james bond… fin de série - Théâtre des Marionnettes de Genève

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Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier presse – saison 2012 - 2013
JAMES BOND… FIN DE SÉRIE
Un spectacle du Bob Théâtre Rennes (F) en coproduction
avec le Théâtre des Marionnettes de Genève et le Théâtre Lillico Rennes (F)
Du 9 au 20 JANVIER 2013
Texte, mise en scène et interprétation :
Denis Athimon
Lumière : Alexandre Musset
Compositeur : François Athimon
Théâtre des Marionnettes de Genève
3 Rue Rodo | 1205 Genève
Réservations : 022 807 31 07
ou www.marionnettes.ch
~ 60 minutes
Adultes, ados
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Le spectacle
1. L’histoire
Qu’en est-il d’un acteur qui n’arrive
plus à jouer ? Et d’un espion qui
n’arrive plus à espionner ? Un gagnant,
celui à qui tout réussi, qui commence à
perdre et à se poser des questions sur
son travail et sa routine. L’Aston
Martin, les hôtels de luxe, les gadgets,
les courses poursuites… Ca va cinq
minutes mais au bout de cinquante
ans… Peut-on parler de travail
pénible ? A quel âge faut-il partir en
retraite lorsque l’on est espion ? Que
se passe-t-il lorsqu’on s’aperçoit que
l’on ne peut plus faire son travail
James Bond… Fin de partie. Photo de répétition
correctement ? A quoi pense-t-on
lorsqu’on a la main qui tremble au moment de tirer sur quelqu’un ? Lorsqu’on s’assoit à côté d’une
superbe femme et que celle-ci vous ignore totalement ? Lorsque votre vodka-martini vous reste sur
l’estomac ? Quand le briquet lance-flammes que vous a confié l’ingénieur des gadgets high-tech se met
accidentellement en route dans votre poche ? Bref quand la "loose" fait son apparition. Quand la loi de
Murphy devient votre quotidien. Nous suivrons donc cet espion de renommée internationale, enchaînant
les succès et les conquêtes, durant son déclin, vers une fin certaine. Mais au fond, cela n’est-il pas
rassurant de constater que même les icônes vieillissent. Cet espion n’est pas un surhomme, et lorsque le
doute s’immisce…
A l’heure du bilan et passé l’âge des quadras rugissant dans d’incroyables courses-poursuites, le plus
célèbre agent secret et figure culte de la culture populaire affronte un ennemi intérieur, une sorte de
double plus juvénile qui refuse de mettre fin à l’incroyable saga de l’espion qui ne s’aimait plus. Face aux
femmes, on s’est toujours demandé si Bond n’était que la dernière variante d’un patriarcat ringard ou un
être sensible au cœur d’artichaut confronté à des femmes indépendantes rendues parfois malheureuses
par les épreuves subies. Sur scène, l’ancien héros désormais solitaire étale devant lui les perruques
figurant ce qu’il reste de ces femmes croisées séduites puis perdues à jamais. Sont-elles enfin bien
davantage que des fétiches et des gadgets ?
Le James Bond du Bob Théâtre est un homme rien qu’un homme. Il souffre, il encaisse, il saigne, il
est sonné, il s’évanouit, il est anxieux, il a peur, il vomit, il transpire, il aime, il a des chagrins d’amour
tout en ne voulant plus effectuer ses deux à trois missions par an. De détournement d’objets en
parodies de l’agent secret façon Sean Connery, viril, pince-sans-rire, brutal et un brin désabusé,
Denis Athimon explore, avec une savoureuse ironie, les paradoxes d’une fin de carrière pleine de
rebondissements et de chausse-trappes. Ce spectacle sera l’occasion de mettre fin à cette jeunesse
qui semble lui coller à la peau. Le but ultime : faire mourir l’espion, une bonne fois pour toute,
terminé, rideau, fin de l’histoire. Promis, il y aura de l’action, du suspense, du sexe, des cascades,
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des génériques à couper le souffle, des entrées en fanfares, des fins qui font pleurer, des courses
poursuites en voitures de collections, des vodka-martini (à la cuillère pas au shaker), de la violence,
de l’amour, de la haine, du luxe…
2. Le grand Bond en arrière
Rencontre avec Denis Athimon qui réalise et
interprète le spectacle.
Vous imaginez la figure de James Bond en bout
de course, notamment à travers un comédien qui
ne désire plus endosser son rôle.
Denis Athimon : L’histoire de l’espion qui doute, veut
raccrocher sa mission après un demi-siècle de bons
et loyaux services parcourt déjà la version cinéma de
Casino royal avec Daniel Craig dans le rôle-titre. Il y a
cette lassitude, ce burn-out d’un agent secret
intermittent ou d’un intermittent du spectacle qui ne
veut plus l’incarner.
J’ai été fasciné par la lecture du roman signé Philip
Roth, Le Rabaissement. Il développe l’histoire d’un
acteur ne parvenant plus à jouer. S’il ne peut plus
James Bond… Fin de série. Photo de répétition
monter sur scène, c’est qu’il s’y sent médiocre, se
regardant interpréter. Qu’en est-il alors d’un espion ne
sachant plus espionner ? Lorsqu’il tire, la balle arrive
dans son pied. Loin d’être un super-héros, James Bond est ici simplement un homme perdu, un looser
dénué de sa classe et de son aplomb légendaires. Plus concrètement, soit je perdais une vingtaine de
kilos pour incarner Bond, soit il fallait emprunter cette voie réaliste et pas si parodique que cela d’un être
en bout de course et à bout de souffle.
L’univers de Philip Roth est assez sombre.
Il a écrit une tragédie en trois actes dont la première phrase décrivant l’acteur déboussolé est : "Il avait
perdu sa magie." Ayant triomphé pendant 40 ans à Broadway, le comédien du roman à la soixantaine. A
propos de lui, Philip Roth écrit : "Le charisme qui avait été le sien, toute son originalité, ses singularités,
ses traits distinctifs, tout ce qui avait fonctionné pour Falstaff, Peer Gynt et Oncle Vania…, rien de tout
cela ne marchait plus, quel que fût le rôle". S’il accepte au début difficilement la panne survenue dans son
parcours, il finira par l’intégrer à sa vie. Evidemment, comme comédien manipulateur, il m’arrive de me
poser de sérieuses questions. Ce, y compris sur des spectacles joués depuis longtemps, en pensant à ce
que le comédien va faire ou penser, en se voyant jouer de manière distanciée. Autant de moments de
doute parfois douloureux à vivre.
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Il y a dans le roman de Roth, une ironie limpide, superbe et une forme de résistance vitale, désespérée,
malgré les échecs à répétitions. C’est de cette tonalité et de cet esprit que souhaite s’inspirer la création
de James Bond… Fin de série. C’est aussi le prétexte à un merveilleux, loufoque et révélateur jeu de
rôles, où les femmes aux destinées souvent tragiques, qui ont traversés la vie de l’agent secret sont
maintenant des perruques que contemple le héros. Que reste-t-il d’une vie, au bout du compte ?
Quel est le degré de fidélité au scénario James Bond dans cette pièce ?
A l’origine de ce projet, c’est le respect de la
franchise cinématographique et de la mythologie
liée à James Bond. Ainsi le récit bondien est
invariablement
marqué
par
des
débuts
C’est le crépuscule
fracassants. Prenez le dernier Bond au cinéma,
d’une certaine forme de héros bondien.
Skyfall, signé Sam Mendes, c’est un art de gestes
pour l’agent secret au fil de la traditionnelle
course-poursuite au cœur du bazar d’Istanbul.
Bond saute aussi dans des rames piégées, reste
droit quand les wagons explosent et se
désossent. Mais le cador est potentiellement faillible, chute du haut d'un viaduc, désarticulé comme un
pantin.
On ne sait pas très bien qui sont les poursuivants dans cette série de courses et de bagarres. Tout
commence par une trépidante et longue séquence de course-poursuite, où le comédien que je suis
déboulera suspendu à un hélicoptère avec les moyens que permet le théâtre d’objets.
Le dessein du spectacle étant de mettre fin à une franchise et à la série des James Bond, c’est donc le
crépuscule d’une certaine forme de héros bondien. Ainsi fête-on le 50e anniversaire d’un personnage,
l’agent 007, qui a accédé au statut de mythe, colonisé l’imaginaire collectif et devenu un véritable
phénomène culturel sans prendre une ride. Il a une trentaine voire une quarantaine d’années. Or, il est
bien un moment qui le voit dépasser ce cap d’âge et plonger dans une crise d’identité. Si le personnage
que j’incarne peut mourir, les différentes facettes de cette figure internationale, elles, ne finiront jamais.
3. Le mythe James Bond
James Bond est déjà ancien. C'est presque un vétéran de la mythologie. Il ne cesse pourtant d'être
actuel. Cette actualité tient d'abord au fait que James Bond reste identique à lui-même en se dotant des
atouts de la nouveauté. Depuis plus de cinquante ans, le mythe bondien a su se renouveler. Son créateur,
lan Fleming, n'a pas seulement inventé une figure d'espion jusqu'ici inédite. Il a donné naissance à une
série littéraire où le principe consiste fondamentalement à repartir de zéro à chaque nouveau roman. Bien
entendu, chaque opus s'inscrit aussi dans la continuité des précédents et les romans de James Bond
forment une série qui a su engendrer sa propre mémoire. Au début d'On ne vit que deux fois, 007 n'est
plus que l'ombre de lui-même après la mort de sa femme, Teresa di Vicenzo, assassinée sous les balles
de l'infâme Blofeld à la fin du roman précédent, Au service secret de Sa Majesté. Dépressif, aigri, rongé
par l'ennui, lui qui jouit habituellement d'un formidable appétit de vivre, Bond sabote ses missions,
culpabilisant de n'être pas mort à la place de celle qu'il aimait. Il suffit pourtant que M lui confie une
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mission qualifiée par lui d'impossible, et le voilà à nouveau revigoré, tous les sens en éveil, prêt comme
au premier jour à aller au-devant du danger. Le caractère inépuisable de Bond est inscrit dans son code
génétique littéraire, parce que 007 est un personnage sériel.
James Bond, les retours dans l’Histoire
Le cinéma joue du même principe, d'ailleurs entièrement
condensé dans les formules "James Bond will return..." ou
"James Bond will be back...", qui figurent à la fin des premiers
films à partir de Bons baisers de Russie. Mais la nouveauté
bondienne est d'autant plus frappante au cinéma qu'elle
s'appuie, bien sûr, sur le changement des visages chargés
d'incarner le mythe. Quelles que soient les raisons qui ont
présidé aux choix de Sean Connery, George Lazenby, Roger
Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan ou Daniel Craig depuis
2006, le constat s'impose : les acteurs qui ont duré
correspondaient moins au canon bondien qu'ils n'étaient des
corps en phase avec leur époque. On imagine mal le musculeux
Daniel Craig pendant les années Roger Moore, mais le
physique un rien mollasson de Moore n'est plus guère
envisageable aujourd'hui. Les corps starisés par les
blockbusters ont évolué, Bond s'est adapté. Dans cette faculté
d'adaptation réside en grande partie l'élixir de jouvence du
personnage. Les films de James Bond sont des éponges qui
s'imprègnent de l'air du temps.
James Bond… Fin de série.
Photo de répétition
Casino Royale l'aura démontré avec éclat. Film du « re-bond»
(pour faire nôtre ce calembour qui a émaillé tant d'articles
critiques à sa sortie), il est l'un des épisodes qui a su le mieux exhiber l'extraordinaire plasticité d'un mythe
jamais plus fidèle à lui-même que lorsqu'il recycle les figures d'une époque donnée. Sous couvert d'en
revenir aux origines du héros, Casino Royale restera aussi comme le film qui a fait entrer, de manière
fracassante, 007 dans l'ère post-11-Septembre, sans la moindre référence aux islamistes radicaux. Une
tentative d'attentat contre un prototype d'avion gros-porteur qui tourne en son contraire "l'événementimage" (Baudrillard) des Boeing de TWA s'encastrant dans les tours du World Trade Center; l'exhibition,
au début du film, d'une violence extrême lorsque Bond défonce la tête de sa victime dans des toilettes,
pour placer d'emblée le spectateur dans un état d'effroi proche de celui qui l'avait saisi face aux images
des attentats; la présence, enfin, d'une organisation criminelle qui, contrairement au Spectre, demeure
une nébuleuse de l'ombre anonyme et insaisissable, pour mieux faire écho à Al-Qaida : il n'en faut pas
plus pour que James Bond colle résolument à son époque, en intégrant l'époque à l'univers bondien.
On nous objectera que ce ne sont que les cendres de l'époque, et non l'époque elle-même, qui sont
saisies par un tel ensemble de clichés ? Ce serait ne pas comprendre que la perspective mythique
gouverne le recyclage bondien. Or, le mythe doit trouver les moyens, parfois grossiers, d'apparaître
toujours différent tout en demeurant le même. Les rapports que James Bond entretient avec l'Histoire
(l'histoire sociale, l'histoire politique autant que l'histoire culturelle et l'histoire esthétique des formes) se
justifient par la volonté, commune aux créateurs de la saga, d'assurer la survivance du mythe sous les
oripeaux de la métamorphose…
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James Bond a su réactualiser à des figures anciennes que, au premier rang desquelles on trouve l'image
flamboyante du chevalier. James Bond est un chevalier moderne. Il est aussi un curieux amalgame
d'autres figures, parfois plus anciennes (Héraclès, Dionysos, etc.), qui en font un être fictionnel complexe.
Ajoutons à cela que James Bond est depuis longtemps irréductible à lui-même, s'il l'a jamais été, étant
donné la diversité des images de lui qui se présentent à nous…
Au monde tel qu’il va, James bond substitue un monde où rien n’est trivial. En ce sens, le mythe de
James Bond propose de réenchanter le monde.
Françoise Hache-Bissette
4. Bond… Fin de partie ?
Entretien avec Denis Athimon comédien et concepteur de la création.
Dans quelle atmosphère sommes-nous relativement à la manipulation d’objets ?
Denis Athimon : On est ici éloigné de l’esprit
d’autres créations du Bob Théâtre comme
Nosferatu ou Princesse K. La production se
partage entre théâtre d’objets et théâtre
d’acteurs. La première partie du spectacle est
traversée par l’objet pour mieux s’en départir
ensuite afin d’arriver davantage dans les
parages de la construction et de la
déconstruction d’un personnage qui s’interroge
et est face à lui-même. Comme le comédien
que je suis peut douter lorsque les objets
viennent à manquer.
James Bond a ici un problème de personnalité
qui le forcera
à jouer plusieurs rôles.
Dans la seconde partie, le James Bond que j’interprète est en fin de vie, de parcours. Il est confronté à
celui qui va le remplacer. Dans ce qui est une forme de passation de pouvoirs, peut-être l’acteur pourra-t-il
jouer les deux figures ou existera-t-il une forme de double marionnettique. Le propre du travail de la
Compagnie est de laisser certains éléments ouverts jusque à la veille de la première du spectacle. Dois-je
me mettre en accord avec moi-même ou faut-il mobiliser et actionner un objet qui symbolisera ce
dédoublement, un protagoniste avec lequel je m’entretiens ? Souvent les choses s’imposent d’ellesmêmes dans une phase plus intense de mise en jeu du comédien au fil des répétitions.
Il y a aussi cette réalité d’un comédien qui se naufrage.
Dans les créations du Bob Théâtre, je n’ai que rarement interprété un seul et unique personnage. Passer
d’un protagoniste à l’autre implique une "mimographie" contrastée, des changements d’accents, de débit
verbal, de postures ou d’accessoires.
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James Bond a ici un problème de personnalité qui le contraindra à jouer plusieurs rôles. Il y a à la racine
d’une part du héros, le souvenir d’un comédien à la dérive. Quand il est sur scène, il se sent impuissant à
jouer, à entrer dans la peau d’un autre. Une crise existentielle terrible, inexplicable, où toutes les illusions
sont démolies, qu’elles touchent au talent, à la séduction, à l’efficacité ou l’espoir. Il existe beaucoup de
cette dimension de l’acteur qui ne veut plus jouer dans l’espion en "débondade" de James Bond… Fin de
série. (rires).
Qu’avez-vous gardé des accessoires cultes de Bond, l’Aston Martin, le briquet, le pistolet Walther
PPK ainsi que des gadgets conçus par l’ingénieur Q ?
Des silhouettes de papier en 2d montées sur socle notamment sont posées sur une table. L’Aston Martin
a ainsi les contours, les traits d’une voiture. Mais elle est présente comme une sorte de souvenir laissé
par l’écriture sur l’aplat de la page noircie par Ian Fleming. Ce qui permet aussi de ménager à ce véhicule
culte un toit ouvrant. On passe ainsi d’une vision à la table à un plan où le comédien dans un fauteuil peut
appuyer sur deux gâchettes. Ces dernières mettent en marche des propulseurs pour siège éjectable qui
me feront peut-être partir dans les airs. L’écran suggère aussi des silhouettes planes, plates qui évoluent
essentiellement dans le noir et blanc.
Au fil de la séquence inaugurale émaillée de péripéties, Bond rencontre une femme. Sa mentalité change
alors, tombant amoureux en un quart de seconde. Il se prend à rêver, s’immergeant dans une ambiance
onirique, pop, festif avant le désenchantement. Les objets deviennent alors plus colorés avant une
descente au cœur du désenchantement. C’est aussi une sorte d’hommage à certains génériques ultra
graphiques de la série Bond. Le début fonctionne ainsi comme un générique. Il y aussi le graphisme des
objets et la musique, des éléments essentiels dans les Bond. On retrouve ainsi l’atmosphère de certains
génériques de la série.
5. La figure de James Bond au cinéma et l’histoire
Marjolaine Boutet est historienne, notamment de la société américaine. Elle s’est spécialisée
dans l’analyse des séries TV. Pour elle, James Bond est un peu le carbone 14 des relations
internationales, un marqueur évolutif des périodes diplomatiques qu’il a traversées et
bousculées parfois.
James Bond est-il un personnage historique
bien que romanesque ?
Dans une interview au New Yorker du 21 avril
1962, Ian Fleming a déclaré avoir voulu créer avec
James Bond un personnage "inintéressant,
ennuyeux (…) auquel il arrive des choses." C’est
très certainement cet aspect "coquille vide" qui a
permis à tant d’auteurs, de dessinateurs, de
réalisateurs et d’acteurs de s’en emparer et de lui
faire traverser les époques. Comme Sherlock
Holmes et Dracula, James Bond a traversé le
James Bond… Fin de série. Photo de répétition
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temps et a permis d’incarner un large éventail de fantasmes, et donc de devenir le reflet de plusieurs
époques. Ce qui lui donne bien sûr une dimension historique.
James Bond souhaitait-il réellement la fin de la guerre froide et la chute de l’empire soviétique ?
La fin de la guerre froide a compliqué les choses pour James, et ses trois derniers avatars reflètent bien
les changements du climat dans les relations internationales. Timothy Dalton incarne le retour à la "guerre
fraîche", moment où, à la fin des années 80, les Etats-Unis (derrière Reagan) ont décidé de se montrer
plus ferme vis-à-vis de l’URSS. Son James Bond est moins détendu, plus violent, et a beaucoup moins
d’humour que celui de Roger Moore. Même chose entre Pierce Brosnan et Daniel Craig. Brosnan reflète
l’espoir d’un monde "apaisé" par la fin de la guerre froide dans les années 90, sous la gouvernance
bienveillante de l’hyperpuissance américaine. Mais il s’agit bien d’un fantasme, car la sortie de Goldeneye
en 1995 correspond en fait à la dernière grande réussite diplomatique américaine (les accords de Dayton).
Meurs un autre jour, sorti quelques mois après les attentats du 11 septembre, est déjà anachronique et
quatre ans plus tard, Daniel Craig donne un visage plus tendu à l’espion britannique, un an après les
attentats de Londres.
Le nouveau désordre mondial et le monde multipolaire sont-ils un terrain de jeu plus simple pour
l’agent 007 ?
Les films de James Bond sont toujours une simplification des grands enjeux internationaux, où la menace
pour le monde est toujours le fruit de l’imagination délirante d’un mad scientist doté d’un égo démesuré (et
d’une fortune illimitée), vaincu à la fin. James se bat donc toujours contre « un méchant ». C’est
finalement l’imagination délirante des scénaristes et les moyens techniques et financiers de l’industrie du
cinéma qui rendent les films plus "complexes" et plus impressionnants visuellement, mais James, lui, fait
toujours la même chose.
James Bond est-il ringardisé par la série 24 heures chrono ?
L’influence de Jack Bauer sur le James Bond de Daniel Craig est évidente. D’abord, il n’y avait eu aucun
James blond avant l’apparition de "l’autre J.B." Les scènes de torture de James dans Casino Royale
rappellent directement celles de Jack dans 24 heures chrono. Mais James a aussi été influencé par un
troisième J.B. : Jason Bourne. Les films avec James Bond s’inscrivent aussi dans l’histoire et l’évolution
du genre action/espionnage au sens large.
Propos recueillis par David Abiker
6. James Bond et les femmes
Que serait James Bond sans les James Bond girls ? Elles offrent à la saga son relief glamour. Ces
plantureuses créatures ont joué leur rôle dans la promotion d'un érotisme soft. À leur manière, les James
Bond des années 1960 et du début des années 1970, avec leur érotisme mâtiné d'exotisme, ont préparé
le succès d'un film comme Emmanuelle. La riche iconographie qui a toujours accompagné la sortie des
films (affiches, encarts publicitaires, etc.) est révélatrice de l'exhibition du caractère érotique des James
Bond girls. Filles en bikini contorsionnées dans des attitudes lascives, voire abandonnées et soumises;
point de vue recherché donnant à voir la silhouette de James Bond à travers les sculpturales jambes d'une
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femme; transparence d'une robe blanche éclairée en contre-jour
qui laisse deviner les courbes parfaites d'une silhouette
féminine... tels sont quelques-uns des motifs que l'on
découvre…
Seules des femmes exceptionnelles à tous les points de vue
peuvent vraiment retenir l'attention de James Bond. Elles ne
sont pas pour rien les héritières des femmes fatales des films
noirs des années 1940 et 1950, même si leur rôle et leur
fonction symbolique sont très différents. Comme elles, leur
physique attrayant se doit d'être la promesse d'un caractère
affirmé. N'oublions pas non plus que les femmes incarnent la
dimension tragique des James Bond. Comme Jill et Tilly
Masterson, Teresa di Vicenzo ou Vesper Lynd, ce sont elles qui
meurent assassinées ou suicidées, subissant des formes de
morts violentes qui sont aussi des morts sublimes. Le corps
recouvert d'or de Jill est un cadavre, en lequel Éros et Thanatos
unissent leurs forces contraires et mortifères…
Dans Casino Royale, Vesper Lynd émoustille 007 par son sens
James Bond… Fin de série.
de la repartie. Vesper est une cérébrale qui a su déplacer force
Photo de répétition
et séduction sur le plan de l'intellect. Sa beauté est mise en
valeur, mais jamais par le truchement de la nudité. Eva Green,
qui l’interprète à l’écran, a assez répété dans ses interviews que
Vesper n'était pas une fille en bikini, et on n'avait jamais vu avant une Bond girl démaquillée.
Au gré des James Bond au cinéma, les femmes peuvent aussi se situer en position de commander,
sermonner, surveiller l’espion. C’est la période qui s’ouvre en 1995 avec Judi Dench dans le rôle de "M", la
directrice des Secret Intelligence Service (plus communément MI-6), donc la supérieure de James Bond et
se poursuit notamment avec Eva Green en comptable du Trésor. James Bond doit ainsi désormais obéir à
des femmes. Judi Dench ("M") s’adresse à l’agent secret en ces termes dans Goldeneye (1995) : "Vous
êtes un dinosaure sexiste et misogyne, une relique de la guerre froide dont le charme puéril est sans effet
sur moi."
Dans le champ de ce qu’on pourrait appeler les James Bond studies, l eromacier et philsophe Umberto
Eco va livrer en 1966 un article pionnier. La mode est alors au structuralisme, à l’analyse narrative des
productions culturelles de masse. Eco se penche, dans l’article James Bond. Une combinatoire narrative,
sur les procédés narratifs des romans de Ian Fleming, le père de 007. La Bond Girl joue un rôle central
dans le récit. Eco rappelle alors que la plupart des Bond girls font, lors de leur première apparition, partie
de l’entourage du méchant, qui les retient en otage, les terrorise, les met sous pression et, d’une manière
ou d’une autre, les domine.
C’est dans la rencontre avec Bond qu’elles vont se libérer du joug du méchant, une libération qui passe
nécessairement par la chambre d’hôtel de James. "Le schéma qui est commun à toutes les femmes de
Fleming est le suivant", écrit Eco, Selon lui, la jeune fille est belle et a été rendue malheureuse par de
dures épreuves subies pendant l’adolescence. Cela l’aurait préparée à servir le Méchant. Par sa rencontre
avec Bond, elle réaliserait "sa plénitude humaine." Bond la séduit et finit par la perdre.
D’après James Bond 007. Figure Mythique et James Bond (2)007. Anatomie d’un mythe populaire.
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7. L’agent 007 célèbre ses 50 ans de cinéma
Comme le beaujolais nouveau ou le noir dans
les défilés de mode, James Bond revient. Se
pose chaque fois la même question pour ses
producteurs comme pour ses spectateurs :
comment rejouer la même vieille formule –
sexe, snobisme et violence –, donner l’illusion
de la nouveauté en gardant les invariants
(Aston Martin, vodka martini) puisque les fans
sont, comme 007, conservateurs jusqu’à la
névrose. Pour compliquer l’affaire, Skyfall doit
également réaliser la synthèse suivante :
consolider Daniel Craig dans le smoking après
un reboot remarqué (l’élégant Casino Royale)
James Bond… Fin de série. Photo de répétition
et sa suite un poil boudée (le cul-sec Quantum
of Solace) tout en célébrant cinquante ans de "bondage" au cinéma.
Mission accomplie pour l’acteur, impeccable comme toujours en fauve intense, blessé et maso, mais cette
fois plus enclin à l’humour. L’anniversaire du Bond quinqua a lui un air de mausolée, comparé à ses 40
ans qui tenaient du Futuroscope (Meurs un autre jour, 2002). On y rumine sur les soldats sacrifiés sur le
champ de bataille et la gloire passée de l’Angleterre, parle plan de retraite et, tout comme la franchise aux
vingt-trois films, 007 doit à nouveau prouver sa valeur après une mission ratée. Se réinventer face aux
modes est la hantise bondienne depuis la fin de l’âge d’or de Sean Connery. Skyfall la traite avec un
grand sérieux, parfois plombé (et hop, un poème de Tennyson). Sam Mendes, plus habitué aux sujets
psychologisants (American Beauty, Les Noces rebelles) qu’aux blockbusters, mène le cortège et
s’acquitte assez bien des passages obligés (poursuites, décors dantesques), plus bondiens que
jasonbournesques.
Pour (se) donner de la gravité, il n’a qu’à laisser respirer, le temps d’un silence ou d’un regard, des scènes
qu’un Bond typique expédierait avec un bon mot. Surtout, il a bien regardé les Batman de Christopher
Nolan (lui-même fan de Bond, la boucle est bouclée) pour la déconstruction d’une légende (un trauma et
une grotte, ça vous fait un héros) et pour le méchant mabusien psychotique qui vient, heureusement,
alléger le programme (Javier Bardem, jubilatoire en Julian Assange déguisé en Joker déguisé en Ugo
Tognazzi période La Cage aux folles). C’est lorsqu’il s’écarte de la ligne claire bondienne que Skyfall
devient le plus intéressant : le dernier acte campagnard écossais est une étrange thérapie chez Sam
Peckinpah en Imax (Les Chiens de paille), où James Bond revendique furieusement son côté old-school.
Le rôle de Judi Dench, patronne de 007 depuis 1995, devient plus poignant. Les James Bond girls étant ici
accessoires, il n’y en a que pour elle en reine-mère, redessinant James Bond en fils à maman perdu.
Que ceux qui trouveraient le film trop long (même le très estimé Goldfinger était pourtant languissant), trop
sentencieux, se rassurent : la fin de Skyfall promet pour l’agent un monde sans femmes pour l’ennuyer
dans son job, le réinstallant comme le gosse attardé et vieux garçon qu’on connaît. “Une tempête
approche”, dit Bond en se prenant pour Anne Hathaway dans The Dark Knight Rises. Elle ne faisait que
passer sous son crâne. James Bond reviendra, plus apaisé, tandis que cette parenthèse, pisse-froid mais
stylée, se regarde avec plaisir.
Léo Soésanto
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8. Hors le jeu
Il avait perdu sa magie. L'élan n'était plus là. Au théâtre, il n'avait jamais connu l'échec, ce qu'il faisait avait
toujours été solide, abouti. Et puis il s'était
produit cette chose terrible : il s'était soudain
retrouvé incapable de jouer. Monter sur scène
était devenu un calvaire. Au lieu d'être certain
Maintenant il pensait à tout, et cela tuait toute
qu'il allait être extraordinaire, il savait qu'il allait à
l'échec. Cela se produisit trois fois de suite et, à
spontanéité, toute vitalité.
la troisième, cela n'intéressait plus personne,
personne n'était venu. Il n'arrivait plus à
atteindre le public. Son talent était mort.
Bien sûr, si on en a eu, il vous reste toujours
quelque chose que personne d'autre ne possède. Je serai toujours différent de tous les autres, se
rassurait Axler, parce que je suis qui je suis. J'ai cela en moi, et les gens s'en souviendront toujours. Mais
le charisme qui avait été le sien, toute son originalité, ses singularités, ses traits distinctifs, tout ce qui avait
fonctionné pour Falstaff, Peer Gynt et Oncle Vania, et qui avait valu à Simon Axler d'être reconnu comme
le dernier des meilleurs comédiens américains du répertoire classique, rien de tout cela ne marchait plus,
quel que fût le rôle. Tout ce qui avait fonctionné pour faire de lui ce qu'il était ne faisait maintenant que lui
donner l'air d'un fou. Il avait conscience à chaque instant d'être sur scène, de la pire façon qui fût.
Autrefois, quand il jouait, il ne pensait à rien. Ce qu'il faisait bien, c'était par instinct. Maintenant il pensait à
tout, et cela tuait toute spontanéité, toute vitalité. Il essayait de contrôler son jeu par la pensée, et il ne
réussissait qu'à le détruire. Bon, se rassurait Axler, c'est un accident de parcours…
Cela ne passait pas. Il était incapable de jouer. La façon dont il savait, autrefois, capter et retenir l'attention
du public ! Et maintenant il redoutait chaque représentation, il la redoutait toute la journée. Toute la
journée, il était hanté par des pensées qui ne lui étaient jamais venues jusqu'alors avant une
représentation : Je ne vais pas y arriver, je ne serai pas capable de le faire, ce n'est pas un rôle pour moi,
j'en fais trop, ça sonne faux. Je ne sais même pas comment entamer ma première réplique. Et pendant ce
temps-là, il essayait de meubler les heures en multipliant les préliminaires qui lui paraissaient indispensables : Il faut que je revoie ce monologue, il faut que je me repose, il faut que je fasse un peu de
gymnastique, il faut que je revoie ce monologue. Quand il arrivait au théâtre, il était épuisé. Et redoutait
d'entrer en scène.
Philip Roth, Le Rabaissement
9. Ian Fleming. Parcours
lan Lancaster Fleming est né à Mayfair (Grande-Bretagne) le 28 mai 1908. Il suit tout d'abord des études
à Eton, puis à Munich et à Genève. Grâce aux relations de sa mère, il devient reporter pour l'agence de
presse Reuter. Mais en 1933, alors que l'agence lui propose de poursuivre ses activités à Shanghai, il
décide de partir travailler pour une banque d'affaire, puis devient agent de change. Sa facilité pour les
langues lui permet d'intégrer en 1939 les Services Secrets britanniques. Il mène ainsi pendant la Seconde
Guerre mondiale des missions officieuses pour le Foreign Office et se familiarise avec le monde de
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l'espionnage. Il est à l'origine de plusieurs opérations d'importance au cours de la Seconde guerre
mondiale, dont l'arrestation de Rudolf Hess, personnalité majeure du IIIe Reich.
C'est d'ailleurs à la suite de cette expérience d'agent secret que Fleming s'est attelé à l'écriture de ses
romans et à l'invention du plus célèbre agent de tous les temps : James Bond. Au total douze romans et
sept nouvelles s'intéressent à l'agent 007. À l'image de son héros, Ian Fleming était féru d'alcool et de
cigarettes (près de 60 par jour) et décéda d'une crise cardiaque, à l'âge de 56 ans.
Il crée le personnage de James Bond en 1952, dans sa petite maison de la Jamaïque baptisée
Goldeneye... Bien que fondés sur ses expériences personnelles, tous les romans de James Bond
comportent une large part d'imagination et de science-fiction : les jolies filles se succèdent, les méchants
sont toujours vaincus et le monde est toujours sauvé (de justesse) par l'agent 007. D'une certaine façon,
James Bond représente pour lan Fleming une vision idéalisée de l'homme qu'il aurait voulu être.
Les livres de Ian Fleming ont mis près de dix ans avant de connaître le succès. C'est une anecdote
originale qui apportera au personnage de Bond les faveurs du public : en 1961, dans le magazine Life, le
président Kennedy cite Bons baisers de Russie parmi ses dix romans favoris. L'adaptation cinéma de Dr.
No est aussitôt mise en chantier. Les romans Bond font un triomphe : 40 millions d'exemplaires vendus.
10. Les intentions de Ian Fleming, créateur de James Bond
Intrigues fantastiques
J'aime installer un état d'urgence, l'excitation la plus intolérable. Le principe même d'un thriller est
d'essayer de forcer le lecteur à lire la page suivante. Je n'écris pas dans un dessein précis. Je ne donne la
priorité à aucune des choses de base : le sexe, l'argent, les voitures rapides, etc. Je n'écris jamais
calmement. Je suis moi-même terriblement excité… En ce qui me concerne, au rebours de maîtres
comme Ambler, Hammett et Simenon, mes intrigues sont fantastiques, bien que souvent fondées sur la
réalité. Elles se situent au-delà du probable mais non, je pense, au-delà du possible. Pour ancrer mes
intrigues fantastiques, j'use de véritables noms d'objets et d'endroits. L'usage constant du réel, de noms et
d'objets familiers, rassure le lecteur ; l'auteur et lui ont les pieds sur terre, bien qu'ils soient lancés dans
une aventure fantastique. C'est pour cela que j'ai imaginé une méthode technique, qui consiste à dire "un
briquet Ronson", "une Bentley 4,5 litres à compresseur Amherst-Villiers", "le Ritz de Londres", "le Club 21
à New York", des noms exacts même pour les plus petits détails. Tout cela donne au lecteur un sentiment
de réalité. Et je pense quel rythme est très important dans les livres où l'on trouve une espèce de mystère
et où les gens veulent être emportés par l'action. Ils ne veulent pas s'attarder trop longtemps à se
demander ce que décide le héros et pourquoi.
Ian Fleming
Goût pour l’exagération
L'action m'intéresse davantage que la réflexion. J'aime l'exagération et les choses plus grandes que la vie
réelle. Cela m'amuse de créer un "méchant" avec une grosse tête en forme de bulbe bien que, comme
vous le savez, il y ait généralement peu de gens qui n'aient rien d'extraordinaire en eux. J'écris ce qui me
plaît et me stimule. J'écris le genre de livres que, personnellement, j'aimerais lire si quelqu'un voulait bien
les écrire pour moi. Le type d'ouvrage qui vous accompagne en voyage, lorsque vous êtes au lit, souffrant,
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ou quand vous devez lutter contre l'ennui ou les soucis. Je suis très heureux de savoir que d'autres
personnes, y compris des gens intelligents, trouvent mes ouvrages amusants et divertissants. Mais cela
ne m'étonne pas vraiment, parce qu'ils me divertissent et m'amusent aussi.
Ian Fleming
11. Le comédien et l’objet
Il est impossible de jouer en dehors de son
corps. L'acteur commence donc à échauffer ses
muscles, à étirer ses articulations, il maîtrise le
souffle qui porte sa voix, apprend que tel geste
(ou absence de geste) provoque telles ou telles
sensations, que chaque attitude fait résonner un
espace, que chaque mouvement a une couleur,
une genèse et un accomplissement. Il s'agit
d'une gymnastique tant mentale que physique.
J'articule le corps et l'esprit jusqu'à reconstituer
leur unité. C'est la première manipulation. Si je
ne maîtrise pas ce premier "outil", je ne saurais
prétendre à mon rôle de manipulateur.
Une histoire de hasard
James Bond… Fin de série. Photo de répétition
Une fois ce premier outil intégré (mais toujours à travailler), il s'agit avec des riens de créer tout. Loin de
faire l'apologie d'un théâtre "pauvre" (terme malheureusement devenu péjoratif, le "rien" est d'abord une
contrainte de choix et de rigueur artistique. À chaque texte, à chaque thème correspond un matériau. Il
existe une alchimie étrange entre une histoire et sa matière de base. À l'unité de fond d'un texte théâtral,
d'un livret d'opéra, d'une trame, d'une adaptation correspond une unité de forme spécifique à chaque
"histoire". Cela peut être des cailloux et des peaux de chamois (Grandir), des légumes (Ubu), un décor
comestible (Hansel et Gretel). L'objet est plus qu'un seul élément, c'est un ensemble de matériaux
constitué qui correspond à un parti pris esthétique mais aussi dramaturgique. Cela constitue pour le travail
d'improvisation une contrainte irréversible. C'est la résistance perpétuelle du matériau qui accule le
comédien et le metteur en scène à guetter en permanence l'incongru, l'irrésistible, l'inconscient, le hasard.
Apprendre à désapprendre
L'acteur manipule l'objet, l'objet manipule l'acteur : c'est une dialectique exigeante mais ludique, un jeu
d'aller-retours incessants dans lequel le metteur en scène joue le rôle d'arbitre, de meneur de jeu. Une
fois que ça a "pris", il n'a plus qu'à s'effacer et à laisser la place aux seuls comédiens-manipulateurs.
Lorsqu'on ne distingue plus le comédien du manipulateur, le pari est gagné. Spectacle de marionnettes,
théâtre de figures, théâtre d'objets, spectacle visuel: on ne polémique plus sur des étiquettes, des tiroirs et
des catégories. On apprend à désapprendre, on oublie les stéréotypes, les tics de langage, on élague, on
ponce pour tomber sur des figures mythologiques qui enfin nous ramènent au conte. Alors, assis dans la
pénombre...
Jean-Louis Heckel
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12. La Compagnie Bob Théâtre
Elle existe. Un constat que l’on peut faire remonter aux alentours de 1998, date de la création de Du balai;
d’autres spectacles ont suivi, on n’en apprendra guère davantage des principaux intéressés qui cultivent
le mystère comme d’autres le font avec les radis. A la différence près qu’avec les radis, pour autant que
vous appréciiez les racines, vous ne resterez pas tout à fait sur votre faim. A lire le parcours de la
compagnie (Hans et Greutel, 2000 ; Nosferatu, 2003, Démiurges, 2007, Princesse K, 2009) on peut
toutefois déceler un penchant pour l’effroi et le morbide, tant qu’il porte au rire. A moins qu’il ne s’agisse là
encore d’un stratagème pour tromper une peur refoulée depuis l’enfance : les contes de Grimm ont
terrorisé Denis Athimon. Ce qui ne manque pas de laisser quelques traces.
Princesse K
Il était une fois. Il était mille fois. C’est l’histoire d’une princesse qui vit dans un castel entouré d’une sombre
forêt. Ses parents, le roi et la reine, sont proches du peuple, ouverts. Ses deux frères, Lainé et Boitar, sont
cools aussi. La vie est belle là-bas, elle y est douce, le climat clément, la nature généreuse, les oiseaux
chatoyants, les ours bonhommes. Le drame se dessine. Au sein même de cette famille royale modèle, se
dissimule un traître. Assoiffé de pouvoir, ce dernier anéantit sa propre famille pour s’installer sur le trône.
Seule la princesse survivra en se sauvant. Elle n’aura alors de cesse de venger les siens. Grâce à sa
rencontre avec un as des arts martiaux, Maître Koala, la fifille parviendra-t-elle à décupler ses forces ? Et, à
son tour, prétendre au trône ? Sur scène, bijoux et accessoires jaillissent d’un précieux coffret sous les doigts
habiles d’un savoureux majordome conteur. Qui s’adonne à l’humour décapant et à une inventivité
apparemment sans limites. Cette tragédie de la vengeance donne libre cours à une férocité débridée qui
retourne à la fois au théâtre shakespearien et au cinéma de genre, du film de sabre et de kung-fu en passant
par le manga animé et les comics, Princesse K donne libre court à ses fantasmes les plus délirants, pour
célébrer l’évasion par le rêve
Pour Princesse K (k comme « kill », « tuer » dans la langue de Shakespeare), nous voici projeté en plein
XVIe siècle. Quelque part dans un beau château breton. Un majordome nous narre par le menu l’histoire
rapportée par ses aïeux depuis des générations. Ce conte déjanté façon délire médiéval fait alterner à
merveille complots chuchotés et combats rapprochés, chorégraphiés façon "Kill Bill", le film de Tarantino. Le
comédien manipulateur nous plante, avec une remarquable énergie, une galerie de personnages, dont
l’incarnation tient souvent à un simple objet. Ces objets symboliques qui apparaissent et disparaissent au gré
d’une écriture haletante. Pour dire le désarroi d’une famille royale aux prises avec une multitude de
sentiments issus du côté obscur de la farce !
Démiurges
Comme pour toute création : au début il n’y a rien. Enfin presque, puisqu’il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour
créer quelque chose ou simplement constater qu’il n’y a rien. Et comme à deux on n’est jamais seul, le Bob
Théâtre envoie non pas un, mais deux Démiurges, deux artisans de l’univers selon Platon, deux créateurs tout
puissants sur le plateau vide du théâtre selon Bob. Là, ils déploient toute leur énergie et leur fougue pour
construire un monde idéal, truffé de poésie, gonflé de bonheur et tapissé de joliesses inouïes. Et, par un beau
samedi matin, nos deux compères font naître une ultime créature, un peu à leur image et douée d’une
subjectivité qui leur sera fatale. Ce nouvel être va remettre en cause le chef d’œuvre que les Démiurges
venaient d’achever pour l’accueillir. Mais comme c’est eux les plus forts, ils décident de repartir à zéro et de
devenir les impitoyables gardiens du néant… Déconstruction et construction à l’image d’un univers qui ne se
fait pas en un jour.
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Nosferatu
Deux croque-morts se frottent les mains : une épidémie ravage l’Europe et leur business mortuaire
affiche des bénéfices indécents. Costumes sombres et mimiques machiavéliques, les compères nous
racontent les péripéties d’un jeune clerc de notaire, Hutter. Il se rend en Transylvanie pour conclure une
vente immobilière avec un châtelain des Carpates. Cet inquiétant personnage aux dents longues n’est
autre qu’un vampire ayant pété les plombs.
Comment renouveler l’image du plus célèbre buveur de sang de l’histoire ? En convoquant, sous des
éclairages savamment expressifs, ampoules et néons irrésistibles, moulins à café moustachus.
Trafiquant les voix, allumant et éteignant des personnages luminescents au fil de leur vie intermittente,
les comédiens détournent génialement les objets. Leur pastiche de l’univers du film de vampire, en
partant du film Nosferatu signé Murnau, crée un climat de projection animée, fantastique et romantique.
Rire noir, peur primale et dérision illuminent la scène.
Horaires des représentations
Représentations publiques
JAMES BOND… FIN DE SÉRIE
Mer
9 --19h00
Janvier
Jeu
10 --19h00
Ven
11 --19h00
Sam
12 --19h00
Dim
13 --17h00
Lun
14
Relâche
Mar
15 --19h00
Mer
16 --19h00
Jeu
17 --19h00
Ven
18 --19h00
Sam
19 --19h00
Dim
20 --17h00
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève 4
tél. +41 (0) 22 807 31 04
mobile +41 (0) 79 517 09 47
e-mail [email protected]
James Bond… Fin de série. Photos du spectacle libres de droits
à télécharger sur : www.marionnettes.ch – presse – images.
Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch
T
Théâtre des Marionnettes de Genève - Rue Rodo 3, 1205 Genève / Tél. 022/807.31.00 fax 022/807 31 01
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