LA CLOZAPINE : DE LA THEORIE A LA PRATIQUE

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UNIVERSITE PARIS 12 VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
******************
THESE
POUR LE DIPLOME D'ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Psychiatrie
Présentée et soutenue publiquement le 19 mars 2012
A Créteil
Par Marion MONVILLE
Née le 19 avril 1982 à Pithiviers
LA CLOZAPINE : DE LA THEORIE A LA PRATIQUE
PRESIDENT DE THESE :
MME le Professeur HENRY
LE CONSERVATEUR DE LA
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
DIRECTEUR DE THESE :
M. le Docteur HOUENOU
Signature du Président
thèse
Cachet de la bibliothèque de
universitaire
3
REMERCIEMENTS
Madame le Professeur HENRY, pour avoir accepté de présider cette thèse, qu’elle trouve en
cette occasion l’expression de mon profond respect.
Messieurs les Professeurs SCHUROFF et FOSSATI pour avoir accepté de faire partie du jury de
cette thèse et pour l’honneur qu’ils me font de juger mon travail, qu’ils trouvent en cette
occasion l’assurance de mon estime et de ma reconnaissance.
Monsieur le Docteur HOUENOU, pour avoir dirigé ce travail avec dynamisme, enthousiasme et
indulgence, pour son soutien et ses conseils avisés, qu’il trouve ici mes sincères remerciements.
Monsieur le Docteur BANTMAN, qui me fait l’honneur de m’accueillir dans son service, qu’il
soit assuré de ma motivation.
Madame le Professeur LEBOYER pour avoir contribué à mon intérêt pour la psychiatrie.
4
Je voudrais exprimer mes sincères remerciements à tous les médecins qui m’ont formée au cours
de mon internat : Pr Leboyer, Pr Lépine, Dr Lachaux, Dr Cantero, Pr Mouren-Siméoni, Dr Le
Heuzey, Dr Dupuy, Dr Mekaoui.
Aux médecins que j’ai rencontrées au cours de mes études et qui ont contribué à mon intérêt
pour la psychiatrie : Dr Granier et Dr Lafont-Rapnouil.
Aux médecins m’ayant enrichie tant sur le plan professionnel que personnel : Anne-Sophie
Léger et Stéphanie Liquet.
Aux équipes soignantes et aux patients auprès desquels j’ai beaucoup appris.
A ma mère, pour son amour, sa confiance, son soutien constant, sans qui je ne serais pas ce que
je suis devenue aujourd’hui.
A Nicolas que j’aime et qui m’a supporté durant toutes ces années.
A Paul, mon fils adoré.
A Milena, ma sœur que je chéris, à qui je dois énormément.
A Xavier et à Nadia que j’aime énormément, ainsi que Lidy et Gil.
A ma grand-mère pour son soutien et sa présence.
A ma cousine Emeline pour sa générosité et son efficacité.
A ma famille, oncles, tantes, cousins, cousines, neveux, nièces, Céline, Laurence, Danièle et
Patrick.
A mes amis toujours présents, Perrine, Pierrick, Marie.
Aux amis des bancs de la fac et ceux rencontrés pendant l’internat.
Et enfin à mon père qui m’a quitté trop tôt, qui quoique je fasse n’a jamais douté de moi, pour
son amour inconditionnel.
5
PARTIE 1 : INTRODUCTION……………………………………………………………... 7
PARTIE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE…………………………………………….. 9
1. HISTORIQUE DE LA CLOZAPINE……………………………………………………... 8
1.1.L’avènement des neuroleptiques…………………………………………………………. 8
1.2.Histoire de la clozapine ……………………………………………………......………… 12
1.2.1. La découverte du produit : de la synthèse chimique en 1959 à 1988………..... 12
1.2.2. De 1988 à nos jours : la redécouverte de la clozapine…………………………. 13
2. ASPESCTS PHARMACOLOGIQUES…………………………………………………… 15
2.1.Structure chimique……………………………………………………………………….. 15
2.2.Pharmacocinétique……………………………………………………………………….. 16
2.2.1. Résorption et absorption……………………………………………………..... 16
2.2.2. Distribution……………………………………………………………………. 16
2.2.3. Métabolisme et élimination……………………………………………………. 16
2.2.4. Facteurs influençant la concentration plasmatique……………………………. 17
2.3.Psychopharmacologie……………………………………………………………………. 18
2.3.1. Impact de la clozapine sur le système dopaminergique……………………….. 18
2.3.2. Impact de la clozapine sur le système sérotoninergique……………………….. 19
2.3.3. Clozapine et système noradrénergique………………………………………… 21
2.3.4. Clozapine et autres systèmes…………………………………………………... 22
3. CADRE LEGAL DE PRESCRIPTION ET RECOMMANDATIONS…………………… 23
3.1.Autorisation de mise sur le marché de la clozapine en France………………………….. 24
3.2.Recommandations internationales……………………………………………………….. 27
3.3.Cadre légal de prescription……………………………………………………………….. 31
3.3.1. Clozapine et schizophrénie…………………………………………………….. 31
3.3.2. Clozapine et maladie de Parkinson…………………………………………….. 33
3.3.3. Cas particuliers………………………………………………………………… 33
3.4.Cadre légal de surveillance………………………………………………………………. 34
3.5.Posologie et durée adéquates d’une séquence de traitement par clozapine……………… 35
3.5.1. Posologie adéquate d’une séquence de traitement par clozapine……………… 35
3.5.2. Durée adéquate d’une séquence de traitement par clozapine………………….. 36
4. EFFICACITE DE LA CLOZAPINE DANS LA SCHIZOPRHENIE RESISTANTE…… 39
4.1.Clozapine et schizophrénie résistante……………………………………………………. 39
4.1.1. Définition............................................................................................................ 39
4.1.2. Efficacité de la clozapine dans la schizophrénie résistante................................. 40
4.2.Clozapine et symptômes positifs et négatifs…………………………………………….. 46
4.2.1. Définition............................................................................................................ 46
4.2.2. Efficacité de la clozapine sur les symptômes négatifs......................................... 50
4.3.Efficacité de la clozapine versus autres neuroleptiques………………………………….. 53
4.4. Facteurs de réponse et efficacité à long terme…………………………………………... 56
5. EFFICACITE DE LA CLOZAPINE EN DEHORS DE LA SCHIZOPHRENIE
RESISTANTE…………………………………………………………………………….. 59
5.1.Efficacité de la clozapine dans le trouble schizoaffectif………………………………… 59
5.1.1. Aspects nosographiques……………………………………………………….. 59
5.1.2. Intérêt de la clozapine dans le trouble schizoaffectif…………………………. 62
5.2.Intérêt de la clozapine dans le suicide……………………………………………………. 68
5.2.1. Données épidémiologiques……………………………………………………. 68
5.2.2. Efficacité de la clozapine dans le suicide……………………………………… 70
5.3.Clozapine et conduites agressives………………………………………………………... 75
5.3.1. Aspects nosographiques……………………………………………………….. 75
5.3.2. Intérêt de la clozapine dans les conduites agressives des patients……………. 78
6
5.3.3. Mécanismes d’action de la clozapine dans les comportements agressifs…........ 78
6. EFFETS DE LA CLOZAPINE EN DEHORS DE LA SCHIZOPHRENIE………………. 86
6.1.Clozapine et troubles thymiques…………………………………………………………. 86
6.1.1. Clozapine et trouble bipolaire………………………………………………….. 86
6.1.2. Clozapine et trouble dépressif…………………………………………………. 88
6.2.Clozapine et trouble de personnalité borderline…….................................………………. 90
6.3.Clozapine et maladie de Parkinson.....................................……………………………… 92
6.4.Clozapine et autres troubles psychiatriques........................................................................ 94
6.4.1. Intérêt de la clozapine chez l’enfant et l’adolescent............................................ 94
6.4.2. Intérêt de la clozapine dans les autres troubles psychiatriques…………....…... 94
7. EFFETS SECONDAIRES DE LA CLOZAPINE………………………………………… 96
7.1.Agranulocytose et troubles hématologiques……………………………………………… 96
7.2.Convulsions et clozapine…………………………………………………………………. 101
7.3.Troubles cardiovasculaires et mort subite……………………………………………….. 103
7.4.Troubles métaboliques et endocriniens………………………………………………….. 105
7.4.1. Prise de poids………………………………………………………………….. 105
7.4.2. Troubles métaboliques et endocriniens………………………………………… 105
7.5.Clozapine et grossesse……………………………………………………………………. 107
7.6.Autres effets secondaires…………………………………………………………………. 108
PARTIE 3 : ETUDE CLINIQUE……………………………………………………………. 111
1. OBJECTIFS……………………………………………………………………………….. 111
2. POPULATION ET METHODE…………………………………………………………… 112
2.1. Population……………………………………………………………………………….. 112
2.2. Outils d’évaluation………………………………………………………………………. 112
2.3.Analyses statistiques……………………………………………………………………… 113
3. RESULTATS………………………………………………………………………………. 114
3.1. Pratique de prescription de la clozapine…………………………………………………. 114
3.1.1. Caractéristiques des répondeurs………………………………………………. 114
3.1.2. Prescription personnelle de clozapine…………………………………………. 116
3.2. Connaissances des psychiatres sur la clozapine…………………………………………. 124
3.3. La prescription de clozapine dans la pratique quotidienne des psychiatres…………….. 129
4. DISCUSSION…………………………………………………………………………….. 136
4.1.Données générales………………………………………………………………………... 136
4.2. Indications……………………………………………………………………………….. 137
4.3.Posologie et mode de prescription………………………………………………………... 139
4.4.Tolérance et effets secondaires…………………………………………………………… 141
4.5.Limites de l’étude………………………………………………………………………… 143
PARTIE 4 : CONCLUSION..................................................................................................... 145
PARTIE 5 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………. 147
ANNEXE 1 : Questionnaire adressé aux psychiatres……………………………................. 161
7
INTRODUCTION
L’usage des chimiothérapies dans notre pratique de la psychiatrie est maintenant
quotidien. S’il est adapté à chaque situation clinique, selon les diagnostics et les particularités
cliniques de chaque patient, il n’en demeure pas moins que le bagage théorique du psychiatre
reste indispensable.
Dans ce travail, nous allons nous intéresser à une molécule particulière, antipsychotique
surtout connu pour le traitement de la schizophrénie résistante. Nous verrons les particularités de
cette molécule, la clozapine, qui souffre encore aujourd’hui d’une réputation datant des années
70, suite aux cas d’agranulocytoses ayant entraîné le retrait de sa commercialisation. En effet, les
cas mortels d’agranulocytoses sont restés présents dans les esprits, et la clozapine est surtout
envisagée par les psychiatres en dernier recours, là où les thérapeutiques habituelles ont échoué.
La formulation restrictive et les conditions particulières d’utilisation n’ont pas facilité sa
prescription. Les données de la littérature en témoignent, mentionnant que ce traitement ne serait
prescrit que chez seulement un tiers des patients susceptibles d’en bénéficier (Buckley et al.
2001, [27]). Or, alors qu’on pourrait s’attendre à un oubli de cette molécule au profit d’autres
thérapeutiques, on assiste depuis plusieurs années à un regain d’intérêt pour la clozapine. Son
indication a également été récemment élargie dans les conférences de consensus et
recommandations d’experts (Texas Medical Algorithm Project 2007, [165]). Initialement
réservée aux cas d’absence totale de réponse, la clozapine est maintenant indiquée dans les
situations où la réponse n’est pas assez satisfaisante, différant ainsi de son indication princeps.
Il nous a donc semblé intéressant de réactualiser les connaissances sur ce produit, tant sur
les effets cliniques que sur la tolérance du produit, en vue d’optimiser la prescription de
clozapine chez nos patients. Nous avons également souhaité faire un état des lieux des
représentations et des pratiques en cours chez des psychiatres en formation (internes) ou déjà
formés. L’intérêt de connaître des pratiques et connaissances des internes revêt plusieurs aspects.
Le premier réside dans les croyances sur les risques historiques d’agranulocytose, qui peut être
un biais dans la prescription des psychiatres les plus expérimentés. Secondairement, si les
recommandations de prescriptions ont changé, il paraissait également intéressant d’évaluer si ces
nouvelles perspectives étaient bien transmises à la nouvelle génération de psychiatre que
représentent les internes.
8
Nous commencerons ce travail par les aspects historiques du développement des
neuroleptiques et l’histoire singulière de la clozapine. Nous y évoquerons également les
particularités pharmacologiques de la clozapine.
Nous aborderons ensuite les recommandations, les conditions de prescription de la
clozapine, puis les effets de la clozapine dans la schizophrénie dans une troisième partie.
Nous continuerons avec une partie consacrée aux effets cliniques de la clozapine en
dehors de la schizophrénie résistante, indications dont l'intérêt est actuellement en plein essor.
Nous exposerons alors les données les plus récentes de la littérature sur les principaux
symptômes cibles de la molécule.
Pour finir nous étudierons la tolérance de la clozapine, en particulier le risque
d’agranulocytose, et plus généralement les autres effets secondaires indésirables les plus
rencontrés.
Pour illustrer notre propos, une enquête réalisée auprès des psychiatres français a été
réalisée, dans le but d’évaluer les connaissances, représentations et pratiques actuelles
concernant l’usage de la clozapine.
9
PARTIE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE
1. HISTORIQUE DE LA CLOZAPINE
1.1.L’avènement des neuroleptiques [48, 80,92].
Plusieurs étapes ont marqué la découverte des neuroleptiques, débutant à l’antiquité avec
l’usage de plantes à vertus médicinales. Puis les principes actifs seront isolés au 19ème siècle,
avant la découverte de leur effet propre, et la classification des molécules.
Le psychotrope le plus ancien et aussi le plus répandu est vraisemblablement l’alcool. Les
médecins et philosophes de l’antiquité ont bien décrit les propriétés de l’alcool lors de
l’intoxication aigüe à ce dernier, et l’ont prescrit comme revigorant et comme fortifiant pour le
lait des nourrices. L’alcool a été considéré comme un médicament dès sa découverte par
distillation à la fin du Moyen-âge et a pris le nom d’ « eau de vie », appelé ainsi par Raymond
Lulle pour ses propriétés revigorantes.
Par ailleurs, l’usage des graines de pavot blanc, qui fournit l’opium, est très ancien,
remontant à la préhistoire en Europe. Les sédatifs végétaux étaient bien connus des médecins de
l’antiquité, utilisés en particulier pour le traitement symptomatique des troubles psychiques,
l’opium a même été mentionné par Hippocrate. La belladone a été utilisée par les Egyptiens
comme somnifère et par les Syriens contre les idées noires. La médecine sacrée de l’Inde avait
recours aux racines de Rauwolfia pour provoquer le sommeil chez l’enfant et traiter la folie.
D’autres substances ont été répertoriées comme stimulants, comme les baies rouges du caféier, la
noix vomique ou le tabac, d’autres remarquées comme sédatifs, à savoir la belladone, la
jusquiame, la valériane, la passiflore, la ballote ou encore l’aconit.
Le 19ème siècle est marqué par l’isolement des principes actifs. L’isolement des principes
actifs débute en 1818 par la strychnine isolée de la noix vomique par Pelletier et Caventou, ainsi
que les alcaloïdes de l’opium la même année. Il s’en suit la caféine en 1820 découverte par
Runge, l’atropine en 1825 découverte par Brandes à partir de la belladone, la cocaïne de 1855 à
1859 découverte par Goedecke et Niemann, l’éphédrine en 1885 extraite de l’Ephedra Vulgaris
par Nagaï, la mescaline en 1894 isolée du peyotl par Hefter avant d’être synthétisée par Späth en
1910, et pour finir le cannabis en 1965 issu du tétra-hydro-cannabinol.
10
En près d’un siècle plusieurs médicaments psychotropes ont été découverts.
Le premier est le bromure de potassium par Locock en 1826 utilisé pour le traitement de
l’épilepsie, suivi de la découverte de barbituriques (Gardénal® en 1912), les amphétamines
(1938 en Allemagne).
En 1937, Daniel Bovet et Melle Staub, au laboratoire de l’Institut Pasteur, ont découvert
les antihistaminiques de synthèse dérivés de la pyridine.
Ces recherches sur les antihistaminiques ont abouti à la découverte de la chlorpromazine, par un
pharmacologue italien, Daniel Bovet en 1937, au laboratoire de Fourneau à l’institut Pasteur. Les
antihistaminiques dérivent de la pyridine. Halpern a étendu ses recherches aux phénothiazines
comme la prométhazine (Phénergan®). En 1950, ce produit fut proposé pour lutter contre
l’agitation des malades mentaux et d’autres antihistaminiques furent essayés avec des fortunes
inégales.
La chlorpromazine (largactil®) connue comme une phénothiazine ou 4560RP, a été
synthétisée par Charpentier en 1950.
Elle restera inexploitée pendant deux ans. Cherchant une molécule aux effets centraux supérieurs
à ceux de la prométhazine (Phénergan®), le laboratoire Rhône Poulenc fournit à H.Laborit,
physiologiste et chirurgien au Val de Grâce, le 4560RP : la chlorpromazine. Considérée par
Laborit, Huguenard et Alluaume en février 1952 comme un nouveau stabilisateur neurovégétatif, puis comme un ganglioplégique ou un neuroleptique, elle fut surtout utilisée comme
potentialisateur dans les cures de sommeil.
Alors qu’aucune publication chez l’homme ou l’animal n’est disponible concernant les
propriétés pharmacologiques de la molécule, Laborit introduit quand même la chlorpromazine
dans la thérapeutique humaine. Les résultats ne se font pas attendre et dès février 1952, le
chirurgien publie la première communication concernant la chlorpromazine : « un nouveau
stabilisateur végétatif, le RP4560 » (Delay et al. 1952, [49]). Il y décrit l’usage du produit en
anesthésiologie, mais laisse aussi entendre d’éventuelles implications en psychiatrie, signalant
l’effet de « désintéressement du patient pour tout ce qui est autour de lui ».
En mars 1952, les neuropsychiatres du Val de Grâce, Dr J. Hamon, J.Paraire et J.Velluz
publièrent un cas d’agitation maniaque traité par une association de chlorpromazine soit au
11
phénobarbital soit à la péthidine : une sédation temporaire de l’agitation fut obtenue, mais
insuffisante, ce qui conduisit à recourir à l’électrochoc (lempérière et al. 2001 [92]).
Les travaux psychiatriques les plus probants sur la chlorpromazine vont être ceux de
Jean Delay et Pierre Deniker. De mai à juillet 1952, ils publièrent six communications portant
sur une quarantaine de malades traités par chlorpromazine en monothérapie, de façon « continue
et prolongée », dans des états d’agitations et de psychose. Ils écrivent alors pour la première
fois : « une simple chimiothérapie administrée de façon continue et prolongée, utilisant un seul
médicament qui détermine un syndrome psychomoteur particulier, est capable de réduire les
psychoses de type divers » ; c’est une véritable révolution.
En France, la chlorpromazine reçut le nom de largactil®, « large action ».
Dans le contexte de nombreuses publications de résultats concernant l’efficacité de la
chlorpromazine dans les psychoses aiguës ainsi que chroniques, les posologies recommandées
chez l’adulte ont été augmentées de 75 à 150mg/j, voire davantage.
A côté de la chlorpromazine, l’introduction en 1954 de la réserpine dans la pharmacopée
psychiatrique internationale marque une étape importante dans l’histoire des neuroleptiques.
L’identification par les chercheurs des laboratoires Ciba de l’alcaloïde le plus psychoactif de
Rauwolfia, la réserpine, va faciliter la mise au point des posologies psychiatriques et les
expérimentations cliniques qui mettront en évidence de frappantes similitudes avec la
chlorpromazine : activité sédative particulière, efficacité dans les psychoses aiguës et chroniques,
modifications neurovégétatives. En décembre 1954, H.Steck attire l’attention sur des propriétés
communes aux deux produits, celles d’engendrer des effets extrapyramidaux et diencéphaliques
(Lempérière et al. 2001, [92]). Elle fut largement utilisée, mais ses effets secondaires
indésirables lui ont fait préférer rapidement les nouveaux neuroleptiques, phénothiazines et
butyrophénones, qui vont apparaître en nombre dans la décennie suivante.
12
Les effets neurologiques de la réserpine seront intégrés dans la définition pharmacoclinique des neuroleptiques de Delay et Deniker.
Delay et Deniker dégagèrent de leurs publications trois notions importantes [49,50]:
 l’efficacité de la chlorpromazine en monothérapie. Celle-ci était administrée de façon
continue et prolongée comme une simple chimiothérapie psychiatrique.
 l’existence
d’un
syndrome
psychomoteur
caractéristique.
Ce
ralentissement
psychomoteur, associé à une neutralité émotionnelle et à une indifférence affective,
inaugurait ce que les auteurs devaient plus tard appeler « syndrome neuroleptique ».
 l’action thérapeutique dans les psychoses. D’excellents résultats étaient obtenus dans les
psychoses maniaques, les états d’excitation et même dans les états confusionnels, malgré
l’action sur la fonction vigile et la somnolence initiale.
Dans le laboratoire de Paul Janssen, la recherche de nouveaux analgésiques à partir des
dérivés de la péthidine conduisit à la synthèse de butyrophénones. L’halopéridol a été synthétisé
en février 1958. L’expérimentation animale ayant montré qu’il possédait des caractéristiques
analogues à celles de la chlorpromazine, tout en agissant à des doses plus faibles. Un an et demi
après sa synthèse, une quinzaine de publications consacrent l’halopéridol comme un
neuroleptique majeur. Beaucoup d’autres butyrophénones neuroleptiques ont été utilisées soit
comme antipsychotiques, soit surtout comme médicaments de l’urgence psychiatrique où leur
efficacité s’est avérée remarquable.
Alors que la pharmacopée s’était enrichie de nombreux neuroleptiques répondant à la
définition donnée en 1957 par Delay et Deniker, on voit apparaître à la fin de la décennie 19601970 des produits indéniablement antipsychotiques mais qui sont peu ou pas catalepsigènes chez
l’animal et, qui chez l’homme, entraînent peu d’effets extrapyramidaux. L’introduction de ces
produits, qualifiés au départ de neuroleptiques atypiques, et représentés par le sulpiride et la
clozapine, marque une autre étape dans le développement des antipsychotiques. Les premières
expérimentations de la clozapine quant à elles datent du début des années 1970 (Lempérière et
al. 2001, [92]).
13
1.2.Histoire de la clozapine (Hippius 1999, [69]).
1.2.1. La découverte du produit : de la synthèse chimique en 1959 à 1988.
La découverte des neuroleptiques au début des années 50, a été suivie de nombreuses
recherches sur les mécanismes d’action de ces produits. Mais l’hypothèse d’un lien indissociable
entre effets psychiques et effets secondaires extrapyramidaux restait encore prédominante. La
découverte des molécules tricycliques et de leurs propriétés antidépressives amenait aussi les
chercheurs à évoquer l’existence d’un lien entre classe chimique et effet psychique.
En 1958, les laboratoires Wander, suite à la découverte de l’imipramine par Khühn en
1957, initient un programme de recherche sur les propriétés antidépressives de certains dérivés
tricycliques. Münzicker synthétise alors la clozapine en 1959 et commence les premières
expérimentations. Alors qu’ils s’attendaient à des effets plutôt de nature antidépressive (dérivé
tricyclique), ils eurent la surprise de constater non seulement un effet antipsychotique indéniable,
mais également l’absence d’effets secondaires de type extrapyramidal. Le laboratoire a
longtemps hésité à développer le produit, non pas pour une absence d’efficacité, mais en raison
de son absence d’effet secondaires (Hippius 1999 [69]). Ces éléments expliquent le relatif
manque d’intérêt pour cette molécule pendant quelques années.
Dans les années 1970, la clozapine est de nouveau expérimentée dans plusieurs centres.
Ils démontrent alors son activité antipsychotique très puissante et son absence d’effet secondaire
extrapyramidal. Toujours en vertu du dogme de l’époque concernant le mode d’action des
neuroleptiques, on lui confère un profil d’action atypique puisque non pourvoyeur de syndrome
extrapyramidal. Le concept d’atypicité venait de naître.
Le produit suscitera alors beaucoup d’intérêt, surtout dans les pays germanophones et
scandinaves, où des études contrôlées montreront sa supériorité d’action par rapport à la
chlorpromazine et l’halopéridol. Les premiers grands essais menés par Kline et Shopsine aux
Etats-Unis, viendront bientôt confirmer ces résultats, donnant à ce produit un engouement
international (Lempérière et al. 2001 [92]).
14
Malheureusement, la survenue en Finlande de seize cas d’agranulocytose dont huit
mortels, entraîne l’arrêt de l’utilisation de la molécule comme traitement usuel en 1975. Le
produit restera toutefois disponible dans quelques pays comme la Suisse ou la Suède, sous des
conditions de surveillance très strictes et pour des patients résistants aux traitements ou
intolérants aux neuroleptiques. Mais d’autres malades, ne présentant pas ces critères et chez qui
la clozapine avait été arrêtée, demandaient à leur psychiatre à ce qu’elle soit aussi réintroduite.
C’est ainsi que quelques patients non résistants aux traitements reçurent encore ce produit.
En Europe, l’engouement initial pour la clozapine s’effondre alors qu’aux Etats-Unis,
l’intérêt pour cette molécule reste important. Motivés par l’absence de progrès décisif dans le
traitement de la schizophrénie, les recherches se poursuivent et aboutiront bientôt à une véritable
redécouverte du produit. La publication ayant entraîné le regain de l’intérêt international pour la
clozapine fut celle de Kane en 1988.
1.2.2. De 1988 à nos jours : la redécouverte de la clozapine.
Cette période de redécouverte de la clozapine a été inaugurée par l’étude collaborative
menée par Kane (Kane et al. 1988 [75]) pour évaluer l’efficacité de la clozapine dans les
« schizophrénies résistantes ». Cet essai clinique de grande ampleur et méthodiquement
rigoureux a établi la supériorité de la clozapine (600mg/j en moyenne) sur la chlorpromazine
(1200mg/j en moyenne) dans une population bien définie de malades résistants aux
neuroleptiques classiques (malades chroniques ; échec d’au moins trois neuroleptiques différents,
confirmé par l’échec de l’halopéridol à doses élevées avant le début de l’essai contrôlé). Après
six semaines de traitement, 30% des patients sous clozapine étaient améliorés contre 4% avec de
la chlorpromazine. La clozapine a obtenu aux Etats-Unis grâce à cette étude, l’autorisation de la
FDA en 1990 et en France l’AMM en 1991, pour des patients strictement définis et sous
surveillance hématologique étroite.
15
Cette étude va alors modifier l’état d’esprit, notamment celui des anglo-saxons avec la
notion d’équivalence des neuroleptiques, et l’idée française de l’effet extrapyramidal comme
critère intangible de la définition des neuroleptiques, puisque la clozapine exerçait une puissante
action antipsychotique sans induire un parkinsonisme. Ce changement de paradigme a permis le
développement de nouvelles molécules, la rispéridone en 1996, l’olanzapine en 1999, la
quétiapine, la sertindole et la ziprasidone (non commercialisés en France), molécules dites
« atypiques » en raison d’un profil pharmacologique et clinique qui se rapprocherait de celui de
la clozapine.
Dans le même temps, la clozapine, traitement de référence dans la schizophrénie
résistante, indication qu’elle est la seule à posséder et qui jusqu’à maintenant était le seul
psychotrope délivré exclusivement à l’hôpital, a vu son statut se modifier avec la levée de la
réserve hospitalière et ses indications à s’harmoniser sur le plan européen et s’élargir aux
psychoses parkinsoniennes.
16
2.
2.1.
APECTS PHARMACOLOGIQUES [28] [108] [134].
Structure chimique
La clozapine est un neuroleptique atypique du fait de sa structure biochimique,
appartenant à la famille des dibenzo-azépines, ainsi que par son profil d’action dopaminergique
et sérotoninergique.
Les dibenzo-azépines sont une famille de neuroleptiques ayant un squelette tricyclique commun
de type 6-7-6.
L’hétérocycle central à 7 atomes contient deux hétéroatomes dont un étant l’azote. Le deuxième
peut différer d’une molécule à l’autre, donnant un dérivé de la clozapine si cet atome l’azote, la
loxapine si c’est un atome d’oxygène ou encore la clotiapine si cet atome est le souffre.
Ces trois séries possèdent toutes en commun un groupement greffé sur le carbone 11, à savoir un
groupement N-méthyl-pipérazinyl. Elles ont également toutes un atome de chlore.
Ainsi la dénomination selon la nomenclature internationale de la clozapine est la
suivante :
8-chloro-11-(4-méthyl-1-pipérazinyl) 5-hydroxy-dibenzo(1,4)-diazépine
Sa formule brute est : C18H19N4CL et sa structure chimique est la suivante :
17
2.2.Pharmacocinétique [28, 108,134].
2.2.1. Résorption et absorption
Environ 90 à 95% de la dose de clozapine administrée par voie orale est absorbée par le
tractus gastro-intestinal.
L’alimentation n’a pas d’influence sur la résorption. Du fait de sa grande stabilité, les comprimés
peuvent être écrasés afin d’obtenir une suspension buvable, sans conséquence sur les propriétés
de la clozapine. Il n’existe pas de forme retard du fait du risque d’agranulocytose.
2.2.2. Distribution
Après administration orale, le produit est rapidement absorbé. L’effet de premier passage
hépatique est assez important et la biodisponibilité varie en moyenne entre 50 et 60%. Le volume
de distribution est assez élevé, avec une moyenne allant de 2 à 5 L/Kg. Le taux de liaison aux
protéines plasmatiques est de 92 à 95% mais le tropisme tissulaire de la clozapine permet un
volume de distribution élevé malgré une fixation importante aux protéines plasmatiques.
Le produit traverse la barrière hémato-encéphalique et passe dans le lait maternel.
2.2.3. Métabolisme et élimination
Sur le plan pharmacocinétique, la clozapine est rapidement absorbée au niveau intestinal,
avec un pic plasmatique entre 1.5 et 3.6 heures (en moyenne 2 heures). La demi-vie de la
clozapine est d’environ 12 heures (Labaune, 2001 [87]). La concentration plasmatique
s’équilibre en moyenne en 7 à 10 jours, mais le début de l’effet antipsychotique peut prendre
plusieurs semaines, l’effet maximal se situant en général après le 3ème mois.
La clozapine s’élimine sous forme de deux principaux métabolites après passage
hépatique, le premier étant la N-desméthyl-clozapine (norclozapine), qui présente une activité
thérapeutique comparable à celle de la clozapine mais qui a une durée d’action plus courte. Le
second métabolite est la N-oxyde-clozapine. L’élimination des métabolites se fait dans les urines
et dans la bile dans des proportions égales.
18
Le métabolisme de la clozapine dépend du cytochrome P450 avec une implication
particulièrement importante de l’iso-enzyme CYP1A2.
2.2.4. Facteurs influençant la concentration plasmatique.
Les concentrations plasmatiques de la clozapine augmentent proportionnellement aux
doses administrées, cependant certains facteurs physiologiques peuvent modifier les
concentrations plasmatiques de la clozapine, et ce à posologies équivalentes, et doivent être pris
en compte lors de sa prescription. Il existe une variabilité interindividuelle non négligeable avec
un ratio « concentrations plasmatiques/posologies administrées » qui peut varier de 45%, ainsi
qu’une variabilité intra-individuelle de 20% (Schulte 2003 [151]).
Parmi ces facteurs on retrouve l’âge, le sexe (diminution de la clairance totale chez la
femme devant faire diminuer les posologies), le tabac, l’origine ethnique ainsi que le poids. Les
concentrations plasmatiques sont plus élevées chez des patients d’origine asiatique versus
caucasiens, chez les non-fumeurs versus les fumeurs, patients de petit poids versus patients de
plus grande corpulence (Markowitz et al. 1999 [108]). Des adaptations thérapeutiques sont donc
nécessaires dans ces cas là.
D’autres facteurs non physiologiques influencent également le taux plasmatique de la
clozapine tels que les réactions inflammatoires, la prise de caféine, la cimétidine,
l’érythromycine, les contraceptifs oraux et certains psychotropes.
Cela s’explique par la compétition des autres molécules qui influencent le système
enzymatique hépatique du cytochrome P450, ce dernier jouant un rôle important dans le
métabolisme de nombreux médicaments psychotropes dont ceux cités ci-dessous.
C’est ainsi qu’un certain nombre d’antidépresseurs peuvent aussi augmenter le taux
plasmatique de clozapine, notamment la fluvoxamine (floxyfral®) et la fluoxétine (prozac®)
(Meltzer et al. 2001 [119]). Il est d’ailleurs parfois recommandé d’associer la clozapine et la
fluvoxamine pour atteindre des concentrations plasmatiques thérapeutiques chez des patients
dont la dose thérapeutique n’est pas atteinte et ce malgré des posologies élevées. Ces
associations sont maintenant bien documentées (Schulte 2003 [151]).
19
En revanche si certains potentialisent la concentration de la clozapine, d’autres font
diminuer les concentrations plasmatiques, toujours par le même biais hépatique du cytochrome
P450. Il s’agit de la phénytoïne ou de la carbamazépine. Là encore les posologies doivent être
adaptées, mais l’association de la clozapine à la carbamazépine est fortement déconseillée du fait
du risque accru d’agranulocytose.
On estime le seuil de toxicité de la clozapine entre 750 et 1050 µg/L.
2.3.
Psychopharmacologie
2.3.1. Clozapine et système dopaminergique [80] [159] [45] [182].
La clozapine possède ceci de particulier qu’elle a une affinité moins importante que les
autres neuroleptiques pour les récepteurs D2, avec un taux d’occupation de 40%. C’est
également le cas pour le récepteur D3, pour lequel elle a une affinité relativement plus faible. Le
blocage D3 est donc comparativement plus faible pour la clozapine que pour les autres
molécules.
En revanche, son affinité pour les récepteurs D1 et D4 est beaucoup plus importante que
les autres neuroleptiques. Son affinité pour les récepteurs D4 est 10 fois supérieure à celle de D2
et 25 fois plus élevée que celle de D3.
Son affinité pour le récepteur D5 est en revanche comparable aux autres neuroleptiques.
Si l’on considère que la clozapine est le traitement de référence dans la schizophrénie
résistante, et le seul dont l’efficacité a été prouvée, il est tentant d’attribuer au récepteur D4 un
rôle majeur dans la résistance aux neuroleptiques et à l’installer au premier rang des récepteurs
de la schizophrénie (Costentin et al. 1997 [45]).
Or il est connu que les récepteurs D4 sont localisés préférentiellement au niveau limbique et
cortical, structures impliquées dans la symptomatologie positive, et peu au niveau de
l’hypothalamus et du striatum. Ceci serait donc en faveur d’une action sur les symptômes
positifs.
Le deuxième récepteur dopaminergique important auquel se fixe la clozapine est le
récepteur D1, présent au niveau du système cortical et limbique. Ainsi, l’impact du blocage D1
semble renvoyer aux mêmes conclusions que le blocage D4, c’est-à-dire l’action sur les
20
symptômes positifs sans amélioration des symptômes négatifs et moins d’effets neurologiques
(action dopaminergique essentiellement corticolimbique). Les récepteurs du collectif D1 ont une
affinité pour la dopamine beaucoup plus importante que ceux du collectif D2. Au niveau
mésolimbique, l’effet du blocage des récepteurs D1 pourrait expliquer la meilleure efficacité du
produit sur les symptômes positifs.
Enfin, signalons qu’au niveau mésocortical, il a été mis en évidence un antagonisme
fonctionnel entre les récepteurs D1 et D2, où le blocage de l’un entraîne une affinité pour la
dopamine de l’autre. Comme la clozapine bloque massivement les récepteurs D1
mésosocorticaux, il s’en suit une augmentation de l’affinité pour les récepteurs D2, cela pourrait
être une explication dans la compréhension des effets du produit sur les symptômes négatifs et
cognitifs du patient schizophrène.
Le faible antagonisme D2 de la clozapine expliquerait l’absence d’effet secondaire
neurologique du produit, les récepteurs D2 étant essentiellement situés au niveau du striatum.
Au total, le profil d’action dopaminergique de la clozapine expliquerait en partie la faible
incidence des effets secondaires neurologiques ainsi que son incidence sur les symptômes
positifs.
Par contre, ce profil dopaminergique ne permet pas d’expliquer les effets sur la
dimension déficitaire.
2.3.2. Clozapine et système sérotoninergique [159] [45] [161].
Plus récemment, il a été démontré que c’est l’action conjointe sur les récepteurs de type
D4 et les récepteurs 5-HT2A qui pourrait expliquer ses propriétés cliniques. En effet, la
clozapine est caractérisée par son affinité importante pour les récepteurs 5-HT 2, avec un taux
d’occupation oscillant entre 84 et 94%. Cette affinité se traduit par un blocage important de
l’activité sérotoninergique cérébrale. Elle possède également une affinité pour les récepteurs 5HT 1(a et d), 5-HT 3, 5-HT 6 et 5-HT 7.
De multiples hypothèses ont été formulées autour de ces différentes affinités pour
expliquer l’atypicité du produit. Pour autant, ce sont les interactions entre les systèmes
dopaminergique et sérotoninergique, associées au profil d’action de la molécule sur ces deux
systèmes, qui semblent le mieux expliquer ses effets atypiques. Au niveau des voies
21
dopaminergiques, la sérotonine inhibe la libération de dopamine, sans avoir pour autant le même
degré de contrôle d’une voie à l’autre.
Le ratio 5-HT2/D2 étant le plus élevé, ceci pourrait expliquer les effets singuliers du
produit.
Clozapine et interaction sérotonine-dopamine au niveau nigro-strié et tubero-infendibulaire.
Dans cette voie, la sérotonine inhibe la libération de dopamine.
Du fait de la répartition des récepteurs 5-HT2 et D2 dans la voie nigro-striée et de
l’action de la clozapine antagonisant fortement les récepteurs 5-HT2 mais pas le blocage D2, la
libération de dopamine est suffisante pour permettre un fonctionnement normal de cette voie. On
suppose donc que c’est par ce mécanisme que la clozapine ne provoque pas d’effets
extrapyramidaux importants, ni de dyskinésies tardives.
Il en est de même au niveau tubero-infendibulaire où il existe aussi un antagonisme
fonctionnel entre la dopamine et la sérotonine concernant la sécrétion de prolactine par les
cellules hypophysaires. Ces interactions favorisent une sécrétion normale de prolactine et
expliquent la faible incidence des effets secondaires de cette voie.
Clozapine et interaction sérotonine-dopamine au niveau mésocortical
Dans la voie mésocorticale le nombre de récepteurs 5-HT 2 y est très important, tandis
que celui des récepteurs D2 est plus modéré.
On sait que cette zone est déficitaire en dopamine chez le schizophrène et que d’autre
part, l’impact dopaminergique du produit aboutit à ce niveau à une hypersensibilisation à la
dopamine des récepteurs D2, eux-mêmes étant faiblement bloqués (cf. interaction D1/D2). Ceci
permettrait de mieux comprendre l’impact de la clozapine sur les aspects déficitaires de la
maladie.
22
Clozapine et interaction sérotonine-dopamine au niveau mésolimbique
L’antagonisme 5-HT 2 n’inverse pas l’antagonisme D2 à ce niveau. Manifestement,
l’antagonisme de la sérotonine n’est pas suffisant pour renverser les effets de la clozapine sur les
récepteurs D2 et permet donc de ne pas atténuer l’action de la molécule sur les symptômes
positifs.
Les récepteurs 5-HT3 sont essentiellement localisés au niveau de la voie mésolimbique et
stimulent la transmission dopaminergique.
Leur blocage permet ainsi de diminuer de façon assez spécifique la transmission
dopaminergique dans la voie mésolimbique et donc l’intensité des symptômes positifs [182]
[115] [112].
Rappelons enfin que la clozapine a la particularité d’avoir des propriétés agonistes sur les
récepteurs 5-HT1a. Cela serait impliqué dans les effets sur les symptômes dépressifs et certains
symptômes négatifs.
2.3.3. Clozapine et système noradrénergique [182, 115,112].
La clozapine possède des propriétés de blocage à la fois sur les récepteurs de type alpha
1, alpha 2 et béta-adrénergique, avec une puissance d’inhibition in vivo des récepteurs alpha 1,
supérieure à celle des récepteurs D2. Cet antagonisme alpha 1 est classiquement incriminé dans
les effets secondaires cardiovasculaires de la clozapine, à savoir : hypotension, hypotension
orthostatique, somnolence, vertiges et certaines tachycardies réflexes.
Cependant selon certaines théories (Novartis 1997 [138]), le blocage des récepteurs alpha 1
pourrait aussi participer à l’action antipsychotique du produit. Ces hypothèses s’appuient
essentiellement sur les interactions du système noradrénergique avec le système sérotoninergique
et dopaminergique.
23
D’une manière générale, les neurones noradrénergiques exercent une action activatrice
sur le système sérotoninergique par le biais des récepteurs alpha 1 et 5-HT 2 (Tassin 2001 [161]).
Le blocage des récepteurs alpha 1 aurait alors pour effet de diminuer l’activité sérotoninergique
et donc de venir renforcer l’antagonisme 5-HT2. La conséquence serait alors une libération de
dopamine dans les zones où les récepteurs 5-HT2 sont les plus abondants, c’est-à-dire le cortex
frontal et préfrontal. La traduction clinique serait alors une amélioration de la symptomatologie
négative.
2.3.4. Clozapine et autres systèmes (Tassin 2001 [161]).
Sur le plan cholinergique muscarinique, la clozapine exerce une activité antagoniste sur
les récepteurs M1, M1, M3 et M5, impliquée dans la faible incidence des effets secondaires
extrapyramidaux. De part son action agoniste sur les récepteurs muscariniques M4, elle favorise
l’hypersalivation.
Le GABA est un modulateur de l’activité dopaminergique agissant au niveau limbique et
striatal. Il serait impliqué dans l’apparition des dyskinésies tardives, les neuroleptiques induisant
un blocage dopaminergique et ce même après arrêt du traitement. La faible variation de
sensibilité GABAergique qu’induit la clozapine avec retour rapide à la normale après arrêt du
traitement, pourrait alors expliquer la faible incidence des dyskinésies de ce traitement.
Loin d’un mécanisme simple, l’action de la clozapine résulte de la combinaison d’action
sur les différents systèmes monoaminergiques et de leur interaction entre eux. Son action reste
essentiellement corticolimbique permettant de mieux comprendre ses effets antipsychotiques et
ses moindres effets secondaires neurologiques.
Pour conclure, si au vu de l’implication de la clozapine dans les différents systèmes
neurotransmetteurs, certaines explications sur les mécanismes d’action et l’atypicité d’action de
cette molécule sont maintenant établies, elles restent cependant incomplètes.
Après ce retour dans l’histoire pharmaceutique et les propriétés pharmacologiques de la
clozapine, nous allons nous intéresser à ses recommandations ainsi que ses modalités de
prescription.
24
3.
CADRE LEGAL DE PRESCRIPTION ET RECOMMANDATIONS
En raison du risque potentiel d’agranulocytose, des nécessités de surveillance et du coût
qui en découlent, la clozapine n’est que très rarement prescrite en première intention. Un
élargissement progressif du champ de ses indications au-delà des mentions officielles dans
chaque pays est cependant constaté.
Ainsi, afin de mieux percevoir l’évolution des prescriptions de la clozapine une revue
historique des recommandations officielles s’impose. Nous commencerons avec la première
indication de traitement par clozapine datant de 1989 suite à l’étude pivot de Kane jusqu’aux
dernières recommandations actuelles.
Avant de voir des recommandations officielles s’établir il faudra attendre la fin des
années 80. En effet, si la clozapine a été synthétisée en 1959, il n’y avait à l’époque pas de
recommandations claires. La clozapine après sa découverte, a été mise à la disposition du corps
médical en 1972 sans qu’aucune mise en garde sur les effets secondaires n’ait été établie. De ce
fait, la clozapine a été retirée du marché en 1975 suite aux cas d’agranulocytoses mortelles
recensées dans plusieurs pays (cf. partie 1).
Il faudra ainsi attendre la fin des années 80 pour que l’intérêt de la clozapine soit remis à l’ordre
du jour par les Nord-Américains.
Comme dit précédemment, la clozapine s’est vu octroyer l’indication dans la
« schizophrénie résistante aux neuroleptiques » à la suite d’une étude pivot, mise en œuvre sous
l’impulsion d’un groupe de chercheurs américains et de la FDA, à savoir l’étude de J.Kane et al.
en 1988 [75]. Il s’agit d’un essai clinique de grande ampleur avec des critères méthodologiques
rigoureux comparant l’efficacité de la clozapine à celle de la chlorpromazine chez des patients
schizophrènes résistants aux traitements.
Cette étude a confirmé l’efficacité de la clozapine dans le traitement des schizophrénies
résistantes puisque 30% des patients résistants ont été améliorés par le traitement contre 4% des
patients sous chlorpromazine, le critère d’amélioration retenu étant une diminution de 20% au
score total de la BPRS.
25
La publication de ces résultats aboutira à une autorisation de la FDA (Food and Drug
Administration) en 1990 et à une AMM en France en 1991, pour des patients strictement définis
et sous surveillance rigoureuse. Cette étude sera détaillée dans un autre chapitre (cf. partie 4.1.1.)
3.1.
Autorisation de mise sur le marché de la clozapine en France [176, 177].
En France la circulaire ministérielle n°03/11/91.20 du 12 novembre 1991 stipule que les
indications thérapeutiques de la clozapine concernent les schizophrénies chroniques sévères,
évoluant depuis au moins deux années, en cas de résistance ou d’intolérance majeure aux
neuroleptiques classiques. Il ne s’agit donc pas d’un traitement de première intention.
Du fait de sa toxicité hématologique, la clozapine est alors réservée à des indications
restreintes :
 Patient schizophrène résistant au traitement.
 Patient schizophrène présentant avec les autres antipsychotiques des effets neurologiques
indésirables sévères.
L’Autorisation de Mise sur le Marché précise les notions de résistance d’une part, et
d’intolérance d’autre part :
 La résistance aux neuroleptiques est définie comme l’absence d’amélioration clinique ou
sociale malgré la prescription à posologies élevées d’au moins deux neuroleptiques
successifs pendant au moins six semaines, les malades devant rester étroitement
dépendants du milieu hospitalier.
 L’intolérance majeure aux neuroleptiques concerne les patients pour lesquels les
traitements classiques produisent des effets neurologiques sévères et invalidants,
impossibles à corriger par un meilleur ajustement posologique ou à l’aide des
médications correctrices habituelles.
La durée minimum du traitement neuroleptique antérieur avant la mise sous clozapine est donc
de douze semaines.
26
En 2001 une nouvelle indication dans l’AMM supplémente la précédente [177]. Il s’agit
de la maladie de parkinson. Il ne s’agit pas non plus d’un traitement de première intention. La
clozapine s’est vue octroyer cette indication dans les troubles psychotiques survenant au cours de
l’évolution de la maladie de parkinson, en cas d’échec de la stratégie thérapeutique habituelle,
c’est-à-dire la présence de troubles d’ordre psychotique survenant malgré l’arrêt des
anticholinergiques, de la sélégiline ou de l’amantadine.
La place des antipsychotiques atypiques est précisée en 2010. Selon le rectificatif de
l’AMM française 26/01/2010, « la clozapine est indiquée chez les patients schizophrènes
résistants au traitement et chez les patients schizophrènes qui présentent avec les autres agents
antipsychotiques, y compris les antipsychotiques atypiques, des effets indésirables neurologiques
sévères, impossibles à corriger [14].
La résistance au traitement est définie comme l’absence d’amélioration clinique satisfaisante
malgré l’utilisation d’au moins deux antipsychotiques différents, y compris un agent
antipsychotique atypique, prescrits à posologie adéquate pendant une durée suffisante. »
En 2006, L’afssaps précise des recommandations concernant l’utilisation de la clozapine :
« La clozapine peut provoquer une agranulocytose. Son utilisation doit être limitée aux
patients [13]:
 atteints de schizophrénie, qui ne répondent pas ou qui sont intolérants au traitement par
des médicaments antipsychotiques et, aux patients parkinsoniens présentant des troubles
psychotiques lorsque d’autres stratégies thérapeutiques ont échouées
 qui, initialement, présentent une numération-formule leucocytaire normale (nombre de
globules blancs ≥3500/mm3 ([3,5×10 puissance 9/litre]) et polynucléaires neutrophiles
PNN≥2000/mm3 ([2×10 puissance 9/ litre]) et
 chez lesquels le nombre de globules blancs (GB) et le nombre absolu de polynucléaires
neutrophiles (PNN) pourront être déterminés régulièrement aux intervalles suivants : une
fois par semaine pendant les 18 premières semaines du traitement et, ensuite, au moins
toutes les 4 semaines durant toute la durée du traitement. Cette surveillance doit être
27
poursuivie tout au long du traitement et pendant les semaines qui suivent l’arrêt complet
de la clozapine.
Les médecins prescripteurs doivent respecter strictement les mesures de sécurité requises.
A chaque consultation, il convient de rappeler aux patients traités par la clozapine qu’ils doivent
contacter immédiatement leur médecin traitant si une infection quelle qu’elle soit commence à se
développer. Une attention particulière doit être accordée aux symptômes pseudo-grippaux,
comme une fièvre ou une angine, et aux autres signes d’infection, qui peuvent être révélateurs
d’une neutropénie. »
Il s’agit d’un traitement soumis à des conditions de prescription et de délivrance
particulières. En effet, la clozapine est un médicament soumis à une prescription médicale
restreinte. La prescription initiale est hospitalière, réservée aux spécialités en psychiatrie, en
neurologie et en gériatrie. Le renouvellement est possible par les spécialistes en psychiatrie,
neurologie et gériatrie. Il y a une surveillance particulière nécessaire pendant le traitement (cf.
partie 3.4.). Le résultat de la numération formule sanguine doit être reporté sur l’ordonnance
ainsi que la date de réalisation, et le médecin prescripteur tient à jour un carnet de suivi fourni au
pharmacien d’hôpital par le titulaire de l’AMM.
Il n’est pas précisé la durée considérée comme suffisante pour évaluer l’inefficacité d’un
traitement antipsychotique. On doit pour le savoir, se référer aux données de la littérature faisant
mention d’un délai de 2 à 6 mois (Schulte 2003 [151]).
En 2004, le Vidal a sorti une nouvelle formulation de l’indication de la clozapine, la
dernière datant des années 90. Cette indication se réfère plus à la clinique qu’à un schéma
théorique de prescription. Ainsi, c’est la clinique des patients qui fait envisager la prescription de
clozapine, plus que la notion de résistance en elle-même. Elle permet l’utilisation de la clozapine
en cas « d’absence d’amélioration clinique satisfaisante, malgré l’utilisation d’au moins deux
antipsychotiques différents, y compris un agent antipsychotique atypique, prescrits à une
posologie adéquate pendant une durée suffisante » [177].
28
3.2. Recommandations internationales.
En 1997, l’Association Américaine de Psychiatrie (APA) indiquait que le niveau
d’intention de traitement par clozapine se situait en 3ème position, après essai thérapeutique par
au moins deux antipsychotiques de familles différentes. Le traitement par clozapine peut donc à
cette époque s’envisager après deux échecs thérapeutiques et ce uniquement dans la
schizophrénie et troubles apparentés [5].
La durée minimum de traitement était de 8 à 12 semaines pour chaque antipsychotique.
Il existait alors des indications alternatives possibles et tolérées, à savoir des effets
extrapyramidaux sévères ou des dyskinésies tardives après l’utilisation d’au moins un
antipsychotique typique et un atypique, l’existence de comportements violents persistants malgré
au moins une séquence de traitement par neuroleptique bien conduite, et pour finir une
polydipsie psychogène.
L’APA en 2004 réduit la durée minimum de traitement par antipsychotique à 2 à 4
semaines. La clozapine doit être un traitement à prendre en considération chez les patients qui
n’ont qu’une réponse partielle ou une absence de réponse aux autres traitements. La clozapine
doit également être envisagée pour des patients ayant des antécédents d’idéations ou de
comportements suicidaires chroniques et persistants. Enfin, l’APA envisage la clozapine pour les
patients schizophrènes ayant une hostilité et un comportement agressif persistant, considérant
que la supériorité de la clozapine a été démontrée dans cette population de patients [5].
Au Canada, l’Association Canadienne de psychiatrie (CPA) propose en 1998 un niveau
d’intention de traitement par clozapine au 3ème rang après un antipsychotique conventionnel et
au moins un antipsychotique de seconde génération. La durée minimum de traitement est
légèrement plus longue que celle recommandée par l’APA, allant jusqu’à 16 semaines de
traitement. Elle se distingue également concernant les indications possibles en indiquant la
meilleure tolérance de la clozapine en cas de dyskinésies tardives persistantes après un traitement
antipsychotique conventionnel bien conduit et après avoir tenté une diminution de posologie,
alors que pour l’APA l’indication est possible après l’utilisation de deux antipsychotiques de
deux classes différentes ; elle envisage aussi la prescription de clozapine en cas
d’hyperprolactinémie avec répercussions endocriniennes et/ou sexuelles persistantes après un
29
antipsychotique de première génération ou la rispéridone, malgré une diminution de posologie
[31].
En 2003 de nouvelles recommandations apparaissent : « la clozapine apparaît comme
étant le traitement de choix en cas de réponse partielle ou de non-réponse au traitement. La
clozapine doit être considérée dès que l’absence de réponse au traitement a été démontrée, et ce
même lors de la 1ère ou 2nde année d’évolution du trouble. La durée adéquate d’un essai de
traitement par clozapine est de 4 à 6 mois ».La non-réponse au traitement après essai de deux
classes différentes est pour la CPA une indication à l’essai de la clozapine. En cas d’agressivité
persistante chez un patient schizophrène, on peut envisager un traitement par clozapine. Cet avis
est basé sur des séries de cas qui confirment le bénéfice d’un traitement par clozapine dans le cas
d’une agressivité persistante. La persistance d’idées ou de comportements suicidaires est
également pour la CPA une indication à la réflexion autour d’un traitement par clozapine [31].
La PORT (the Schizophrenia Patient Outcome Research Team), composée de chercheurs
américains de santé mentale établit en 1998 des recommandations comparables à l’APA :
l’indication principale est en 3ème intention, en précisant que les posologies des traitements
donnés avant la clozapine doivent être comparables à 1000mg d’équivalent chlorpromazine. Les
indications tolérées concernent les comportements violents persistants malgré deux traitements
antipsychotiques différents (typiques et atypiques). Parmi les effets secondaires motivant un
changement de traitement, l’hyperthermie maligne malgré deux traitements antipsychotiques de
familles différentes doit faire envisager un changement de traitement pour la clozapine (Lehman
et al. 1998, [91]).
La dernière mise à jour en 2009 apporte de nouvelles données concernant l’indication de la
clozapine. Il est précisé que la clozapine doit être envisagée lors de la persistance de
manifestations d’hostilité et/ou de comportements agressifs, et également des comportements
suicidaires. En revanche il n’est pas précisé si elle peut s’envisager en première intention ou non.
30
Au Royaume Uni en 2002, la NICE (National Institue for Health and Clinical Excellence,
Royaume Uni) recommande la clozapine dans le traitement de la schizophrénie après l’essai de
plusieurs antipsychotiques, dont au moins un de 2nde génération. La durée minimale de chaque
traitement antérieur à la clozapine est de 6 à 8 semaines. En cas de non-réponse ou de réponse
insuffisante à la clozapine, il est licite d’associer un autre antipsychotique (de 2nde génération ou
non) [135].
En 2002, l’EMEA (European Agency for the Evaluation of Medicinal Products) a publié
des recommandations sur l’utilisation de la clozapine. Ces recommandations s’appliquant aux
états membres de l’union européenne sont comparables à celles de l’AMM en France [164].
Le Texas Medical Algorithm Project (TMAP) marque le premier changement notable
dans les recommandations sur la prescription de la clozapine en 2006 [165]. En effet c’est en juin
2006 que des experts se sont réunis afin de répondre à plusieurs questions concernant
l’algorithme de traitement dans la schizophrénie, notamment savoir combien de traitements
doivent précéder l’initiation d’un traitement par clozapine, mais également connaître les
stratégies d’augmentation de traitement par clozapine. Dans les anciennes recommandations du
TMAP datant de 2004, 2 à 3 antipsychotiques devaient être essayés avant d’envisager un
traitement par clozapine. Dorénavant, la recommandation du TMAP stipule qu’il doit y avoir
essai d’au moins deux antipsychotiques avant la prescription de la clozapine. Le TMAP stipule
également que les longs délais avant la prescription de clozapine doivent être évités, étant
mentionné que la persistance de symptômes positifs après 2 ans de traitement doit faire envisager
la clozapine. De plus, la persistance de symptômes suicidaires, violents, ou une comorbidité
d’abus de substance doivent faire envisager l’instauration précoce de la clozapine [165].
En résumé, les différentes recommandations s’accordent sur le fait que la clozapine n’est
pas un traitement de la schizophrénie en première intention, et qu’elle reste réservée à la
schizophrénie résistante ou aux patients intolérants aux autres traitements. Elles diffèrent sur les
durées minimum de traitements antérieurs ou restent assez vagues ; de plus quelques
recommandations soulignent l’intérêt de la clozapine chez les patients schizophrènes violents ou
suicidaires. Il semble alors important de souligner qu’il ne faut dans ces cas-là pas trop attendre
31
avant l’introduction de la clozapine. L’inquiétude vis-à-vis des effets secondaires de la clozapine
semble rester présente dans l’esprit pour de nombreuses recommandations qui ne la préconisent
qu’en 3ème intention.
Nous aborderons dans le chapitre suivant les questions pratiques de prescription et de
surveillance, qui nous allons le voir sont bien établies selon un cadre strict.
32
3.3. Cadre légal de prescription.
Comme cela a été mentionné dans un chapitre précédent, la clozapine est soumise à des
conditions particulières de prescription et de délivrance.
Il s’agit en effet d’un médicament ayant une prescription médicale restreinte, médicament
sur liste I [177]. La prescription initiale doit être hospitalière, réservée aux spécialistes en
psychiatrie, en neurologie et en gériatrie. Le renouvellement est possible par les spécialistes en
psychiatrie, neurologie et gériatrie. Elle nécessite une surveillance particulière pendant le
traitement. Le médecin doit noter sur l’ordonnance que la numération formule leucocytaire a été
réalisée (date) et que les valeurs observées sont dans la limite des valeurs usuelles et tient à jour
un carnet de suivi fourni au pharmacien d’hôpital par le titulaire de l’AMM.
Nous allons détailler les modalités de prescription de la clozapine selon les
recommandations actuelles dans le trouble psychotique.
3.3.1. Clozapine et schizophrénie [164].
L’EMEA (The European Agency for the Evaluation of Medicinal Products) a récemment
établi les règles de prescription de la clozapine [164].
Concernant les patients schizophrènes résistants au traitement, l’instauration du
traitement se fait à une posologie de 12,5 mg (un demi-comprimé de 25 mg) une ou deux fois le
premier jour, puis 25 mg une ou deux fois le deuxième jour. Si la tolérance est bonne, la dose
journalière peut ensuite être augmentée lentement, par paliers de 25 à 50 mg, de façon à atteindre
au maximum 300 mg/jour en l’espace de 2 à 3 semaines. Par la suite, si nécessaire, la posologie
journalière peut être encore augmentée, par paliers de 50 à 100 mg, à raison de deux fois ou, de
préférence, une fois par semaine.
Chez la plupart des patients, la dose antipsychotique efficace se situe entre 200 et 450
mg/jour en prises fractionnées. La posologie journalière totale peut être répartie de manière
inégale, la dose la plus importante devant être administrée au coucher.
33
Dans quelques cas où certains patients peuvent nécessiter de plus fortes doses pour
obtenir un plein effet thérapeutique, des augmentations judicieuses (c’est-à-dire n’excédant pas
100 mg) sont autorisées jusqu’à un maximum de 900 mg/jour. Il faut prendre en considération la
possibilité d’une augmentation des effets indésirables (en particulier de crises comitiales) qui
surviennent à des doses dépassant 450 mg/jour.
Après avoir obtenu le bénéfice thérapeutique maximum, de nombreux patients peuvent
être maintenus efficacement avec des doses plus faibles. Il est donc recommandé de réduire
prudemment la posologie. Le traitement doit être poursuivi pendant au moins 6 mois. Si la dose
journalière n’excède pas 200 mg, une seule prise quotidienne le soir peut convenir.
Si l’on envisage d’arrêter le traitement par clozapine, une réduction progressive de la
dose sur une période de 1 à 2 semaines est recommandée. Si un arrêt brutal du traitement
s’impose, le patient devra être étroitement surveillé quant à l’apparition de réactions de sevrage.
Chez les patients dont l’intervalle de temps depuis la dernière prise de clozapine est
supérieur à 2 jours, le traitement doit être réinstauré à la posologie de 12,5mg une à deux fois le
premier jour. Si cette dose est bien tolérée, la posologie pourra être augmentée jusqu’au niveau
thérapeutique à un rythme plus rapide que celui recommandé dans le traitement initial.
En général, il est recommandé de ne pas administrer la clozapine en association avec
d’autres antipsychotiques. Si le traitement par ce médicament doit être instauré chez un sujet
recevant déjà un traitement antipsychotique par voie orale, il est recommandé d’interrompre
d’abord celui-ci en réduisant progressivement sa posologie.
34
3.3.2. Clozapine et maladie de Parkinson [164, 177].
Pour les troubles survenant au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson, en cas
d’échec de la stratégie thérapeutique habituelle, la posologie initiale ne doit pas dépasser 12,5mg
par jour, administrée le soir. Par la suite, la posologie journalière doit être augmentée par paliers
de 12,5 mg, avec un maximum de 2 augmentations par semaine, pour atteindre un maximum de
50 mg par jour, dose à laquelle il ne faut pas parvenir avant la fin de la deuxième semaine. La
dose journalière totale doit être administrée de préférence en une seule prise vespérale.
La dose moyenne se situe habituellement entre 25 et 37,5 mg par jour. Si le traitement
pendant au moins une semaine à la dose de 50 mg par jour ne procure pas une réponse
thérapeutique satisfaisante, la posologie peut être augmentée prudemment par paliers de 12,5mg
par semaine. La posologie de 50 mg/jour ne doit être dépassée que dans des cas exceptionnels et
la dose maximale de 100 mg/jour ne doit jamais être dépassée.
Les augmentations posologiques doivent être limitées ou différées en cas de survenue
d’hypotension orthostatique, de sédation excessive ou de confusion. La pression artérielle doit
être surveillée pendant les premières semaines de traitement.
Après l’obtention d’une rémission complète des symptômes psychotiques pendant au
moins 2 semaines, une augmentation de la posologie du traitement antiparkinsonien peut être
tentée si l’état moteur du sujet le nécessite. Si cette tentative provoque la réapparition des
symptômes psychotiques, la posologie de la clozapine peut être augmentée par paliers de 12,5
mg par semaine, jusqu’à atteindre un maximum de 100 mg/jour, administrés en 1 ou 2 prises.
Lorsque la clozapine est arrêtée, une réduction progressive de la posologie par paliers de
12,5 mg, sur une période d’au moins une semaine est recommandée.
3.3.3. Cas particuliers.
La clozapine ne doit pas être utilisée chez l’enfant ou l’adolescent de moins de 16 ans
compte tenu de l’absence de données concernant la sécurité et l’efficacité. Ce médicament ne
doit pas être prescrit à ce groupe de patients avant l’obtention de données supplémentaires.
35
3.4.Cadre légal de surveillance (Fiche de transparence de l’Afssaps [13]).
En raison des effets secondaires de la clozapine, la prescription de clozapine est soumise
à une surveillance biologique.
Avant d’introduire un traitement par clozapine il convient de réaliser une numération
formule sanguine, un examen clinique et un recueil des antécédents du patient. Avant
l’instauration du traitement, les médecins doivent s’assurer que le patient n’a pas présenté sous
clozapine d’effet indésirable hématologique ayant imposé l’arrêt du traitement.
Les patients ayant des antécédents de maladie cardiaque ou d’anomalies cardiaques
découvertes lors de l’examen clinique, doivent être adressés à un spécialiste pour d’autres
examens qui peuvent inclure un ECG. Le patient ne doit être traité que si les bénéfices escomptés
l’emportent clairement sur les risques.
L’arrêt immédiat de la clozapine est impératif si le nombre de GB baisse à moins de
3000/mm3 (3×10^9/litre) ou le nombre de PNN à moins de 1500/ mm3 (1,5×10^9/litre) à
quelque moment que ce soit durant un traitement par ce médicament. Les patients chez lesquels
la clozapine a été arrêté suite à une baisse soit en GB soit en PNN ne devront jamais être
réexposés à la clozapine.
Si le nombre de GB baisse jusqu’à une valeur comprise entre 3500/mm3 et 3000/mm3,
ou le nombre absolu de PNN entre 2000/mm3 et 1500/mm3, les analyses de sang doivent être
effectuées au moins deux fois par semaine jusqu’à ce que le nombre de GB se stabilise à 30003500/mm3 et le nombre absolu de PNN à 1500-2000/mm3 ou plus.
Les autres effets secondaires connus de la clozapine doivent être recherchés
systématiquement (cf. partie 7 effets secondaires).
Si la clozapine doit être arrêtée pour intolérance, une surveillance clinique rapprochée
s’impose en raison du risque de recrudescence symptomatique.
36
3.5. Posologies et durée adéquates d’une séquence de traitement par clozapine.
3.5.1. Posologies adéquates d’une séquence d’essai par clozapine.
De nombreuses études ont été réalisées à ce sujet, dont Schulte et coll., ont fait la revue
en 2003. Il ressortait de ce travail que ce n’est pas tant la posologie, mais le dosage plasmatique
qui semble important à prendre en compte [151]. En effet, les auteurs rappelaient les multiples
facteurs influençant la concentration plasmatique du produit.
L’étude de Schulte et coll. [151] regroupait 8 études concernant les relations entre
concentration plasmatique et réponse clinique chez des patients schizophrènes résistants aux
traitements ; les relations posologie/réponse clinique étant variables.
Six d’entre-elles retrouvaient un seuil d’efficacité compris entre 350 et 400µg/L. Trois
études montraient un passage du statut de non-répondeur au statut de répondeur lorsque les
patients étudiés franchissaient ce seuil thérapeutique. L’ensemble des données mettait en
évidence un taux de réponse allant de 28% sous ce seuil, à 69% une fois ce seuil franchi. Les
auteurs concluaient donc à un gain d’efficacité de 40% lors du franchissement de ce seuil
thérapeutique. Aucune étude n’a démontré un réel intérêt à dépasser largement ces
concentrations.
Rappelons que le seuil de toxicité est situé près de 750µg/L (Base de données des
médicaments, recommandations ANAES [14], Novartis 1997[138]).
Au total, il semble que la réponse thérapeutique soit maximale après un seuil de
concentration plasmatique compris entre 350 et 400µg/L, ce qui correspond en général à des
posologies comprises entre 400 et 500mg/j. En cas de non-réponse malgré des posologies
élevées (>500-600mg/j), un dosage plasmatique peut alors s’avérer précieux, d’une part, pour ne
pas statuer sur une absence d’efficacité du traitement chez un patient qui n’aurait pas franchi le
seuil thérapeutique (métaboliseurs rapides, inobservance thérapeutique), et d’autre part, pour ne
pas augmenter les posologies à l’aveugle chez un patient non répondeur ayant déjà des
concentrations plasmatiques proches des doses toxiques. Ce dosage doit alors être réalisé 12
heures après la dernière prise du produit. Sur le plan pratique la prise de sang doit être effectuée
12 heures post-dose. Il y aura des variations de 20 à 25% dans la clozapinémie si la dose est
entièrement au coucher ou divisée en plusieurs prises par jour.
37
Rappelons enfin d’un point de vue pratique, la possibilité d’association clozapinefluvoxamine, chez les patients ayant déjà des posologies importantes (limite ou hors AMM) et
n’ayant pas atteint ce seuil de concentration ; l’inobservance ayant été écartée. Dans ces
situations, la fluvoxamine en passant par l’inhibition du CYP1A2 permet une augmentation des
concentrations plasmatiques [164].
3.5.2. Délai de réponse au traitement.
De nombreux travaux se sont intéressés au délai de réponse des patients sous clozapine
ainsi que des posologies adéquates, et nous disposons maintenant de données précises à ce sujet.
Conley et coll. ont proposé en 1997 [41] d’étudier le délai de réponse optimal des patients
traités par clozapine. En préambule, les auteurs ont fait une revue de la littérature sur cette
question et retrouvaient des données quelque peu controversées, bien que le délai de 12 semaines
revienne à plusieurs reprises. Leur étude comprenait 50 patients schizophrènes résistants aux
traitements, dont le diagnostic de schizophrénie avait été posé selon les critères DSM III R et
celui de résistance selon les critères dérivés de ceux de Kane. La clozapine a été mise en place de
façon progressive, pour atteindre la dose moyenne de 540mg/j (max=900). La durée de l’étude
était en moyenne de 65 semaines, toujours supérieure à un an.
L’état clinique des patients fut évalué à l’aide de la BPRS et de la CGI avant l’étude, puis
8 semaines après l’initiation du traitement, ainsi que toutes les 4 semaines ensuite jusqu’à la fin
de la première année. Après ce délai, les patients étaient évalués toutes les 8 semaines. La
réponse était définie selon les mêmes critères que ceux utilisés dans l’étude princeps de Kane.
Au terme de l’étude, 68% des patients avaient atteint ces critères de réponse. Ce chiffre élevé
s’explique certainement par les critères d’inclusion utilisés dans ce travail, moins sélectifs que
dans le travail de Kane.
Parmi les répondeurs, 27% atteignaient les critères de réponse à la 4 ème semaine, 66% à la
8ème semaine et 33% après la 8ème semaine. Il n’y eut pas de répondeur après la 54ème semaine.
Ces résultats étaient donc sensiblement comparables à ceux obtenus par Lieberman en
1994 [96], mais paraissaient plus précis au niveau des délais proposés. Après l’étude de
Lieberman, nous savions que la réponse avait généralement lieu dans les 12 premières semaines.
38
Il semble avec ces nouvelles données que l’on puisse la situer plus précisément dans les 8
premières semaines. Par contre, cette étude ne renseignait pas sur l’évolution des scores BPRS
des patients ayant répondu après la 8ème semaine. Cependant, on peut supposer d’après le travail
de Lieberman, que ces patients aient montré une nette évolution de leur symptomatologie durant
cette période.
De plus, ce travail mettait en corrélation les posologies nécessaires à l’obtention des
critères de réponse (468mg/j en moyenne, avec 50% de réponse à des posologies inférieures à
450mg/j et 88% de réponse à des posologies allant jusqu’à 600mg/j) et le délai nécessaire après
obtention de cette posologie, pour atteindre la réponse clinique. Il était alors intéressant de
constater que les sujets répondaient généralement rapidement après obtention de cette posologie,
en moyenne 17 jours et dans tous les cas en moins de 8 semaines. Par exemple, les deux derniers
répondeurs ont certes répondu très tard (à la 51ème et 54ème semaine de traitement), mais
seulement respectivement 3 et 1 semaine après obtention de la posologie à laquelle ils ont
répondu.
Enfin les auteurs ont proposé de séparer les patients répondeurs en 2 groupes, en fonction
de la posologie à laquelle ils ont répondu, en prenant comme limite la posologie moyenne des
répondeurs : 450 mg/j. Ils obtenaient alors deux groupes, l’un de 16 patients ayant nécessité
moins de 450 mg/j et l’autre de 17 patients ayant nécessité plus de 450mg/j pour répondre. Il fut
logiquement retrouvé que le second groupe a nécessité plus de temps que le premier pour obtenir
la posologie de réponse et donc la réponse. Par contre, il ne fut pas retrouvé de différence
significative entre les deux groupes en termes de délai de réponse une fois la posologie de
réponse obtenue.
Cette étude apporte des éléments précieux sur le plan pratique. Il semble d’une part, que
la réponse soit assez rapide une fois la posologie optimale trouvée chez chaque patient. D’autre
part, la plupart des patients semble atteindre rapidement leur posologie de réponse et répondent
alors dans les 8 premières semaines de traitement. Enfin, 100% des patients répondeurs
répondent dans les 8 semaines suivant l’obtention de la posologie à laquelle ils ont répondu.
Selon Llorca (Llorca et al. 2004 [104]) la durée de traitement requise avant de conclure à
une absence de réponse à la clozapine n’est pas univoque. Deux auteurs (Carpenter et al. [34]
Conley et al. 1997[41]), se fondant aussi bien sur une revue de la littérature que sur leur
39
expérience personnelle, rejoignent l’avis initial de Kane et al. [75] et préconisent 2 à 4 mois de
délai. Pour Meltzer [116] la réponse au traitement peut être retardée jusqu’à 6-9 mois. Cependant
dans les deux études au long terme citées par Llorca [103], les taux de répondeurs augmentent
avec le temps et la méta-analyse de Wahlbeck et al. (1998 [179]) montre des taux de réponse
supérieurs dans les études de plus de 6 mois.
Dixon et al. (2009, [51]) après avoir effectué une revue des dernières données de la
littérature, permettant la mise à jour des données de l’APA (American Psychiatric Association),
statut à ce sujet. Il conclut que même si la plupart des patients répondants à la clozapine, ont une
réponse maximale entre 6 et 12 semaines de traitement, les bénéfices cliniques semblent se
poursuivre après 6 à 12 mois. On peut en déduire qu’avant ce délai, on ne peut pas parler
d’absence de réponse à la clozapine.
Nous venons donc de voir que les règles de prescription de la clozapine sont soumises à
un cadre de surveillance strict, les indications de la clozapine ont évolué au cours de la dernière
décennie, dépassant largement le cadre de la résistance pour laquelle elle est bien connue. Les
posologies recommandées sont bien documentées, de même que le délai de réponse au
traitement.
On peut néanmoins penser qu’étant donné la prescription de clozapine encore considérée
comme un traitement de n-ième intention (avant les ECT), le délai avant de parler d’échec
thérapeutique est allongé par rapport aux autres prescriptions.
Après avoir cité les recommandations de prescription de la clozapine, nous allons maintenant
nous intéresser aux effets de la molécule dans la schizophrénie.
40
4. EFFETS DE LA CLOZAPINE DANS LA SCHIZOPHRENIE RESISTANTE
4.1.
Clozapine et schizophrénie résistante.
4.1.1. Définition.
L’étude pivot de Kane, comparant en double aveugle la clozapine et la chlorpromazine
dans une population de 286 patients schizophrènes résistants, a permis l’obtention de l’indication
de la clozapine dans les « schizophrénies résistantes aux neuroleptiques » comme nous l’avons
précédemment évoqué (Kane et al. 1988 [75]).
Les critères initiaux de la résistance du Vidal sont repris de ceux de Kane. Le Vidal [176]
définit la résistance comme : « l’absence d’amélioration clinique ou sociale malgré la
prescription d’au moins deux neuroleptiques successifs prescrits à des posologies élevées
pendant au moins six semaines, chez des patients schizophrènes chroniques sévères, dont la
maladie évolue depuis au moins deux ans ; ces patients restant étroitement dépendant du milieu
hospitalier ».
En 1992 Meltzer [114] dans un article sur l’indication de la clozapine, souligne le
problème posé par la définition de la réponse au traitement lorsqu’il est seulement envisagé selon
un aspect de chimioréponse ou de chimiorésistance, rejoignant ainsi le modèle binaire
répondeur/non répondeur. Il propose alors une vision plus globale de la réponse, impliquant la
symptomatologie (symptômes positifs, négatifs, conduites suicidaires, agressives, abus de
substance etc.), les fonctions cognitives, la tolérance au traitement, notamment neurologique, le
fonctionnement social (vie sociale, familiale et professionnelle), l’observance médicamenteuse,
le travail institutionnel mis en œuvre, et le retentissement de la maladie sur la qualité de vie, dans
le domaine social ou familial.
Dans la nouvelle formulation du Vidal (cf. partie 3), la prescription de clozapine est
indiquée de façon plus large ce qui permet d’envisager le recours à la clozapine bien plus
précocement dans la maladie.
Un certain nombre de facteurs ont été associés à la résistance (Hellewel 1999 [67]). Ces
facteurs sont à utiliser avec précaution cependant car ils sont souvent associés aux facteurs de
mauvais pronostic de la maladie. Les plus évidents sont le défaut de compliance et la mise en
place tardive du traitement (Vanelle et al. 1994 [137]).
41
On peut citer également le sexe masculin, certains groupes ethniques (Afrique, Amérique du
sud), une personnalité pré morbide schizoïde, l’absence d’entrée franche dans la maladie avec au
contraire un début insidieux ayant pour conséquence une prise en charge retardée, et les
antécédents familiaux de schizophrénie [137,72,97]. Dans le même registre, l’absence d’élément
déclenchant avant le début des troubles constituerait un facteur de résistance (Allander 2004,
[2]).
D’autres facteurs, plus liés à la symptomatologie de la maladie en elle-même sont décrits,
comme la survenue de dyskinésies tardives, la symptomatologie déficitaire ainsi que
l’indifférence affective (Vanelle et al. [174], Kane et al. 1988 [75]).
Les comorbidités sont des facteurs influençant la résistance, comme l’abus de substance
et les troubles affectifs (Peuskens 1999 [143]).
Les facteurs faisant diminuer le taux plasmatique des neuroleptiques (cf. pharmacologie),
les problèmes de tolérance pharmacologique, ainsi que les facteurs organiques influencent
également la résistance. On peut citer sur le plan neuroanatomique, l’asymétrie ventriculaire
droite/gauche, l’élargissement ventriculaire, l’atrophie corticale et l’élargissement de la fissure
sylvienne, bien que ces derniers soient peu impliqués dans la pratique clinique, car non
recherchés systématiquement (Vanelle et al.1994 [137]).
4.1.2. Efficacité de la clozapine dans la schizophrénie résistante.
Bien que réintroduite sur le marché en 1990, la clozapine n’a toujours pas trouvé
d’équivalent dans le traitement de la schizophrénie résistante. Après l’interdiction de la
clozapine, des recherches ont été effectuées concernant d’autres neuroleptiques mais elles n’ont
pas abouti à démontrer un bénéfice probant pour les patients résistants aux traitements.
Le premier travail ayant montré un intérêt pour cette molécule a été réalisé par Kane et al.
en 1988 [75]. Ils ont réalisé une étude comparant l’efficacité de la clozapine à celle de la
chlorpromazine, chez des patients résistants aux traitements rigoureusement sélectionnés. Seize
centres ont participé à l’étude regroupant un total de 319 patients hospitalisés, schizophrènes
42
selon les critères de DSM-III. Ces patients possédaient les critères de résistance au traitement, à
savoir :
 Au moins 3 périodes de traitement au cours des 5 ans par des antipsychotiques (de deux
classes différentes) à un dose équivalente ou supérieure à 1000 mg/j de chlorpromazine
pendant une période de 6 semaines chacun
 Absence de période de bon « fonctionnement » dans les 5 ans précédents l’étude.
Les patients possédaient également les scores de sévérité clinques suivants : un score BPRS
supérieur ou égal à 45 (version 18 items) , un score CGI supérieur ou égal à 4 et l’absence de
réponse (définie par une amélioration de ces scores inférieurs à 20%).
Une fois les patients correspondant à ces critères d’inclusion, ils entraient dans une phase
prospective de traitement, et étaient traités soit par halopéridol (≥60mg/j) et benztropine (6mg/j),
pour une période de 6 semaines, afin de confirmer l’absence de réponse thérapeutique. En
l’absence de réponse au traitement (selon des scores BPRS et CGI différents de ceux définis par
la suite), les patients pouvaient rentrer dans la 2ème phase en doubles-aveugle.
Une fois ces critères validés, les patients (265) étaient randomisés en deux groupes pour
un essai clinique de 6 semaines en double aveugle de clozapine (126 patients, posologie
moyenne 600 mg/j ; max. = 900 mg/j) versus chlorpromazine (142 patients, posologie moyenne
1200 mg/j ; max.= 1800 mg/j). La benztropine était associée à la dose de 6mg/j pour permettre
une évaluation en double aveugle, la clozapine étant mieux tolérée sur le plan neurologique que
la chlorpromazine. Les patients étaient évalués cliniquement toutes les semaines à l’aide de la
BPRS et de la CGI. L’équipe soignante réalisait régulièrement chez chaque patient une
évaluation à l’aide de la NOSIE (Nurses Observation Scale for Inpatient Evaluation). Les effets
secondaires neurologiques étaient répertoriés quant à eux, à l’aide de la Simpson Angus Scale for
Extrapyramidal Side Effects et l’AIMS (Abnormal Involontary Mouvement Scale). Une
surveillance clinique et paraclinique rigoureuse (NFS, ECG) était réalisée chaque semaine.
43
Les résultats ont montré une amélioration clinique aux échelles BPRS et CGI trois fois
plus importante dans le groupe sous clozapine que dans celui sous chlorpromazine. Une
différence significative était notée dès la 1ère semaine (groupes comparables initialement). Les 4
items concernant les signes positifs de la BPRS suivaient cette même évolution (19 initialement,
14 à la fin dans le groupe clozapine versus 17 dans le groupe chlorpromazine, p<.001). La
clozapine se montrait aussi plus efficace dans le traitement des symptômes négatifs, évalués à
l’aide des 4 items suivants de la BPRS : appauvrissement émotionnel, ralentissement
psychomoteur, désorientation, retrait affectif. L’évaluation par l’équipe soignante montrait des
résultats sensiblement identiques, en faveur d’une efficacité plus importante de la clozapine.
Ainsi, le score initial BPRS était de 61 dans les deux groupes, puis à 45 dans le groupe clozapine
contre un score à 56 dans le groupe chlorpromazine (p<.001).
Figure 1: Evolution du score total BPRS en fonction du temps dans l’étude de Kane et al. 1988
[75].
Ligne continue : patients traités par clozapine. Ligne pointillée : patients sou chlorpromazine et benztropine. P<.001
pour chaque semaine de l’étude.
44
D’autre part, 30% des patients sous clozapine contre 4% des patients sous
chlorpromazine ont atteint les critères définissant la réponse.
Concernant les effets secondaires, alors qu’ils étaient comparables dans les deux groupes
au début de l’étude, la symptomatologie extrapyramidale s’est améliorée dès l’introduction de la
clozapine, alors qu’ils sont restés à peu près stables dans le groupe sous chlorpromazine, et ce
dès la 4ème semaine (score initial à l’échelle de Simpson-Angus à 3,2, puis à 1,8 et 2,9 pour la
clozapine et ma chlorpromazine respectivement). Tachycardies et hypersalivation constituaient
les effets secondaires les plus fréquents du groupes sous clozapine (respectivement 17 et 13%),
tandis qu’hypotension et sécheresse buccale étaient les plus fréquents dans le groupe
chlorpromazine (respectivement 38 et 20%). Aucun cas d’agranulocytose n’a été constaté durant
cette étude. Les effets secondaires étaient plus fréquents dans le groupe chlorpromazine par
rapport au groupe de sujets traités par clozapine.
Figure 2: Comparaison des effets secondaires, Kane et al. 1988 [75].
Ligne pointillée : patients traités par chlorpromazine et benztropine ; ligne continue : patients traités par
clozapine.
45
L’efficacité à court terme de la clozapine, tant sur les symptômes positifs que négatifs des
patients résistants aux traitements a donc été démontrée grâce à ce travail, et fut ainsi à l’origine
de la réintroduction du produit de la FDA (Food and Drug Administration).
D’autres travaux publiés ont par la suite confirmé l’intérêt du produit chez les patients
résistants aux traitements, avec des chiffres de réponse allant de 30 à 60% (Lieberman et al.
1994 [96]).
En 1994 Lieberman a proposé d’évaluer l’efficacité du produit à plus long terme, chez les
patients résistants ou intolérants aux traitements [96]. 84 patients furent inclus dans l’étude (66
patients résistants selon les critères de Kane, et 18 patients intolérants aux traitements). Avant
l’introduction du traitement, l’état clinique des patients était évalué à l’aide de la BPRS, de la
CGI et de la SANS (Scale for Assessement of Negative Symptoms), ainsi que de la Simpson
Angus Rating Scale et la Simpson Angus Dystonia Scale pour les symptômes extrapyramidaux
et les dyskinésies tardives, respectivement.
Les patients recevaient en moyenne de 458 mg/j de clozapine (max.900 mg/j). Les
évaluations furent faites aux 3-6-12-26-39 et 52èmes semaines la première année, puis toutes les
13 semaines par la suite. Les scores à chaque évaluation étaient comparés aux scores initiaux.
Une amélioration significative était notée dès la 3ème semaine et se maintenait jusqu’à la 104ème
semaine.
Reprenant les critères de réponse utilisés dans l’étude princeps de Kane, les auteurs ont
calculé le taux de réponse des patients résistants et intolérants lors de chaque évaluation. Le taux
de réponse total au terme de l’étude (1 an) était de 57% pour l’ensemble des patients, avec 50%
pour les patients résistants et 76% pour les patients intolérants aux traitements. Les taux de
réponse aux semaines 3-6-12-26-39 et 52 étaient respectivement de 8-17-31-36-48 et 50% pour
les patients résistants et 6-37-69-76-76 et 76% chez les patients intolérants aux traitements (cf.
figure3). Au niveau des effets sur les symptômes négatifs, les auteurs ont retrouvé une
amélioration significative des scores à la SANS sensiblement identique à celle de la BPRS.
46
Figure 3: Efficacité à long terme (taux de réponse) de la clozapine. Adapté de Lieberman et al.
1994 [96]
En termes d’effets secondaires, aucun patient n’a présenté de syndrome extrapyramidal
pendant l’étude. De surcroît, il fut noté une réduction progressive des scores de la Simpson
Angus Rating Scale. Un effet curatif, avec réduction significative sur les dyskinésies tardives,
était relevé chez les patients présentant ce type de symptômes au début de l’étude. En revanche 7
cas d’agranulocytose ont imposé l’arrêt du traitement.
Cette étude montrait donc des résultats comparables aux données de la littérature en
termes de taux de réponse à court terme (globalement 30% de répondeurs dans les 12 semaines
pour les patients résistants aux traitements) et précisait de surcroît le profil évolutif de cette
réponse, avec un taux de réponse pouvant s’élever à 50% à un an.
Depuis, beaucoup de publications concernant l’évaluation de l’efficacité de la clozpaine
chez les patients résistants ont été réalisées. Une revue de la littérature y figure les plus
importantes (Brambilla et al. 2002 [18]).
Il s’agit d’une revue de 50 études de méthodologies diverses. Le taux de réponse variait
entre 35.5% et 54.1% selon les critères de réponse, la durée et la méthodologie de l’étude en
question. Le taux moyen de réponse tous patients confondus était de 46.4%.
47
Les patients de l’ensemble des études pouvaient être séparés en deux groupes : un
premier (68% des patients) ayant un taux de réponse compris entre 47.6 et 54.7% et un autre
(32% des patients) ayant un taux de réponse compris entre 34.7 et 36.3%. On pouvait constater
dans le groupe ayant le moins bon taux de réponse, une durée d’étude généralement courte (83%
d’entre-elles inférieures à 12 semaines), alors que le temps d’évaluation était généralement plus
long dans le groupes ayant les taux de réponse les plus élevés (81% au dessus de 12 semaines).
Au total, l’ensemble de ces travaux indique un taux de réponse à long terme chez les
patients résistants aux neuroleptiques mis sous clozapine, aux alentours de 50% et proche de
75% chez les sujets intolérants aux traitements.
4.2.
Efficacité de la clozapine sur les symptômes positifs et négatifs.
4.2.1. Définition et aspects historiques.
Plusieurs études ont étudié l’efficacité de la clozapine dans la schizophrénie en particulier
sur les symptômes positifs et négatifs spécifiquement. Avant de détailler ces études et ce qu’il en
ressort, il paraît licite de définir ce qu’on entend par symptômes positifs et négatifs.
La notion de manifestations cliniques positives et négatives a été introduite en médecine
par les neurologues Reynolds et Jackson à la fin du 19ème siècle (Lancon 2001 [88 et 89]). Pour
Reynolds, les symptômes négatifs et positifs sont indépendants, émanant de processus
pathologiques distincts.
Si Kraepelin et Bleuler n’ont jamais utilisé les termes de symptômes positifs et négatifs
dans leurs descriptions cliniques des schizophrénies, certaines des catégories diagnostiques
décrites par ces auteurs semblent renvoyer à la vision descriptive de la dichotomie
positive/négative [89].
Kraepelin pensait que les symptômes déficitaires constituaient des perturbations
fondamentales des schizophrénies. Il fait ainsi la séparation en 1918 entre deux groupes
principaux de troubles dans le sein même de la schizophrénie ; l’un d’entre eux étant caractérisé
par une perte des activités volitionnelles.
48
Bleuler, dans sa dénomination de symptômes fondamentaux (troubles des associations,
troubles de l’affectivité, autisme, ambivalence dans le registre des sentiments, de la volonté et de
l’intelligence) et de symptômes accessoires, énonce des dimensions que l’on peut à l’heure
actuelle rapprocher de la dimension négative pour les symptômes fondamentaux, les symptômes
accessoires correspondant plus volontiers aux symptômes positifs.
On retrouve les dimensions négatives et positives dans les travaux de De Clérambault
(1942) et Ey (1955) (Llorca et al. 2001[102]).
De Clérambault (1942) distinguait dans la schizophrénie des phénomènes positifs
d’intrusion, comme des hallucinations, les phénomènes cénesthésiques, les échos de la pensée et
des phénomènes négatifs d’inhibition comme le vol de la pensée ou l’aprosexie (trouble de
l’attention). Il n’y a ainsi pas de hiérarchisation des troubles, chacun des phénomènes positifs et
négatifs appartiennent à l’automatisme mental, le délire venant s’y greffer.
Enfin pour H.Ey, la distinction se fait dans les schizophrénies entre une forme clinique
ayant une structure négative et une forme clinique ayant une structure positive.
Schneider quant à lui décrit des symptômes considérés comme pathognomoniques ou
« de premier rang », se voulant ainsi plus descriptif, cette symptomatologie faisant référence
actuellement aux symptômes positifs, toute cause somatique ou organique ayant été écartée. Les
critères diagnostiques recouvrant 11 symptômes se répartissent en 4 grands groupes :
 le délire à proprement parler : expériences anormales dans le domaine des
perceptions et des sensations (énonciation de la pensée, hallucinations auditives,
sensations corporelles imposées) ;
 trouble du cours de la pensée (vol de pensée, imposition de la pensée, divulgation
de la pensée) ;
 Perturbation des sentiments, pulsions et de la volonté ;
 trouble des perceptions (Llorca et al. 2001 [102]).
49
Le parallèle entre symptômes de premier rang décrits par Schneider et symptômes
accessoires de Bleuler peut ainsi être fait, alors que les symptômes fondamentaux de ce dernier
seraient rangés parmi les symptômes secondaires.
Ce sont les symptômes de premier rang qui furent privilégiés dans le DSM IIIR.
Schneider affirmait leur spécificité pour porter le diagnostic de schizophrénie et, sous son
influence, l’intérêt susceptible d’être porté aux symptômes négatifs diminua fortement dans les
années 50. Mais après quelques années d’utilisation des neuroleptiques, force fut de constater
que si la symptomatologie positive répondait à ces nouvelles thérapeutiques, tel n’était pas le cas
pour les symptômes négatifs, qui restaient peu modifiés.
La diversification des thérapeutiques dans la schizophrénie et la mise en évidence d’une
réponse thérapeutique individuelle ont suscité un regain d’intérêt pour la réflexion autour des
dimensions positives et négatives de la maladie, avec la notion de déficit.
Schématiquement, les symptômes positifs correspondent à la présence de comportements
habituellement absents chez l’individu normal, alors que les symptômes négatifs correspondent à
l’absence de comportements normalement présents chez un individu (Lancon 2001 [89]).
En 1985, Crow propose un modèle qui repose sur l’existence de deux sous-types
étiologiques indépendants de schizophrénie appelée forme I et II de la maladie ; le type II de la
maladie étant l’évolution du type I. Le type I est défini par le délire, les hallucinations, et le
trouble de la pensée, tandis que le type II est caractérisé par la présence de manifestations
cliniques telles que l’émoussement affectif et la pauvreté du discours [89]. Crow dans son
modèle révisé, propose l’idée que les formes négatives de la maladie répondent peu ou mal aux
neuroleptiques (Llorca et al. 2004 [104]).
En 1987, Liddle introduit une troisième dimension, à côté de la dichotomie
positive/négative, appelée « désorganisation » ou « cognitive ». Il isole ainsi trois dimensions,
d’où son nom de modèle tridimensionnel : pauvreté psychomotrice, distorsion de la réalité et
désorganisation (Llorca et al. [104]).
50
Pour Carpenter et coll. en 1988 [32], les patients schizophrènes souffrent de différentes
pathologies pouvant survenir simultanément chez un même patient. L’hypothèse développée par
Carpenter repose sur la distinction, d’une part entre symptômes négatifs primaires et secondaires
et, d’autre part, entre symptômes négatifs transitoires et stables. Il rejoint ainsi la définition
émise par Kraepelin dans sa description de la forme déficitaire de la schizophrénie. Ce
« syndrome déficitaire » se caractérise par la persistance de symptômes négatifs « vrais ».
Carpenter retient comme symptômes déficitaires vrais les symptômes suivants : appauvrissement
des affects, gamme émotionnelle réduite, pauvreté du discours, restriction des intérêts,
intentionnalité réduite et diminution de l’élan social (Hardy-Bayle et al. 1996 [64]).
Ces symptômes négatifs déficitaires étaient différenciés des symptômes négatifs
secondaires au traitement, à un trouble dépressif, à une diminution ou absence de stimulation du
patient, à l’anxiété, à un retard mental ou aux symptômes positifs. Pour Carpenter les symptômes
négatifs
primaires
correspondraient
à
la
manifestation
directe
d’une
perturbation
physiopathologique spécifique impliquant plus particulièrement le cortex préfrontal et
l’amygdale (Lancon 2001[89]).
En 1991 également, Andreasen amène une approche catégorielle de la maladie, pensant
qu’il existe un continuum entre les symptômes positifs et négatifs dans la schizophrénie. De
façon descriptive et pragmatique, Andreasen propose des critères cliniques permettant de décrire
trois sous-types de schizophrénies, à savoir une forme positive, une négative et une forme mixte,
de loin la plus fréquente (Hardy-Bayle et al. 1996 [64]).
Les formes positives sont caractérisées par la présence d’au moins un des symptômes
suivants : hallucinations, délire, troubles positifs de la pensée formelle (incohérence,
déraillement, illogisme), comportements bizarres ou désorganisés, sans signe négatif. Les formes
négatives sont marquées par la présence d’au moins deux des éléments suivants : alogie,
émoussement affectif, anhédonie, avolition, apathie, aprosexie, sans signe positif. Les formes
mixtes représentent alors le reste des situations cliniques. Ses travaux aboutiront à la réalisation
de deux échelles d’évaluation : la SANS et la SAPS [64].
51
La notion de symptômes négatifs n’est donc pas un concept unitaire. La majorité des
auteurs s’accorde pour distinguer des symptômes négatifs primaires (manifestations d’un état
déficitaire persistant) de symptômes négatifs secondaires liés en outre à l’existence de
symptômes positifs, d’une dépression, d’une akinésie liée aux neuroleptiques, d’une
hypostimulation liée à l’institutionnalisation (Llorca et al. 2004 [104]). La distinction entre
symptômes négatifs primaires et secondaires est donc difficile et ce particulièrement lors des
phases aigües.
4.2.2. Efficacité de la clozapine sur les symptômes négatifs.
La majorité des études contrôlées réalisées sur la clozapine ces dernières années met en
évidence une supériorité de cette molécule par rapport aux neuroleptiques classiques, qu’il
s’agisse de mesurer son effet sur les effets négatifs ou positifs.
Depuis sa mise en évidence dans l’étude princeps de Kane, l’action de la clozapine sur la
dimension négative de la schizophrénie a été étudiée dans de nombreux travaux (Breier et al.
1994, Meltzer et al. 1989, Tandon et al. 1993, Brar et al. 1997, Kane et al. 1994 et 2001,
Rosenheck et al. 1999, [19-22,112, 76, 78,149]).
Concernant son efficacité sur les symptômes négatifs primaires et secondaires, la
clozapine a une place thérapeutique importante. En effet sa capacité à réduire les manifestations
positives, dysphoriques ou dépressives de la maladie permet de penser que la clozapine possède
une action sur les symptômes négatifs secondaires.
Plusieurs études contrôlées ont mis en évidence une supériorité de la clozapine par
rapport aux autres neuroleptiques, sur les échelles d’évaluation des symptômes négatifs.
Toutefois, comme ce sont les critères de résistance définis selon Kane qui ont été utilisés pour
ces études, la symptomatologie positive prévalait dans la clinique des malades sélectionnées
(Llorca et al. 2004 [104]).
Deux types principaux d’études visant à étudier l’efficacité de la clozapine sur les
symptômes négatifs peuvent être distingués : celles visant à différencier les effets de la clozapine
sur les symptômes négatifs primaires et secondaires, et celles étudiant plus spécifiquement son
efficacité chez les patients déficitaires.
52
Les premiers à avoir réalisé une telle étude sont Kane et al. en 1994 [76], mettant en
perspective l’impact du produit sur les symptômes négatifs et les effets secondaires
neurologiques des neuroleptiques antérieurement prescrits. Il s’agit d’une étude ouverte portant
sur 56 patients résistants aux neuroleptiques réalisée sur 52 semaines. La clozapine fut mise en
place après deux semaines de fenêtre thérapeutique en moyenne, pour atteindre une posologie
moyenne de 600 mg/j environ. Les patients furent évalués cliniquement avant et pendant le
traitement par clozapine (aux semaines 3-6-12-26-39 et 52). L’évaluation clinique était faite à
l’aide de la BPRS, de la SANS, et la CGI et l’évaluation des signes neurologiques à l’aide de la
Simpson Angus Scale for extrapyramidal Side Effects et de la Dyskinesia Scale. Les auteurs
montraient alors que l’amélioration des symptômes négatifs n’était que partiellement corrélée à
l’amélioration des symptômes neurologiques ; l’akinésie semblant alors être un élément
déterminant de cette corrélation. Akinésie exclue, il n’y avait plus de corrélation antre
l’amélioration des symptômes négatifs et celle de signes neurologiques.
L’efficacité de la clozapine sur la symptomatologie négative primaire est donc plus
contestée. Les données de la pharmacologie expérimentale suggèrent que la clozapine pourrait
avoir une action sur les symptômes négatifs primaires et dans les formes déficitaires de
schizophrénie telles que les définissent Carpenter et al. (1988, [32]).
Chez l’animal, la clozapine augmente de manière préférentielle, lors d’un traitement au
long cours, les concentrations de dopamine au niveau du cortex préfrontal (Llorca et al. 2004
[104]), dont on pense qu’il est impliqué dans la genèse des symptômes négatifs primaires,
l’activité dopaminergique préfrontale étant considérée anormalement basse dans la
schizophrénie.
Ainsi certains auteurs ont des résultats plutôt évocateurs d’une action de la clozapine sur
les symptômes négatifs primaires, indépendamment de l’évolution des symptômes neurologiques
et de la dépression (Meltzer 1995 [116]).
D’autres en revanche ont retrouvé que l’efficacité de la clozapine sur les symptômes
négatifs l’était principalement chez des sujets présentant une symptomatologie positive ou
extrapyramidale initiale très marquée. Ceci est en faveur d’une action sur les symptômes négatifs
secondaires (Breier et al. 1998 [23]).
53
Enfin, de façon plus nuancée, certains auteurs avancent l’hypothèse selon laquelle le
mécanisme d’action suggéré serait double, l’un étant un effet indirect sur les symptômes négatifs
secondaires et l’autre direct sur les symptômes négatifs primaires (Lieberman et al. 1994 [96],
Miller et al. 1994 [128]), au vu de leurs résultats, suggéraient qu’au moins une part de l’action de
la clozapine sur les symptômes négatifs soit médiée par un effet direct sur la pathogénie de la
dimension négative de la schizophrénie.
Breier et coll. (1994, [21]) ont développé une étude comparative (clozapine versus
halopéridol) visant à objectiver les effets de la clozapine chez des patients préalablement
répertoriés déficitaires ou non déficitaires. Les patients déficitaires étaient ainsi susceptibles de
souffrir de symptômes négatifs primaires, les non déficitaires, de symptômes négatifs plus
volontiers secondaires. L’étude regroupait 39 patients résistants aux traitements ayant une bonne
tolérance neurologique (afin de ne pas biaiser les résultats concernant les symptômes négatifs par
la meilleure tolérance neurologique du produit). Chaque patient fut répertorié comme déficitaire
ou non déficitaire selon les critères de la « Schedule for the deficit syndrome », mais devait dans
tous les cas avoir un score minimum à la SANS supérieur ou égal à 20. Les patients furent alors
randomisés en deux groupes comparables : un recevant la clozapine (n=19, posologie moyenne=
410.5 mg/j), l’autre halopéridol (n=20 ; posologie moyenne=24.8mg/j). Au terme des 10
semaines de l’étude, la clozpaine se montrait significativement supérieure à l’halopéridol dans le
traitement des symptômes positifs comme des symptômes négatifs. Cependant, l’étude ne
montrait pas de différence significative en termes d’impact sur les symptômes négatifs entre la
clozapine et l’halopéridol chez les patients déficitaires, alors qu’elle en révélait une chez les
patients non déficitaires. Les mêmes auteurs retrouvaient des résultats comparables dans une
étude de méthodologue identique, mais sur une durée plus longue (un an). Dans les deux cas les
résultats concernaient des évaluations globales de la dimension négative et ne précisait pas
l’évolution de chacun des aspects de cette dimension.
D’autres études, en double aveugle et sur des échantillons plus larges, donnent cependant
des résultats contraires, en faveur d’effets uniquement sur les symptômes négatifs secondaires
(Rosenheck et al. 1999, Kane et al. 2001, Breier et al. 1999, [149, 78, 23]). Bien que de
méthodologies plus fiables, ces études ne précisaient pas l’évolution de chaque item négatif et
s’appuyaient sur des évaluations globales de la symptomatologie négative.
54
En conclusion, à partir des essais conduits, on peut seulement dire que la clozapine, dans
une population de schizophrènes résistants, améliore de façon significative par rapport aux
produits de comparaison les symptômes négatifs tels qu’ils sont évalués par des échelles
validées. Il faut également noter que l’utilisation de faibles doses de clozapine a été peu testée
dans cette population. L’hétérogénéité des résultats concernant l’action sur les symptômes
négatifs primaires et secondaires reflète en partie la difficulté de définition de la
symptomatologie négative primaire et secondaire. Enfin, si efficacité il y a sur les symptômes
négatifs secondaires, elle n’atteint certainement pas l’ampleur de l’effet sur les symptômes
positifs.
4.3.
Efficacité de la clozapine versus autres neuroleptiques.
Depuis la publication de l’étude de Kane, pas moins de 40 études randomisées comparant
la clozapine à un autre neuroleptique ont été réalisées. Nous ne détaillerons pas toutes les études
car elles ont fait l’objet d’une méta-analyse récente. Les neuroleptiques les plus utilisés comme
comparateur ont été l’halopéridol, la chlorpromazine et la rispéridone.
S.Leucht et ses collègues (Leucht et al. 2009 [94]) ont réalisé une méta-analyse
comparant les antipsychotiques atypiques entre eux chez les sujets schizophrènes. Les études
prises en compte comportaient des critères de qualité A ou B selon le registre de Cochrane. Cette
revue a inclus 28 études randomisées contrôlées en aveugle, avec un total de 3099 patients.
Douze essais randomisés ont comparé la clozapine à l’olanzapine, 5 avec la quétiapine, 9 avec la
rispéridone, une avec ziprasidone et deux avec la zotépine. Nous ne détaillerons donc pas toutes
les études faites à ce sujet.
Les résultats sont donnés sous forme de moyennes pondérées (WMD=Weight mean
difference) positive si le score était en faveur de la molécule étudiée. Les premiers résultats
mesurés étaient ceux des résultats au score total de la PANSS. Il n’a pas été mis en évidence de
différence significative entre la clozapine, l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone ou la
ziprasidone. En revanche, la clozapine avait une efficacité supérieure à la zotépine de façon
significative. Les seconds résultats concernaient les symptômes positifs et négatifs. Ces résultats
sont les mêmes au niveau des sous-scores pour les symptômes négatifs comme pour les
symptômes positifs.
55
Il a ensuite été évalué la différence entre les patients sortis d’études pour une inefficacité
de leur traitement. Les résultats ont montré une supériorité significative de la clozapine
comparée à la rispéridone uniquement.
Les cinq études concernant les patients au premier épisode psychotique n’ont pas montré
de différence entre les différents antipsychotiques atypiques.
A des posologies de 400 mg/j, la clozapine s’est révélée être supérieure la rispéridone
uniquement. Ce résultat est peu représentatif néanmoins car une posologie de 400 mg/j ou plus
est retrouvée dans peu d’études comparées à celles où la clozapine est utilisée à des doses autour
de 200 mg/j.
Une analyse statistique permettant de comparer les études différant sur leur durée, le
dosage des traitements, ainsi que par leur qualité méthodologique, n’a pas mis en avant de
supériorité d’une molécule par rapport à une autre.
Figure 4 : Comparaison des résultats pour le score Total de la PANSS dans une méta-analyse des
antipsychotiques de seconde génération (Leucht et al. 2009)
56
Figure 5: Comparaison des résultats pour le score positif de la PANSS (Leucht et al. 2009).
Figure 6 : Comparaison des résultats pour le score négatif de la PANSS (Leucht et al. 2009).
Figure 7 : Comparaison du nombre de sujets ayant quitté l’étude pour inefficacité (Leucht et al.
2009).
57
4.4.
Facteurs de réponse et efficacité à long terme.
Etant donné le risque hématologique de la clozapine, la découverte de facteurs fiables de
réponse au traitement pourrait constituer une aide précieuse pour le clinicien dans sa pratique
quotidienne. Si l’on s’en tient aux facteurs cliniques, force est de reconnaître qu’on n’a guère
progressé ces dernières années (Lieberman et al. 1994 [96]) ont identifié 5 facteurs
cliniques associés à une bonne réponse clinique :
 la forme paranoïde,
 le début tardif de la maladie,
 la durée d’évolution plus brève,
 le sexe masculin,
 un haut niveau de symptômes extrapyramidaux sous neuroleptique classique.
Cependant les trois premiers critères cités ne sont pas spécifiques de la clozapine. De
même, la sévérité des symptômes lors de la mise sous traitement est moins un facteur de réponse
qu’un critère de mise sous traitement.
Les différents travaux réalisés sur la durée du traitement montrent que l’amélioration
symptomatologique des patients répondeurs semble se poursuivre de manière plus ou moins
importante tout au long de la première année. Meltzer, en 1990 [113], fut ainsi un des
précurseurs à suggérer cet effet à long terme. Alors que les études réalisées sur la clozapine ne
dépassaient pas les 12 semaines, ce dernier a réalisé une étude prospective sur 12 mois sur 38
patients schizophrènes hospitalisés. Ainsi, sur les 38 patients hospitalisés, 37 ont pu quitter
l’hôpital dans les 12 mois suivant l’instauration du traitement (en moyenne 46 jours après le
début du traitement). Comparant le taux d’hospitalisation 12 mois avant et 12 mois suivant
l’instauration du traitement, les auteurs montraient une réduction de 83% du nombre
d’hospitalisations après traitement [113].
58
Les effets à long terme ont été étudiés plus spécifiquement par Lindström et al. en 1997
[101]. Ces auteurs proposaient de rendre compte des résultats à long terme (5 ans) de 122
patients traités par clozapine, étude non contrôlée. Lors du recueil des données, 74 patients
(61%) recevaient encore le traitement. La durée moyenne de traitement tous patients confondus
était de 5,2 ans. 26 patients étaient sous clozapine depuis plus de 10 ans, 52 depuis plus de 5 ans.
Sur les 48 patients restants, 11 ont arrêté le traitement suite aux effets secondaires, dont 5 pour
des troubles hématologiques (leucopénies, neutropénies, et un cas d’agranulocytose), aucun cas
mortel signalé. 8 (6%) étaient non-compliants (contre 60% de non compliance avec les
neuroleptiques conventionnels). Les autres étaient des patients perdus de vue, essentiellement
pour changement de lieu de soin. Sur la durée totale de l’étude, 87% des patients ont montré une
amélioration de leur symptomatologie, dont 36% avaient une réponse modérée, 40% une réponse
significative et 11% montraient une rémission totale sans symptôme résiduel.
Le taux de réponse significative était illustré par l’analyse du statut professionnel des
patients. Alors qu’aucun ne travaillait avant l’introduction du traitement, 40% était employé à
temps plein ou temps partiel au moment du recueil des données.
Parmi les 21 patients ayant reçu le traitement plus de 10 ans, 12 (57%) n’ont montré
aucun changement entre la 5ème et la 10ème année, 2 (9%) se sont détériorés et 7 (34%) ont encore
montré une amélioration de leur symptomatologie. Les auteurs attribuaient cette amélioration
tardive aux conséquences indirectes du traitement, notamment la possibilité de travail dans les
champs psychothérapeutiques, sociaux et institutionnels, plus qu’à un effet pharmacologique
direct.
Par ailleurs, plusieurs auteurs soulignent que l’action directe de la clozapine sur les
altérations cognitives liées à la maladie, augmentent de façon synergique l’efficacité des
stratégies de prise en charge psychosociales. Ainsi, on observe une supériorité par rapport aux
neuroleptiques classiques, sur la capacité d’interactions sociales, les interactions familiales et le
rôle dans la communauté (Llorca et al. 2004 [104]).
Toutes ces données amènent à penser que la clozapine apporte un bénéfice pour les
patients, non seulement d’un point de vue clinique directement, mais aussi indirectement sur leur
qualité de vie.
59
Une étude récente finlandaise (Tiihonen et al. 2009 [168]) a été réalisée dans le but
d’évaluer la contribution au long terme des antipsychotiques sur la mortalité des patients
schizophrènes. Le nombre de décès a été calculé pour chaque traitement utilisé, avec un calcul de
mortalité globale (pour toute raison de décès) et détaillée pour la mortalité par suicide ou causée
par une ischémie cardiaque. Ils en ont conclu que la clozapine est associée au taux de décès
global (toutes raisons confondues) le plus bas, avec une mortalité de 5.69 pour 1000 sujets par
an. Elle est également associée au taux de risque suicidaire le plus faible, avec une mortalité de
0.84 pour 1000 sujet par an. La clozapine réduit ainsi la mortalité de 26%, tandis que la
quétiapine, l’halopéridol et la rispéridone augmentent la mortalité de 41%, 37% et 34%
respectivement par rapport à la perphénazine.
Au vue de ces résultats, il est important de souligner le bénéfice de la clozapine en terme
de mortalité, puisqu’elle émerge comme étant celle améliorant le mieux ce paramètre. Cette
donnée est importante et doit être prise en compte lors de changements de molécules, autant que
les effets secondaires connus de la clozapine qui restent encore plus à l’esprit des prescripteurs.
L’objectif du chapitre suivant sera d’évaluer l’efficacité de la clozapine dans le trouble
schizoaffectif. Il comportera d’abord un rappel nosographiques de ce trouble, puis nous
évoquerons les études ayant mesuré l’efficacité de la clozapine dans ces situations cliniques.
60
5. EFFICACITE DE LA CLOZAPINE EN DEHORS DE LA SCHIZOPHRENIE
RESISTANTE
5.1.Efficacité de la clozapine dans le trouble schizoaffectif.
L’intérêt de réaliser un chapitre consacré à la clozapine dans les troubles schizoaffectifs
réside en plusieurs aspects. D’une part afin de mieux percevoir l’intérêt de la clozapine dans ce
trouble spécifiquement et non par l’extrapolation de résultats montrés dans les troubles de
l’humeur et dans la schizophrénie. En effet une question importante est de savoir si la clozapine
a une efficacité comparable dans les troubles schizoaffectifs qu’ils soient comparés à la
schizophrénie ou à la psychose maniaco-dépressive.
D’autre part ce travail pourrait permettre une meilleure compréhension du mécanisme
d’action de la clozapine et de l’effet de la clozapine dans la prévention du risque suicidaire.
Pour finir, cela permettrait, comme nous allons le voir, d’établir plus clairement un arbre
décisionnel quant au choix de traitement dans les troubles schizoaffectifs, trouble bipolaire ou la
schizophrénie.
Avant toute chose, une revue des différents aspects nosographiques avec une évolution
chronologique est licite afin de mieux percevoir l’enjeu thérapeutique.
5.1.1. Aspects nosographiques.
L’association de symptômes thymiques et schizophréniques a été décrite par Kraepelin et
Bleuler dès le début du siècle dernier. Il s’agit d’une situation clinique fréquente qui est
actuellement répertoriée sous la dénomination des troubles schizoaffectifs.
Ce concept se situe au centre d’un débat théorique encore ouvert, sur la pertinence
d’intégrer ou non, les symptômes thymiques au processus schizophrénique.
Pour résumer, l’abord de ce problème oppose deux démarches. L’une, catégorielle,
consiste à appréhender la schizophrénie et la maladie bipolaire comme deux unités
symptomatiques distinctes. Il s’agit alors du classique modèle dichotomique de Kraepelin.
L’autre dimensionnelle, envisage la schizophrénie et la psychose maniaco-dépressive comme
deux extrémités d’un même continuum syndromique et étiologique.
61
A l’heure actuelle, et au sein de cette problématique, on peut donc envisager la place du
groupe des troubles schizoaffectifs par rapport aux deux unités syndromiques, thymiques et
schizophréniques, selon les trois approches suivantes (Samuel-Lajeunesse et al. 1994 [150]).
Selon les partisans du modèle dichotomique de Kraepelin, la maladie maniaco-dépressive
et la schizophrénie étant étiologiquement distinctes, les troubles schizoaffectifs peuvent alors
correspondre à une troisième entité séparée des deux autres et ayant sa propre typologie.
Ou alors, toujours selon le modèle Kraepelinien, les troubles schizoaffectifs peuvent aussi
correspondre à l’expression concomitante chez un même malade des deux pathologies ; ce
malade étant atteint des deux troubles.
Enfin, à l’opposé du modèle Kraepelinien, les troubles schizoaffectifs se situeraient au
milieu de deux extrêmes, le trouble affectif représentant un extrême, et le trouble
schizophrénique l’autre extrême. Cet ensemble représenterait un continuum.
Jusqu’à la fin des années 1970, les principaux systèmes diagnostiques étaient fortement
imprégnés de la dichotomie Kraepelinienne.
Mais l’expérience clinique et de nombreuses études (Taylor en 1992) soulignaient de plus
en plus la difficulté à déterminer d’une façon précise la frontière entre troubles thymiques et
schizophrénie, pour certains malades. Ce mouvement, associé à la fréquence des situations
cliniques où les symptômes des deux groupes étaient représentés chez un même malade, fut à
l’origine de l’introduction d’une définition opérationnelle du concept de troubles schizoaffectifs
dans les systèmes diagnostiques tels que, CIM 9, DSM III-R, RDC.
L’évolution des critères RDC a permis la distinction de deux sous-groupes, le groupe
schizoaffectif-sous type affectif, et le groupe schizoaffectif-sous type schizophrénique. Ce qui
paraissait ambigu, car renvoyait finalement à une certaine dichotomie au sein du concept.
Le DSM III-R
a repris cette distinction, mais l’a accentuée. Le sous-groupe
schizoaffectif/affectif devenait « troubles thymiques avec caractéristiques psychotiques non
congruentes
à
l’humeur »,
tandis
que
correspondrait à ce qui sera le concept actuel.
le
sous-groupe
schizoaffectif/schizophrénique
62
Cette distinction est maintenue dans le DSM IV et la définition actuelle des troubles
schizoaffectifs est finalement la suivante :
« Existence d’une période ininterrompue de la maladie au cours de laquelle il existe, à un
moment donné, un épisode affectif en même temps que des symptômes remplissant les critères
« A » de la schizophrénie. Les hallucinations ou les idées délirantes doivent être présentes deux
semaines avant l’apparition des symptômes thymiques. Les symptômes répondant aux critères
des épisodes thymiques sont présents pendant une partie conséquente de la durée totale des
périodes actives et résiduelles de la maladie. Les perturbations ne doivent pas être dues aux
effets secondaires d’une substance ou d’une affection médicale. »
Au sein du concept actuel deux sous-types sont proposés :
 Sous-type dépressif, si la perturbation thymique correspond à des épisodes
dépressifs uniquement. A ce sujet, le caractère ininterrompu de la maladie et la
notion de simultanéité entre épisode thymique et trouble psychotique excluent
d’emblée les « dépressions post-psychotiques ».
 Sous-type bipolaire si la perturbation thymique correspond à un épisode maniaque
ou mixte, ou l’un ou l’autre, associé à des épisodes dépressifs.
Le concept actuel de trouble schizoaffectif renvoie implicitement au diagnostic de
schizophrénie (notion de maladie chronique, présence des critères « A » de la schizophrénie et
donc d’éléments de discordance-noyau de toute schizophrénie-, concept actuel correspondant à
l’ancien sous-type schizoaffectif/ schizophrénique, concept actuel ne comprenant pas les troubles
thymiques avec symptômes psychotiques et épuré du caractère aigu des troubles…). Il ne paraît
pas être à ce titre, totalement en décalage avec les conceptions de Kraepelin, qui ne niait pas les
tableaux de dementia praecox avec symptômes affectifs dans la 8ème édition du traité (1910).
Au total, il semble bien que ce qui correspond au concept actuel de trouble schizoaffectif
est finalement plus en lien avec la schizophrénie qu’avec les troubles de l’humeur et on se
demande alors si l’ancien terme de « schizophrénie dysthymique » n’est pas plus adapté pour
décrire de tels tableaux cliniques. C’est ce que souligne Samuel Lajeunesse [150] en rappelant
que ces troubles sont encore souvent dénommés schizophrénies dysthymiques. De plus,
63
l’individualisation de ce concept ne change rien au débat théorique précité, vu les trois façons
d’aborder le problème, évoquées plus haut.
Ces aspects nosographiques sont importants dans ce qu’ils impliquent sur le plan
thérapeutique. Nous allons maintenant étudier l’intérêt d’un traitement de la clozapine dans le
trouble schizoaffectif.
5.1.2.
Intérêts de la clozapine dans les troubles schizoaffectifs.
Dans la revue de la littérature consacrée à l’intérêt de la clozapine dans la prévention du
risque suicidaire du patient schizophrène (cf. partie 5.1), nous précisons que pour la plupart, les
études citées étaient menées sur des populations qui regroupaient des patients schizophrènes et
schizoaffectifs. Ceci laissait suggérer que la clozapine puisse aussi avoir ce rôle chez les patients
schizoaffectifs.
L’étude de référence (Kane et al. 1998, [75]) qui a été menée sur 980 patients,
comprenait 371 schizoaffectifs, soit à peu près 40%. Les résultats dans le groupe des
schizoaffectifs étant comparable à ceux des schizophrènes, permettaient aux auteurs de conclure
que la clozapine avait aussi un intérêt dans la prévention du risque suicidaire des patients
schizoaffectifs.
Ainsi, l’utilisation de la clozapine doit aussi être évoquée dans cette indication.
Nous avons déjà détaillé les effets de la clozapine sur la symptomatologie psychotique de
la schizophrénie. Ainsi, vu ses effets dans la schizophrénie et ceux décrits pour les troubles de
l’humeur (cf. partie 5.2), on pourrait penser, par extrapolation, que la clozapine soit active dans
les situations cliniques où troubles thymiques et schizophréniques sont associés, soit les troubles
schizoaffectifs.
Cependant, si nous revenons aux manières énoncées précédemment d’envisager les
troubles schizoaffectifs, nous voyons que cette extrapolation n’est pas toujours envisageable. De
fait, lorsqu’on aborde le concept selon le modèle d’un continuum ou alors, comme la résultante
de l’expression chez un même malade, d’un trouble de l’humeur et d’une pathologie
schizophrénique, l’extrapolation semble possible (Allander 2004 [2]).
64
Par contre, si on se réfère à l’hypothèse selon laquelle, ce trouble représente une
troisième entité étiologiquement indépendante des deux autres, l’équation ne peut être réalisée.
C’est pourquoi, il va nous falloir détailler les différents effets décrits dans cette population
précise, au risque de paraître redondant.
Pour ce qui est de l’action de la clozapine sur les épisodes dépressifs et maniaques
contemporains des troubles schizoaffectifs, nous citerons d’abord le travail de Zarate et coll.
(1995 [184]).
Ces auteurs ont recensé dans leur revue de la littérature, 30 études de méthodologies
variables (études ouvertes, contrôlées, études de cas) qui testaient l’efficacité de la clozapine sur
des populations de patients présentant des troubles schizoaffectifs, bipolaires ou une pathologie
schizophrénique.
Dans leur revue de la littérature, les auteurs ont analysé les résultats de 10 études
comprenant des patients schizoaffectifs parmi 30 qui testaient l’efficacité de la clozapine. Au
total 315 patients étaient inclus dans ces 10 études, dont 221 troubles schizoaffectifs. Les autres
avaient un trouble bipolaire. Tous ces patients étaient en phase processuelle de leur pathologie et
au moins un tiers n’avait pas répondu à un traitement antérieur (neuroleptiques conventionnels
ou thymorégulateurs).
L’efficacité la plus constamment mise en évidence portait là aussi sur les éléments de la
lignée maniaque et seulement trois études suggéraient une action sur la symptomatologie
dépressive.
Ils retrouvaient au terme de leur analyse que 71.2% des patients bipolaires et 69.9% des
patients schizoaffectifs étaient significativement améliorés par la clozapine (réponse globale).
L’amélioration s’était maintenue sur 49 jours à 4 ans selon les études, suggérant ainsi un effet
stabilisateur.
Dans un second temps, ces mêmes auteurs ont comparé ces résultats avec ceux obtenus
dans un groupe de 692 patients schizophrènes qui appartenaient à 7 des 10 études précitées. Ils
retrouvaient une amélioration significative chez 61.3% d’entre eux. Ces résultats suggéraient
donc un meilleur taux de réponse chez les patients bipolaires et schizoaffectifs que chez les
schizophrènes. Cette étude était donc en faveur d’une efficacité de la clozapine dans les troubles
65
schizoaffectifs et peut être d’un plus grand intérêt de la molécule dans ces troubles que dans la
schizophrénie.
Banov et coll. (1994 [10]), ont réalisé une étude rétrospective, déjà cotée au chapitre
précédent, portant sur 193 patients évalués à l’aide d’entretiens semi-structurés, 18.7 mois en
moyenne après instauration d’un traitement par clozapine. Dans le groupe des patients
schizoaffectifs, sous-type dépressif, les auteurs observaient une amélioration globale dans 50%
des cas, contre 73% chez les schizoaffectifs, sous type bipolaire. Ce qui paraît sensiblement
identique au constat fait concernant l’action de la clozapine sur la dimension dépressive dans la
schizophrénie et les troubles de l’humeur (action non spécifique sur la symptomatologie
dépressive ; action antidépressive limitée). Rappelons que dans cette étude, c’étaient les patients
présentant des éléments maniaques qui répondaient le mieux, surtout s’ils entraient dans le cadre
d’un trouble de l’humeur bipolaire. De même, les patients déprimés étaient les plus mauvais
répondeurs, surtout si le trouble s’inscrivait dans le cadre d’un trouble de l’humeur.
Ainsi, il semble que la clozapine ait des effets thymiques dans les troubles schizoaffectifs
identiques à ceux décrits dans les troubles de l’humeur, tant sur la dimension de stabilisation
thymique, qu’anti-maniaque et antidépressive.
Pour confirmer cette hypothèse, nous citerons le travail de Ciapparelli et coll. [38]. Ces
auteurs ont réalisé en 2000 une étude comprenant 91 patients dont 31 schizophrènes, 26
schizoaffectifs et 34 bipolaires mis sous clozapine. Ces patients ont été suivis pendant une
période de 2 ans après introduction de la clozapine. Tous présentaient une résistance aux
traitements antérieurs. La réponse au traitement était définie par une réduction de 50% du score
de la BPRS. Au terme de l’étude, les résultats montraient une amélioration significativement plus
importante chez les patients bipolaires et schizoaffectifs, que chez les schizophrènes, avec
respectivement 88% et 75% de répondeurs pour les bipolaires et les troubles schizoaffectifs,
contre 57% chez les schizophrènes. Pour interpréter ces résultats, il faut prendre en compte le
problème de la latence d’action du traitement. Celle-ci étant plus courte pour les symptômes
thymiques que pour les symptômes psychotiques, un délai de deux ans paraissait peut être un peu
court pour éliminer ce biais.
66
Cependant, ces mêmes auteurs ont publié en 2003 [39] une extension de leur première
étude, dont les résultats confirment et précisent ceux de leur travail initial. Outre les taux de
réponses, les auteurs ont cherché à évaluer le délai de réponse, ainsi que sa qualité (impact global
sur le fonctionnement social). L’étude comprenait maintenant 101 patients dont 34
schizophrènes, 30 troubles schizoaffectifs et 37 bipolaires. Chacun a été suivi sur une période de
4 ans après la mise sous clozapine. Là aussi, tous présentaient une résistance aux traitements
antérieurs. La réponse aux traitements était toujours définie par une réduction de 50% du score
de la BPRS. Les auteurs retrouvaient d’abord un taux de réponse significativement supérieur
dans le groupe des patients schizoaffectifs et bipolaires que dans celui des schizophrènes, avec
respectivement 90% et 83.3% de répondeurs chez les schizoaffectifs et bipolaires contre 64.7%
chez les schizophrènes. Ceci suggérant qu’à long terme, ce sont les patients schizoaffectifs qui
répondent le mieux parmi les trois groupes.
En ce qui concerne l’impact de la molécule sur le fonctionnement psychosocial dans
chaque population, la réponse était définie par un score à la GAF (Global Assessement of
Functioning) supérieur à 50. Avant l’étude, les scores initiaux de chaque population étaient
comparables, avec respectivement : 34.2 pour les bipolaires, 32 pour les schizoaffectifs et 29.8
pour les schizophrènes. Le pourcentage de patients ayant atteint ce score supérieur à 50 à la GAF
était respectivement de 92.2% pour les bipolaires, 68.4% pour les schizoaffectifs et 42.9% pour
les patients schizophrènes. Ce qui évoquait une qualité de réponse plus constante pour les
patients schizoaffectifs que pour les patients schizophrènes. Cependant, même si les scores
initiaux étaient comparables, les résultats obtenus paraissent logiques, vu le biais que peut
représenter la schizophrénie en terme de retentissement psychosocial, par rapport aux deux
autres groupes.
Enfin, au sujet des délais de réponse dans chacun des trois groupes, la réduction de 50%
du score à la BPRS était obtenue parmi les patients répondeurs, au bout de 3 mois en moyenne
chez les patients bipolaires, 6 mois en moyenne chez les schizoaffectifs contre 2 ans pour les
schizophrènes.
Tout ceci met en exergue l’intérêt de la clozapine dans le traitement des troubles
schizoaffectifs. De surcroît, ces travaux suggèrent que cette molécule soit peut être plus
intéressante en terme de taux de réponse dans ce type de troubles, que dans la schizophrénie.
Enfin, au regard de cette dernière étude, il semblerait que les délais de réponse soient plus courts
67
dans les troubles schizoaffectifs que dans la schizophrénie. De même, il y aurait un impact plus
constant sur le fonctionnement psychosocial des patients schizoaffectifs que sur celui des
schizophrènes.
Ceci nous permet de donner un certain crédit aux résultats mis en avant, notamment parce
qu’ils correspondent à des effets retrouvés dans ce cadre nosographique précis, et non pas à des
extrapolations autour des résultats montrés dans la schizophrénie et dans les troubles de
l’humeur.
Donc, au regard de tout ce qui vient d’être mis en avant, il semble que le clozapine soit
d’autant plus intéressante dans la schizophrénie, qu’on est en présence d’un tableau de
schizophrénie dysthymique.
Lorsque nous parlons d’intérêt, nous l’évoquons en termes de taux, de qualité et de délai
de réponse, mais aussi en termes de risque. En effet, si cette molécule agit sur les symptômes
thymiques associés à la schizophrénie et qu’elle est par ailleurs efficace sur la composante
psychotique, elle permettra alors de diminuer les polymédications et ses conséquences
(interactions médicamenteuses notamment) chez ce type de patient.
Nous avons alors montré que la clozapine avait des effets globaux et surtout thymiques
dans les troubles schizoaffectifs. Ce qui permet de valider, vu les liens qui semblent exister entre
schizophrénie et trouble schizoaffectif, l’hypothèse d’une action thymique pour expliquer l’effet
de la clozpaine sur le risque suicidaire des patients schizophrènes.
Tout ceci forme un outil non négligeable dans la stratégie décisionnelle quant à
l’instauration de la clozapine chez un patient schizophrène.
En effet, nous savons que la clozapine est indiquée chez le schizophrène dans les
situations de résistance ou d’intolérance aux traitements et que ceci constituait le seul paramètre
positif dans la balance « bénéfices / risques ». Mais au regard de tout ce qui vient d’être évoqué,
nous proposons d’en ajouter un second, qui serait la présence de symptômes thymiques. Ceci
nous permettrait de pouvoir aller au-delà du raisonnement dichotomique sur la présence ou non
d’une résistance aux traitements, des questions de définitions qu’il soulève et du retard à la
prescription qu’il peut engendrer.
68
Nous proposons donc d’envisager l’indication de la clozapine dans la schizophrénie selon
un axe double, avec d’un côté celui de la résistance aux traitements et de l’autre, celui des
troubles thymiques, où, à situation clinique égale, la présence de symptômes thymiques serait un
argument supplémentaire en faveur de l’introduction de la clozapine (Allander 2004 [2]).
Enfin, pour revenir au débat théorique sous-jacent à cette question, un certain nombre
d’auteurs en guise de conclusion et d’ouverture à leurs travaux, proposent l’idée suivante : le fait
que cette molécule soit active dans les trois entités nosographiques représenterait un argument de
plus en faveur de l’hypothèse du continuum étiologique. Nous resterons très prudents quant à
cette hypothèse, pour la simple raison que les effets observés dans tel ou tel domaine ne relèvent
que du symptomatique. Tous ces effets symptomatiques nous paraissent plus la conséquence du
large spectre d’action de la clozapine que la résultante d’un éventuel lien étiopathogénique entre
tous ces champs symptomatiques (Allander 2004 [2]).
Au-delà du concept de schizophrénie résistante, de schizophrénie dysthymique, après
avoir énuméré ces résultats, il semble intéressant d’évaluer l’intérêt de la clozapine dans le
suicide, mais également dans les autres troubles non schizophréniques. C’est ce que nous allons
aborder dans le chapitre suivant.
69
5.2. Intérêt de la clozapine dans le suicide.
5.2.1. Données générales concernant le suicide et la schizophrénie.
Le suicide est l’une des causes les plus importantes de décès prématuré chez les patients
schizophrènes. Les patients souffrant de schizophrénie ont approximativement un risque compris
entre 25 et 50% de commettre une tentative de suicide au cours de leur vie et un risque de 9 à
13% de commettre un suicide (réussi) (Meltzer 2003, Meltzer et al. 2003 [121 et 122]. Au moins
25% des patients schizophrènes présentent un tableau dépressif significatif qui contribue en
partie au taux de suicide élevé (10 à 13%) dans cette population (Meltzer et al.2005 [123]).
Le taux de suicide parmi les patients schizophrènes est spécialement élevé chez les sujets
jeunes durant le premier épisode ou à son décours. Le suicide dans la schizophrénie est le plus
fréquent durant la première décennie de la maladie, faisant du suicide la première cause de décès
précoce dans la schizophrénie (Nordentoft et al. 2000 [137]). Si le suicide est élevé dans d’autres
troubles psychiatriques, les sujets schizophrènes tentant de mettre fin à leur vie ont plus de
chance d’y parvenir et d’employer des moyens plus violents (Mamo et al. 2007 [107]).
Plusieurs facteurs de risque ont été mentionnés dans la schizophrénie. Le facteur de
risque le plus important est l’antécédent de tentative de suicide (Meltzer et al. 1995 [117]).
Néanmoins l’épisode dépressif majeur et l’alcoolodépendance sont les déterminants les
plus importants pour le passage à l’acte (facteur précipitant des idées suicidaires au passage à
l’acte) (Duggan et al. 2003 [52], Lancon 2001 [88], Meltzer et al. 1995 [118], Meltzer 2003
[121]).
70
Plusieurs facteurs de risque de suicide ont donc été répertoriés pour la schizophrénie [52,
88, 118, 121, 65,154]:
 Début tardif de la maladie,
 Symptômes dépressifs ou antécédents d’épisode dépressif majeur,
 antécédents de tentative de suicide, ou d’hospitalisations en prévention du suicide (idées
ou velléités suicidaires),
 « revolving door syndrome » (nombreuses hospitalisation au cours des six derniers
mois),
 abus de substance,
 agitation motrice,
 sévérité du syndrome parkinsonien,
 faible adhésion ou résistance au traitement,
 crainte d’une « désintégration mentale »,
 la perte récente d’un proche.
D’autres données de la littérature incluent la sévérité des hallucinations et les injonctions
hallucinatoires (Mamo et al. 2007 [107]), les 2 premières années de la maladie (bien que le
risque dure tout au long de la maladie), la classe socio-économique pré morbide élevée, le QI
élevé (Siris 2001 [156]).
Pour Meltzer (2001 [120]) la suicidalité dans la schizophrénie apparaît comme étant un
domaine symptomatique à part entière bien distinct des autres symptômes psychotiques. Des
traitements efficaces sur les symptômes positifs n’éliminent pas le risque suicidaire. La
découverte ainsi que le développement des neuroleptiques conventionnels ont apporté un
bénéfice considérable dans la prise en charge des patients schizophrènes, mais il semblerait selon
Meltzer qu’ils n’aient pas permis de modifier le taux de suicide des patients schizophrènes.
Plusieurs études ont cherché à évaluer l’effet des neuroleptiques conventionnels sur la suicidalité
dans la schizophrénie (suicide et idées suicidaires), mais n’ont pas mis en évidence de réduction
du risque suicidaire avec ce type de traitement (Kane et al. 2001, Cadwell et al. 1990, [78,29]).
En revanche, d’autres études ont même retrouvé un risque suicidaire augmenté lors de la
prescription de neuroleptiques conventionnels (Meltzer et al. 1995, Cadwell et al. 1990
71
[117,29]). Leurs effets secondaires neurologiques et l’impact limité sur la symptomatologie
négative expliquent peut être en partie ce constat. Il semblerait par ailleurs que les
antipsychotiques atypiques, selon les données récentes de la littérature, aient une efficacité
légèrement supérieure comparée aux antipsychotiques conventionnels (Lancon 2001 [88],
Tollefson et al. 1998 [171], Tran et al. 1997 [172], Meltzer 2001 et 2003 [120,122]).
Lindenmayer et al. ont proposé en 2003 que le comportement suicidaire soit une entité
symptomatique indépendante de la dépression ou de l’anxiété (Lindenmayer et al. 2003 [100]) et
que la clozapine aurait un mécanisme d’action unique dans ce domaine. C’est ce que nous allons
détailler dans le chapitre suivant.
5.2.2. Efficacité de la clozapine dans le suicide.
La clozapine a émergé comme ayant, aussi bien dans les études épidémiologiques
que cliniques, un effet spécifique dans les comportements suicidaires.
La première étude mettant en évidence une réduction du risque suicidaire grâce à la
clozapine a été publiée par Meltzer et Okayli, étudiant une population de 88 patients
schizophrènes traités par clozapine (Meltzer et Okayli 1995 [118]). Parmi ces 88 patients, 22
avaient fait une tentative de suicide dans les deux ans précédant le traitement par clozapine, mais
seulement trois ont fait une tentative de suicide pendant les deux ans de traitement par clozapine,
soit une diminution de 85% des taux de suicide. Le pourcentage de patients ne présentant plus
d’intention suicidaire ni de passage à l’acte suicidaire était passé de 53% avant traitement, à 88%
après l’introduction de la clozapine.
Des données épidémiologiques ont confirmé les résultats de cette étude. Walker et al.
(1997, [180]) ont croisé les données provenant du registre national de la clozapine (« Clozaril
National Registry ») et celles provenant de l’index de décès du registre national de
l’administration de la sécurité sociale (National Death Index and Social Security Administration)
aux Etats-Unis pour identifier les causes de décès des 67072 patients actuels ou anciens usagers
de la clozapine. Cette étude retrouvait une mortalité par suicide de 88% inférieure chez les
72
patients traités par clozapine par rapport à ceux qui ne l’étaient plus au moment de l’étude. Un
aspect critiquable de cette étude est l’absence de groupe contrôle, les anciens utilisateurs de
clozapine étant pris comme groupe comparatif. On peut alors penser que chez ces patients les
résultats cliniques étaient plus faibles et que la clozapine était justement inefficace chez ces
derniers.
D’autres études ont depuis mis en évidence le même bénéfice de la clozapine dans la
réduction du taux de suicide, ceci ne pouvant pas néanmoins être séparé du bénéfice qu’apporte
le suivi clinique plus régulier, ainsi que les prises de sang régulières, pratiqués chez ces patients
traités par clozapine.
Divers biais sont présents dans ces études sur les suicides chez les patients schizophrènes.
En effet il s’agit soit d’études rétrospectives, ou n’ayant pas de contrôle sur les différences
possibles entre les groupes en terme de risque suicidaire. D’autres études pouvaient présenter des
différences dans les dosages entre la clozapine et les autres antipsychotiques comparés, ainsi que
des différences dans les co-prescriptions qui n’étaient pas équivalentes. Un aspect non
négligeable dans le bénéfice de la clozapine dans la prévention suicidaire demeure dans
l’intensité de la surveillance (entrevues médicales et surveillance biologique régulières)
conséquente à l’usage de la clozapine. Les études d’efficacité médicamenteuse dans le suicide
avaient toutes ce biais, ne permettant pas de conclure à un effet protecteur de la molécule
indépendamment de l’alliance thérapeutique qu’elle nécessite.
Une étude a tenté de minimiser ces biais. Il s’agit de l’étude InterSePT (« International
suicide prevention trial »), très large étude internationale, prospective, ouverte et randomisée,
réalisée sur 2 ans (de 1999 à 2001), impliquant 11 pays et 67 centres de recherche (Meltzer et al.
2003 [122]). Cette étude a recruté des patients souffrant de schizophrénie ou de trouble
schizoaffectif, considérés comme à haut risque suicidaire. Ces patients ont reçu soit un traitement
par clozapine de 300 à 900 mg (n= 479), ou olanzapine de 10 à 20 mg (n= 477), randomisés
selon le centre et le département de soins dont ils provenaient. 38,7% des patients (n=379) ont
quitté l’étude au cours de 2 ans, toute raison confondue (effets secondaires, insatisfaction, etc.).
Les posologies n’étaient pas arbitraires, les praticiens étaient libres d’augmenter les posologies,
d’ajouter d’autres molécules si besoin, ou encore d’intervenir quelque soit le mode
73
(hospitalisation, changement de traitement, etc.) d’intervention préconisée en prévention du
risque suicidaire. L’olanzapine a été choisie car il a été suggéré qu’elle diminuait le suicide et les
idées suicidaires en comparaison avec l’halopéridol. Parmi les 980 patients inclus, 26.8% d’entre
eux étaient considérés comme résistants aux traitements.
Les patients étaient considérés comme à haut risque suicidaire s’ils présentaient un des
critères suivants :
 avoir des antécédents de tentative de suicide ou d’hospitalisation pour risque suicidaire
dans les trois ans précédant l’étude,
 idées suicidaires d’intensité modérée à sévère avec des symptômes dépressifs,
 injonctions hallucinatoires de gestes auto agressifs durant la première semaine de
participation à l’étude.
Deux types d’évènements étaient mesurés à savoir soit des évènements de type 1,
comportements suicidaires y compris tentatives ou suicides réussis, ainsi que les hospitalisations
en prévention du risque suicidaire. Les évènements de type 2 comportaient une aggravation de
la sévérité suicidaire mesurée par la sous échelle de la CGI. Les patients avaient le même nombre
d’entrevues médicales quelque soit le traitement prescrit, et ce dans le but de ne pas entraîner de
confusion en faveur de la clozapine.
Les résultats ont mis en évidence d’une part que le risque suicidaire évalué était
significativement plus bas chez les patients traités par clozapine versus olanzapine. D’autre part,
en comparaison aux patients traités par olanzapine, les patients sous clozapine ont :
 réalisé moins de tentatives de suicide (n=34 versus n=55, p=0.03)
 nécessité moins d’hospitalisations en prévention du risque suicidaire (n=82 versus n=107,
p=0.05)
 nécessité moins d’interventions en prévention du risque suicidaire (n=118 vs n=155,
p=0.01)
 bénéficié de moins d’adjonctions de psychotropes, qu’il s’agisse d’antidépresseurs
(n=235 vs 263, p=0.01) ou d’anxiolytiques et sédatifs (n=301 vs 331 ; p=0.03).
 Le nombre de décès par suicide est faible, s’agissant pourtant de patients à haut risque
suicidaire (n=5 vs n=3 ; p=0.73), soit 10 fois moins que dans la population de
schizophrènes sans facteurs de risques particuliers.
74
Enfin, pour les patients ayant arrêté (ou ayant dû arrêter) la clozapine, Il a été noté une
augmentation du risque suicidaire après son arrêt.
De même une autre étude (Modestin et al. 2005 [130]) a montré que pour les patients
ayant arrêté la clozapine pour différentes raisons (intolérance, inefficacité ou refus des patients),
une augmentation des conduites suicidaires a été mise en évidence.
Cette donnée suggère donc que la clozapine n’est efficace sur les comportements
suicidaires que pendant la durée de son traitement chez les sujets dont l’indication initiale de la
clozapine était les comportements suicidaires.
La seule molécule qui a montré un réel effet parmi les antipsychotiques autres que la
clozapine est l’olanzapine, les autres n’ayant pas montré d’effet sur le suicide (Khan et al. 2001
[82], Siris 2001 [156], Cadwell et al.1990 [29]).
L’ensemble de ces résultats ont permis à l’U.S Food And Drug Administration (FDA)
d’approuver l’indication de la clozapine pour diminuer le risque suicidaire chez les patients
schizophrènes à haut risque suicidaire. L’Association Américaine de Psychiatrie (APA)
recommande l’usage de la clozapine dans cette indication.
Le mécanisme d’action protecteur de la clozapine contre les comportements suicidaires
demeure incertain. Il pourrait être en partie dû à son effet sur les symptômes dépressifs qui est
suggéré par la moindre utilisation d’antidépresseurs, ainsi que les scores plus faibles aux échelles
mesurant la symptomatologie thymique chez les patients schizophrènes traités par clozapine
(Meltzer et al. 2003 [122]).
Au regard de toutes ces données, la clozapine a donc une efficacité démontrée sur le
risque suicidaire dans la population schizophrène. Cet effet ne s’explique pas uniquement par le
suivi rapproché qu’elle nécessite, comme l’a démontré l’étude Intersept, puisque dans cette étude
tous les patients recevaient le même suivi. De plus, si les notions d’impulsivité, d’agressivité ou
75
de suicidalité doivent être différenciées, il n’est pas impossible que la composante anti-impulsive
de la clozapine puisse avoir un impact sur la survenue de certains gestes suicidaires ou agressifs.
Cela suggère donc que la présence de facteurs de risque suicidaire chez un patient
schizophrène est un fort argument supplémentaire pour la prescription de clozapine, et ce
d’autant plus au vu des chiffres de mortalité par suicide dans la schizophrénie.
76
5.3.Clozapine et conduites agressives.
5.3.1. Conduites agressives et pathologie mentale.
Les conduites agressives sont communément définies comme « toute forme de
comportement dirigé dans le but d’infliger un dommage à un autre être vivant, motivé pour
éviter un tel traitement » (Maier 1992 [106]). Il s’agit d’un concept transnosographique vaste,
mal défini et complexe à aborder sur le plan méthodologique.
L’éventail de conduites agressives est effectivement large. Ces dernières peuvent revêtir
de multiples caractères et pourront être successivement (Mercuel et al. 1997 [124]):
 Auto ou hétéro agressives,
 Verbales ou physiques,
 Actives ou passives,
 Préméditées ou impulsives,
 Directes ou indirectes
 Motivées ou non par un contexte,
 Sources de bénéfices primaires ou secondaires, etc.
Leur définition paraît réductrice face à l’hétérogénéité du concept. Elle exclut par
exemple un certain nombre de situations cliniques, pourtant fréquentes, comme les crises
clastiques sur des objets ou les automutilations. De même, ces comportements semblent définis
par un caractère intentionnel, qui ne pourra pas forcément s’appliquer à toutes les conduites
agressives.
Dans le DSM-IV, le trouble explosif intermittent est la seule entité clinique qui permette
de caractériser les sujets présentant des conduites agressives : les critères sont vagues et
globalement peu opérationnels.
77
Plusieurs formes d’agressivité sont pourtant décrites : prédatrice, instrumentale et
impulsive (Barrat et al. 1999 [12]). Seule cette dernière serait sensible aux thérapeutiques
biologiques. Par ailleurs, il faut distinguer l’agressivité aigüe, se manifestant lors des périodes
processuelles des troubles, de l’agressivité chronique.
Au sein de cette hétérogénéité, beaucoup d’outils d’évaluation des conduites agressives
ont été proposés, ce qui renforce la difficulté de définition univoque du concept et les limites
d’application de chacun de ces outils (Mercuel et al. 1997 [124]).
Pour cette revue de la littérature sur l’efficacité de la clozapine dans les conduites
agressives, il est donc important de tenir compte de cette hétérogénéité psychométrique, des
difficultés à établir une définition univoque et donc de la difficulté d’abord méthodologique du
sujet.
D’autre part, il peut exister dans la pratique clinique, une confusion entre la notion
d’agressivité et celle d’impulsivité, et cette dernière doit également être prise en compte.
L’impulsivité peut être considérée comme une tendance à l’action avant la réflexion,
s’accompagnant d’un manque d’anticipation ou d’une mauvaise estimation des conséquences. En
pratique clinique quotidienne, il existe parfois une confusion avec des dimensions comme
l’agressivité ou l’hostilité (Baylé et al. 2001 [15]).
La plupart des conclusions concernant l’action des antipsychotiques sur l’impulsivité
relèvent de l’interprétation des résultats d’études portant sur des comportements souvent
qualifiés d’impulsifs, comme le suicide ou l’agressivité. Les études portent sur des populations
de sujets souffrant de troubles de la personnalité de type borderline, schizotypique ou
sociopathique et n’abordent qu’exceptionnellement le problème de l’impulsivité dans la
schizophrénie et quasiment jamais l’action des neuroleptiques sur cette dimension [15].
Une revue attentive de la littérature ne retrouve que trois études sur l’action antiimpulsive des populations de schizophrènes (Spivak et al. 1997 et 1998 [157, 158]). Ces études
seront détaillées dans la partie suivante, concernant l’efficacité de la clozapine sur l’agressivité et
impulsivité.
78
L’agressivité et la violence peuvent être induites par une grande variété de troubles
psychiatriques, y compris les patients atteintes cérébrales organiques. Elles contribuent
largement à la stigmatisation de la pathologie mentale et augmentent le coût général de la prise
en charge des soins psychiatriques (Bayle et al. 2001 [15]).
Les données de la littérature s’accordent sur la surreprésentation des sujets schizophrènes
chez les patients présentant des conduites agressives (Binder 1994 [17], Fottrell 1980 [54], Shah
et al. 1991 [153], The Special hospital’s teatment resistant schizophrenia 1996 [167]). Il semble
toutefois difficile d’avancer des chiffres d’incidence dans la schizophrénie qui soient
représentatifs. Des chiffres les plus consensuels, 3 à 10% des schizophrènes présenteraient des
comportements violents (Hector 1998 [66]).
Buckley (Buckley et al. 1995 et 1999 [26 et 26]) rappelle en effet que, malgré la
surreprésentation des schizophrènes pour ce type de troubles, les conduites agressives ne
concernent qu’une faible partie d’entre-eux et quasiment toujours dans un contexte de
recrudescence symptomatique. Le constat d’un lien de corrélation entre la fréquence des
comportements agressifs chez le patient schizophrène et la sévérité de la maladie, semble être
une donnée récurrente de la littérature.
Comme dans la prévention du risque suicidaire, un certain nombre de facteurs prédictifs
de situations de violence ont été proposés. Les principaux sont (Mercuel et al. 1997 [124],
Buckley 1999 [26]) :
 Les antécédents de comportements agressifs et violents,
 Syndrome hallucinatoire angoissant, une thématique persécutive ou une dissociation
sévère
 Agitation, phase processuelle de la maladie, hermétisme
 L’inefficacité ou la non compliance aux traitements médicamenteux,
 La consommation de substances
 La durée prolongée d’une hospitalisation (ou autres facteurs contextuels indépendants des
patients).
79
Ainsi, le sujet schizophrène résistant au traitement cumule les risques de présenter des
comportements agressifs ou violents. Buckley (Buckley et al. 1995 [25]) constate d’ailleurs que
la plupart des schizophrènes ayant des comportements violents récurrents sont des patients
résistants aux traitements.
D’un point de vue thérapeutique, la prise en charge de ces situations de violence relève de
multiples champs d’interventions. Rappelons l’importance des aspects de prévention. Cependant,
dans l’aigu, le recours à un traitement médicamenteux est souvent nécessaire. Neuroleptiques
conventionnels, anticonvulsivants, bêtabloquants ou lithium peuvent alors être prescrits selon les
circonstances. Les principales études relatives à ces diverses indications rapportent là aussi, des
chiffres de non-réponse allant de 15 à 30% (Spivak et al. 1997 [157]). De plus, d’autres travaux
ont montré que dans ces situations de non-réponse, l’augmentation de la dose du ou des
neuroleptiques utilisés n’entraînerait aucune amélioration symptomatique et s’accompagnerait le
plus souvent d’une exacerbation de l’agressivité du patient (Buckley et al. 1995 [25]).
Ces remarques (chiffres de non-réponse, cumul des facteurs de risque chez le
schizophrène résistant aux traitements, etc.) laissent penser que la clozapine puisse être
particulièrement intéressante dans la prise en charge des conduites agressives du patient
schizophrène résistant aux traitements.
5.3.2. Intérêt de la clozapine dans les conduites agressives du patient schizophrène.
Buckley, (Buckley 1999 [26]) rappelle que c’est la diminution du taux de contraintes aux
soins et d’internements, constatée après l’introduction de la clozapine aux Etats-Unis, ainsi que
la stabilisation et la sortie de l’hôpital de nombreux patients schizophrènes violents, jusque-là
hospitalisés de longue date, qui furent à l’origine des premières hypothèses concernant l’impact
éventuel de ce traitement sur la dimension agressive associée à la schizophrénie.
Les premières publications ayant apporté des arguments concrets en faveur d’une
efficacité de la clozapine dans les conduites agressives étaient essentiellement des études de cas.
Elles faisaient en général état d’une réduction substantielle des comportements agressifs après
introduction de la clozapine, chez des patients schizophrènes aux lourds antécédents de
80
violence. Ont alors suivi de nombreuses études cliniques ayant pour but de démontrer cet effet
dans la schizophrénie et dans le trouble schizoaffectif notamment (Buckley 1995 et 1999 [25 et
26]).
Les premières constatations datent des années 90, avec l’observation faite par Maier
(1992, [106]) de l’intérêt de la clozapine chez des patients hospitalisés à la suite d’actes médicolégaux, puis par Wilson, qui montraient que chez des patients schizophrènes hospitalisés au long
cours, une diminution significative des épisodes de violence et des nécessités de contention avait
été constatée avec la clozapine. Plusieurs auteurs par la suite ont trouvé des résultats similaires
concernant la nécessité de contention et d’isolement suivant l’introduction de la clozapine (Bayle
et al. 2001 [15]).
Plusieurs études ont depuis étudié l’efficacité de la clozapine dans cette dimension
thérapeutique uniquement dans la schizophrénie Chow (Chow et al. 1996 [37], Levoyer et al.
2002 [95]). Cette propriété a également fait l’objet de plusieurs études et l’effet anti-agressif est
retrouvé quel que soit le diagnostic DSM IV [95]. Cette propriété antiagressive s’est confirmée
chez les patients particulièrement violents, comme le montre une étude anglaise réalisée sur des
patients hospitalisés en UMD (Hector 1998 [66]).
Les posologies employées pour juguler cette symptomatologie (de l’ordre de 200 à 300
mg/j) sont la plupart du temps inférieures à celles classiquement utilisées dans les tableaux de
schizophrénies résistantes. Il n’est pas sans importance de préciser que ces mises sous clozapine
ont été effectuées après échec des thérapeutiques reconnues comme agressivolytique, après
plusieurs changements et de multiples tentatives d’associations entre elles.
Volavka et coll. furent les premiers en 1993 [178], à évoquer l’hypothèse d’une action
spécifique de la clozapine sur la dimension agressive du patient schizophrène. Dans leur étude,
les auteurs ont collecté les données de 223 patients schizophrènes résistants aux traitements,
hospitalisés et ayant répondu favorablement à l’introduction de la clozapine. L’étude s’est faite
sur un an, l’évaluation clinique à l’aide de la BPRS. Les scores furent relevés avant
l’introduction du produit, puis à 6 semaines, 12 semaines et 1 an. En faisant la moyenne des 4
scores relatifs aux symptômes psychotiques (comportement hallucinatoire, méfiance, pensées
inhabituelles, désorganisation conceptuelle), les auteurs obtenaient un « score de psychose ».
81
L’autre paramètre retenu était le score d’hostilité. Cette étude montrait une amélioration
significative de ce score dès la 6ème semaine, qui s’est maintenue à la 12ème semaine et au bout
d’un an.
Le premier objectif de ce travail était de comparer l’évolution des scores d’hostilité et de
psychose à chaque relevé (6semaines, 12 semaines, 1 an). Les analyses de covariance et de
régression des données de chaque relevé ont alors montré que l’amélioration du score d’hostilité
si parallèlement les scores de psychose n’avaient subi aucune modification. Une évolution, allant
dans le sens d’une réduction du score d’hostilité, fut montrée à chaque analyse. Ces résultats
évoquaient donc une action anti agressive spécifique, tout du moins indépendante de l’activité
antipsychotique.
Les résultats ont confirmé les effets de la molécule sur la dimension
agressive des patients les plus hostiles. En effet, alors qu’ils représentaient 31% des patients
avant introduction du traitement, ils n’étaient plus que 6% à 6 semaines, 3% à 12 semaines et
1% à 1 an.
On peut proposer certaines limites à cette étude : posologies non mises en relation avec le
niveau de réponse, absence de groupe contrôle, hostilité et agressivité évaluées par un seul item
peu spécifique, etc. Cependant, d’autres indications vont compléter les données de cette première
étude.
En 1995, Buckley et coll. [25] ont apporté un argument supplémentaire en faveur de
l’hypothèse d’une activité anti agressive spécifique. Ils ont comparé la réponse aux traitements
d’un groupe de schizophrènes considérés à risque de comportements violents, à un autre, jugé
« non violent ». Tous ces patients étaient résistants aux traitements et mis sous clozapine pour
cette raison. L’échantillon comprenait 30 patients : 11 considérés à risque de comportement
violent car ayant nécessité en moyenne, 100 heures de contention ou d’isolement dans un
contexte d’agressivité sur les 6 mois précédents l’introduction de la clozapine et 19 non violents
car n’en ayant nécessité qu’une heure en moyenne. Les scores à la BPRS furent répertoriés dans
les deux groupes, avant l’introduction du traitement, puis 6 mois après. Ces deux groupes étaient
comparables en termes d’âge, de sexe et de durée d’évolution de la maladie.
Sur les 6 mois de l’étude, ils notèrent une réduction significative du nombre d’épisodes
ayant nécessité une contention ou un isolement (6.4 après introduction de la clozapine versus 12
avant) et du nombre d’heures cumulées (12 heures versus 100).
82
Les scores à la BPRS des deux groupes avant et après traitement furent ensuite comparés.
On pouvait en conclure que la réduction symptomatique avait la même amplitude (amplitudes
statistiquement comparables) dans les deux groupes. Notons que le groupe « à risque » recevait
des dosages plus importants que l’autre, du fait d’une symptomatologie initiale plus sévère (636
mg/j versus 526mg/j).
Après comparaison de l’amplitude de réduction de l’agressivité à l’amplitude de
réduction symptomatique, les auteurs retrouvaient une réduction de la potentialité agressive
significativement plus importante que la réduction symptomatique.
Cette étude montrait donc l’intérêt de la molécule dans la prise en charge du risque
agressif du patient schizophrène et apportait un argument de plus en faveur d’une action anti
agressive sélective ; l’action sur la dimension agressive du groupe de patients violents étudiés
étant supérieure à l’action antipsychotique de ce groupe de comparaison « non violent ».
Rabinowitz et coll. en 1995 [145] ont eux aussi apporté des résultats en faveur d’une
action sélective de la clozapine. Il s’agissait d’une étude regroupant 75 patients schizophrènes
hospitalisés résistants aux traitements selon les critères de Kane. La dose moyenne de clozapine
était de 350 mg/j, et aucun autre neuroleptique n’a été prescrit une fois la clozapine introduite.
Les trois mois précédant l’introduction de la clozapine, toute situation de violence verbale ou
physique nécessitant l’intervention de l’équipe infirmière était répertoriée quotidiennement par
celle-ci, étant
précisé si cette intervention nécessitait une contention. Parallèlement, un
psychiatre extérieur au service se chargeait de relever les scores BPRS de chaque patient, toutes
les trois semaines, afin d’apprécier l’évolution de la symptomatologie psychotique et de
l’hostilité chez chacun d’entre eux. Un score de psychose était calculé selon la même méthode
que celle utilisée dans l’étude de Volavka et coll. [178]. Au terme de cette première évaluation,
28 patients furent exclus de l’étude car n’ayant pas présenté de comportement violent.
Après introduction de la clozapine, le même recueil de données fut réalisé pendant 6
mois. Les résultats montraient une diminution des agressions physiques et verbales. Aucune
variation significative ne fut notée entre la période des trois premiers mois après l’introduction
du traitement et celle des trois mois suivants.
83
Les situations nécessitant une contention furent, elles aussi, significativement moins
importantes après introduction de la clozapine, avec 6 situations impliquant 3 patients les 6 mois
suivants l’introduction, contre 40 impliquant les trois mois précédents.
Les scores d’hostilité et ceux concernant les symptômes psychotiques furent eux aussi
significativement améliorés. Là aussi, les amplitudes d’amélioration étaient différentes et en
faveur d’une efficacité supérieure du produit sur la dimension agressive. Ces effets significatifs
sur l’agressivité et l’absence de corrélation entre les scores d’hostilité et de psychose
permettaient là encore aux auteurs, d’étayer l’hypothèse d’une action spécifique sur la dimension
agressive.
Spivak et coll. apportèrent d’autres arguments confortant cette hypothèse. La première,
réalisée en 1997 [157], comprenait 14 patients schizophrènes résistants aux traitements selon les
critères de Kane. Après deux semaines de fenêtre thérapeutique, un traitement par clozapine était
instauré. La posologie était progressivement augmentée en fonction de la réponse clinique mais
restait basse en moyenne (220 mg/j). La symptomatologie psychotique fut évaluée à l’aide de la
PANSS, l’agressivité par l’Overt Agressivity Scale (OAS) et l’impulsivité par l’Impulsivity
Scale (IS). Les évaluations furent faites à chaque semaine pendant les 18 semaines de l’étude.
Les résultats montraient une diminution de 32% en moyenne des scores d’impulsivité
(IS) au terme de l’étude. La diminution du score d’impulsivité était significative à la 7 ème
semaine, maximale à la 13ème semaine et en plateau par la suite. Une diminution significative (de
98% en moyenne) des scores de l’OAS était notée. Les scores à la PANSS ont suivi exactement
le même profil de variation, mais dans une plus faible mesure (34% de réduction en moyenne),
plus proche de celle de l’impulsivité (32% de réduction en moyenne) que celle de l’agressivité,
faisant suggérer aux auteurs un lien de corrélation entre impulsivité et état psychiatrique global
dans la schizophrénie, et surtout une action anti agressive spécifique.
On peut opposer à cette argumentation la faible posologie utilisée (220 mg/j en
moyenne). De fait, à cette dose-là, il est tout à fait envisageable que l’effet anti agressif soit non
spécifique et secondaire à une sédation et/ou une anxiolyse, où la posologie à peine suffisante
pour être dans la fourchette d’activité antipsychotique, pourrait à elle seule expliquer l’absence
de corrélation évoquée. Cependant d’autres études retrouvent le même constat à des posologies
plus élevées.
84
D’ailleurs, à la lumière de ces travaux, deux recommandations ont été proposées. La
première, datant de 1999 émise par Buckley [26], préconise l’utilisation de la clozapine pour
toutes les situations où les comportements agressifs et violents persistent malgré une prise en
charge adaptée chez les patients schizophrènes. Les auteurs élargissent donc implicitement
l’indication de la clozapine, puisqu’ils ne se cantonnent plus au diagnostic de schizophrénie
résistante dans l’indication de ce traitement. La seconde a été proposée par Llorca en 2003 [103],
et précise que les effets montrés de la clozapine sur les comportements agressifs du patient
schizophrène, doivent faire discuter l’introduction de ce traitement dans les schizophrénies
débutantes, si les comportements agressifs sont déjà importants.
En étant peut-être prudents, nous pensons que la présence de comportements agressifs
chez un patient schizophrène pour lequel les traitements ne semblent pas suffisamment efficaces,
pourrait faire indiquer la clozapine pour deux raisons. D’une part, parce que nous savons que les
comportements agressifs du patient schizophrène sont souvent liés à la recrudescence ou la
persistance des symptômes psychotiques et que la clozapine est bénéfique chez à peu près 50%
des patients résistants aux traitements. D’autre part parce qu’elle semble avoir une action
sélective sur cette dimension symptomatique dans la schizophrénie.
Ces résultats demandent cependant à être confirmés par des travaux de méthodologie plus
fiables. Pour finir, plusieurs auteurs se sont interrogés sur les mécanismes d’action de la
clozapine dans les comportements agressifs et font l’objet du paragraphe suivant.
85
5.3.3. Mécanismes d’action de la clozapine dans les comportements agressifs.
Glazer et al. (1998 [59]) suggèrent que les propriétés agressivolytiques de la clozapine
seraient attribuables à plusieurs facteurs :
 la diminution de la symptomatologie négative
 l’absence de troubles moteurs associés, en particulier l’akathisie
 la diminution d’abus de substances
 la diminution de la potentialité suicidaire.
Au niveau neurobiologique, plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer
cette action sur la dimension agressive. Tout d’abord, par un effet indirect, non spécifique : la
clozapine, comme tout neuroleptique, diminue la transmission dopaminergique au niveau de la
voie mésolimbique par antagonisme avec les récepteurs dopaminergiques. Ses effets sur
l’agressivité peuvent alors résulter de cet antagonisme par l’action non spécifique, anti
productive, sédative et anxiolytique qui en résulte.
Nous savons aussi que la dopamine est incriminée dans la genèse des comportements
violents (Mercuel et al.1997 [124]). La dopamine peut ainsi être incriminée en dehors de toute
dimension productive. Le profil d’action spécifique de la molécule sur les récepteurs
dopaminergiques peut alors expliquer ses effets sélectifs sur les comportements agressifs. Sa
haute affinité pour les récepteurs D1 et D4 a notamment été évoquée (Kane 1996 [77]).
Une autre hypothèse concerne les propriétés sérotoninergiques du produit. Le système
sérotoninergique semble impliqué, des effets spécifiques suivant les sous-types de récepteurs à la
sérotonine ayant pu être mis en évidence sur des modèles animaux expérimentaux d’agressivité
(Bayle et al. 2001 [15]). L’agressivité semble être le comportement le plus corrélé à une
perturbation du système sérotoninergique central (5-HT). Une diminution de l’activité
sérotoninergique serait en cause (Mercuel et al. 1997 [124]). L’implication de la sérotonine
concernerait avant tout l’agressivité planifiée et l’auto agressivité (Siever et al. 1993 [155]). Ce
sont les propriétés antagonistes de la molécule au niveau du système sérotoninergique et
notamment des récepteurs 5-HT2, qui sont mises en avant pour expliquer cette spécificité
86
d’action. Cette hypothèse s’appuie sur certains travaux qui ont mis en évidence une
augmentation du nombre des récepteurs 5-HT2 chez les patients agressifs (Coccaro 1989 [40]).
Certaines publications font état d’une normalisation de l’activité sérotoninergique après
traitement par clozapine (Meltzer 1989 [111], Meltzer et al. 1995 [117]). Les propriétés
jugulatives de l’agressivité seraient attribuées à l’antagonisme intrinsèque des récepteurs 5HT1B et 5-HT2 plus qu’à l’effet antipsychotique proprement dit, et ont été mises en corrélation
avec un taux plasmatique élevé de norépinephrine (Spivak et al. 1998 [158]).
La dernière hypothèse neurobiologique s’appuie sur l’action de la molécule sur le
système noradrénergique. L’activation de ce système aurait un rôle dans la genèse des
comportements violents, notamment impulsifs (Siever et al. 1993 [155]). L’effet de la clozapine
sur la dimension agressive pourrait alors s’expliquer par son antagonisme spécifique au niveau
des récepteurs alpha-1 adrénergiques centraux.
Cette action est probablement la résultante de l’ensemble de ces effets. D’autres
hypothèses sont actuellement en cours d’étude, notamment les effets de la molécule sur les taux
plasmatiques de norépinephrine et d’acide 5 hydroxyindolacétique (5HIAA), marqueurs
respectifs des voies adrénergiques et sérotoninergiques, mais les données sont pour l’instant
contradictoires.
87
6. EFFETS DE LA CLOZAPINE EN DEHORS DE LA SCHIZOPHRENIE
6.1. Clozapine et troubles thymiques.
6.1.1. Clozapine et trouble bipolaire.
Durant ces dix dernières années, beaucoup de progrès ont été faits en matière de
thérapeutique du trouble bipolaire. Actuellement, à côté des thymorégulateurs usuels, les
antipsychotiques atypiques occupent une place importante dans le traitement de ce trouble.
Certains sont recommandés par la Food and Drug Administration aux USA comme la
rispéridone, l’olanzapine, l’aripiprazole, la quétiapine et la ziprasidone. En France seuls les
quatre premiers ont obtenu l’AMM dans cette indication (Robert et al. 2003 [148]).
La clozapine ne fait donc pas partie des antipsychotiques autorisés, même si les
recommandations internationales préconisent la clozapine dans le traitement de la manie en cas
d’échec de deux neuroleptiques typiques (American Psychiatric Association 2004 [5]).
Il semble intéressant d’établir à travers la littérature les effets de la clozapine dans le
trouble bipolaire. L’efficacité de la clozapine dans les troubles de l’humeur associés à un trouble
schizophrénique ou schizoaffectif est relativement étayée, moins bien dans les troubles
bipolaires.
Pourtant les effets de cette molécule sur la symptomatologie thymique ont été soulignés
dès sa mise sur le marché dans les années 1970 (Verdoux et al. 2001[175]). Certains travaux
suggèrent que la clozapine a des effets thymorégulateurs et préventifs aussi bien sur la survenue
d’épisodes dépressifs que maniaques, chez les patients présentant un trouble de l’humeur. Les
posologies employées dans le traitement des troubles de l’humeur sont plus faibles que dans
celui de schizophrénies résistantes, à savoir autour de 300 mg/j [15]. Le succès de la clozapine
dans le traitement de la schizophrénie résistante a poussé à la tester chez les patients bipolaires
résistants aux traitements par similarité, malgré la contrainte d’une surveillance hématologique
hebdomadaire en raison du risque d’agranulocytose.
Depuis sa réintroduction, de nombreuses études de cas et plusieurs études ouvertes ont
montré que la clozapine avait des effets thymorégulateurs chez des patients bipolaires ayant
résisté aux traitements habituels (Young et al. 1997 [182], Zarate et al. 1995 [187]).
88
Elle serait particulièrement intéressante dans les formes cliniques telles que les cycles
rapides et les états mixtes, classiquement résistantes aux thymorégulateurs (Zarate et al. 1995
[187]). De plus, elle aurait également des effets curatifs dans les formes résistantes de manie
(McElroy et al.1996 [110], Keck et al. 1998 [81], Calabrese et al. 1996 [30], Green et al. 2000
[60]).
A ce sujet, Suppes et coll. ont réalisé en 1999 [160] une étude ouverte, prospective et
randomisée sur une période de 1 an, dans une population de 38 patients, schizoaffectifs (32%) ou
bipolaire de type I (68%) présentant tous un antécédent d’accès maniaque et une résistance ou
une intolérance aux traitements antérieurement prescrits (thymorégulateurs plus ou moins
neuroleptiques). L’objectif était d’évaluer l’efficacité du produit chez ce type de patient.
L’échantillon était scindé en deux
groupes.
L’un recevait le traitement habituel
(thymorégulateurs +/- neuroleptiques +/- antidépresseur ou anxiolytique), l’autre recevait en plus
la clozapine (sauf association carbamazépine-clozapine). Des séries d’ECT pouvaient être
réalisées dans les deux groupes si l’état clinique le justifiait. De même, les patients du premier
groupe pouvaient être mis sous clozapine si besoin. Une évaluation mensuelle, en aveugle, était
réalisée chez chaque patient avec les échelles suivantes : BPRS, Bech-Rafaelsen Mania Scale,
CGI, Scale for the Assesment of Positive Symptoms (SAPS), Scale for the Assesment of
Negative Symptoms (SANS), Hamilton Depression Rating Scale. La réponse clinique était
définie par une amélioration de 30% du score initial à la BPRS. Ces auteurs trouvaient un
meilleur taux de réponse chez les patients sous clozapine (82% contre 57% dans l’autre groupe,
différence significative), avec une amélioration dans la plupart des domaines, notamment
psychotiques et maniaques. D’autre part, cette étude confirmait l’hypothèse d’une activité
thymorégulatrice, puisque les 82% des patients qui avaient atteint ce résultat de -30% à la BPRS
à 6 mois, l’ont maintenu les 6 mois suivants.
D’autres études ont confirmé l’efficacité de la clozapine dans la manie (Robert et al. 2003
[148]).
La clozapine est donc recommandée par les experts dans le traitement de la manie comme
traitement après échec de deux neuroleptiques conventionnels, et de deuxième intention en cas
de cycles rapides, en association avec un régulateur de l’humeur. Peu de données sont
disponibles sur son efficacité dans le traitement au long cours du trouble bipolaire. Si la
clozapine présente une activité préventive de la récurrence des troubles de l’humeur, celle-ci
89
concerne surtout les épisodes maniaques d’un trouble bipolaire et ceux entrant dans le cadre d’un
trouble schizoaffectif (Verdoux et al. 2001 [175]).
6.1.2. Clozapine et troubles dépressif.
Suite à l’étude Intersept sur la prévention du suicide chez les patients schizophrènes avec
la clozapine (cf. partie 5.1.) les auteurs ont évoqué une éventuelle activité antidépressive
intrinsèque. Il serait donc intéressant de rechercher également un effet chez des patients
présentant un syndrome dépressif isolé, mais les travaux réalisés à ce sujet ne concernent que des
situations où la symptomatologie dépressive et délirante sont associées. Les résultats sont donc
peu interprétables.
Des études de cas (chez des patients présentant des épisodes dépressifs majeurs avec
symptômes psychotiques associés mais non diagnostiqués schizophrènes) ont montré une
amélioration significative de la symptomatologie dépressive sous clozapine (Khan et al.2001
[82], Tran et al. 1997 [172]).
Une diminution des rechutes dépressives a été constatée, (se maintenant plusieurs mois
après l’introduction du traitement), suggérant ainsi un effet curatif et préventif de la clozapine
dans ces situations cliniques.
Il semble que l’effet de la clozapine dans le traitement de la dépression soit d’un intérêt
moindre. L’étude de Suppes et coll. citée dans le paragraphe précédent va dans ce sens [160].
Cette étude portait sur des patients schizoaffectifs ou bipolaires de type I. La symptomatologie
dépressive était systématiquement évaluée à l’aide de l’échelle d’Hamilton.
Alors que les évaluations à chacune des échelles citées dans l’étude mettaient en évidence
une réponse aux traitements significativement plus importante dans le groupe sous clozapine
(dès le 3ème mois et sur le reste de l’étude), aucune différence ne fut retrouvée à l’échelle
d’Hamilton, tous patients confondus. Même si le nombre de patients déprimés n’était pas donné,
(la seule indication fournie dans l’étude à ce sujet est que 31% des patients étaient des bipolaires
en phase dépressive (critères DSM IV)), aucune précision quant aux troubles schizoaffectifs).on
peut en déduire que les effets de la clozpaine sur la symptomatologie dépressive ne paraissent
pas rattachés à une activité antidépressive intrinsèque.
90
Banov et al. [10] ont évalué différents paramètres cliniques chez des patients
schizophrènes, schizoaffectifs, bipolaires et dépressifs unipolaires, résistants aux thérapeutiques
habituelles, et chez lesquels un traitement par clozapine a été insaturé. Les posologies moyennes
de la clozapine et la durée moyenne de prescription étaient respectivement : 178 mg/j et 13.8
mois chez les patients dépressifs unipolaires, 325 mg/j et 26.9 mois chez les dépressifs
bipolaires. Une efficacité globale sur les troubles de l’humeur a été notée, mais les patients
présentant un trouble dépressif, qu’il soit unipolaire ou bipolaire, sont significativement moins
bons répondeurs pour la majorité des critères d’évaluation (amélioration clinique globale, autoévaluation par les patients de leur traitement, taux de ré hospitalisation, arrêt spontané de
traitement). Ainsi dans cette étude, le facteur dépression semblait être corrélé avec une réponse
limitée, allant en défaveur de l’hypothèse d’une activité antidépressive intrinsèque.
L’état actuel des connaissances sur l’usage de la clozapine dans les troubles dépressifs
majeurs récurrents ne permet donc de conclure qu’à une indication marginale, en cas d’échec ou
d’intolérance des thérapeutiques habituelles chez des patients présentant des caractéristiques
psychotiques associées à l’épisode dépressif.
Au total, la clozapine aurait donc des effets thymiques suivants dans les troubles de
l’humeur :
 Effets thymorégulateurs préventifs sur les symptômes de la lignée maniaque et
dépressive.
 Effets curatifs des manies résistantes aux traitements.
 Intérêt dans les formes cliniques de troubles de l’humeur classiquement résistantes aux
traitements, telles que les cycles rapides et les états mixtes.
 Effets sur les épisodes dépressifs plus en lien avec la stabilisation thymique qu’induit la
clozapine, que la résultante d’une action antidépressive intrinsèque.
91
6.2.Clozapine et trouble de la personnalité de type borderline.
Peu d’études ont été réalisées sur l’utilisation de la clozpaine dans le trouble de
personnalité limite. Les études réalisées dans le trouble de personnalité borderline se sont
intéressés surtout aux symptômes psychotiques, aux automutilations et aux troubles du
comportement.
Benedetti et al. (1998 [16]) ont évalué l’efficacité de la clozapine chez 12 sujets
présentant un trouble de la personnalité limite avec des symptômes de type psychotique. Les
posologies de clozapine étaient comprises entre 25 et 100 mg/j. Une amélioration des symptômes
psychotiques s’est manifestée dès la 3ème semaine de traitement, avec diminution du score total
obtenu à la BPRS. Cette amélioration portait sur la symptomatologie d’allure psychotique
(pensée magique et/ou référentielle, illusions visuelles et auditives) mais aussi sur la
symptomatologie affective et émotionnelle à court terme, à savoir une diminution de
l’impulsivité, de la labilité émotionnelle et des automutilations. Il a également été rapporté une
efficacité à long terme avec une absence de dépressivité secondaire de l’humeur, diminution très
significative du nombre et de la durée des ré hospitalisations sur une période de 8 mois
Chengappa et al. en 1999 [36] ont également mis en évidence une efficacité de la
clozapine dans
ce trouble de personnalité, en particulier sur
les comportements
d’automutilations. L’étude portait sur 7 femmes diagnostiquées borderline selon les critères du
DSM-III-R ou DSM-IV (ayant des symptômes psychotiques persistants) hospitalisés pour des
comportements d’automutilations et/ou de violences, et ont reçu pour ces raisons bénéficié d’un
traitement par clozapine. Plusieurs facteurs ont été mesurés comme les comportements
d’automutilations, isolements, agressivité verbale et physique, ainsi que le score à l’échelle
globale de fonctionnement (GAF). Après l’introduction de la clozpaine, il a été constaté une
diminution significative des comportements d’automutilations, de mises en isolement et de coprescriptions (pour les angoisses notamment). Le score final à la GAF avait quasiment doublé à
la fin de l’étude. Un aspect critiquable de cette étude est la présence de symptômes psychotiques
persistants, ne correspondant pas à proprement parler à la définition du trouble de personnalité
borderline.
92
Une autre étude rapporte le suivi de 15 sujets présentant un trouble de la personnalité
borderline ou psychotique atypique (Frakenburg et al.1993 [55]): après 4 mois de traitement par
clozapine, une amélioration significative est notée sur deux items de la BPRS dont l’hostilité.
Les résultats des études sont en faveur de l’efficacité de la clozapine sur l’impulsivité et
les troubles du comportement. La supériorité thérapeutique de la clozapine dans cette indication
doit cependant être confirmée par des études plus rigoureuses, car, à notre connaissance, aucune
étude ne compare la clozapine à un autre antipsychotique dans cette indication. Il semble
nécessaire de poursuivre l’investigation du bénéfice-risque de la clozapine pour ces patients.
93
6.3.Clozapine et maladie de Parkinson
La survenue de symptômes psychotiques chez un patient parkinsonien est une
complication fréquente des traitements antiparkinsoniens. Sa prévalence serait entre 7 à 50% des
patients traités et serait d’autant plus fréquente qu’il y aurait une atteinte cognitive associée (Petit
2001 [142], Young et al. 1997 [182]).
Avant l’apparition des antipsychotiques atypiques, la conduite à tenir devant la survenue
de tels symptômes était l’arrêt du dernier traitement mis en place. L’électro-convulso-thérapie
(ECT) a montré de bons résultats, avec une suspension des troubles psychotiques, mais n’étant
que transitoire (Petit 2001 [142]).
L’intérêt initial pour la clozapine dans la maladie de Parkinson vient de la moindre
prévalence de symptômes extrapyramidaux chez les patients traités par cette molécule (cf. partie
7). Les troubles psychotiques de la maladie de Parkinson sont donc une indication figurant dans
l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). L’AMM fixe la posologie dans les troubles
parkinsoniens à 50mg/j au maximum, avec une augmentation possible exceptionnellement
jusqu’à 100mg (Base de données des médicaments [14]).
Un certain nombre d’études se sont penchées sur l’efficacité de la clozpaine dans la
psychose parkinsonienne. Ces études ont souligné la possibilité de traiter les psychoses induites
par les thérapeutiques antiparkinsoniennes, sans aggraver la motricité des patients (Petit 2001
[142]).
Une analyse rétrospective concernant l’expérience clinique de quatre centres américains
totalisant 176 patients a été réalisée par Trosch et al. (1998, [173]). La durée moyenne de
traitement était de 16.7 mois chez des patients dont la maladie de parkinson évoluait en moyenne
depuis 9,4 années. Il s’agissait donc de patients dont la maladie était plutôt avancée. La dose
moyenne de clozapine était de 30,5mg/j. Dans 90% des cas, une amélioration des hallucinations
visuelles et auditives, ainsi que des idées délirantes a été retrouvée, l’anxiété s’améliorait quant à
elle dans 83,4% des cas et la dépression dans 60,4% des cas. Concernant les effets secondaires,
30% des sujets ont arrêté le traitement en raison d’effets secondaires, essentiellement pour la
sédation, mentionnée dans 45,9% des cas.
94
Une étude randomisée en double aveugle comparant la clozapine versus placebo a été
réalisée par le groupe « Parkinson study group » (The Parkinson study group 1999 [166]).
Soixante patients ont reçu un traitement antiparkinsonien à une dose fixe, et des doses de
clozapine croissantes selon la réponse clinique, comprises entre 6,5g et 50 mg/j. Les patients
inclus dans cette étude souffraient de psychose parkinsonienne d’intensité moyenne évoluant
depuis au moins quatre semaines. La dose moyenne de clozapine utilisée a été de 24,7mg. Les
paramètres cliniques mesurés par les échelles de CGI (Clinical Global Impression Scale), BPRS
(Brief Pschychiatric Rating Scale), et SAPS (Scale for the Assessment of Positive Symptoms) ont
tous été améliorés, sans qu’une aggravation motrice n’ait été constatée. Trois patients sont sortis
de l’étude pour une neutropénie, infarctus du myocarde et sédation. Ces résultats sont donc en
faveur d’une efficacité et d’une bonne tolérance de la clozapine dans cette indication.
Le groupe français d’étude de la clozapine dans la maladie de Parkinson a mis en
évidence que les troubles d’ordre psychotique induits par les divers traitements au cours de cette
maladie peuvent régresser après la prescription de clozapine. L’essai mené sur 60 patients
parkinsoniens sans démence ou avec une démence modérée (MMS supérieur ou égal à 20),
associant une psychose (malgré l’arrêt des anticholinergiques, sélégiline, amantadine), de 72 ans
en moyenne, a permis d’identifier, avec une posologie moyenne de 36 mg/j, des modifications
significatives dès la première semaine, sur les échelles de CGI et le sous-score positif de la
PANSS, le MMS n’étant par ailleurs pas modifié de façon significative (Pollack et al. 1999
[144]).
Néanmoins, des précautions doivent être prises pour l’usage de la clozapine dans cette
indication, la survenue d’aggravation des symptômes mnésiques avec des cas de confusion ayant
été constatés sous clozapine (Petit 2001 [142]).
95
6.4. Clozapine dans les autres troubles psychiatriques.
6.4.1. Clozapine chez l’enfant et l’adolescent.
Si plusieurs études ont été réalisées concernant l’usage de la clozapine chez l’enfant et
l’adolescent, il s’agit essentiellement d’études ouvertes ou des rapports de cas. Les résultats
montrent globalement une efficacité de la clozapine chez les enfants et adolescents
schizophrènes.
Par exemple, dans son étude, Kumra (Kumra et al.1996 [85]) a comparé l’efficacité de la
clozapine à l’olanzapine dans une étude randomisée en double aveugle réalisée auprès de sujets
âgés de 10 à 18 ans dont le diagnostic était celui de schizophrénie ou trouble schizoaffectif
résistante aux neuroleptiques classiques. 21 sujets ont été traités par olanzapine et 18 par
clozapine pendant 12 semaines. La définition de la résistance était l’absence de réponse à au
moins deux traitements antipsychotiques et un score total BPRS d’au moins 35, et un score
« modéré » à au minimum un item des symptômes psychotiques mesurés par la BPRS
(désorganisation, réticence, hallucinations, troubles du cours de la pensée). Les posologies
moyennes employées étaient de 26,2 mg/j pour l’olanzapine et autour de 450 mg/j pour la
clozapine.
A la fin de l’étude, une proportion beaucoup plus importante d’adolescents traités par clozapine
(66%, n=12) présentait des critères de réponse par rapport à ceux sous olanzapine (33%, n=7).
Les scores mesurés au terme de l’étude n’étaient pas statistiquement significatifs entre les deux
groupe, sauf pour le score total de symptômes négatifs de la SANS, en faveur de la clozapine.
6.4.2. Clozapine dans les autres troubles psychiatriques.
Les antipsychotiques, surtout les atypiques, ont été étudiés dans la prise en charge des
abus de substance. Il en ressort, à partir d’études ouvertes ou de séries de cas, que la clozapine
serait capable de diminuer l’abus de substance chez des patients schizophrènes. La propriété
« anticraving » présumée de la clozapine pourrait contribuer à l’arrêt ou à la réduction de la prise
de drogues (Bayle et al. 2001 [15]).
Les études concernant le trouble obsessionnel compulsif sévère et le syndrome de Gilles
de la Tourette sont essentiellement des études de cas. Il s’agit de troubles isolées ou comorbides
avec une pathologie schizophrénique (Levoyer et al. 2002 [95]).
96
Enfin, la clozapine n’entrainant pas de modifications plasmatiques des taux de prolactine
au long terme, pourrait de ce fait être indiquée pour traiter certaines psychoses puerpérales. Il n’y
a pour autant pas beaucoup d’études réalisées à ce sujet (Levoyer et al. 2002 [95]). L’absence
d’effet tératogène ainsi que les autres effets secondaires de la clozapine vont faire l’objet de la
partie suivante de ce travail.
97
7. EFFETS SECONDAIRES DE LA CLOZAPINE.
La clozapine, en conséquence du risque hématologique et de la surveillance qu’il impose,
est sans doute le neuroleptique dont le profil de tolérance a été le mieux étudié. Cela a suscité un
intérêt croissant pour la pharmacovigilance des neuroleptiques, traduit par des exigences
renforcées des autorités de santé quant aux données de tolérance et de sécurité exigées pour le
développement d’un nouveau médicament. L’accent a été particulièrement mis, outre les risques
hématologique et comitial, sur la survenue éventuelle de troubles cardio-vasculaires ou
métaboliques graves.
Les données sont parfois difficiles à interpréter dans la mesure où la mortalité et la
morbidité, notamment cardio-vasculaires sont nettement plus élevées chez le schizophrène, en
particulier résistants, que dans la population générale. L’impossibilité éthique de faire des études
comparatives versus placebo au-delà de quelques semaines impose souvent de recourir à des
comparaisons à des séries historiques (Josiassen et al. 1996 [74], Haramburu et al. 2004 [63]).
7.1. Risque hématologique.
Comme cela a déjà été mentionné, le principal inconvénient de la clozapine est le risque
d’agranulocytose. Après le constat de 16 cas d’agranulocytose, dont 8 mortels en Finlande en
1975, la clozapine a été retirée du marché (Atkin et al. 1996 [7]).
L’agranulocytose est un risque existant pour toute prescription de neuroleptique, et
surviendrait chez un patient traité par neuroleptique sur 20000 (Costentin et al. 1987 [44]).
La clozapine a l’inconvénient majeur de causer des effets secondaires comme
l’agranulocytose qui peut être létale et qui survient dans environ 0.8% des patients recevant un
traitement par clozapine. L’agranulocytose est définie par une valeur absolue de PNN<500/mm3
(Josiassen et al. 1996 [74], Gareri et al. 2008 [57]).
Sa fréquence est par contre plus importante avec la clozapine qu’avec les autres
neuroleptiques. Les travaux qui ont suivi sa remise sur le marché ont montré une incidence
d’agranulocytose sous clozapine compris entre 1 et 2%. La mortalité était quant à elle estimée à
50% (Lieberman et al. 1998 [97]).
98
La surveillance hématologique imposée depuis la réintroduction du produit dans les
années 90, a fait chuter ce chiffre à 0.38% (Lieberman et al. 1998 [97]). Ceci évite le
développement de l’agranulocytose et les risques qu’elle comprend. D’autre part, la mortalité des
agranulocytoses sous clozapine a considérablement diminué, passant de 50% dans les années 70
à 3% actuellement (Miller 2000 [129]).
Ainsi le taux de mortalité par agranulocytose sous clozapine est maintenant d’environ 1
pour 10000 patients traités, contre 0.5 à 1% initialement, soit 100 à 200 fois moins. La survenue
d’agranulocytose sous clozapine se produit dans 95% des cas dans les 6 premiers mois de
traitement (Meltzer et al. 2003 [122]).
Enfin si le risque hématologique existe chez les patients traités par clozapine, il convient
cependant de préciser que dans 70% des cas de neutropénie, une association médicamenteuse
était retrouvée avec la clozapine (Lancon et al. 2001 [90]).
Après l’AMM, les Autorités de Santé ont réalisé une étude de cohorte concernant tous les
patients traités durant les deux premières années d’utilisation afin de préciser l’incidence du
risque de neutropénie et d’agranulocytose en France. Pour les 2834 patients traités et suivis au
minimum 8 mois, 59 cas de neutropénie (2.08%) sont survenus, dont 13 cas d’agranulocytose
(0.46%). Ces chiffres sont comparables à ceux d’une étude américaine avec une incidence
d’agranulocytose de 0.39%, et un taux de mortalité extrêmement faible, de 0.012 à 0.016% des
patients exposés (Haramburu et al. 2004 [63]).
La survenue d’une neutropénie n’interdit pas la poursuite du traitement, car une
neutropénie ne conduit pas toujours à une agranulocytose. Une neutropénie dite « bénigne »
serait associée à la clozapine dans 22% des cas, prévalence identique à celle des autres
neuroleptiques (Haramburu et al. 2004 [63]). Le traitement peut être poursuivi si les globules
blancs sont compris entre 3000 et 3500/mm3 et les PNN entre 1500 et 2000/mm3. Ces chiffres
rendent en revanche nécessaire un contrôle plus fréquent de la numération formule sanguine à
raison de deux fois par semaine, jusqu’à normalisation ou stabilisation de ces chiffres.
Un chiffre de globules blancs inférieur à 3000/mm3 ou de PNN inférieurs à 1500/mm3
doivent faire arrêter immédiatement le traitement avec contrôle journalier de la numération
jusqu’à normalisation hématologique (EMEA 2002 [164]).
99
Tableau 1 : Conduite à tenir devant une neutropénie, Gareri et al. 2008 [57]
Globules blancs/mm3 (L) PNN/mm3 (L) Conduite à tenir
≥3500
≥2000
Poursuite du traitement par clozapine
Poursuite du traitement par clozapine avec
surveillance NFS 2 fois/semaine (jusqu'à
3000-3500
1500-2000
stabilisation ou normalisation)
Arrêt immédiat de la clozapine, NFS tous les jours
<3000
<1500
jusqu'à normalisation. Ne pas ré exposer le patient.
Le risque de développer une agranulocytose est plus important dans les 3 premiers mois
de traitement, avec un pic dans le 3ème mois, puis ce risque diminue par la suite, jusqu’à moins de
0.01% après un an (Alvir et al. 2004 [4]).
Ce risque augmenterait avec l’âge, bien qu’il soit plus élevé parmi les patients traités âgés
de moins de 21 ans, par rapport à la population des 21-40 ans. Le risque est aussi plus élevé chez
la femme que chez l’homme ; chez les sujets noirs que chez les blancs (Gareri et al. 2008 [57]).
Devant ce risque d’agranulocytose, la co-prescription de traitements pouvant
potentiellement induire une agranulocytose est fortement déconseillée. Il s’agit essentiellement
de la carbamazépine, du captopril (IEC), du propylthiouracil (antithyroïdien de synthèse), des
sulfamides (antidiabétiques oraux) (Gareri et al. 2008 [57]).
Des troubles de l’élimination de la clozapine augmentent le risque d’agranulocytose. Un
risque accru d’agranulocytose a été rapporté chez des patients qui ont reçu à nouveau de la
clozapine après normalisation du chiffre de leucocytes suite à une leucopénie modérée. Ces
100
patients doivent avoir une surveillance hebdomadaire pendant 12 moins si le traitement est
repris. En cas d’arrêt de la clozapine, la surveillance biologique doit se poursuivre pendant
quatre semaines après l’arrêt du traitement (EMEA 2002 [164]).
Le mécanisme physiopathologique de l’agranulocytose sous clozapine reste encore
inconnu. Deux phénomènes semblent néanmoins intervenir, une réaction immunologique et une
cytotoxicité directe des métabolites de la clozapine sur les cellules hématopoïétiques. Ce
mécanisme est par contre réversible à l’arrêt du traitement (Lancon et al. 2001 [90]).
Il existerait un déterminisme génétique. Il a été démontré une prédisposition chez les juifs
Ashkénazes ayant le phénotype HLA-B38 et chez les noirs afro-américains. Ces derniers
auraient un risque d’agranulocytose mortelle multiplié par 2 (Lieberman 1998 [98]).
En 2007, un test pharmacogénétique a été proposé pour mesurer la probabilité de
développer une agranulocytose. Il existe deux niveaux pour indiquer le risque d’agranulocytose,
le plus élevé étant de 2.5 et le plus faible risque de 0.5 fois le niveau général. Ce test est basé sur
un couple de polymorphismes nucléotidiques (SNPs) du gène HLA-DQB1 (Gareri et al. 2008
[57]).
101
Tableau 2 : Risque d’agranulocytose, EMEA 2002 [164].
Période de
Incidence de l'agranulocytose
traitement
pour 100000 personnes-semaines d'observation
0-18 semaines
32
19-52
semaines
2,3
53 semaines
et plus
.
1,8
102
7.2.Risque comitial.
Le risque comitial sous neuroleptiques est bien connu depuis l’introduction des
phénothiazines. Ce risque est le plus élevé sous clozapine parmi les neuroleptiques. Il est évalué
à 3% en moyenne et on peut noter des altérations EEG chez 60% des patients sous clozapine.
Ce risque est dose-dépendant et ne devient notable (de 4.4 à 8.8% des patients) que pour
des posologies élevées, de 600mg ou plus, ou lors d’une progression posologique trop rapide, de
plus de 100mg/j (Gareri et al. 2008 [57] et Llorca et al. 2004 [104]). A des posologies inférieures
à 300mg/j, les patients sous clozapine ont le même risque de crise d’épilepsie que s’ils recevaient
un neuroleptique conventionnel, soit 1 à 2% (Haramburu et al. 2004 [63]). Le seuil de 450 mg/j
est mentionné par le Vidal, le risque comitial étant considéré plus fréquent au delà de cette
posologie (dictionnaire le Vidal, 2004, [177]).
Comme nous l’avons évoqué, il existe des variations interindividuelles et chez un même
patient entre les posologies administrées et les concentrations de clozapine. Ceci a amené les
auteurs à évaluer ce risque non pas en fonction de la posologie, mais en fonction des
concentrations plasmatiques. Les autres facteurs sont essentiellement l’augmentation trop rapide
en début de traitement, l’association d’autres agents épileptogènes à la clozapine et la présence
d’antécédents neurologiques chez le patient (Haramburu et al. 2004 [63]).
Ainsi, un certain nombre de recommandations ont été proposées afin de prévenir ce
risque (Miller 2000 [129], Gareri et al. 2008 [57]) :
 d’une façon générale, informer les patients afin d’éviter certaines activités (natation,
conduite), notamment en début de traitement.
 Prescrire la clozapine de façon prudente, avec un contrôle EEG si besoin, en cas
d’antécédents d’épilepsie ou de traumatisme crânien, voire introduction d’un traitement
anticonvulsivant.
 Augmenter les posologies de façon progressive en début de traitement.
 Eviter les associations avec d’autres agents épileptogènes, qui ne sont pas contre-indiqués
pour autant.
 Réaliser un EEG avant de poursuivre la progression posologique au-delà de 600mg/j.
 Pour certains, contrôler le dosage plasmatique de la clozapine.
103
 En cas de crise, réduire la posologie par deux, associer un traitement anticonvulsivant
notamment le valproate de sodium qui est la molécule de choix dans cette situation et
prévoir une consultation neurologique pour une recherche étiologique. Si les crises
persistent après cette réduction, la posologie peut encore être diminuée par deux ou le
traitement arrêté. Si les symptômes psychotiques s’aggravent après une diminution
posologique, la dose peut être augmentée très progressivement sous contrôle EEG.
Si un chevauchement doit être envisagé au moment du switch chez un patient
particulièrement difficile (ex : risque d’agitation importante), il conviendra alors, pour minimiser
le risque épileptogène, d’arrêter l’association une fois que la posologie de la clozapine atteint
300mg/jour.
104
7.3.Risque cardio-vasculaire et mort subite (Haramburu et al. 2004 [63]).
L’augmentation de la mortalité cardio-vasculaire chez le schizophrène est connue. La
responsabilité au moins partielle des neuroleptiques chez des patients présentant par ailleurs des
facteurs de risque, tabagisme et sédentarité est probable (Glassman et al. 2001 [58], Gury et al.
2000 [62]).
Le mécanisme le plus souvent invoqué est un trouble du rythme ventriculaire par
allongement de l’espace QT. Si tous les antipsychotiques traditionnels, et même les nouveaux
antipsychotiques, sont susceptibles d’induire un allongement de l’espace QT, la clozapine est
considérée comme l’un de ceux pour lequel ce risque est le plus faible (Glassman et al. 2001
[58], Gury et al. 2000 [62]).
Une mortalité cardio-vasculaire plus élevée sous clozapine que sous les autres
neuroleptiques a cependant été évoquée. Le risque cardiaque fait partie des mentions légales
d’AMM du dictionnaire Vidal.
Ainsi une étude épidémiologique (Walker et al. 1997 [180]) portant sur 67000 patients a
suggéré que si la mortalité globale des patients ayant été traités par la clozapine semblait
moindre pendant la période où ils étaient sous traitement par rapport à la période où ils ne
l’étaient pas, essentiellement en raison d’une diminution des suicides, la mortalité cardiovasculaire était plus élevée en période traitée. L’existence de complications thromboemboliques
sous clozapine est l’hypothèse la plus souvent avancée. Cependant plusieurs études, si elles
montrent bien une incidence plus grande de complications thromboemboliques sous
neuroleptiques, ne trouvent pas de différence significative au détriment de la clozapine.
Une incidence plus élevée de myocardites et de cardiomyopathies durant les premières
semaines de traitement, est suggérée par une analyse des cas de mort subite et de
cardiomyopathies rapportées au département de pharmacovigilance des autorités australiennes
(Killian et al. 1999 [83]). Ces données demandent confirmation car elles sont en contradiction
avec celles de l’étude épidémiologique demandée par la FDA aux Etats-Unis et de l’étude de
Sernyak et al. (2002, [152]) portant sur plus de 4000 patients qui mettent en évidence une
mortalité globale moindre dans le groupe clozapine que dans le groupe contrôle. Elles ont
cependant conduit à souligner, dans les précautions d’emploi de la clozapine, la nécessité devant
une tachycardie persistante et de signes d’insuffisance cardiaque de rechercher une
cardiomyopathie (Llorca et al. 2004 [104]).
105
Selon les données de L’EMEA [164], la clozapine est associée à un risque accru de
myocardite, qui dans de rares cas, s’est avérée fatale. Ce risque accru est le plus marqué lors des
deux premiers mois de traitements. Ainsi une myocardite ou une cardiomyopathie doivent être
suspectée chez des patients ayant une tachycardie persistante au repos, surtout lors des deux
premiers mois de traitement, et/ou la présence de palpitations, arythmie, douleur thoracique ou
d’autres signes évocateurs de crise cardiaque (fatigue inexpliquée, dyspnée, tachypnée). En cas
de suspicion de myocardite ou cardiomyopathie, la clozapine doit être arrêtée temporairement, et
un avis cardiologique doit être demandé. La cardiomyopathie, péricardite ou épanchement
péricardique sont d’autres causes de mort subite potentielles (Gareri et al. 2008 [57]).
Un électrocardiogramme régulièrement réalisé, tous les 6 mois, est aussi recommandé
pour rechercher une myocardite, en particulier chez les sujets jeunes, ayant une pathologie
cardio-vasculaire associée, comme les troubles ischémiques ou valvulaires cardiaques ou
l’hypertension qui sont souvent présents.
En ce qui concerne l’hypotension orthostatique, elle survient généralement plus dans le
début du traitement, surtout dans le cas de co-prescription de benzodiazépines, antihistaminiques
ou narcotiques. La surveillance de la pression artérielle dans les premières semaines de
traitement est indispensable, qui plus est lorsqu’il s’agit de patients souffrant de la maladie de
Parkinson.
106
7.4.Troubles métaboliques et endocriniens.
7.4.1. Prise de poids.
Comme un certain nombre d’antipsychotiques, la clozapine est associée à une prise de
poids. En effet une étude a montré que l’olanzapine et la clozapine avaient l’incidence la plus
élevée après 10 semaines de traitement (Allison et al. 1999 [3]).
Il y a peu de données provenant d’études contrôlées. Azorin et al. (2001, [9]) dans une
étude contrôlée, estiment la prise de poids de 2,4 kgs sous clozapine alors qu’elle est estimée à
0,2 sous rispéridone après 3 mois de traitement. L’étude Intersept a montré que sur 1000 patients
suivis sur 2 ans, 32% des patients sous clozapine et 56% de ceux sous olanzapine ont présenté
une prise de poids (Meltzer et al. 2003 [122]).
Cette prise de poids est probablement multifactorielle, incluant les facteurs diététiques,
les modifications des habitudes tabagiques, la sédentarité et l’effet pharmacologique propre des
neuroleptiques.
7.4.2. Troubles endocriniens et métaboliques.
La prise pondérale, facteur de risque de développent d’une hyperglycémie et d’un diabète
de type II, est une conséquence bien connue de l’utilisation des psychotropes (Allison et al. 1999
[3], Llorca et al. 2004 [104]). Des études ont par ailleurs démontré que le diabète est plus
fréquemment retrouvé dans la population schizophrène par rapport à la population générale
(Gareri et al. 2008 [57], Leslie et al. 2004 [93]).
Concernant le diabète, les données sont plus contradictoires, mais les résultats tendent à
se prononcer en faveur d’un risque plus élevé pour l’olanzapine et la clozapine (Llorca et al.
2004 [104]).
En ce qui concerne le diabète et la dyslipidémie, une étude n’a pas montré de différence
significative entre la clozapine et les autres neuroleptiques usuels, concernant le risque de
diabète ou de dyslipidémie sauf pour le groupe de patients jeunes (20-34 ans). Cette étude était
réalisée sur un échantillon de 2461 patients, comparés à 552 traités par clozapine (Lund et al.
2001 [105]).
107
Une étude épidémiologique de type cas-témoin comparant 7227 patients présentant un
diabète récemment traité et 6780 cas contrôles, n’a trouvé aucune corrélation entre l’utilisation
de la clozapine, quelles que soient la posologie et la durée du traitement, et la survenue d’un
diabète, alors que cette relation a pu être retrouvée pour les phénothiazines (Wang et al. 2004
[181]).
Dans l’étude Intersept, 2,3% des patients ont présenté un diabète, quel que soit leur
groupe de traitement, ce qui ne représente pas une incidence plus élevée que celle rapportée pour
les neuroleptiques traditionnels (Meltzer et al. 2003 [122]).
Plusieurs études ont rapporté que la clozapine provoquerait une augmentation des
concentrations plasmatiques de glucose chez patient avec ou sans histoire de diabète (Gareri et
al. 2008 [57], Leslie et al. 2004 [93]).
La clozapine est donc pourvoyeuse d’effets secondaires métaboliques, avec un risque
toutefois moins élevé que l’olanzapine. En termes de mortalité due au syndrome métabolique, il
semble nécessaire de la comparer à la mortalité globale sous clozapine.
Au final, le risque de survenue d’effets indésirables métaboliques sous clozapine doit
faire l’objet d’une surveillance, voire d’un traitement adapté avec règles hygiéno-diététiques et
contrôle biologique en cas de prise de poids constatée (Llorca et al. 2004, [124]). Compte tenu
du risque de prise de poids de la clozapine, il convient d’informer les patients et de mettre en
place une surveillance régulière du poids chez les patients à qui ce type de traitement est
proposé. La pratique d’exercice physique régulier avec des règles diététiques doivent ainsi être
systématiquement proposées aux patients. De même, face à une prise de poids, un contrôle
glycémique doit être réalisé afin d’éliminer un éventuel diabète.
Enfin la clozapine n’a pas d’effet sur la prolactine, et a en conséquence une meilleure
tolérance à ce niveau comparé aux autres antipsychotiques (Gareri et al. 2008 [57], Llorca et al.
2004 [124]). Il ne fait pas partie des effets secondaires mentionnés dans le Vidal.
108
7.5.Clozapine et grossesse.
La clozapine n’est pas considérée comme tératogène, au vue des travaux réalisés à ce
sujet (Canadian Psychiatric Association 2005 [31] et Levoyer et al. 2002 [95]).
Il existe peu de données concernant l’usage de la clozapine au cours de la grossesse. Le
Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) ne contre- indique pas de façon absolue
l’usage de la clozapine au cours d’une grossesse, si cette dernière est indispensable. Le
traitement peut alors être instauré à posologie efficace quel que soit le terme de la grossesse.
La surveillance clinique et biologique reste la même qu’en dehors de la grossesse pour
toute prescription de clozapine. La découverte d’une grossesse au cours d’un traitement par
clozapine ne doit pas faire arrêter le traitement (CRAT [35]).
Concernant le risque malformatif, le peu d’études publiées chez les femmes exposées
n’ont pas mis en exergue d’élément inquiétant, et la clozapine ne s’est pas montrée tératogène
chez l’animal (CRAT [35]).
Le passage placentaire de clozapine est important, la concentration fœtale atteignant le
double de la concentration plasmatique maternelle. L’administration de la clozapine jusqu’à
l’accouchement est susceptible d’entraîner, chez le nouveau-né, une leucopénie, un
ralentissement du transit et une sédation transitoires. La possibilité de survenue de ces effets
néonatals est à contrebalancer avec le bénéfice de la poursuite d’un traitement par clozapine pour
la mère, qu’il s’agisse d’une diminution ou un arrêt de traitement (CRAT [35]).
109
7.6.Autres effets indésirables.
Des études récentes ont comparé les effets secondaires neurologiques et endocriniens, et
il apparait que la bouche sèche, l’insomnie sont plus fréquentes sous rispéridone ou olanzapine
que sous clozapine. En revanche, les effets secondaires comme la sédation, sialorrhée,
constipation, étourdissements, convulsions, troubles de l’accommodation et nausées sont plus
fréquemment rapportés sous clozapine (Azorin et al. 2001 [9], Gareri et al. 2008 [57]).
L’hypersalivation surviendrait chez 12 à 40% des patients (Gareri et al. 2008 [57]).
Le risque de constipation sous clozapine ne doit pas être négligé et doit faire l’objet d’une
surveillance clinique afin d’éviter le syndrome occlusif.
La présence d’effets anticholinergiques, notamment la constipation, a été rapportée dès le
début de l’utilisation de la clozapine. Des cas d’iléus paralytique ont été signalés, justifiant une
surveillance régulière du transit et un traitement symptomatique à chaque fois que cela s’avère
nécessaire (Lancon et al. 2001 [90]).
La clozapine est actuellement l’antipsychotique atypique ayant l’action sédative la plus
importante. Elle n’est cependant pas supérieure à celui de la chlorpromazine ou de l’halopéridol.
La sédation induite par la clozapine est cependant le plus souvent transitoire et secondaire à une
augmentation trop rapide des posologies (Lancon et al. 2001 [90]).
110
Tableau 3 : Effets secondaires de la clozapine, EMEA, 2002 [164].
Hématologiques
commun
non commun
très rare
Métabolique
commun
rare
très rare
Psychiatriques
rare
SNC
très commun
commun
rare
très rare
Cardiaques
très commun
commun
rare
très rare
Vasculaires
commun
rare
respiratoire
rare
très rare
digestif
très commun
commun
rare
très rare
Hépatobiliaire
commun
rare
très rare
cutanés
très rare
urinaire
commun
leucopénie/neutropénie/éosinophilie/leucocytose
agranulocytose
thrombocytopénie
prise de poids
intolérance au glucose, diabète
acidocétose, coma hyperosmolaire,
sévère, hypertriglyceridémie
hyperglycémie
agitation
sédation
trouble visuel, céphalées, rigidité, tremblements,
akathisie, symptômes extrapyramidaux, convulsions
confusion, délire
dyskinésie tardive
tachycardie
changements à l'ECG
arythmies, myocardite, péricardite, collapsus
cardiomyopathie, arrêt cardiaque
HTA, hypotension orthostatique, syncope
thromboembolie
inhalation
détresse respiratoire, arrêt respiratoire
constipation, hypersalivation
nausées, vomissements, anorexie, bouche sèche
dysphagie
hypertrophie parotidienne, occlusion intestinale, iléus
paralytique, fécalome
élévation des enzymes hépatiques
hépatite nécrosante fulminante
réactions cutanées
incontinence urinaire, rétention urinaire
111
très rare
sexuel
très rare
Général
néphropathie interstitielle
priapisme
fatigue, fièvre, hyperthermie bénigne, trouble de la
commun
régulation thermique
non commun
syndrome malin des neuroleptiques
très rare
mort brutal inexpliquée
Très commun : ≥1/10 ; commun : ≥1/100, <1/10 ; non commun : ≤1/1000, <1/100 ; rare :
≥1/10000, <1/1000 ; très rare :<1/10000.
Nous venons de voir à travers la revue de la littérature que la clozapine a fait l’objet de
nombreuses publications, pour son efficacité dans la schizophrénie résistante.
Nous avons également vu que la clozapine est également bien documentée dans le
suicide, les comportements agressifs chez les patients schizophrènes, faisant ainsi évoluer les
algorithmes thérapeutiques. Les effets indésirables induits par la clozapine, sont eux aussi bien
répertoriés, peut-être même plus que les autres antipsychotiques, en raison de la vigilance induite
par les cas de mortels d’agranulocytose.
Le recul depuis sa ré-autorisation a d’ailleurs montré qu’une fois bien connu, ce risque
hématologique a fait l’objet d’un cadre légal de surveillance, diminuant ainsi la survenue d’effets
secondaires irréversibles.
Nous allons donc maintenant décrire l’étude que nous avons réalisée, afin d’évaluer si les
perceptions ont évolué autant que les données récentes de la littérature à propos de la clozapine
au cours de ces dernières années.
112
PARTIE 3-ETUDE CLINIQUE
1. OBJECTIFS.
Après avoir réalisé une revue complète de la littérature retraçant les perspectives
cliniques de la clozapine, nous allons nous intéresser à un aspect plus pratique, à savoir la
clozapine telle qu’elle est perçue et prescrite au quotidien par les psychiatres.
La clozapine reste selon les recommandations le traitement de choix de la schizophrénie
résistante, mais bien souvent on constate que l’introduction de ce traitement est retardée selon les
algorithmes de traitement (The Texas Medical Algorithm Project 2007 [165]).
Dans la pratique quotidienne, il s’avère que la clozapine n’est pas autant prescrite qu’elle
le devrait [165]. Une étude réalisée en France a retrouvé de nouvelles pratiques concernant
l’usage de la clozapine, par exemple en association avec d’autres psychotropes notamment
d’autres antipsychotiques, et cela au risque de multiplier les effets secondaires indésirables
hématologiques, cardiaques et neurologiques, et alors même que les experts sont réservés quant à
la pertinence de telles pratiques (Mercier et al. 2009 [125]). La clozapine n’est d’ailleurs pas un
traitement de première intention en raison du risque d’agranulocytose qu’elle comporte
(American Psychiatric Association 2004 [5]).
La prescription de clozapine est réservée aux psychiatres et aux neurologues ou gériatres,
et fait l’objet d’un cadre légal de prescription et de surveillance (notifiés dans un carnet réservé à
cet usage) (Cf. partie 2). Les effets secondaires et les risques que comporte la clozapine
demandent aux psychiatres une connaissance spécifique sur cette molécule.
Notre étude a porté sur des psychiatres, qu’ils soient internes ou seniors déjà thésés. Ce
choix nous a semblé intéressant afin d’évaluer si les connaissances sur la clozapine avaient
changé, et étaient différentes entre psychiatres en formation ou psychiatres seniors mais
également pour la crainte des effets secondaires qu’elle comporte, notamment l’agranulocytose.
Après avoir recherché sur PubMed, il apparaît qu’aucune étude évaluant la perception des
psychiatres sur la clozapine n’a été réalisée en France. Le but de cette étude était donc d’évaluer
les opinions des psychiatres sur la clozapine dans la théorie, ainsi que leurs habitudes de
prescription, permettant peut être d’émettre des hypothèses quant à la sous prescription de la
clozapine en France.
113
2. POPULATION ET METHODE
2.1. Population.
Il a été proposé aux psychiatres de deux services de psychiatrie hospitalière d’Ile de
France de remplir un questionnaire concernant leur pratique de prescription de la clozapine chez
leur patient ayant été ou étant traité par clozapine ainsi que leur perception de la clozapine. Le
questionnaire a été envoyé par mail ou par courrier postal. Les psychiatres ayant répondu au
questionnaire étaient répartis de la manière suivante :
 Chefs de clinique assistants, Praticiens hospitaliers, attachés ou PUPH du GH Henri
Mondor- Albert Chenevier de Créteil.
 Assistants, Praticiens hospitaliers et attachés du service 94G16 de l’hôpital psychiatrique
d’Esquirol à Saint Maurice.
 Internes de France.
L’enquête a duré de novembre 2010 à septembre 2011.
Les données ont été relevées soit par courrier postal soit par courrier électronique, et ont
été saisies sur un tableur Excel.
2.2. Outil d’évaluation.
L’outil d’évaluation était un auto-questionnaire (Annexe 1). Il a été réalisé en trois parties. La
première partie concernait la prescription personnelle de clozapine des psychiatres et comportait
douze questions.
Cinq questions concernaient la prescription de la clozapine en théorie, notamment les
recommandations internationales sur son indication ainsi que les effets secondaires de cette
dernière, constituant la deuxième partie du questionnaire.
Enfin la dernière partie, comportant huit questions, traitait de la prescription particulière à
chaque psychiatre telle qu’ils la réalisent au quotidien, auprès de leurs patients.
114
2.3. Analyses statistiques.
Selon les questions, les résultats sont donnés en pourcentage de réponses. Concernant les
réponses pouvant amener des réponses multiples les chiffres sont donnés en pourcentage par
rapport au nombre total de réponses données et non pas sur le nombre total de personnes ayant
répondu au questionnaire.
Par ailleurs, lorsqu’il s’agissait de résultats de mesures chiffrées (échelles de satisfaction
ou encore posologies), un calcul de moyenne a été réalisé.
Dans la description des résultats, nous mentionnons les résultats des internes, des seniors,
et psychiatres (sans préciser le statut) lorsqu’il s’agissait des deux populations réunies.
115
3. RESULTATS.
3.1.Pratique de prescription de la clozapine.
L’étude a porté sur 39 psychiatres seniors (soit 21,3% des répondants) et 144 internes en
psychiatrie. Parmi les psychiatres séniors, 31 sont praticiens hospitaliers, 2 PuPH, 6 assistants, 1
attaché et 9 chefs de cliniques assistants, dont 5 provenant du GH H.Mondor-A.Chenevier. La
grande majorité des psychiatres interrogés ont une pratique plutôt intra-hospitalière de secteur.
3.1.1. Caractéristiques des répondeurs.
Il a été demandé aux sujets de renseigner le nombre de sujets suivis sous clozapine, la
date de leur dernière prescription de clozapine, leur expérience en psychiatrie, ainsi que leur
orientation psychiatrique théorique préférentielle.
Nombre de patients suivis traités par clozapine au cours des trois derniers mois :
Parmi les internes, 41% (n=59) n’ont suivi aucun patient traité par clozapine au cours des
trois derniers mois, contre 20.5% des seniors (n=8).
La majorité des internes et des seniors ont suivi entre 1 et 10 patients au cours des trois
derniers mois (53.4% pour les internes, n=77 et 66.6% des seniors n=26).
4 internes (2.8%) ont suivi entre 11 et 20 patients au cours des trois derniers mois contre
10.2% des seniors (n=4), ainsi que 4 internes ont suivi plus de vingt patients au cours des trois
derniers mois. Aucun senior n’a suivi plus de 20 patients au cours des trois derniers mois (Cf.
figure 8).
116
Figure 8 : Nombre de patients traités par clozapine au cours des trois derniers mois
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
internes
seniors
total
aucun patient entre 1 et 10 entre 11 et 20
patients
patients
plus de 20
patients
Date de la dernière prescription de clozapine :
La dernière prescription de clozapine remonte au dernier mois pour 37,5% des internes (n=54) et
66,7% des seniors (n=26).
Nombre d’années d’expérience en psychiatrie et orientation psychiatrique:
Les sujets ayant répondu au questionnaire ont en moyenne 3 ans d’expérience en psychiatrie
pour les internes, et 9 ans pour les seniors.
L’orientation psychiatrique préférentielle des psychiatres est neurobiologique (55,7%, n=102) et
29,5% (n=64) sont d’orientation psychanalytique.
117
3.1.2. Prescription personnelle de clozapine.
Efficacité de la clozapine (« Sur une échelle de 0 à 10, où situez-vous l’efficacité de la
clozapine ? (0=inefficacité ; 10= efficacité totale)»).
La moyenne des réponses des psychiatres est comparable selon leur statut, avec une
moyenne de 7.6 sur 10 pour les internes et 7.7 sur 10 pour les seniors (Cf. figure 9).
Aucun psychiatre n’a estimé l’efficacité de la clozapine entre 0 et 2 sur 10. Un seul
psychiatre a évalué son efficacité à 3 sur 10, et un à 4 sur 10.
88,2% des internes chiffrent l’efficacité de la clozapine entre 7 et 10 sur 10 (n=127). Ils
sont 10,4% (n=15) à évaluer l’efficacité de la clozapine entre 0 et 6 sur 10, contre 3 seniors sur
39 à estimer l’efficacité entre 0 et 6 sur 10, soit 7.7% d’entre eux.
Figure 9: Efficacité de la clozapine d’après les psychiatres
118
Sûreté de la clozapine (« Sur une échelle de 0 à 10, où situez-vous la sûreté de la clozapine ?
(0= pas sûre du tout ; 10= totalement sûre) »).
La moyenne des réponses est à 5,6 sur 10 pour les internes, 6,1 sur 10 pour les seniors. Les
réponses des internes sont comprises entre 2 et 9 sur 10.
72,2% des internes ont donc répondu que la sûreté de la clozapine se situait entre 5 et 7 sur 10
(n=104).78.1% des psychiatres ont des réponses comprises entre 3 et 7 sur 10 (n= 143).Enfin
30,8 % des seniors (n=12) estiment la sûreté de la clozapine à 8 sur 10 ou plus, contre 13.9% des
internes (n=20). Plus de la moitié des seniors ont estimé la sûreté de la clozapine à 7 et 8 sur 10
(51,3%, n=20) (Cf. figure 10).
%
Figure 10: Sûreté de la clozapine selon les psychiatres
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
internes
seniors
total
0
1
2
3
4
5
6
7
sûreté de la clozapine
8
9
10
119
Principaux diagnostics ayant amené les psychiatres à prescrire la clozapine
Il a été demandé aux psychiatres de préciser les diagnostics principaux les ayant amenés à
prescrire la clozapine (Cf. tableau 4).
La schizophrénie est l’indication de loin la plus retrouvée avec 97.8% des réponses des
psychiatres (n=149). Concernant la dépression ils sont seulement 1,6% des psychiatres à l’avoir
indiquée (n=3 internes). Le trouble bipolaire est une indication dans 11,8% des réponses des
internes (n=17) et 28.2% des seniors (n=11).Sur l’ensemble des psychiatres 16 ont indiqué
d’autres indications pour lesquelles ils prescrivaient la clozapine. La maladie de Parkinson est
citée par 4 sujets, le délire non schizophrénique par 2 sujets, une personne a cité le retard mental,
deux autres le syndrome d’Asperger. Deux personnes mentionnent les troubles du
comportement, les angoisses (dans les états limites ou les troubles anxieux sévères) sont cités 3
fois. Enfin les comportements d’automutilations sont cités deux fois.
Tableau 4 : Diagnostics ayant conduit à la prescription de clozapine
Indications
Schizophrénie
Nombre de psychiatres
149
Dépression
3
Trouble
bipolaire
28
Autre, dont :
16
Parkinson
4
Retard Mental
1
Asperger
2
Troubles du
comportement
2
Automutilations
2
Délire non
schizophrénique
2
Angoisses
3
120
Posologie moyenne utilisée par les psychiatres (mg/j) (« Quelle est la posologie moyenne de
clozapine que vous utilisez par jour chez vos patients ? »)
La posologie de clozapine la plus fréquemment prescrite en traitement d’entretien est de
400 mg/j aussi bien pour les seniors que pour les internes. La posologie moyenne se situe à
environ 364mg/j pour les internes, et est un peu plus élevée pour les seniors (429mg/j).
41,7% des internes prescrivent la clozapine entre 0 et 300 mg/j (n=60), comme 23% des
seniors (n=9). Seuls 20,8% des psychiatres (n=38) prescrivent la clozapine en moyenne à 500
mg/j et au-delà (Cf. figure 11).
L’autre limite nette de prescription de la clozapine est de 600 mg/j, puisqu’ils ne sont
plus que 1.1% des psychiatres à prescrire au-delà.
%
Figure 11: Posologie moyenne prescrite par les psychiatres
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
internes
seniors
total
<100 100
200
300
400
500
600
700
800 > 900 non
rens
posologie moyenne de clozapine (mg/j)
121
Motif principal pour lequel les psychiatres ont arrêté la clozapine chez leurs
patients (« Quel est le principal motif pour lequel vous avez arrêté la clozapine chez vos
patients? »)
A cette question plusieurs choix étaient proposés, « inefficacité, intolérance, inobservance
ou autre ». Si la réponse cochée était « autre », le psychiatre avait la possibilité de préciser.
47.9% des internes (n=15) ont arrêté la clozapine chez leurs patients principalement pour
intolérance (n=69), 20.8% pour inobservance (n=30), 10.4% inefficacité, et 12.5% pour d’autres
raisons (n=18). Il y a 2 internes (soit 1.4 %) qui n’ont jamais arrêté la clozapine chez leurs
patients (Cf. tableau 5).
Tableau 5 : Motifs d’arrêt de la clozapine
Motif d'arrêt internes (%) seniors (%) tous (%)
Inefficacité
10,4
5,1
8,2
Intolérance
47,9
59
49,7
Inobservance
Autre
20,8
2,6
28,2
2,6
21,8
10,4
Préférence de prescription de clozapine (« Prescrivez vous de préférence la clozapine seule
ou en association médicamenteuse ?(en dehors de la phase aigüe) »)
Les internes ont répondu qu’ils prescrivaient la clozapine majoritairement seule à 81.9%
(n=118) et 14.6% d’entre eux ont associé des traitements à la clozapine (n=21), contre 7,7% des
seniors qui préfèrent associer des traitements à la clozapine (n=3).
122
Satisfaction globale des patients concernant la clozapine (« Sur une échelle de 0 à 10 où
situez-vous globalement la satisfaction des patients concernant leur traitement par clozapine ?
(0=insatisfaction totale ; 10=satisfaction totale) »)
Il était demandé aux personnes interrogées d’estimer la satisfaction des patients sur la
clozapine, sur une échelle allant de 0 à 10 (Cf. figure 11).
Les internes l’ont mesurée en moyenne à 6.32 sur 10, contre 6.71 sur 10 pour les seniors.
Plus de la moitié des psychiatres (internes et seniors) estiment entre 6 et 7 sur 10 la
satisfaction globale des patients (55,2% des réponses, n=101), et 88,5% (n=162) l’évaluent entre
5 et 10.
6,3% des internes (n=9) évaluent la satisfaction de leurs patients de 2 à 4 sur 10 et 7,7%
des seniors (n=3).
%
Figure 11: Evaluation de la satisfaction des patients traités par clozapine
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
internes
seniors
total
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 non
rens
Satisfaction des patients sous clozapine
123
Trois problèmes les plus fréquemment rencontrés lors de la prescription de clozapine
Les psychiatres devaient mentionner les trois problèmes les plus fréquemment rencontrés
lors de leur prescription de clozapine. Il est à noter que tous les psychiatres n’ont pas énuméré
trois problèmes à chaque fois, certains n’en mentionnant qu’un ou deux.
Les trois problèmes majeurs cités sont ceux de l’intolérance, mentionnée pour 48,3% des
réponses, la contrainte de la numération formule sanguine pour 45,4% des réponses des
psychiatres et l’observance pour environ 29%. Parmi les effets secondaires les plus cités, 34%
(n=63) des réponses citées sont un problème d’ordre métabolique au cours de la prescription de
clozapine. Pour 29.5% des réponses des psychiatres (n=54) l’intolérance hématologique
(leucopénie ou agranulocytose) est problématique. Les problèmes mentionnés sont une sédation
importante (24.6% ; n=45), une hypersalivation (18.6% ; n=34), intolérance cardiaque
(tachycardie, cardiomyopathie, etc., 7.6% ; n=14), et enfin des troubles digestifs (constipation
jusqu’au syndrome occlusif, 5.5% ; n=10) (cf. tableau 6).
Les autres problèmes cités sont l’absence de forme retard, retrouvée chez 8.3% des
internes (n=12); la prise journalière (3,3%, n=6), l’adaptation des doses de clozapine (8,7%,
n=15), la crainte du traitement (4,4%, n=8), le carnet de surveillance (1,6%, n=3).
124
Tableau 6 : Principaux problèmes rencontrés lors de la prescription de clozapine
Problèmes lors du
traitement
Internes (%)
Seniors (%) Total (%)
Surveillance NFS
45,8
43,6
45,4
Hématologique
29,2
30,8
29,5
Métabolique
34
35,9
34,4
Observance
29,9
28,2
29,5
Sédation
23,6
28,2
24,6
Hypersalivation
18
20,5
18,6
Tolérance
16,7
10,3
15,3
Adaptation des doses
Contrainte (sans
précision)
9
5,1
8,7
10,4
0
8,2
Cardiaque
4,2
20,5
7,6
Efficacité
6,2
12,8
7,6
Absence de forme retard
8,3
0
6,6
Digestif
5,5
5,1
5,5
Crainte du traitement
5,6
0
4,4
Prises pluri journalières
2,8
5,1
3,3
Convulsion
2,1
5,2
2,7
Hypotension artérielle
2,8
0
2,2
Neurologique/sd malin
2,1
5,1
2,2
Carnet de surveillance
2,1
0
1,6
Urinaire
Sexuel
Non renseigné
1,4
0,7
39,6
0
2,6
41
1,1
1,1
39,9
125
3.2. Connaissances des psychiatres sur la clozapine.
Nombre de traitements avant la prescription de clozapine (« Selon les recommandations
après combien de traitements neuroleptiques la clozapine doit-elle être envisagée ? »)
Les psychiatres ont répondu majoritairement qu’il fallait essayer deux traitements avant
d’envisager l’introduction de la clozapine, à savoir 77% des internes (n=111) contre 74.3% des
seniors (n=29). 13,1% des psychiatres établissent le nombre de traitements antérieurs à 3 (n=24).
Aucun senior et seulement 5 internes pensent qu’il faut prescrire 4 neuroleptiques ou plus avant
d’envisager un traitement par clozapine. Trois psychiatres pensent qu’une seule séquence de
traitement par un antipsychotique est recommandée avant l’usage de la clozapine (Cf. figure 12).
%
Figure 12: Nombre de traitement précédant l’usage de clozapine
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
interne
senior
total
1
2
3
4
>4
126
Posologie maximale recommandée en théorie (« Quelle est la posologie maximale
recommandée ?(En mg/jour) »)
La moyenne de prescription maximale recommandée est de 686,3 mg/j. 27.8% des
psychiatres ont répondu entre 0 et 300 mg/jour (18,2% des internes, n=29 et 7.7% des seniors,
n=3), 37,2% (n=68) pensent qu’elle est comprise entre 300 et 600 mg/j, et 36% (n=66) pour des
posologies quotidiennes allant de 700 à 900 mg/j. 15,3% des internes (n=22) estiment la
posologie maximale recommandée supérieure à 1000 mg/j, contre seulement 2,6% des seniors
(n=1) (Cf. figure 13).
%
Figure 13: Posologie maximale de clozapine recommandée
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
internes
seniors
total
Posologie en mg/j
127
Estimation du risque d’agranulocytose sous clozapine (« Quel est le risque d’agranulocytose
sous clozapine ? (par an et par patient) »)
Cette question était à réponse unique.
Personne n’a répondu qu’il n’existait aucun risque d’agranulocytose sous clozapine. 40%
des psychiatres (n=73) estiment ce risque entre 0 et 1% par an et par patient, 40,9% l’estiment
entre 1 et 2% par an et par patient (n=75). Le pourcentage des psychiatres décroit ensuite avec
des chiffres de 12% (n=22), 3.3% (n=6) et 0,5% (n=1) pour les réponses 5 à 10% de risque,
risque de 10 à 30% et risque supérieur à 30% (Cf. figure 14).
Figure 14: Prévalence du risque d’agranulocytose sous clozapine
50
40
%
30
interne
20
senior
total
10
0
aucun 0à1%
1à2% 5à10% 10à30% plus de non
30%
rens
Risque d'agranulocytose (%/an/patient)
128
Période à risque d’agranulocytose sous clozapine (« A quelle période ce risque est-il le plus
élevé ? »)
Une seule réponse était attendue (Cf. figure 15).
53% des psychiatres (n=97) pensent que la période critique pour l’agranulocytose sous
clozapine est durant le premier mois de traitement, et 24% (n=44) pensent que ce risque est
permanent au cours d’un traitement par clozapine.
Il y a pour la réponse à cette question une divergence entre les seniors et les internes
puisque les internes sont 20% (n=29) à l’estimer permanent, contre 38.5% des seniors (n=15).
59% des internes (n=85) contre 30,8% des seniors (n=12) situent le risque le plus
important au cours du premier mois. Très peu de psychiatres, qu’ils soient seniors ou internes
estiment qu’entre le 3ème et le 6ème mois ce risque est le plus important.
16% des internes (n=23) et 10,2% des seniors (n=4) évaluent la période des 2ème et 3ème
mois comme étant la plus importante concernant le risque d’agranulocytose sous clozapine.
Figure 15: Période à risque d’agranulocytose sous clozapine
129
Les trois antipsychotiques les plus pourvoyeurs de prise de poids (« Citez parmi les
antipsychotiques, les 3 plus pourvoyeurs de prise de poids, en les classant par ordre
croissant ? »)
Les psychiatres ont répondu en premier lieu qu’il s’agissait de l’olanzapine. En effet,
l’olanzapine correspond à plus de 30% des réponses. En second viennent la rispéridone et la
clozapine quasiment au même niveau (21,4% pour la clozapine contre 21,6% pour la
rispéridone). Il n’y a pas de différence entre les réponses des seniors ou des internes. Les autres
neuroleptiques considérés comme les plus pourvoyeurs de poids sont ensuite dans l’ordre
l’amisulpride avec 9,8% des réponses des internes et 18,1% des réponses des seniors, puis
l’halopéridol avec 6% des réponses contre 3,6% des réponses, pour les internes et seniors
respectivement.
Les psychiatres s’accordent pour mettre l’aripiprazole en dernier, puisque seulement
1,1% des psychiatres ont choisi de répondre ce médicament comme étant un des trois les plus
pourvoyeurs de prise de poids.
130
3.3. La prescription de clozapine dans la pratique quotidienne des psychiatres.
Quand envisager un traitement par clozapine (« A partir de quand dans votre pratique
quotidienne, envisagez-vous un traitement par clozapine ? »)
A cette question, la plupart des psychiatres estiment que la clozapine doit être envisagée
en 3ème intention ou plus (après essai de deux antipsychotiques, représentant plus de 90% des
réponses (n=166). 6% des psychiatres (n=11) envisagent un traitement par clozapine en 2ème
intention (après essai d’un antipsychotique), et aucun ne l’envisage en 1ère intention. 3 internes
ont répondu qu’ils n’envisageaient jamais un traitement sous clozapine.
Prescription d’une antipsychotique typique avant l’introduction de la clozapine (« L’usage
d’un antipsychotique typique précède-t-il systématiquement votre prescription de clozapine? »)
Pour 52.3% des psychiatres (n=96) l’usage d’un antipsychotique typique précède
systématiquement l’usage de la clozapine, contre 47% qui n’ont pas cette pratique (n=86).
Association médicamenteuse avant l’introduction de la clozapine (« Utilisez-vous
systématiquement une association médicamenteuse de deux neuroleptiques avant l’usage de
clozapine ? »)
73.2% des psychiatres (n=134) n’essaient pas une association médicamenteuse avant la
mise sous clozapine chez leurs patients (Cf. figure 16).
Figure 16: Association médicamenteuse précédant l’usage de la clozapine
131
Posologie maximale prescrite par les psychiatres dans leur pratique quotidienne (« Quelle
posologie maximale de clozapine prescrivez-vous ?(en mg/j) »)
12% des réponses concernent des posologies allant de 0 à 300 mg/j (n=22). Deux groupes
se dégagent autour de prescriptions maximales à 600 et 900 mg/j (Cf. figure 17).
La posologie maximale ayant été prescrite est en moyenne de 641 mg/j pour les internes
et 667 mg/j pour les seniors. La réponse la plus fréquente pour cette question est de 600 mg/j,
avec 30% des réponses des psychiatres sondés (n=55).
Figure 17: Posologie maximale prescrite (mg/j)
60
50
%
40
intern
e
senio
r
30
20
10
0
Posologie maximale (mg/j)
132
Quand réaliser un dosage de la clozapine (« Quand réalisez-vous un dosage de clozapine ? »)
Plusieurs réponses étaient proposées, systématiquement, en cas d’intolérance, en cas
d’inefficacité, ou autre. Il s’agissait d’une question ouverte, rendant les réponses multiples
possibles. Pour la réponse « autre motif », les sujets avaient la possibilité de préciser lequel.
45% des internes (n=69) et 39% des seniors (n=18), c’est-à-dire 43.7% des psychiatres
interrogés ont répondu qu’ils réalisaient une clozapinémie systématiquement. En revanche,
37.2% des psychiatres (n=74) prescrivent une clozapinémie en cas de non réponse au traitement,
et dans un même registre, 6% des psychiatres (n=12) le font en cas de doute sur l’observance.
3% des psychiatres ne réalisent jamais de dosage plasmatique de la clozapine.
Les autres motifs énoncés par les psychiatres motivant une clozapinémie sont les cas
d’intoxication ou d’effets secondaires, ou afin d’adapter les posologies (Cf. figure 18).
Figure 18: Indications pour réaliser une clozapinémie
133
Patients non traités par clozapine malgré une bonne indication (« Parmi vos patients, y en at-il qui présentent des indications à la clozapine et qui ne seraient pas traités par clozapine ? Si
oui, pourquoi ? »)
Beaucoup de psychiatres n’ont pas mentionné les raisons pour lesquelles un patient
n’était pas traité par clozapine malgré une bonne indication. Les psychiatres avaient la possibilité
de préciser les motifs les ayant conduits à ne pas prescrire la clozapine, plusieurs réponses
différentes ont parfois été données par un même sujet (Cf. tableau 7).
48% des psychiatres (n=88) affirment qu’ils ont des patients dont la clinique serait une
bonne indication à la clozapine mais chez qui ils ne l’ont pas prescrit. Les motifs évoqués sont le
problème de l’observance (33,1%), la surveillance biologique (15,3%), le refus de la part des
patients ainsi que la persécution engendrée par la surveillance rapprochée consécutive à la
clozapine (16,1%). La réticence face au risque de neutropénie (5,7%), l’obésité (3,3%) sont
également des facteurs empêchant la prescription de clozapine. Les effets secondaires et
antécédents d’intolérance rencontrés sous ce traitement ont également été cités (11,3%). Enfin, le
problème de la mise en route du traitement, cité par 4% des psychiatres, et un antécédent de
neutropénie (4,8%) représentent un frein à la prescription de clozapine.
Tableau 7 : Motifs de non prescription de la clozapine
Pourcentage de
réponses des
psychiatres (%)
Raisons de non prescription de la
clozapine
Problèmes d’observance
33,1
Refus ou persécution (NFS)
16,1
Surveillance de la NFS
15,3
Effets secondaires et ATCD
d’intolérance
11,3
Réticence face à la neutropénie
5,7
Politique du service
4,8
Antécédent de neutropénie
4,8
Mise en route du traitement
4
Obésité
3,3
Pédopsychiatrie
0,8
Autre
0,8
134
Conduite à tenir en cas d’échec de traitement par clozapine
Délai de changement de traitement (« Une fois la posologie maximale de clozapine atteinte,
quel délai vous fixez-vous avant d’envisager une modification thérapeutique ? »)
4.2% des psychiatres interrogés attendent plus de 6 mois avant d’envisager un
changement de traitement. Si la majorité des psychiatres attendent entre 2 et 4 mois (48.6%,
n=89), 24.6% des psychiatres attendent entre 0 et 2 mois (n=45) et 16.4% attendent entre 4 et 6
mois (n=30) (Cf. figure 18).
Figure 18: Délai avant d’envisager un changement de traitement en cas d’échec de la clozapine
60
50
%
40
30
20
internes
10
seniors
total
0
0 à 2 mois
2 à 4 mois
4 à 6 mois
plus de 6
mois
Délai avant le changement de traitement
135
Conduite à tenir en cas de non réponse à la clozapine (« A propos de votre stratégie de
traitement en cas de non réponse à la clozapine (après avoir écarté l’hypothèse d’une
mauvaise observance quel traitement associez-vous ?
 Devant la persistance de symptômes positifs
Plusieurs propositions étaient données pour cette question, à savoir associer un
antipsychotique atypique, un antipsychotique typique, un antidépresseur, des ECTs, le
remplacement de la clozapine par un autre neuroleptique ou une autre stratégie avec la possibilité
de préciser laquelle. Plusieurs réponses étaient donc possible pour cette question (Cf. tableau 8).
75,2% des réponses des internes étaient d’associer un autre neuroleptique en cas de
persistance de symptômes positifs, dont 44,1% un antipsychotique atypique et 26,4% un
antipsychotique typique. 63,4% des réponses des seniors étaient d’associer un antipsychotique,
dont 36,7% un antipsychotique atypique. Très peu de psychiatres prescrivent un antidépresseur
en cas de persistance de symptômes positifs (cf. tableau8) ; plus de 20% des réponses des
psychiatres (20,2% d’internes et 25% de seniors) sont les ECTs. L’usage d’un thymorégulateur
est en marge avec moins de 5% ces réponses.
 Devant la persistance de symptômes négatifs
De la même manière qu’à la question précédente, cette question était ouverte, chaque
sujet pouvant répondre plusieurs items proposés (Cf. tableau 8).
Les psychiatres associent fréquemment un antipsychotique atypique quel que soit leur
statut (interne ou senior), bien plus qu’un antipsychotique typique (cf. tableau 8). Les ECTs
(12,1% des réponses des internes et 15,4% des réponses des seniors) et les antidépresseurs
(18,4% des réponses des internes et 11,5% des réponses des seniors) sont utilisés en cas d’échec
de la clozapine devant la prédominance de symptômes négatifs. Les autres traitements restent en
marge dans la pratique des psychiatres.
136
Tableau 8 : Stratégie thérapeutiques en cas d’échec de la clozapine
Devant la persistance de signes positifs
Antipsychotique atypique
Internes
44,1
Seniors
36,7
Antipsychotique typique
26,4
13,4
Antidépresseur
1
3,3
ECTs
20,2
25
Remplacement par un autre neuroleptique
4,7
13,3
thymorégulateur
1,5
6,6
TCC
0
1,7
traitement non médicamenteux autre que TCC
0,5
0
Diminution de posologie
0
0
Autre
1,6
0
Devant la persistance de signes négatifs
Internes
Seniors
Antipsychotique atypique
47,1
48,1
Antipsychotique typique
7,5
5,8
Antidépresseur
18,4
11,5
ECTs
12,1
15,4
Remplacement par un autre neuroleptique
4,6
7,7
Thymorégulateur
1,1
1,9
TCC
1,2
3,8
traitement non médicamenteux autre que TCC
1,1
1,9
Diminution de posologie
0,6
0
Autre
6,3
3,9
137
4.
DISCUSSION
4.1. Données générales.
La clozapine est considérée comme la molécule de référence dans le traitement de la
schizophrénie résistante. Si les études portant sur l’efficacité de la clozapine sont nombreuses, en
revanche les enquêtes observationnelles sur la prescription de clozapine sont plus limitées. Une
des premières études à ce sujet date de 1993 et a été réalisée par Péré et al. [141], puis
successivement l’étude médico-économique de Bret et al. en 1998 [24], l’étude rétrospective
d’utilisation de la clozapine en Île de France menée par Hiltgen et al. en 2006 [68], et enfin
l’enquête observationnelle au centre hospitalier Charles Perrens, menée par Mercier et al. en
2009 [125]. Il n’y a pas à notre connaissance eu d’études faites concernant les représentations
théoriques des psychiatres sur la clozapine en France. Une étude danoise a été réalisée dans le
but d’évaluer les connaissances des psychiatres sur la clozapine Nielsen et al. en 2010 [136].
Notre étude a porté sur les réponses de 183 questionnaires, 144 réponses étant des
internes de tout la France, et 39 étaient des seniors. Le nombre de réponses des seniors trop
faible n’a pas permis de mettre en évidence de différence significative selon le type de pratique
en psychiatrie (hospitalière spécialisé ou universitaire).
Dans notre étude, il apparaît que plus d’un tiers des psychiatres n’avaient pas de patients
sous clozapine au cours des trois mois précédents l’étude. Plus de la moitié des psychiatres
avaient entre 1 et 10 patients traités par clozapine au cours des trois derniers mois. Enfin, très
peu de psychiatres avaient plus de 20 patients traités par clozapine.
Les psychiatres n’ayant pas de patients sous clozapine au moment de l’étude sont
majoritairement des internes (41% des internes n’avaient aucun patient sous clozapine). Au
regard de la date de la dernière prescription de clozapine, beaucoup (37,5% des internes et 66,7%
des seniors) de psychiatres ont prescrit la clozapine au cours du mois ayant précédé l’étude.
138
4.5. Indications.
D’après nos résultats, la principale indication de prescription de la clozapine suit les
recommandations puisque plus de 90% des psychiatres ayant répondu à l’étude la prescrivent
dans la schizophrénie. Ce chiffre est inférieur à celui retrouvé par l’étude danoise qui rapporte
99% des prescriptions pour la schizophrénie résistante (Nielsen et al. 2010 [136]). Il apparaît que
les psychiatres ne prescrivent que peu la clozapine dans d’autres indications que la
schizophrénie. En effet, ils sont beaucoup moins nombreux à la prescrire dans d’autres
indications, exception faite du trouble bipolaire qui a été assez souvent cité. Si le recours à la
clozapine dans le traitement des troubles de l’humeur est hors AMM, elle reste néanmoins
étudiée et intéressante dans certains cas. Rappelons que les antipsychotiques autres que la
rispéridone, la quétiapine, l’olanzapine et l’aripiprazole n’ont pas l’AMM dans le traitement des
troubles de l’humeur (Green et al. 2000 [60], Frye et al. 1998 [56]).
Les comportements auto ou hétéro agressifs sont des motifs cités par quatre psychiatres.
La maladie de Parkinson est une indication marginale dans notre étude, citée seulement par
quatre psychiatres, alors que l’AMM mentionne explicitement cette dernière indication [177].
Quant à la suicidalité, il ne s’agit pas d’une indication citée dans notre étude alors qu’elle
apparaît comme en étant une pour 3% des psychiatres dans l’étude danoise. Peut-être que les
psychiatres prescrivent la clozapine chez des patients schizophrènes suicidants mais la
formulation de la question ne permettait pas d’obtenir cette réponse.
Si le trouble bipolaire est cité beaucoup plus fréquemment que la maladie de Parkinson,
on peut émettre l’hypothèse que c’est parce que les psychiatres sont vraisemblablement plus
exposés aux patients bipolaires dans leur pratique comparés aux troubles psychotiques dans la
maladie de Parkinson.
Nos résultats rapportent que les psychiatres positionnent la clozapine en traitement de
3ème intention, et ils la prescrivent d’ailleurs après l’essai de deux antipsychotiques. Même si
quelques exceptions existent, très peu de psychiatres prescrivent la clozapine en 1ère ou 2ème
intention. Ces résultats sont concordants avec les données de la littérature, même si actuellement
on préconise parfois la clozapine plus précocement, en cas de suicide ou de comportements
agressifs notamment (cf. parties 3 et 5.1. de la thèse).
139
Pour plus de la moitié des psychiatres ayant répondu, l’usage d’un antipsychotique
typique précède l’usage de la clozapine. Cela n’est pas consensuel (Base de données des
médicaments [13], American Psychiatric Association [5]).
73,2% des psychiatres associent des traitements avant l’usage de la clozapine,
correspondant à une pratique tout à fait empirique puisqu’aucune recommandation actuelle ne le
préconise. Il n’a pas été mis en évidence de bénéfice à prescrire un antipsychotique typique ou
deux antipsychotiques avant l’usage de la clozapine (Conley et al. 2005 [43], Patrick et al. 2005
[140]).
Comme décrit dans la littérature, la clozapine est un traitement qui, lorsqu’il est prescrit,
se montre efficace. Nous avons retrouvé une estimation moyenne de son efficacité à 7,7 sur 10,
et une estimation de la satisfaction des patients à 6,32 sur 10. Il a d’ailleurs été mis en évidence
que le taux de patients perdus de vue dans les études, ou encore le taux d’arrêt de traitement était
moindre chez les patients traités par clozapine (cf. partie 4.1. thèse, Meltzer et al. 2003 [122]).
140
4.6. Posologie et mode de prescription.
Concernant la posologie utilisée par les psychiatres, elle semble proche de celle utilisée
dans les autres études françaises (Mercier et al. 2009 [125], Péré et al. 1993 [141], Hiltgen et al.
2006 [68], Bret et al. 1998 [24]). La posologie maximale recommandée, citée par les psychiatres
de notre étude, est en moyenne de 686,3mg/j. Pourtant le laboratoire produisant la clozapine
ainsi que l’Affsaps ont fait mention de posologies pouvant atteindre 900 mg/j (Base de données
des médicaments [13], Novartis 1997 [138]). Cette posologie peut même, dans certains cas, aller
au-delà, dans des cas rares des patients ayant un métabolisme rapide de l’enzyme CYP1A2
(Schulte 2003 [151]).
Les psychiatres ont répondu qu’ils prescrivaient la clozapine à 400 mg/j en moyenne. Ce
chiffre correspond bien aux données actuelles faisant état d’une efficacité à partir d’une
posologie comprise entre 400 et 500 mg/j et du seuil de tolérance (notamment convulsif) situé à
450 mg/j (Schulte 2003 [151], cf. partie 3.5. thèse). Une grande proportion de psychiatres utilise
les dosages plasmatiques de clozapine lorsqu’ils la prescrivent, soit systématiquement (43,7%
des réponses), soit en cas de non réponse au traitement (37,2%), ce qui paraît logique lorsqu’on
connaît les variations interindividuelles dans la pharmacocinétique ainsi que les interactions
médicamenteuses notamment (cf. parties 2.2. et 3.5. thèse).
13,1% des psychiatres prescrivent la clozapine en association avec d’autres psychotropes,
chiffre moindre comparé aux résultats des autres études.
Le risque d’effets secondaires notamment cardiaques est augmenté en cas d’associations
à un autre antipsychotique avec des troubles du rythme cardiaque, en raison des actions
anticholinergiques et adrénolytiques. Il en est de même pour le risque d’agranulocytose en cas
d’association de la clozapine avec un autre médicament à fort potentiel de dépression de la
moelle osseuse (Cf. partie 7 thèse).
141
Les psychiatres ont répondu en majorité que le délai avant d’envisager un changement de
traitement est de 2 à 4 mois, avec 48,6% des réponses (n=89). Une étude de 2003 définit le délai
avant un changement de traitement de 2 à 6 mois (Schulte 2003 [151]). Selon Llorca (Llorca et
al. 2004 [124]) la durée de traitement requise avant de conclure à une absence de réponse à la
clozapine n’est pas univoque, allant de 2 à 4 mois pour Carpenter et al. (Carpenter et al. 2005
[34]) ou jusque 6-9 mois pour Meltzer (Meltzer 1995 [116]).
Les psychiatres ont également recours à d’autres associations à la clozapine pour
potentialiser son effet en cas de résistance à la clozapine seule, selon la persistance de
symptômes positifs ou négatifs. Il n’y a pas de recommandations consensuelles, s’agissant de cas
de résistance majeure aux thérapeutiques. L’association de la clozapine à un autre psychotrope
est cependant décrite par certains experts, en cas de non réponse ou de réponse partielle à la
clozapine, afin de renforcer l’action antipsychotique sur la symptomatologie anxieuse, thymique
ou dépressive du patient (Mercier et al. 2009 [125]). Parmi les possibilités thérapeutiques en cas
de persistance de symptômes positifs ou négatifs, l’ajout d’un antipsychotique atypique est
majoritairement citée dans cette étude. La combinaison avec les ECTs a également été citée.
Concernant l’association à un antipsychotique typique, cette pratique a été plus fréquemment
mentionnée en cas de persistance de symptômes positifs, et un antidépresseur en cas de
prédominance d’une symptomatologie négative (Taylor et al. 2012 [163]).
Rappelons enfin que le switch de la clozapine pour un autre antipsychotique de seconde
génération n’assure pas de meilleure réponse clinique. Malgré le faible nombre de
recommandations univoques, l’association de la clozapine à d’autres psychotropes et notamment
à des antipsychotiques semble une pratique courante comme le montre un grand nombre de cas
cliniques publiés (Mercier et al. 2009 [125]).
L’aripiprazole peut être prescrite par certains psychiatres mais une telle association a été
peu étudiée (Tiihonen et al. 2010 [168], Zocali et al. 2007 [185]), elle reste potentiellement un
choix intéressant au regard de la bonne tolérance de cette molécule et de l’absence d’effet
sédatif.
La lamotrigine est un traitement de choix parmi les anticonvulsivants, restant cependant
en marge des autres thérapeutiques déjà citées (Tiihonen et al. 2010 [168], Zocali et al. 2007
[185]).
142
4.7. Tolérance et effets secondaires.
Dans notre étude, l’inefficacité est citée dans 8,2% des cas justifiant l’arrêt de la
clozapine, largement après l’inobservance citée par 21,9% des psychiatres et l’intolérance citée
par 49,7% des psychiatres. Les deux autres enquêtes observationnelles avaient des pourcentages
d’inefficacité de 8,8% et 6,2% respectivement (Péré et al. 1993 [141], Hiltgen et al. 2006 [68]).
Les réponses concernant les traitements pourvoyeurs de poids sont concordantes avec les
données de la littérature, ne mentionnant pas la clozapine comme étant le plus incriminé.
Le syndrome métabolique est apparu comme étant un des trois problèmes majeurs dans
notre étude, représentant 34% des réponses des personnes sondées. Toujours en comparaison
avec l’étude réalisée au Danemark, cet effet indésirable est cité en premier comme problème
survenant au cours de la prescription de clozapine.
Lors de l’analyse des résultats de cette étude, le mot « contrainte » a été récurrent, qu’il
soit cité dans les problèmes rencontrés lors de la prescription de clozapine, pour justifier son
absence de prescription ou son arrêt. La surveillance de la formule sanguine a posé problème
pour les psychiatres. Dans l’étude danoise, le problème du monitorage de la clozapine est le 2ème
problème cité par les psychiatres, après celui de la prise de poids, alors qu’il n’en est pas un dans
les autres études réalisées (Angermeyer et al. 2001 [6], Taylor et al. 2003 [162]). Si cette
surveillance comporte une contrainte incontestable, elle n’en demeure pas moins un atout dans la
prise en charge du patient au long cours, et peut participer à l’alliance thérapeutique. Cette
surveillance a d’ailleurs été souvent attribuée aux meilleurs résultats des groupes de patients sous
clozapine dans les études comparatives réalisées (Meltzer et al. 2003 [122]).
Les jeunes psychiatres semblent connaître les risques d’agranulocytose d’après nos
résultats, on peut donc dire qu’ils ne surestiment pas l’incidence. Les seniors sont même ceux
qui ont le plus estimé ce risque comme permanent.
Si l’estimation du risque d’agranulocytose a été proche des données actuelles dans la
littérature, le risque hématologique est encore très présent dans l’esprit des psychiatres sondés,
retrouvé à travers la question des problèmes rencontrés au cours de ce traitement et les raisons de
non prescription de la clozapine (concernant 48% des psychiatres sondés).
143
Dans leur pratique quotidienne les psychiatres ne prescrivent pas la clozapine jusqu’aux
posologies maximales recommandées, la moyenne de prescription se situant à 400 mg/j. Une
hypothèse pouvant expliquer ce résultat serait également d’envisager qu’elle n’a pas été prescrite
au-delà de 400 mg/j en raison d’une mauvaise tolérance. Ce résultat s’explique peut être par la
fréquence nettement plus élevée des effets secondaires à partir de 450 mg/j, notamment le risque
convulsif. De plus, les psychiatres ont établi la posologie maximale recommandée en moyenne
autour de 600 mg/j, loin des préconisations de l’Afssaps (base de données des médicaments
[13]).
Dans les essais réalisés la clozapine est apparue comme étant supérieure aux
antipsychotiques de première génération et non inférieure aux antipsychotiques de seconde
génération sur la qualité de vie globale des patients. Notons également qu’il s’agit de patients
schizophrènes résistants aux traitements, dont la qualité de vie est en conséquence
vraisemblablement altérée. L’observance a également été souvent associée aux problèmes
rencontrés sous clozapine. On ne peut pas pour autant en conclure que l’observance
médicamenteuse soit plus médiocre avec la clozapine, s’agissant plus vraisemblablement de la
problématique commune au trouble schizophrénique (et autres maladies chroniques). De plus,
dans une étude, il est question de 39% seulement d’arrêts de traitement par clozapine dans les
études à long terme versus 70% pour les neuroleptiques conventionnels (Wahlbeck et al. 1998
[179]).
Ces derniers éléments doivent donc être considérés lors de la réflexion thérapeutique pour
chaque malade, au-delà du risque hématologique que comporte la clozapine.
Nos résultats ont mis en évidence plusieurs différences dans la prescription des internes et
des seniors. Les internes ont prescrit la clozapine à des posologies en moyenne moins élevées
que les seniors. En revanche il y avait plus d’internes pensant que la posologie maximale
recommandée est au-delà de 500mg/j par rapport aux seniors. Les seniors dans leurs indications
de prescription considèrent plus souvent la clozapine dans le trouble bipolaire que les internes,
l’inverse étant observé pour la prescription de clozapine chez leurs patients déprimés, bien que
cette dernière indication porte sur des nombres très faibles.
144
4.8. Limites de l’étude.
Les psychiatres ayant une pratique extrahospitalière ne sont pas représentés dans cette
étude, et leur pratique serait intéressante à connaître également. Le nombre de psychiatres n’est
pas suffisant pour établir un lien entre le lieu d’exercice (CHU versus CHS), la pratique et
connaissance de la clozapine. Les résultats ne peuvent pas être généralisés en particulier car les
psychiatres ayant une pratique extrahospitalière ne sont quasiment pas représentés dans notre
étude.
Il n’était pas possible à travers nos données d’établir un lien formel entre les réponses
données et le statut ou l’expérience des psychiatres, le nombre de seniors étant trop faible
comparativement à celui des internes.
On peut également souligner que l’expérience de prescription des internes est à
relativiser, chacune de leur prescription étant réalisée selon toute vraisemblance, sous couvert de
l’accord d’un senior psychiatre.
L’intitulé de certaines questions aurait peut-être mérité d’être plus clair, induisant moins
de confusion possible. La question des diagnostics nécessitant la clozapine était biaisée de part la
fréquence des pathologies rencontrées, étant attendu que beaucoup de psychiatres soignent plus
de patients hospitalisés schizophrènes et bipolaires que de patients ayant la maladie de
Parkinson. Il aurait également été intéressant de demander aux psychiatres si la prévalence de
certains symptômes chez les patients schizophrènes (le risque suicidaire et les comportements
agressifs par exemple), orientait leur choix thérapeutique vers la clozapine. On peut penser qu’un
psychiatre ayant à l’esprit un patient schizophrène suicidaire traité par clozapine, a probablement
choisi la réponse « schizophrénie » et non pas « autre » dans laquelle il aurait pu spécifier qu’il
s’agissait du risque suicidaire ayant orienté la prescription de clozapine chez son patient.
L’étude réalisée sous forme d’auto-questionnaire a peut-être induit un biais dans la
mesure où il permettait aux psychiatres de se renseigner sur les questions théoriques, alors que ce
n’était pas l’intérêt de ce travail. Un certain nombre de psychiatres n’ont pas répondu au
questionnaire car ils ne prescrivaient pas la clozapine, y compris les jeunes internes n’ayant pas
encore acquis suffisamment d’expérience dans le domaine.
145
L’usage de la clozapine reste toujours associée au risque hématologique qu’elle
comporte, au risque semble t-il de moins la prescrire, au profit d’association thérapeutiques dont
l’efficacité n’a pas été démontrée. Une réactualisation des connaissances théoriques des
psychiatres pourrait être envisagé afin d’optimiser sa prescription et d’améliorer la prise en
charge des patients.
146
CONCLUSION
La clozapine fut découverte en 1959. Trente plus tard, Kane démontre son efficacité dans
la schizophrénie résistante et sa supériorité par rapport aux autres neuroleptiques. La clozapine
n’a à l’heure actuelle pas trouvé d’équivalent dans cette indication, malgré la découverte des
antipsychotiques atypiques.
Bien qu’elle soit encore modérément prescrite, un certain nombre de données concernant
son utilisation et ses intérêts dans la prise en charge du patient schizophrène ont été publiées
depuis son AMM. L’indication de la clozapine se veut moins restrictive et nous nous sommes
proposé de faire la synthèse des données actuelles.
Nous avons vu que les modalités de traitement sont bien décrites, et que des facteurs
prédictifs de réponse sont connus, mais aussi qu’actuellement la clozapine a plusieurs champs
d’action, avec notamment l’obtention de l’AMM pour la maladie de Parkinson.
L’intérêt de la clozapine va au-delà de la résistance dans la schizophrénie, et les données
actuelles suggèrent un réel bénéfice à prescrire cette molécule dans la prévention du suicide chez
les patients schizophrènes. Encore une fois, il s’agit de la seule molécule ayant démontré une
efficacité dans ce domaine. Elle est recommandée aux Etats Unis dans cette indication.
Un autre champ d’action de la clozapine est son action thymique. Nous avons montré
dans ce travail les effets de la clozapine tant sur les symptômes psychotiques que thymiques dans
les troubles schizoaffectifs (ou schizophrénie dysthymique).
Un troisième champ d’action concerne celui des conduites agressives chez les patients
schizophrènes, où encore une fois la clozapine se distingue des autres molécules. Deux effets
seraient à prendre en compte. D’une part l’efficacité de la clozapine sur les symptômes, alors que
nous savons que leur intensité et leur persistance sont fortement corrélés à la survenue de
comportements violents. D’autre part la clozapine agirait directement sur les conduites
agressives, de par son activité antiagressive intrinsèque, la dimension anti-impulsive renforçant
également son action dans ce domaine.
147
De plus, même si les études concernant les autres pathologies mentales doivent se
poursuivre, nous avons constaté un intérêt à évoquer la clozapine dans la résistance aux autres
thérapeutiques, comme le trouble bipolaire ou les troubles de personnalité, au-delà donc du
diagnostic de schizophrénie.
Enfin, un dernier mais non négligeable argument en faveur de la prescription de
clozapine est sa tolérance. Il a été mis en évidence une meilleure tolérance neurologique, avec la
moindre survenue de manifestations extrapyramidales comparée à celle survenant avec les autres
antipsychotiques. Cet aspect est à prendre en compte quand on sait que dans cette pathologie
chronique
et
invalidante,
l’observance
médicamenteuse
est
primordiale.
Le
risque
d’agranulocytose est quant à lui bien moins alarmant que celui évoqué auparavant, ce risque
étant létal globalement 5 fois plus faible que le risque létal du syndrome malin aux
neuroleptiques, ce dernier étant de surcroît plus faible avec la clozapine.
Nous voyons bien que nous sommes désormais loin de l’indication unique de la
résistance dans la schizophrénie. Le type de patients susceptibles de bénéficier de ce traitement
n’est plus exactement le même que lors de sa redécouverte dans les années 90, même si l’AMM
française a pour le moment peu évolué.
Les résultats de notre enquête sont globalement comparables avec les données de la
littérature, notamment les règles de prescription de la clozapine. Le trouble bipolaire ressort des
autres indications, avant ses indications dans la maladie de Parkinson, mais bien après celle de la
schizophrénie résistante qui fait la quasi unanimité.
Il émerge de nos résultats la notion de contrainte de prescription de la clozapine, en
raison de la surveillance biologique qu’elle impose, mais également pour les effets indésirables
(en dehors du risque hématologique), métabolique notamment. Ces deux aspects semblent être
les deux arguments majeurs freinant la prescription de clozapine.
Nous pouvons conclure de ce travail qu’une information auprès des psychiatres serait
bénéfique sue les indications en cours de validation de la clozapine, bien plus que sur les
modalités de traitement à proprement parler, qui sont déjà bien connues.
148
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162
ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE ENVOYE AUX PSYCHIATRES
QUESTIONNAIRE SUR LA CLOZAPINE
Prescription personnelle de la clozapine
-Donnez le nombre de patients que vous avez suivis traités par clozapine au cours
des 3 derniers mois (en ambulatoire ou en hospitalisation)
0
 de 1 à 10
 de 11 à 20
 plus de 20
-A quand remonte votre dernière prescription de clozapine ?
 Dernier mois
 3 derniers mois
 dernière année
Plus d’un an
 6 derniers mois
jamais prescrit
-Quelle est votre expérience en nombre d’années en psychiatrie générale ?
-Orientation psychiatrique préférentielle
 Psychothérapie analytique
 neurobiologique
- Sur une échelle de 0 à 10, où situez-vous l’efficacité de la clozapine ?
(0=inefficacité ; 10=efficacité totale)
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
 10
-Sur une échelle de 0 à 10, où situez-vous la sûreté de la clozapine ? (0=pas sûre
du tout ; 10=totalement sûre)
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
 10
163
-Quels sont les diagnostics principaux selon les critères du DSM-IV vous ayant
amené à la prescription de clozapine ? (plusieurs réponses possibles)

Schizophrénie

dépression

trouble bipolaire

Autre, préciser
- Quelle est la posologie moyenne de clozapine que vous utilisez par jour chez vos
patients ? (réponse en mg/j)
-Quel est le principal motif pour lequel vous avez arrêté la clozapine chez vos
patients?

Inefficacité

intolérance

inobservance

autre
- Prescrivez vous de préférence
la clozapine seule ou en association
médicamenteuse ?(en dehors de la phase aigüe)

Seule

en association
- Sur une échelle de 0 à 10 où situez-vous globalement la satisfaction des patients
concernant leur traitement par clozapine ? (0=insatisfaction totale ;
10=satisfaction totale)
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
 10
-Par ordre croissant citez les trois problèmes les plus importants rencontrés lors
de votre prescription de clozapine ?
1)
2)
3)
164
La clozapine en théorie
-Selon les recommandations après combien de traitements neuroleptiques la
clozapine doit-elle être envisagée ?
-Quelle est la posologie maximale recommandée ?(En mg/jour)
-Quel est le risque d’agranulocytose sous clozapine ? (par an et par patient)
 Aucun

0 à 1%
 1 à 2%
 5 à 10%
10 à 30%  plus de 30%
- A quelle période ce risque est-il le plus élevé ?
er
 Durant le 1
mois
 du 2
ème
au 3ème mois
ème
du 3
au 6ème
Tout le temps
-Citez parmi les antipsychotiques, les 3 plus pourvoyeurs de prise de poids, en les
classant par ordre croissant ?
1)
2)
3)
Votre prescription de clozapine
-A partir de quand dans votre pratique quotidienne, envisagez-vous un traitement
par clozapine ?
ère
 Jamais
 en 1
intention
ème
intention (après un 1er traitement neuroleptique
ème
intention ou plus (après 2 neuroleptiques ou plus)
 en 2
 en 3
-L’usage d’un antipsychotique typique précède-t-il systématiquement votre
prescription de clozapine ?
 Oui
 non
165
-Utilisez-vous systématiquement une association médicamenteuse de deux
neuroleptiques avant l’usage de clozapine ?
 Oui
 non
- Quelle posologie maximale de clozapine prescrivez-vous ?(en mg/j)
-Quand réalisez-vous un dosage de clozapine ?
 Systématiquement
 En cas de non réponse au traitement
Autre (préciser) :
-Parmi vos patients, y en a-t-il qui présentent des indications à la clozapine et qui
ne seraient pas traités par clozapine ?
 Oui
 Non
-Si oui, pourquoi ?
Conduite en cas d’échec d’un traitement par clozapine à doses maximales
-Une fois la posologie maximale de clozapine atteinte, quel délai vous fixez-vous
avant d’envisager une modification thérapeutique ?
 0 à 2 mois
 2 à 4 mois
 4 à 6 mois
 plus de 6 mois
-A propos de votre stratégie de traitement en cas de non réponse à la clozapine
(après avoir écarté l’hypothèse d’une mauvaise observance)
1) en cas de persistance de symptômes positifs, quel traitement associez-vous ?
 Un antipsychotique atypique
 Un antipsychotique typique
 Un antidépresseur
 ECT
 Remplacement de la clozapine par un autre neuroleptique
 Autre, préciser :
166
2) En cas de persistance de symptômes négatifs ?
 Un antipsychotique atypique
 Un antipsychotique typique
 Un antidépresseur
 ECT
 Remplacement par un autre neuroleptique
 Autre, préciser :
167
168
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