Th´
eorie de l’int´
egration
Jean JACOD
2002-2003
Table des mati`
eres
1 Introduction - La notion de mesure 3
1.1 Rappels sur les ensembles .......................................... 3
1.2 Th´
eorie de la mesure et th´
eorie de l’int´
egration ............................... 4
1.3 La classe des ensembles mesurables ..................................... 5
1.4 Les mesures .................................................. 10
1.5 La mesure de Lebesgue ............................................ 13
2 L’int´
egration par rapport `
a une mesure 15
2.1 Les fonctions mesurables ........................................... 15
2.2 L’int´
egrale des fonctions mesurables ..................................... 19
2.3 L’int´
egrale des fonctions `
a valeurs complexes ................................ 25
2.4 L’int´
egrale par rapport `
a la mesure de Lebesgue ............................... 26
3 Int´
egration : quelques compl´
ements 29
3.1 Ensembles n´
egligeables et compl´
etion de tribus ............................... 29
3.2 Th´
eor`
eme de convergence domin´
ee : la version d´
efinitive .......................... 34
3.3 Les mesures avec densit´
e........................................... 35
3.4 Les fonctions int´
egrables au sens de Riemann ................................ 36
4 Produits de mesures 38
4.1 Quelques r´
esultats d’unicit´
e.......................................... 38
4.2 Produit d’espaces mesurables ......................................... 42
4.3 Produit de mesures .............................................. 44
4.4 La formule de changement de variable .................................... 48
4.5 Le produit de convolution ........................................... 51
5 Les espaces Lp54
5.1 Les d´
efinitions ................................................. 54
5.2 Les espaces Lppour 1p≤ ∞ ....................................... 56
5.3 L’espace L2et les espaces de Hilbert ..................................... 60
5.4 Le th´
eor`
eme de Radon-Nikodym ....................................... 65
5.5 La dualit´
e des espaces Lp........................................... 67
6 La transform´
ee de Fourier 69
6.1 D´
efinition et propri´
et´
es ´
el´
ementaires ..................................... 69
6.2 Injectivit´
e et formule d’inversion ....................................... 70
6.3 Quelques r´
esultats de densit´
e......................................... 73
6.4 La transform´
ee de Fourier dans L2...................................... 75
2
Chapitre 1
Introduction - La notion de mesure
1.1 Rappels sur les ensembles
Consid´
erons un ensemble E, c’est-`
a-dire une collection d’objets appel´
es les “´
el´
ements”, ou les “points”, de E. L’ap-
partenance d’un point x`
a l’ensemble Eest not´
ee xE, et x/ E signifie que le point xn’appartient pas `
aE.
Une partie de Eest aussi un ensemble, appel´
e sous-ensemble de E: on ´
ecrit FE(on dit aussi que Fest “inclus”
dans E) lorsque Fest un sous-ensemble de E.
Rappelons les op´
erations ´
el´
ementaires sur les parties d’un ensemble :
Intersection : ABest l’intersection des ensembles Aet B, i.e. l’ensemble des points appartenant `
a la fois `
aAet `
aB.
R´
eunion : ABest la r´
eunion des ensembles Aet B, i.e. l’ensemble des points appartenant `
a au moins l’un de ces deux
ensembles.
Compl´
ementaire : Si AE, son compl´
ementaire (dans E) est l’ensemble des points de En’appartenant pas `
aA; on
le note Ac, ou parfois E\A.
Diff´
erence sym´
etrique : ABest l’ensemble des points appartenant `
a l’un des deux ensembles Aou B, mais pas aux
deux; on a donc AB= (A\(AB)) (B\(AB)).
Ensemble vide : C’est l’ensemble ne contenant aucun point; on le note .
Ensembles disjoints : Les ensembles Aet Bsont dits disjoints si AB=.
La r´
eunion et l’intersection sont des op´
erations commutatives et associatives : on a AB=BAet AB=BA,
et aussi A(BC) = (AB)Cet A(BC) = (AB)C, ensembles qu’on note naturellement ABCet
ABC. Plus g´
en´
eralement si on a une famille (Ai)iId’ensembles, index´
ee par un ensemble quelconque I, on note
iIAi(resp. iIAi) la r´
eunion (resp. l’intersection) de cette famille, i.e. l’ensemble des points appartenant `
a au moins
l’un des Ai(resp. appartenant `
a tous les Ai) : l’ordre d’indexation des Ain’a pas d’importance.
Les ensembles suivants seront utilis´
es sans cesse :
IN = ensemble des entiers naturels : 0,1,2, ...
IN= ensemble des entiers naturels non nuls : 1,2, ...
ZZ = ensemble des entiers relatifs : ..., 2,1,0,1,2, ...
QQ = ensemble des rationnels
IR = ensemble des r´
eels = ]− ∞,[
IRd= espace euclidien r´
eel de dimension d(donc IR1=IR)
¯
I¯
R= [−∞,]
IR+= [0,[
¯
I¯
R+= [0,]
CC = ensemble des nombres complexes.
L’ensemble des points aiindex´
es par un ensemble Iest not´
e{ai:iI}. Si on a un nombre fini de points a1, ..., an, on
´
ecrit aussi {a1, a2, ..., an}.
On sera amen´
e tr`
es souvent `
a faire des op´
erations faisant intervenir +(qu’on ´
ecrit souvent, de mani`
ere plus simple,
) ou −∞. Pour que ces op´
erations aient un sens pr´
ecis, on fera toujours les conventions suivantes :
++= +,−∞ − ∞ =−∞, a += +, a − ∞ =−∞ si aIR, (1)
3
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0× ∞ = 0, a ]0,]a× ∞ = +, a [−∞,0[ a× ∞ =−∞.(2)
Les ensembles d´
enombrables : on dit qu’un ensemble Eest d´
enombrable s’il est en bijection avec IN, c’est-`
a-
dire si on peut ´
enum´
erer ses points en une suite (xn)nIN (ce qui implique notamment que xn6=xmsi n6=m) : c’est le
cas de IN lui-mˆ
eme, ou de IN, de ZZ, de QQ, ou encore des entiers pairs, ou de toute suite strictement croissante d’entiers.
Ce n’est pas le cas ni de IR, ni des intervalles [a, b]lorsque a < b.
Voici quelques propri´
et´
es des ensembles d´
enombrables : d’abord, toute partie d’un ensemble d´
enombrable est elle-
mˆ
eme finie ou d´
enombrable. La r´
eunion d’une famille finie ou d´
enombrable d’ensembles eux-mˆ
emes finis ou d´
enom-
brables est un ensemble fini ou d´
enombrable. En revanche si Aest n’est pas fini ou d´
enombrable, il en est de mˆ
eme de
A\Bpour tout BAqui est fini ou d´
enombrable.
Quelques r´
esultats utiles sur les s´
eries : Rappelons enfin quelques d´
efinitions et r´
esultats sur les s´
eries, notam-
ment sur celles `
a termes positifs. Soit (un)n1une suite num´
erique, et Sn=u1+... +unla “somme partielle” `
a l’ordre
n.
(S1) La s´
erie Pnunest dite convergente si Snconverge vers une limite finie S, not´
ee aussi S=Pnun(c’est la
“somme” de la s´
erie).
(S2) Si la s´
erie Pnunconverge, la suite (un)n1tend vers 0. La r´
eciproque est fausse : on peut avoir un0sans
que la s´
erie Pnunconverge.
(S3) La s´
erie Pnunest dite absolument convergente si la s´
erie Pn|un|converge.
(S4) Si on a un0pour tout n, la suite Snest croissante, donc elle tend toujours vers une limite S¯
I¯
R+. On ´
ecrit
encore S=Pnun, bien que la s´
erie converge au sens de (S1) si et seulement si S < . Avec les conventions (1) ceci
s’applique mˆ
eme si les unsont `
a valeurs dans ¯
I¯
R+.
En g´
en´
eral l’ordre dans lequel on consid`
ere les termes d’une s´
erie est important. Il existe en effet de nombreux
exemples de suites (un)n1et de bijections vde INdans lui-mˆ
eme pour lesquels Pnunconverge et Pnuv(n)di-
verge, ou converge vers une somme diff´
erente. Cela ´
etant, il existe deux cas importants o`
u l’ordre des termes n’a pas
d’importance :
(S5) Lorsque les unsont des r´
eels de signe quelconque et lorsque la s´
erie est absolument convergente, on peut modifier
de mani`
ere arbitraire l’ordre des termes sans changer la propri´
et´
e d’ˆ
etre absolument convergente, ni la somme de la s´
erie.
(S6) Si un¯
I¯
R+pour tout n, la somme Pnun(finie ou infinie : cf. (S4) ci-dessus) ne change pas si on change l’ordre
de sommation. Rappelons rapidement la d´
emonstration de cette propri´
et´
e, qui est fondamentale pour les probabilit´
es :
soit vune bijection de INdans lui-mˆ
eme, Sn=u1+. . . +unet S0
n=uv(1) +. . . +uv(n); les suites (Sn)et (S0
n)sont
croissantes, et on note Set S0leur limites respectives (dans ¯
I¯
R+). Pour tout nil existe un entier m(n)tel que v(i)m(n)
d`
es que in; comme ui0, on a donc clairement S0
nSm(n)S, donc en passant `
a la limite on obtient S0S.
On montre de mˆ
eme que SS0, donc S=S0.
1.2 Th´
eorie de la mesure et th´
eorie de l’int´
egration
La notion de mesure va ´
etendre la notion usuelle de longueur pour les ensembles de IR, ou de volume pour ceux
de IRd, et ceci de deux mani`
eres : premi`
erement on veut pouvoir consid´
erer des espaces de base plus g´
en´
eraux, ou
plus “abstraits” (espaces de dimension infinie, espaces sur lesquels on d´
efinit les probabilit´
es, etc...). Deuxi`
emement
et surtout, on veut englober dans le mˆ
eme cadre math´
ematique d’une part les notions de longueurs, surface, volume, et
d’autre part la notion de “masses” ou “charges ponctuelles” que l’on rencontre en m´
ecanique ou en ´
electricit´
e, etc...
Prenons l’exemple de IR3, suppos´
e repr´
esenter un corps mat´
eriel ayant une densit´
eρ(x)et une densit´
e de charge
´
electrique ε(x)en chaque point x. Pour une partie raisonnable (on verra ce que veut dire “raisonnable” plus loin :
pour le moment, on peut penser `
a une sph`
ere, ou `
a un poly`
edre) Ade IR3on peut d´
efinir son volume V(A), sa masse
M(A) = RAρ(x)dx (int´
egrale de Riemann dans IR3), sa charge ´
electrique E(A) = RAε(x)dx. Ces trois quantit´
es ont
a priori des propri´
et´
es “physiques” tr`
es diff´
erentes, mais elles partagent de mani`
ere ´
evidente la propri´
et´
e math´
ematique
suivante (o`
uµ(A)d´
esigne V(A), ou M(A), ou E(A)) :
(A) Additivit´
e : On a µ(AB) = µ(A) + µ(B)d`
es que Aet Bsont disjoints.
4
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Ainsi, chaque partie raisonnable Ade IR3a sa “mesure” (de volume, de masse, de charge) µ(A)et la propri´
et´
e (A)
ci-dessus est satisfaite : quitte `
a remplacer IR3par une ensemble Equelconque, on a l`
a le contenu intuitif essentiel de la
notion de mesure.
Malheureusement, la notion math´
ematique de mesure est un peu plus compliqu´
ee, pour deux raisons : d’abord, il faut
d´
efinir ce qu’on entend par partie “raisonnable” de IR3(ou plus g´
en´
eralement de l’espace de base Esur lequel on se
place); par exemple les poly`
edres, et bien d’autres parties plus compliqu´
ees, ont des volumes, mais on peut construire
des parties dont la “fronti`
ere” est si complexe que la notion de volume n’existe pas pour elles. Ensuite, la propri´
et´
e (A)
se r´
ev`
ele insuffisante pour avoir de bonnes propri´
et´
es pour les mesures.
Passons maintenant `
a l’int´
egration. Supposons que l’espace de base soit E= [0,1].
Si fest une fonction r´
eelle “convenable” sur E, on sait qu’on peut d´
efinir son int´
egrale R1
0f(x)dx au sens de
Riemann. Rappelons en deux mots cette construction : pour chaque subdivision τ={0 = t0< t1< . . . < tk= 1}de
[0,1] on pose
I+(f, τ ) =
k
X
i=1
(titi1) sup(f(x) : x[ti1, ti]),
I(f, τ ) =
k
X
i=1
(titi1) inf(f(x) : x[ti1, ti]).
On a bien sˆ
ur I(f, τ )I+(f, τ ), et la quantit´
e|τ|= sup(titi1: 1 ik)s’appelle le pas de la subdivision τ.
On dit que fest Riemann-int´
egrable si, pour toute suite τnde subdivisions dont les pas |τn|tendent vers 0, la diff´
erence
I+(f, τn)I(f, τn)tend vers 0. Dans ce cas I+(f, τn)et I(f, τn)convergent vers une limite commune et ind´
ependante
de la suite τn, et cette limite est l’int´
egrale de Riemann R1
0f(x)dx de f.
Cette notion d’int´
egrale semble `
a premi`
ere vue assez naturelle, mais elle souffre de plusieurs inconv´
enients majeurs :
d’abord, il est assez compliqu´
e de d´
ecrire les fonctions Riemann-int´
egrables, et cette classe est plutˆ
ot petite comme on le
verra ci-dessous; ensuite, elle s’´
etend assez facilement `
aIRd, mais pas aux espaces de dimension infinie; mais surtout,
elle est li´
ee de mani`
ere intrins`
eque `
aune mesure particuli`
ere sur [0,1],`
a savoir la mesure de longueur, ou de Lebesgue
comme elle sera appel´
ee par la suite : en effet, si fest la fonction indicatrice du sous-intervalle A= [a, b]de [0,1] (i.e.
f(x) = 1 quand xAet f(x) = 0 quand x/ A), alors R1
0f(x)dx =baest la longueur λ(A) = bade A.
La th´
eorie de l’int´
egration (au sens de Lebesgue) a pour but de pallier ces inconv´
enients : on pourra int´
egrer une
classe de fonctions faciles `
a d´
ecrire, qu’on appellera les fonctions mesurables, sur un espace a-priori quelconque E, et
par rapport `
a une mesure quelconque µ. Cette construction est en principe tr`
es simple : si fest l’indicatrice d’une partie
Ade E(donc f(x)=1si xAet f(x)=0si x/ A), l’int´
egrale de f“par rapport `
aµ” est Rfdµ =µ(A). Puis, on
“prolonge” cette int´
egrale `
a des fonctions plus g´
en´
erales par lin´
earit´
e et continuit´
e.
La construction de l’int´
egrale sera faite au chapitre 2, tandis que le reste de ce chapitre est consacr´
e`
a la d´
efinition
math´
ematique des mesures.
1.3 La classe des ensembles mesurables
Dans ce paragraphe, l’espace de base est un ensemble Equelconque. Comme on l’a mentionn´
e ci-dessus dans le cas
de la mesure “volume” sur E=IR3, on ne peut pas en g´
en´
eral, pour des raisons math´
ematiques, d´
efinir la mesure de
n’importe quelle partie de E. Notre objectif ici est donc de d´
efinir la classe des parties de Edont on pourra d´
efinir la
mesure.
1) Alg`
ebres : Commenc¸ons par la notion la plus simple (mais math´
ematiquement insuffisante pour notre objectif) :
D´
efinition 1 Une classe Ede parties de Eest appel´
ee alg`
ebre (ou alg`
ebre de Boole) si elle v´
erifie les trois
axiomes suivants :
(T1) E∈ E,
(T2) A∈ E Ac∈ E (“stabilit´
e par passage au compl´
ementaire”),
(T3) A, B ∈ E AB∈ E (“stabilit´
e par r´
eunion”).
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