Représentations spatiales de séquences musicales
Louis Bigo - Doctorant Université Paris-Est – LACL / IRCAM
Résumé accompagné par des figures supplémentaires, des vidéos et une bibliographie sur la page suivante :
http://www.lacl.fr/~lbigo/recherche
Comment pouvons-nous attribuer un style et parfois même un compositeur à un morceau de musique simplement en
l’écoutant ? Les styles ou les compositeurs peuvent-ils être caractérisés par une « signature » ? Ces signatures peuvent
elles être révélées par un système de représentation musicale ?
La manière la plus courante de représenter la musique est la partition. Ce système de notation est pratique pour
l’instrumentiste qui interprète l’œuvre. En revanche, il est moins adapté pour le musicologue qui analyse une pièce en y
recherchant les informations de plus haut niveau, comme par exemple des singularités harmoniques ou mélodiques qui
influencent notre ressenti lors de l’écoute.
On peut suivre le même raisonnement concernant le travail du compositeur, pour lequel retranscrire une idée sur une
partition peut constituer un obstacle à l’inspiration. Les systèmes personnels de notation qui accompagnent
fréquemment la composition de pièces de musiques actuelles montrent d’ailleurs les limites du système de notation
classique pour l’expression des idées du compositeur.
La partition est un espace métrique à 2 dimensions dans lequel les notes sont positionnées en fonction de leur hauteur
(axe vertical) et de leur position dans le temps (axe horizontal). Notre approche consiste à réfléchir à d’autres espaces
de représentation dans lesquels les éléments sont positionnés et organisés entre eux suivant d’autres critères musicaux.
Le choix d’un espace approprié pour représenter une pièce musicale relève d’une étude musicologique que nous
cherchons à automatiser à l’aide de la programmation spatiale.
1. Comment attribuer un espace à une pièce ?
Le Tonnetz (tone-network ou réseau de notes) se présente sous la forme d’un espace dans lequel les hauteurs sont
organisées suivant des axes associés à des intervalles musicaux. Deux hauteurs sont ainsi voisines dans l’espace, si elles
sont musicalement distantes de l’un de ces intervalles.
Les axes du Tonnetz traditionnel sont associés aux intervalles de tierce mineur, tierce majeur et quinte. La
représentation hexagonale qui en résulte (Figure 1) est couramment utilisée dans le cadre d’analyses musicologiques,
notamment les analyses néo-riemanniennes. Ainsi, une séquence d’accords issue d’une symphonie de Beethoven évolue
dans cet espace sous la forme d’une ligne droite (Figure 2) alors qu’elle apparait à première vue comme une série de
triades quelconque sur la partition.
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Figure 1 : Le Tonnetz traditionnel Figure 2 : Progression harmonique issue d’une symphonie de
Beethoven
Dans le Tonnetz, l’aspect et le comportement d’un objet peuvent être interprétés musicalement et cette interprétation
dépend des propriétés musicales associées à ses règles de voisinage. Notre approche consiste à généraliser la
construction de tels espaces en renouvelant les propriétés musicales à partir desquelles ils sont définis. Ainsi, la
possibilité d’attribuer n’importe quel intervalle à un voisinage mène en fait à un choix de 31 différents Tonnetze pour la
représentation d’une séquence musicale. Ces espaces, qui ne se représentent pas toujours sous la forme de maillages
hexagonaux, ne révèlent pas les propriétés harmoniques et mélodiques avec la même évidence. Une séquence d’accords
évoluant sous la forme d’une trajectoire rectiligne dans un Tonnetz A, pourra être représentée par une trajectoire
dépourvue de toute régularité dans un Tonnetz B [SCW10]. Certains Tonnetze (de manière plus générale certains
espaces) sont donc plus adaptés que d’autres pour représenter une séquence musicale donnée. Dans ce cadre, nous
définissons la compliance comme une mesure de l’aptitude d’un espace à révéler une propriété particulière d’une
séquence musicale. Dans le contexte de l’exemple que l’on vient de donner, la compliance correspond à la capacité d’un
Tonnetz à représenter une séquence musicale de manière compacte. Comme les propriétés harmoniques et mélodiques
d’une pièce musicale évoluent au cours de temps, la compliance évolue de même révélant ainsi une segmentation de la