10 L’homme et le calcul
L’´etude de l’homme et ses capacit´es sensorielles et intellectuelles est une
´etude qui commence au 18e si`ecle, mais devient “professionnelle” vers la fin du
19e si`ecle, cad. autour de 1900 la psychologie devient une discipline dans les uni-
versit´es et psychologue devient une profession. Les d´ebuts d’une ‘psychom´etrie’
(mesure de la ‘psych`e’, des facult´es sensorielles et intellectuelles de l’homme)
semblent se situer au d´ebut du 18e si`ecle. C’est Christian Wol(1679–1754), le
grand philosophe et p´edagogue des Lumi`eres Allemandes, qui en premier utilise
le mot psychom´etrie, et propose des mod`eles nouveaux et math´ematiques pour
repr´esenter les processus de la pens´ee. Avant le 18e si`ecle, il ´etait courant de
nommer la logique l’art de raisonnement et on percevrait les processus intellec-
tuels dans les termes logiques ou linguistiques. Avec l’importance croissante des
math´ematiques dans les sciences, Wolcommence `a regarder les math´ematiques
comme l’art de raisonnement et essaie de d´ecrire la pens´ee dans ces termes. Dans
une veine semblable, des physicistes du tournant de 1800 commencent `a d´ecrire
th´eoriquement ce qu’un homme peut faire physiquement. P.ex. J.H. Lambert
(1728–1777) applique la description classique math´ematique de la gravitation
et du travail `a l’homme, et C.A. de Coulomb (1736–1806) p.ex. d´emontre qu’un
homme ne peut pas voler, utilisant des d´erivations math´ematiques. N´eanmoins,
ca reste des sp´eculations plutˆot th´eoriques et l’id´ee de m´esurer empiriquement
ce que l’homme est capable de faire, sur le plan physique et psychologique, naˆıt
proprement qu’au milieu de 19e si`ecle.
10.1 La mesure de l’homme
Une premi`ere vague dans l’´etablissement de l’´etude de l’homme et ses capa-
cit´es s’inspirait, pour les m´ethodes et approches, de la physique classique, cad.
une m´ethode exp´erimentale en combinaison avec un traˆıtement math´ematique
des donn´ees. Mais, au lieu d’´etudier les ph´enom`enes ‘objectivement’, on les
´etudiait comme ils ´etaient apper¸cus ‘subjectivement’ par l’homme. Par exemple,
au lieu d’´etudier comment les couleurs naissent de la refraction des ondes, on
´etudiait comment les couleurs sont apper¸cus par l’homme (origine des couleurs
de la lumi`ere, apr`es Newton et Fresnel, versus l’apparence de la lumi`ere comme
couleurs sur l’oeil, p.ex. chez Lambert ou Goethe). Un autre exemple serait le
son, au lieu d’´etudier les ondes sonores et leur m´ediation en tant que ph´enom`enes
purement physicaux, on regardait comment l’homme entend le son, et quels sons
qu’il peut entendre et comment il les classifie.
Pour ´etudier l’´etendue et l’organisation des apperceptions sensorielles de
l’homme, des scientifiques commencent `a utiliser des apparats tr`es complexes
afin de pouvoir quantifier les facult´es de l’homme. Pour la mesure des capa-
cit´es sensorielles, l’un des scientifiques les plus marquants ´etait Hermann von
Helmholtz (1821–1894), grand physicien et grand organisateur des sciences en
Prussie. Dans son livre fameux, Die Lehre von den Tonempfindungen als physio-
logische Grundlage f¨ur die Theorie der Musik (la doctrine des perceptions de son
comme fondements physiologique pour la th´eorie de la musique, 1863), il essayait
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de d´emontrer comment l’organisation physique des sons est en corr´elation avec
l’apperception de musique par l’oreil humain. En utilisant un appareil ´electrique
pour g´en´erer des sons (superposition d’ondes sinuso¨ıdales), Helmholtz montrait
que l’oreil humain pr´ef`ere certaines combinaisons de simples ondes et que l’ap-
perception humaine de sons eectue une sorte d’analyse de Fourier (factorisation
de sons complexes en simples ondes). Une ´etude semblable se trouve dans Hand-
buch der physikalischen Optik (1856–67), o`u Helmholtz essaie de conjuguer la
th´eorie physique de la lumi`ere et des couleurs avec l’apperception ‘subjective’
de l’oeuil humain.
A gauche, un appareil de Helmholtz avec des r´esonnateurs qu’on peut
combiner pour g´en´erer des sons qui sont des additions d’ondes simples. A
droite, une installation psychophysique pour m´esurer la force de tir d’un bras
(subjectif) relatif `a la force physique (objectif).
Autres repr´esentant du mˆeme courant scientifique en Allemagne est Ernst
Weber (1795–1875) et Gustav Fechner (1801–1887) qui se d´evouaient surtout
`a la mesure des capacit´es physiques du corps et du m´emoire. L’id´ee centrale
´etait que la perception subjective de force, de douleur etc ne correspond pas
exactement avec la ph´enom`ene physique. La mesure se faisait comparatif, p.ex.
le double de force apper¸cu versus le double de force m´esur´ee physiquement. Ils
appelaient leur science la psychophysique. L’un des r´esultats obtenus par eux
´etait la formule suivante (loi de Weber) :
E=K ×log R
O`u, E est l’intensit´e de la sensation, R la quantit´e ‘objective’ de ce qui est sentie,
et K une constante qui varie selon la sorte de sensation. P.ex. pour les poids K
est 1/50 ; pour les temp´eratures 1/30 ; pour la pression sur la peau 1/10 etc.
L’´ecole allemande des psychophysiciens s’´etablira aux universit´es vers la fin
du 19e si`ecle. Des r´epresentants importants sont Wilhelm Wundt (1832–1920),
Herman Ebbinghaus (1850–1909) ou encore Hugo M¨unsterberg (1863–1916) qui
´emigra plus tard aux Etats-Unis (d`es 1892). Leur enseignement sera suivi par
des ´etudiants venus de l’´etranger, en particulier les scientifiques qui fonderont
la psychologie aux Etats-Unis sont presque tous pass´es `a Leipzig o`u enseignait
Wundt. L’application pratique des r´esultats de cette psychophysique manque
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en Allemagne, mais sera faite en France (pour la p´edagogie), et aux Etats-Unis
(pour l’industrie et le gouvernement).
Une installation complexe psychophysique pour m´esurer l’aperception de
couleur, de son etc.
10.2 La mesure de l’intelligence
10.2.1 Le test de Binet-Simon
Alfred Binet (1857–1911) est, ensemble avec Jean-Martin Charcot et Henri
Beaunis, l’un des fondateurs de la psychologie en France. Avec Beaunis, il tra-
vaille au Laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne, rattach´e `a
l’´
Ecole pratique des hautes ´etudes, et ensemble, ils fondent le journal L’Ann´ee
psychologique (d`es 1894). Binet est aujourd’hui surtout connu pour le d´eveloppement
du test QI (Quotient d’Intelligence)8, qu’il ´elabora dans les ann´ees 1905–1911
avec Th´eodore Simon. En fait, ce que Binet et Simon voulaient d´evelopper,
c’´etait une ´etude exp´erimentale de l’intelligence chez les enfants, afin de pou-
voir organiser de fa¸con syst´ematique l’´education (leurs ´etudes ´etaient command´e
par le gouvernement fran¸cais). Comme r´esultat, ils voulaient obtenir une ´echelle
m´etrique de l’intelligence en fonction de l’ˆage de l’enfant.
Partant de l’approche allemande qui reste tr`es proche de la physique exp´erimentale,
Binet et Simon essaient de standardiser la mesure des facult´es de l’homme. Au
lieu de faire des mesurations dans une laboratoire, ils d´eveloppent des tests, des
listes de questions, ‘jeux’ et observations `a faire (entre autres mesure du crˆane)
qui peuvent ˆetre interpr´et´es quantitativement. Le test de Binet-Simon est un
test tr`es complexe. Il n’y a pas seulement des questions, mais aussi des situa-
tions `a analyser, et l’individu n’y est pas vu en isolation, mais dans un contexte,
facteur aussi pris en compte. Le test sera simplifi´e plus tard aux Etats-Unis o`u
il deviendra un outil important de s´election pour l’industrie, l’arm´ee et l’´etat.
8En fait, QI n’apparaˆıt pas chez Binet-Simon, c’est une addition de Sterne et Terman et
correspond `a : [age mental] divis´e par [age chronologique] fois 100. Biensˆur, QI dans cette
efinition n’est appliqu´ee qu’aux enfants moindre que 18. Pour un adulte, on divise par 16,
ˆage mental de l’homme moyen.
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esum´e du test de Binet-Simon La s´erie d’´epreuves du test comportent
(en ordre chronologique) :
1. Le Regard : coordination dans les mouvement de la tˆete et des yeux
2. La Pr´ehension provoqu´ee par une excitation tactile : coordination sensa-
tion du main et mouvement de saisir et porter `a la bouche
3. La Pr´ehension provoqu´ee par une perception visuelle : coordination vue
et pr´ehension
4. La connaissance de l’aliment
5. Recherche de l’aliment compliqu´ee par une petite dicult´e m´ecanique :
rudiments de m´emoire et de volont´e
6. Ex´ecution d’ordres simples et imitations de gestes simples
7. Connaissance verbale des objets : Association entre choses et leurs noms
8. Connaissance verbale des images : objets remplac´es par images
9. Nomination des objets d´esign´ees
10. Comparaison imm´ediate de deux lignes, de longueur di´erente (vue)
11. R´epetition de trois chires : m´emoire et attention
12. Comparaison de deux poids (tactile)
13. Suggestibilit´e (demander des choses qu’il ny a pas, variations sur les autres
exp´eriences)
14. D´efinition verbale d’objets connus : pr´esenter en mots une id´ee simple
15. R´ep´etition de phrases compos´ees de 15 mots
16. Di´erence entre plusieurs objets connus, repr´esenes de souvenir
17. Exercice de m´emoire sur des images
18. Dessin de m´emoire
19. R´ep´etition imm´ediate de chires
20. Ressemblance entre plusieurs objets connus, repr´esent´es de souvenir
21. Comparaison de longueur (vue et comparaison rapide)
22. Mise en ordre de cinq poids
23. Lacunes de poids
24. Exercice sur les rimes
25. Lacunes verbales `a remplir
26. Synth`ese de trois mots dans une mˆeme phrase
27. R´eponse `a une question abstraite (p.ex. Avant de prendre une r´esolution
sur une chose importante, quoi faire ?)
28. Inversion des aiguilles d’une montre (6h20 ; inv 4h30)
29. D´ecoupage (feuilles de papier)
30. D´efinition de termes abstraits
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