enregistrées à l’état de base entre les crises (nommées interictales) ainsi que les crises dans
leur phase précoce.
Nos travaux effectués au Centre de Recherche de l'ICM sur le site hospitalier de la Pitié-
Salpêtrière visent à étudier la dynamique des activités épileptiques au sein du tissu
épileptique humain in vitro. Cette approche permet d’accéder au fonctionnement de
neurones individuels au sein d’activités de groupes de neurones et de connaître les voies de
signalisation utilisées. Elle permet, en outre, de s’affranchir des modèles animaux d’épilepsie
qui ne reproduisent que quelques aspects de la maladie. Les crises de certains patients ne
peuvent pas, actuellement, être contrôlées par les médicaments et leur prise en charge fait
appel à la chirurgie. Nous nous focalisons sur une structure clé, l’hippocampe et sa voie de
sortie, le subiculum, qui, maintenu in vitro quelques heures en vie après sa résection
chirurgicale, continue à produire spontanément des activités épileptiques de type interictal,
similaires à celles enregistrées in vivo. Nos travaux précédents avaient permis de montrer
qu’elles étaient paradoxalement déclenchées par les cellules inhibitrices du cerveau, les
interneurones, qui avaient des effets excitateurs inattendus.
Dans ce travail, nous avons poussé les réseaux épileptiques vers la crise et observé que la
phase de transition s’étendait sur plusieurs dizaines de minutes et était marquée par
l’émergence progressive d’un nouveau type d’évènement épileptique : les décharges
préictales. Nous avons caractérisé les réseaux et les cellules qui les produisent. En
comparaison avec les décharges interictales déjà connues et qui expriment plutôt les
anomalies de base du tissu épileptique, elles sont plus amples, impliquent plus de
neurones, se propagent plus vite et ne sont pas initiées par les interneurones inhibiteurs
mais par les cellules excitatrices principales, les cellules pyramidales. La phase de transition
répond à un renforcement progressif des réseaux excitateurs, phénomène de plasticité
proche de celui qui sous-tend la mémorisation. Il est notable que la signalisation excitatrice
glutamatergique assure la transition vers la crise, sans rôle actif des systèmes
GABAergiques.
Une fois matures, les mêmes décharges préictales s’organisent sur une durée de quelques
secondes pour initier la crise en recrutant à la fois les systèmes excitateurs déjà renforcés
mais aussi en pervertissant encore un peu plus les systèmes inhibiteurs qui majorent alors
leur effet paradoxal excitateur. Ainsi, les anomalies de base au sein du tissu épileptique,
l’inhibition GABAergiques lui conférant des effets excitateurs, couplées aux décharges
préictales liées à une hyperexcitabilité s’associent pour initier une crise épileptique.
La route vers la crise est donc marquée par une dynamique complexe mais relativement
longue. Elle peut être identifiée dans des régions spécifiques du cerveau, malheureusement
pas toujours aisément enregistrables, ce qui alimentera les outils d’anticipation des crises.
Mais elle offre surtout des opportunités thérapeutiques en illustrant une démarche
spécifique : plutôt que de tester de très nombreuses molécules sur des modèles animaux
d’épilepsie, l’étude des mécanismes intimes de la dynamique cérébrale conduisant à la crise
au sein du tissu épileptique humain est la base du développement de thérapies mieux
ciblées.
Ces travaux ont été publiés le 3 avril 2011 dans :
Nature Neuroscience (03 Apr 2011) doi: 10.1038/nn.2790
Contact chercheur :
Gilles Huberfeld
Equipe 'Cortex & Epilepsie' – Centre de Recherche de l'ICM
INSERM UMRS 975 - CNRS UMR 7225 – UPMC, Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière,
APHP
105 Bd de l'Hôpital - 75013 Paris - France
Tel: +33 (0)1 40 77 81 65