Le deuxième concept approfondi par Michèle LECLERC-OLIVE est celui de société civile. Le capital
de sympathie très large entourant cette notion participe d'une méfiance générale envers les acteurs
politiques qui, soit invisibles, soit diabolisés, ne seraient pas capables de défendre l'intérêt général.
D'autres relais seraient alors nécessaires pour représenter les citoyens : les associations volontaires
de la société civile ont à jouer ce rôle. Ce qui fait du coup de la société civile le centre de gravité de la
solidarité. Mais il faut noter que le local ne constitue pas forcément un laboratoire d'expérimentation
de formes de solidarité qui seraient susceptibles d'être par la suite élargies à plus grande échelle : la
solidarité locale peut en effet parfois relever du repli communautaire.
Les théories centrées sur la notion de société civile, largement valorisées par les grandes agences
internationales de développement, n'accordent pas toutes la même place aux pouvoirs publics locaux.
Pour les unes, leur caractère local les oppose à l'Etat, pour d'autres au contraire leur caractère public
les distingue de la société civile. Pourtant il convient de distinguer les associations de la société civile
(où l'adhésion est volontaire et se traduit par le versement de cotisations) et les collectivités
territoriales auxquelles on n'« adhère » pas mais auxquelles on « appartient » et où la contribution
financière est imposée : cette hésitation théorique invite à recourir à d'autres modélisations de la
société, et notamment à nous tourner vers les problématiques centrées autour de la notion d'espace
public, pour penser ces pouvoirs publics locaux.
Notons également que ces processus de décentralisation, en tant que processus de délégation du
pouvoir central aux collectivités territoriales, peuvent être perçus par les communautés villageoises
comme un processus de centralisation dans la mesure où certaines des prérogatives qu'elles s'étaient
attribuées de fait, sont à présent de droit du ressort du niveau communal. Du coup, se pose la
question de la légitimité de ces nouvelles entités.
L'articulation clef se situe entre Public, Visible et Commun. Est public un espace qui est visible, à
savoir un lieu réservé à un débat ouvert. Est également public l'esprit qui est mis en œuvre dans ces
espaces de proximité, lorsqu'il exprime le souci du bien public, lequel ne saurait être confondu avec la
notion de bien commun ou collectif : les pouvoirs publics locaux ne jouissent pas d'une totale
souveraineté sur un territoire et des biens, mais de la responsabilité de ces biens.
Mais pour le philosophe Etienne TASSIN, c'est essentiellement la visibilité qui décide du contenu de
la Publicité.
A partir de l'analyse aristotélicienne, le philosophe s'interroge sur ce qu'est une communauté politique.
Reprenant la distinction d'Anna Harendt, le philosophe définit le Public comme ce qui est commun, à
savoir l'intérêt général par opposition aux intérêts privés, et ce qui est visible, à savoir ce qui est offert
aux regards de tous par opposition à la vie privée, secrète. Mais il va plus loin en soutenant que c'est
la visibilité de l'espace qui décide de l'identité de la communauté.
C'est en imposant que la loi soit écrite, visible, publique, que Solon en 592 avant JC en fait une loi
publique, c'est-à-dire commune à tous et soustraite à l'arbitraire du Roi. La visibilité signifie que les
abus de pouvoirs sont contenus : c'est désormais la loi qui décide du rapport des hommes entre eux.
La chose publique est ce qui est susceptible de faire l'objet d'une volonté générale parce qu'elle est
offerte au regard de tous.
Dès lors il est important de distinguer acteurs (ceux qui prennent les décisions) et spectateurs (ceux
qui sont intéressés par la chose publique), car la notion de pouvoirs publics implique non pas le
pouvoir de tous mais la visibilité par tous. Ainsi, même la Cité d'Aristote n'est pas une démocratie pure
et parfaite, où l'ensemble des spectateurs seraient en même temps acteurs, mais un « auto-
gouvernement » où chaque gouverné serait susceptible de devenir pour un temps gouvernant par
tirage au sort, de même que chez Rousseau l'idéal est « l'auto-législation », le peuple étant à la fois
législateur et sujet. L'essence du pouvoir Républicain est donc la visibilité comme mode d'organisation
de la Cité. Seul est public ce qui peut se faire au grand jour.