" Le son selon John Cage, (à la différence d'une sculpture) prend naissance et disparait dans le temps. Cette disparition vaut avant tout comme témoignage du temps,comme trame,comme vecteur d'éxécution puis d'achèvement.D'un acte." Laurence Louppe Musique et spectacle vivant Depuis une quinzaine d'années, mon travail de "musicien compositeur" est engagé dans le spectacle vivant, théâtre, danse et cirque. Cette pratique quasi exclusive de l'écriture musicale à l'intérieur d'un processus dramaturgique m'a permis d'approfondir les rapports que la musique (et par extension l'utilisation du son) entretient avec le spectacle vivant. Dans ce processus de création, la base du travail est avant tout faite d'observation et d'écoute. Il s'agit par exemple de relever des tempi liés au texte, de définir des espaces, des volumes liés à la scénographie, d'observer le travail de corps des acteurs, d'écouter les timbres des voix et finalement, d'essayer d'appréhender "les masses sonores" qu'elles soient vocales, produites par les acteurs en mouvement, existantes dans les lieux ou liées à l'acoustique. Ces relevés quasi "topographiques" inscrits dans la portion de temps qu'est la représentation théâtrale, doivent permettre d'écrire le son, et de là la musique, à l'intérieur même du processus dramaturgique engendré par la volonté de mise en scène. Il est à noter qu'une fois ces observations avancées, le travail du "musicien compositeur" se scinde alors en deux grandes parties : l'une plus "intérieure", propre à la musique et à son développement (métrique, tonalité, timbre…) et l'autre plus "extérieure" liée aux différentes relations dramaturgiques entretenues par la musique tout au long de la représentation. D'évidence ces deux partitions du travail sont interactives et se modifient au cours du processus de création. Musique et mémoire Parallèlement à ce travail de composition pour le spectacle vivant, mon intérêt pour les musiques dites "populaires" et une série de voyages à vocation "ethnomusicologique" (Etats-Unis pour le blues, Cuba pour la musique des Caraïbes, Maroc pour la musique Gnawa..) m'ont permis de constater et de relever à quel point la musique produite dans ces différents contextes géopolitiques est empreinte d'histoire et de mémoire. Ainsi, et ce depuis toujours, chaque idiome musical (qu'il soit rythmique, tonal ou timbral) utilisé par un humain pour exprimer son présent, est puisé dans cette mémoire, adapté à un contexte et à nouveau restitué, créant à l'infini de nouvelles formes musicales. Force est de constater aussi que ce sont souvent les avancées technologiques qui ont influencé la musique et que l'ergonomie des objets sonores (instruments) ou leurs détournements ont propulsé la forme musicale vers d'autres horizons. Que serait le blues de Chicago sans l'électricité ou la musique de Mozart sans l'invention du clavecin ? Le travail du "musicien compositeur" se doit de prendre en compte ces paramètres, tant dans l'écriture musicale et ses relations dramaturgiques avec la scène, que dans sa mise en oeuvre technologique, s'il veut tenter d'inscrire son travail dans une forme objective et universel, loin de toute illustration. Manu Deligne