidéo établie selon les choix édu-
catifs des parents. Il faudra aussi
veiller à ce que le patient ne soit pas
exclu de la pratique informatique
ou des séquences de cinéma ou
d’utilisation de la télévision dans le
cadre de la scolarité. Cela nécessite
d’ailleurs dans certains cas d’être
mentionné dans le PAI (Protocole
d’Accueil Individualisé : document
pour les recommandations médi-
cales au sein de l’école, signé avec
les parents et le médecin scolaire).
Lors de la consultation, il faut être
prudent lors des explications sur
l’utilisation des écrans. Les pa-
rents ont souvent tendance à
s’appuyer sur le risque médical
de la survenue d’une crise épi-
leptique pour limiter l’accès aux
écrans. Il faut garder un rôle de
médecin. Il convient alors de rap-
peler qu’une très grande majorité
des patients n’a aucun risque lors de
l’utilisation des écrans. Ce sont les
parents qui établissent les règles en
fonction des choix éducatifs pour
leurs enfants, ou qui établissent
avec les adolescents les conditions
d’utilisation des diérents écrans.
Cela n’empêche pas le médecin de
donner son avis sur la place des
écrans dans la vie quotidienne… n
Mots-clés : Epilepsie photo-induite,
Ecrans, Jeux vidéo, Enfant, Adolescent
Correspondance
stephane.auvin@rdb.aphp.fr
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